Forum : AG4 – Forum sur la santé Sujet : Comment développer des synergies efficaces et équitables entre les médecines traditionnelles ancestrales et la biomédecine contemporaine ? Membre de l’État-major : Claire Pinto Dos Santos Almeida Position : Facilitateur Introduction Les médecines traditionnelles existent depuis des millénaires et découlent des croyances et des cultures des différents pays dont elles sont originaires. Avant l’apparition de la médecine moderne, seule la médecine naturelle existait, c’est pourquoi chaque pays dans le monde a développé sa propre forme de médecine traditionnelle. Or, en Europe, en Océanie, et en Amérique la médecine moderne a pris le pas sur la médecine traditionnelle, c’est pourquoi celle-ci est bien souvent oubliée ou mise de côté. De nos jours, la médecine traditionnelle qui subsiste et qui est la plus répandue provient bien souvent d’Asie ou d’Afrique. Les pratiques de la médecine traditionnelle sont très diverses, on en dénombre plus de 400 dans le monde. Ceci dépasse donc le simple cadre de la santé, et présente des enjeux socioculturels, religieux, politiques et économiques. En outre, la médecine traditionnelle est en pleine expansion ; en effet, aujourd’hui les termes tels qu’acupuncture, hypnose, ou encore yoga sont connus d’un très grand nombre. Le savoir-faire de la médecine traditionnelle se transmettant de générations en générations, elle est plus ancrée dans les cultures, les habitudes et ainsi plus acceptée par certaines populations. Ces populations sont donc plus réticentes à la médecine moderne qui est très récente. De plus la médecine moderne est bien plus chère et donc moins accessibles aux populations plus pauvres. A l’inverse, dans les pays où la médecine moderne est prépondérante, les populations font de plus en plus appel aux médecines traditionnelles car elles sont parfois déçues par la médecine moderne ; ainsi leur confiance a été érodée par plusieurs scandales sanitaires (sang contaminé, le Médiator, thalidomide (médicaments donné aux femmes enceintes, responsables de malformations fœtales...). De plus, la médecine traditionnelle prend bien souvent en compte le patient dans son ensemble (il le questionne sur son environnement, ses habitudes...) alors que la médecine moderne ne s’occupe que de la pathologie du patient. C’est pourquoi nous sommes amenés à nous interroger sur l’efficacité et la sûreté de ces pratiques, et d’étudier comment nous pourrions faire collaborer ces deux approches médicales afin de mieux répondre aux besoins des populations. 1 Définition des termes clefs Médecines traditionnelles ancestrales : Désigne l’ensemble des pratiques thérapeutiques résultant des croyances ancestrales propres à une culture. On en dénombre plus de 400 , qu’on classe souvent dans la famille des médecines douces ou alternatives, comme par exemple, l’acupuncture, l’ostéopathie, la sophrologie, l’hypnose, la chiropraxie, l’homéopathie, l’hydrothérapie, le jeûne, la phytothérapie, l’aromathérapie… Il existe de nombreuses appellations pour la médecine traditionnelle (MT ou MTR), elle est aussi connue sous le nom de médecine complémentaire, alternative... Biomédecine contemporaine : Désigne la médecine moderne basée sur des connaissances scientifiques, qui résulte d’expérimentations. Elle étudie le fonctionnement du corps humain afin de maintenir en bonne santé la population par la prévention des pathologies mais également par des thérapies adéquates en cas de maladie. Ce type de médecine utilise les nouvelles technologies telles que l’imagerie médicale afin de diagnostiquer les pathologies des patients ; la chirurgie, les antibiotiques, les vaccins, les médicaments… afin de traiter les patients. Elle reste en constante évolution grâce aux avancées scientifiques notamment en biologie et en chimie. La biomédecine contemporaine est également connue sous le nom de médecine moderne ou encore médecine conventionnelle (MC). Praticien ou tradipraticien : Est une personne pratiquant la médecine traditionnelle, un guérisseur par exemple. Un praticien peut à la fois être un personnel de la santé tel qu’un médecin, un infirmier, une sagefemme, un pharmacien, un physiothérapeute ayant reçu un enseignement supérieur sur la médecine traditionnelle. Mais très souvent, ces praticiens n’ont pas reçu de formations académiques reconnues par les autorités de santé. La médecine anthroposophique : Ce fut Ita Wegman et R.Steinar qui créèrent la première clinique anthroposophique en Suisse. La médecine anthroposophique prend en considération la globalité de l’être humain pour faire un pronostic, ils étudient les causes physiques, psychiques et personnelles qui ont pu déclencher la maladie. Les médicaments anthroposophiques sont fabriqués à base de plantes (en grande partie de type homéopathique), qui stimulent les forces d’auto-guérison de l’organisme. 2 Aperçu général De nos jours, il existe deux systèmes de santé distincts: la médecine traditionnelle ancestrale et la biomédecine contemporaine. La médecine traditionnelle est exercée dans de nombreux pays mais elle ne fait pas toujours partie intégrante des systèmes de santé reconnus par l’Etat. Cependant, la médecine traditionnelle constitue une partie importante du service médical mondial, puisque 40 à 60% de la population mondiale y a recours ; de plus, la demande des services dans ce domaine est en pleine progression. Celle-ci a par ailleurs un rôle économique important dans de nombreux pays. La place de la médecine traditionnelle dans le monde La médecine traditionnelle fait partie de l’héritage culturel de chaque société. En effet, elle est le résultat de siècles d’expérimentations et de croyances populaires. Elle a, donc évoluée en même temps que les cultures et les modes de vie. Néanmoins, la médecine traditionnelle est bien souvent discréditée car elle ne repose sur aucune base scientifique comme c ‘est le cas pour la médecine moderne. Dans certaines régions du monde elle constitue le mode principal de prestation de soins de santé. Ces pays sont habituellement ceux où la médecine basée sur la science n’est pas bien développée, donc inaccessible et généralement plus chère. C’est le cas des pays en développement où 60 à 90% des habitants ont recours à la médecine traditionnelle pour des soins de santé primaire. Dans les pays africains par exemple, 80% des habitants ont reconnu en 2002 y avoir eu recours au moins une fois. C’est le cas également dans les pays asiatiques où la médecine traditionnelle constitue le moyen le plus répandu pour se soigner. Au contraire, dans les pays occidentaux ces pratiques sont négligées au profit de la biomédecine contemporaine. Il existe également des pays où le système de santé conventionnel est relativement établi, cependant pour des raisons historiques et culturelles, la population préfère se tourner vers la médecine traditionnelle. C’est le cas pour Singapour et la République de Corée où respectivement 76% et 86% recourent encore couramment à la médecine traditionnelle. Au contraire dans les pays développés elle ne constitue qu’un complément à la biomédecine contemporaine comme c’est le cas par exemple en Amérique du Nord et dans une grande partie de l’Europe, (où le système de santé est en général très avancé). La médecine traditionnelle manque alors d’encadrement et de réglementation. 3 Finalement dans des pays tels que la Chine, la République de Corée, le Japon ou encore le Vietnam, la médecine traditionnelle est intégrée dans le système de soin et possède les mêmes réglementations que la biomédecine contemporaine. D’après une enquête réalisée en Chine, le nombre de consultations médicales en médecine traditionnelle chinoise était de 907 millions en 2002, ce qui représente 18% de l’ensemble des consultations médicales dans l’ensemble des établissements interrogés. De plus, 90% des hôpitaux généraux comportent un département de médecine traditionnelle, tant pour les patients traités en ambulatoire que pour ceux hospitalisées, signe que la médecine traditionnelle est parfaitement intégrée dans le système de santé chinois. En outre, nous pouvons généraliser ce phénomène dans de nombreux pays car en 2007, 62 pays avaient des instituts de médecine traditionnelle, contre 12 en 1970. Figure 1. Différents modes d’utilisation de la médecine traditionnelle par la population dans différents pays en pourcentage, selon Einsenberg DM, 1998, Fisher P&Ward A, 1994 ; Health Canada, 2001 ; l’Organisation mondiale de la santé, 1999, et les rapports de gouvernements soumis à l’OMS Les populations de nombreux pays en voie de développement ont recours à la médecine traditionnelle pour satisfaire leurs besoins en matière de soins de santé tandis que les populations de nombreux pays développés ont eu recours au moins une fois à la médicine dite complémentaire qui désignent ces médecines non conventionnelles. L'essor de la médecine traditionnelle et son impact économique La médecine traditionnelle se propage à travers le monde par la diffusion de pratiques ancestrales venues de pays étrangers, par exemple, d’après les rapports de 129 pays, 80% d’entre eux reconnaissent désormais l’utilisation de l’acupuncture (pratique venue de Chine). Les praticiens de cette technique médicale se multiplient dans les pays développés. Plus de 4 100 000 millions d’Européens recourent actuellement à la médecine traditionnelle. De plus, certaines pratiques nécessitent certains soins (traitements à base de plantes pour la phytothérapie) ou ustensiles (aiguilles pour l’acupuncture). Dans le cadre de la phytothérapie, certains médicaments à base de plantes doivent être importés. En effet, ceux-ci sont souvent fabriqués dans un pays autre que celui où ils sont vendus. Par exemple la production de matériel médical chinoise se montait à US$ 83,1 milliards en 2012, soit une hausse de 20% par rapport à l’année précédente. Aux Etats-Unis, les dépenses directes des ménages consacrées à des produits naturels se sont chiffrées à US$ 14,8 milliards en 2008. Bio piraterie La médecine traditionnelle fait l’objet de nombreuses recherches, notamment sur les plantes médicinales dans le but d’évaluer leur efficacité biologique. Nous pouvons citer le programme de l’association d’AVERTAM, à Madagascar, qui, grâce à des outils biomédicaux, veut valoriser les connaissances phyto thérapeutiques des individus ou des tradipraticiens. Cette association aspirait par ce biais à valider scientifiquement des connaissances vernaculaires (indigènes) spécifiques (c’est ce que l’on appelle l’ethnopharmacologie). Cette science fait appel à de nombreuses disciplines comme l’anthropologie, la botanique, la pharmacologie, l’écologie… En outre, d’un point de vue économique, la biomédecine, s’intéressent à la médecine traditionnelle pour la recherche de nouvelles molécules, de nouveaux médicaments commercialisables dans les pays du Nord. Nous pouvons ainsi nous poser la question de l’appropriation des connaissances traditionnelles, c’est-à-dire ce que l’on appelle la bio piraterie. Pat Mooney propose une définition de la bio piraterie : « l’utilisation des systèmes de propriété intellectuelle pour légitimer la propriété et le contrôle exclusif des connaissances et des ressources biologiques sans reconnaître, récompenser ou protéger les contributions des communautés indigènes et paysannes. » Il est donc nécessaire d’établir des règlementations efficaces pour garantir la reconnaissance et la protection des droits de propriété intellectuelle. En fait, des lois existent déjà, toutefois, ces réglementations ne peuvent pas s’appliquer facilement pour protéger le savoir traditionnel d’un détournement ou de l’octroi de brevets. Des organisations telles que l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, ou encore l’Office des Patentes des Etats-Unis ou de l’Union européenne, sont chargées de vérifier que les populations premières soient justement compensées. Ainsi, la pression des grandes compagnies pour « harmoniser » les systèmes de brevets permet aux chercheurs indépendants ou aux compagnies de breveter une molécule ou une plante. Dans les pays du sud, en Amérique latine, en Afrique et en Asie, les compagnies pharmaceutiques financent des recherches sur les plantes et minéraux utilisés dans la médecine traditionnelle par les autochtones. Même s’ils sont soumis à des contrôles des comités d’éthique et de recherche, ils n’ont toutefois, pas l’obligation de partager les brevets avec les populations autochtones ni de leur faire bénéficier de leurs découvertes pharmaceutiques. Il leur sera seulement peut-être proposé un brevet en échange de paiement. Nous sommes donc confrontés non seulement au problème d’appropriation du savoir de ces populations, mais également, à leur inaccessibilité face aux avancées pharmaceutiques 5 auxquelles ils ont contribué. Le principe de responsabilité des chercheurs et des compagnies pharmaceutiques sont alors également mis en cause. Par ailleurs, le système de brevet est méconnu et incompris par la plupart des cultures autochtones. En effet, ceux-ci, perçoivent la terre et ses produits comme faisant partie de la vie, et elles ne peuvent par conséquent appartenir à un individu. D’autre part, ces populations sont souvent fortement touchées par la pauvreté et sont prêtes à accepter de l’argent que les compagnies proposent en échange d’un brevet. Ils méconnaissent les lois nationales qui protègent leur savoir. En Inde, l’exemple du neem ou margousier, illustre ce risque. En effet, les propriétés de cette plante étaient connues depuis près de 2000 ans en Inde, mais elle a fait l’objet d’un dépôt de brevet auprès de l’Office européen des brevets. Le procès dura cinq ans, et finalement, les droits de brevet ont été révoqués sur la base de connaissances antérieures en Inde. D’autre part, l’exploitation industrielle de certaines plantes pourrait mener à la disparition des ressources indispensables aux soins de santé de ces populations et à la détérioration de leur environnement. Les risques liés à l'expansion de la médecine traditionnelle L’expansion de la médecine traditionnelle comporte des risques sanitaires : le marché des produits de la médecine traditionnelle s’étant internationalisé il s’avère difficile de contrôler leur innocuité et leur qualité, il peut donc il y avoir en circulation libre des produits de mauvaise qualité, falsifiés ou contrefaits, entrainant des effets secondaires ou des interactions thérapeutiques indésirables. Finalement, la plupart des praticiens n’ont aucune formation académique en soins de santé primaires. C’est le cas dans la région africaine où le savoir des praticiens de la médecine traditionnelle se transmet oralement entre tradipraticiens depuis des générations. En outre, d’après une enquête réalisée par l’OMS seuls 39 pays proposent des programmes d’enseignement de haut niveau pour la médecine traditionnelle, notamment des diplômes de premier cycle, des masters ou des doctorats à l’université. De plus, la libre circulation des personnes à travers les pays, notamment des praticiens rend urgent une réglementation internationale de leurs pratiques afin de les homogénéiser en vue de la sécurité des patients. Figure 2. Le pourcentage des pays appliquant ou non une réglementation aux praticiens de la MT/MC 6 Il est donc impératif de trouver des solutions afin de permettre aux populations d’avoir facilement accès à ces soins et en toute sécurité. Pour cela il faudra établir une base de données des différentes connaissances et pratiques afin d’aboutir à une réglementation commune pour harmoniser les médecines traditionnelles dans le monde. Il doit également être mis en place un système d’intégration de la médecine traditionnelle qui permettra aux deux systèmes d’œuvrer efficacement côte à côte. Pays et organisations concernées ASIE ET PACIFIQUE En Asie la MT a atteint un degré très élevé de reconnaissance ; certains pays disposent d’un système de santé qui combine les deux médecines, tels que : Corée du sud : La MT est proposée dans les hôpitaux et cliniques publics et privés ; les soins sont remboursés par l’assurance médicale (depuis 1987). Vietnam : Les praticiens de MT sont autorisés à exercer dans tous les hôpitaux et cliniques (publics ou privés) et l’assurance-maladie couvre intégralement les traitements MT, l’acupuncture et les médicaments à base de plantes. Chine : Ici, la MT et la MC coexistent, se pratiquent et se développent côte à côte à tous les niveaux du système de soins de santé. La médecine traditionnelle chinoise a été intégrée au système national de santé. L’enseignement de la médecine intègre, en Chine, la formation aussi bien en MT qu’en médecine moderne. Dans 90% des hôpitaux généraux existe un département de MT pour tous les patients. Les établissements médicaux de MT sont soumis à la même législation nationale que les établissements médicaux conventionnels. L’État et l’assurance privée remboursent intégralement la MT. Les patients sont libres de choisir la médecine qu’ils souhaitent pour bénéficier des soins de santé. Selon l’OMS, en Chine, la production totale de médicaments à base de plantes représentait 17,57 milliards de yuan chinois (US$ 2,3 milliards) en 1995 ce qui représentait 33,1 % du marché des médicaments. Japon : 7 La MT bénéficie du soutien du système de santé du pays ; en effet, la médecine traditionnelle est proposée dans les hôpitaux qui assurent ainsi les soins secondaires et les soins tertiaires et plus de 140 médicaments à base de plantes sont remboursés par l’assurance santé. On peut donc dire que la médecine traditionnelle est relativement bien intégrée dans ce pays. Australie : La MT était négligée par le gouvernement australien, elle jouait donc un rôle moindre au sein des systèmes nationaux de prestations de soins, néanmoins depuis le 1er juillet 2012, l’enregistrement des praticiens de la médecine traditionnelle chinoise à base de plantes, des acupuncteurs, et les vendeurs de médicaments chinois, a commencé à l’échelle nationale. La réglementation de cette pratique a été décidée au sein du conseil des gouvernements australiens. Cette réglementation répond à une forte demande des australiens vis-à-vis de la médecine traditionnelle ; en effet d’après une étude de l’OMS qui date de 2003, 41% de la population australienne a recours à la médecine traditionnelle Nouvelle-Zélande : La médecine traditionnelle est peu reconnue dans le système de santé national à part pour les maoris, dont la médecine ancestrale a été reconnue et réglementée par le gouvernement en 1999. De plus, la Nouvelle-Zélande est un grand exportateur de produits de santé à base de plantes : en 2007 ce secteur d’activité représentait NZ $760 millions (chiffre qui a doublé depuis 2004). Inde : En Inde la forme de MT la plus pratiquée et reconnue est la médecine ayurvéda (sciences de la vie), dont les traitements visent à rétablir l’équilibre entre le corps, l’esprit et la conscience du patient. Pour cela on utilise des traitements purificatoires e des traitements apaisants qui sont complétés par le yoga, la méditation, la prière et les incantations. Cette médecine dispose de centres de recherches et est enseignée dans près de 400 établissements d’enseignement supérieur. Elle est pratiquée dans environ 3000 hôpitaux et 20000 dispensaires. Le gouvernement de l’Inde (2003) a créé un département chargé de réfléchir au développement de programmes d’éducation et recherche, ainsi qu’au contrôle de la qualité des médicaments traditionnels et réfléchit au niveau international à une forme de protection du savoir vis-à-vis de ses médecines qui font partie de son patrimoine culturel. AFRIQUE: Dans ce continent la MT est prédominante (1 guérisseur pour 500 habitants ; 1 médecin pour 40 000 habitants). Cela s’explique par la difficulté d’accès à d’autres types de traitements (souvent plus chers) et par l’importance des traditions culturelles. Maroc : 8 La médecine traditionnelle marocaine résulte de la fusion de la tradition locale, du savoir médical arabo-islamique et d’influences diverses (berbères, andalouses, africaines, hébraïques, occidentales). Ici, les difficultés liées à la mise en place d’un système de santé pour tous, amène les populations à se soigner chez des guérisseurs traditionnels. Cette pratique est très répandue au Maroc. Elle n’est pas, pourtant, associée au système public de santé. Mali : La médecine traditionnelle fait partie intégrante du vécu quotidien des maliens. Pour les autorités, la médecine traditionnelle est un élément de leur patrimoine culturel et l’exploitation judicieuse de leurs ressources doit contribuer à l’amélioration de l’état de santé des populations et au développement économique et social de ce pays. Au Mali, il existe sept médicaments traditionnels améliorés (MTA) vendus aujourd’hui en pharmacie. Sénégal : La médecine traditionnelle africaine est, pour les autorités du pays, perçue comme un «dernier recours», quand le parcours des patients à travers la médecine moderne ne répond pas à leurs attentes. En effet, le statut de guérisseur n’est pas reconnu par les autorités. Le Sénégal se contente de tolérer la pratique de la médecine traditionnelle : le processus d’homologation des plantes, par exemple, est long et compliqué. La population, quant à elle, continue d’y avoir recours. AMÉRIQUE LATINE ET CARAÏBES Les pratiques médicales traditionnelles dans cette région du monde sont très diverses. En effet, la MT est influencée par une multitude de pratiques liées aussi bien aux croyances et pratiques des nombreux groupes autochtones qu’aux savoirs traditionnels de millions de migrants venant de toutes les régions du monde. En Amérique latine et Caraïbes, la pauvreté, la distance géographique, l’isolement social, les obstacles linguistiques et les différences culturelles sont autant de difficultés à l’accès aux soins médicaux (MC) pour la majorité des populations locales. Néanmoins dans ces pays, la médecine moderne est considérée comme la norme de soins. Les réseaux publics de soins se développent et la majorité des populations locales utilisent de plus en plus les traitements modernes (MC), tout en restant fidèles à leur médecine traditionnelle (souvent la plus accessible). Certains pays, dans le cadre de l’OMS, évoluent dans la reconnaissance et réglementation de la MT. Ainsi, par exemple, la réglementation et l’enregistrement des médicaments à base de plantes, ont été mise en œuvre en Bolivie, au Chili, au Costa Rica, en Équateur, au Honduras, au Guatemala, au Mexique, au Pérou et au Venezuela. 9 Mexique : La médecine traditionnelle au Mexique bien que très fréquemment utilisée par les populations pauvres, qui n’ont pas les moyens de se soigner par la médecine conventionnelle, elle n’est que tolérée par le gouvernement mexicain et est très peu réglementée. La loi générale de santé (article 79) ne reconnaît que la pratique des professionnels médicaux conventionnels, exceptée la pratique des accoucheuses (parteras) de la médecine traditionnelle, expérimentées et reconnues par un médecin conventionnel. Cependant, des autorisations d’exercice sont octroyées sporadiquement et très rarement aux thérapeutes traditionnels. EUROPE Union Européenne : La médecine moderne est le fondement des systèmes de santé en Europe et en Amérique du Nord. Cependant, les traitements traditionnels et alternatifs suscitent un intérêt croissant auprès de ces populations. Cette apparition remarquée, depuis les années 1990, dans les pays européens a obligé les gouvernements à réglementer pour assurer la sûreté, la qualité et l’efficacité, notamment des médicaments à base de plantes (Directive THMPD, adoptée en 2004, par l’UE). Cependant, le coût élevé de l’enregistrement, les critères sévères d’éligibilité et l’ensemble des procédures techniques que cette directive impose, découragent les tradipraticiens : le nombre de phyto médicaments, autorisés sur le marché, a largement baissé. De même, comme les directives en UE sont laissées à l’appréciation de chaque pays membre, son application diffère donc, d’un pays à l’autre. Certains pays (Hongrie, Israël, Norvège, Belgique, la Fédération de Russie ou la Turquie) ont pris des mesures d’intégration des pratiques traditionnelles, en établissant des règles sur la formation des praticiens, les conditions et modes d’utilisation, ainsi que délimitant le champ autorisé de leur pratique. Irlande et Royaume-Uni : Les thérapeutes de la médecine traditionnelles peuvent pratiquer librement à condition de ne pas se présenter en tant que docteurs en médecine à leur patient. France : En France, selon divers rapports gouvernementaux et non gouvernementaux étudiés par l’OMS le pourcentage de la population ayant recours à la médecine qualifiée ici de « complémentaire ou parallèle » est de 49% (statistiques 2003). Cependant, en France la pratique de la médecine traditionnelle est illégale pour des personnes non formées et non accréditées par les organismes publics, il n’y a aucune réglementation concernant ce type de médecine. En effet, d’après l’article L4161_1 du code de santé, seul un docteur diplômé en médecine reconnu par l’Etat peut exercer en se présentant comme 10 thérapeute. Néanmoins, la demande croissante venant des patients a entrainé certaines tolérances, l’acupuncture est ainsi reconnue par l’Académie de médecine depuis 1950 mais ne peut être pratiquée que par des docteurs en médecine. En outre, l’acupuncture ou l’homéopathie sont remboursés tout deux par la Sécurité sociale. L’homéopathie est remboursée à la hauteur de 70% par la sécurité sociale et le reste, par les mutuelles, en revanche, les médicaments homéopathiques sont remboursés seulement à la hauteur de 30% Il existe plusieurs diplômes universitaires en France pour cette discipline, reconnue par le Conseil National de l’Ordre des Médecins depuis 1997. Il existe également pour l’ostéopathie des formations encadrées par le Ministère de la santé depuis 2002, et le diplôme universitaire reconnue par l’Ordre des Médecins depuis 1996. Cependant, ces diplômes ne signifient pas que l’innocuité et l’efficacité de ses techniques sont prouvées, la plupart des pratiques non conventionnelles ne sont pas aujourd’hui validées, ni standardisées, ni encadrées. D’autre part, certains hôpitaux accueillent des médecins qui pratiquent la médecine traditionnelle pour être plus polyvalents et donner le choix à leurs patients. Suisse : En Suisse, le taux moyen d’utilisation de la MT était de 49% après 1990 (OMS). Les autorités suisses ont mis en place un Programme d’évaluation des Médecines complémentaires. Certains traitements et pratiques sont actuellement remboursés par l’assurance obligatoire des soins de santé, c’est le cas pour la médecine anthroposophique, l’homéopathie, la thérapie neurale, la phytothérapie et la médecine traditionnelle chinoise à partir du 1er janvier jusqu’à la fin de 2017, selon l’article constitutionnel paru le 12 janvier 2011 par l’Office fédéral de la santé publique de Suisse. AMÉRIQUE DU NORD Aux États Unis d’Amérique et au Canada, la médecine moderne est le pilier institutionnel des soins de santé. Pourtant, la médecine traditionnelle, pour des raisons historiques, a aussi sa place. En effet, les pratiques traditionnelles font partie intégrante de la culture et de la vie des populations d’origine (Indiens américains, Premières Nations, Inuits et communautés Métis). Les médecines traditionnelles nord-américaines se basent sur un patrimoine médical ancestral et sont protégées par chaque communauté. Canada Selon divers rapports gouvernementaux et non gouvernementaux étudiés par l’OMS le pourcentage de la population ayant recours à la médecine qualifiée ici de « complémentaire ou parallèle » est de 70% au Canada (statistiques 2003). C’est pourquoi la législation garantit le droit d’accès des communautés autochtones à la 11 MT, mais aussi l’accès à la médecine moderne pour tous ceux qui en ont besoin ou qui le souhaitent. Ici, Les remèdes à base de plantes sont réglementés comme médicaments et doivent donc se conformer à l'étiquetage et aux autres conditions définies dans la Loi sur les aliments et drogues. Etats-Unis : Aux Etats-Unis, la pratique de la MT est légale depuis 1978 : la loi sur la liberté de religion des Indiens leur donne le droit d’exercer leur religion ainsi que les pratiques médicales qui y sont liées. Actuellement, plusieurs écoles de médecine offrent une formation à la MT. De même, l'utilisation de médicaments à base de plantes aux Etats-Unis est moins répandue que dans la majorité des pays développés. La Food and Drug Administration (FDA) contrôle l’importation des médicaments à base de plantes, ainsi pour qu’ils puissent être acceptés il faut qu’ils suivent les mêmes procédures que celles requises pour un médicament chimique. La distribution de médicaments à base de plantes se fait surtout par les magasins de produits biologiques, qui ne sont fréquentés que par une petite partie de la population. Les pharmaciens, quant à eux, sont généralement mal informés sur les plantes médicinales. Développements récents Le parlement européen a adopté une résolution sur le statut des médecines non conventionnelles le 27 février 1997. Cette résolution défend : le pluralisme médical, c’est-à-dire que le patient doit pouvoir choisir la thérapie qu’il souhaite et la liberté pour les thérapeutes d’exercer légalement leur profession ; le développement d’une formation des praticiens sous forme de diplôme, pour assurer la qualité des soins prodigués ; la légalisation et l’harmonisation du statut des praticiens (avec code de conduite et registre) ; l’intégration des soins dans le système de sécurité sociale pour une prise en charge des soins lorsque son efficacité est avérée ; l’intégration de façon raisonnable les remèdes de la médecine non conventionnelle dans la pharmacopée européenne, afin d’aller au bout du processus de reconnaissance et d’intégration des médecines traditionnelles dans les systèmes de santé. La déclaration de Beijing le 8 novembre 2008 sur la médecine traditionnelle qui a été adoptée par le congrès de l’OMS, appelle les Etats Membres à promulguer la connaissance, les traitements et les pratiques de la médecine traditionnelle , à créer des réglementations afin d’intégrer la médecine traditionnelle dans le système de santé , à favoriser la recherche sur la 12 médecine traditionnelle pour la développer , à favoriser le dialogue entre médecins et tradipraticiens et, enfin, à accorder le droit aux praticiens d’exercer grâce à des systèmes d’accréditation, ou de qualification. Le protocole de Nagoya a été adopté le 29 octobre 2010 et fut mis en vigueur le 12 octobre 2014, il compte 92 signataires. Ce protocole offre la possibilité à toutes les parties prenantes de développer une coopération équitable, il contient des dispositions sur l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles, et des partages justes et équitables des avantages en découlant. Le 12 janvier 2011, l’Office fédéral de la santé publique OFSP de Suisse a publié un nouvel article constitutionnel sur la médecine traditionnelle et complémentaire qui déclare que la médecine anthroposophique, l’homéopathie, la thérapie neurale, la phytothérapie et la médecine traditionnelle chinoise seront remboursées par l’assurance obligatoire des soins à partir du 1er janvier jusqu’à la fin de 2017. Suite à la soixante-septième Assemblée mondiale de la santé qui s’est tenue à Genève du 19 au 24 mai 2014, l’assemblée de la santé a approuvée La Stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle pour 2014-2023 ». Implication de l’ONU L’OMS (Organisation mondiale de la santé) a publié la « Stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle pour 2014-2023 », ce document présente dans son ensemble l’étendue de la portée de la médecine traditionnelle, et propose des solutions pour l’intégrer dans les systèmes de santés des nombreux pays où elle est présente. Ce document est donc une base de travail pour les politiques des Etats Membres à ce sujet. Solutions possibles La demande croissante du public par rapport à la médecine traditionnelle a conduit la communauté scientifique et l’OMS à s’impliquer de plus en plus dans cette problématique mondiale. Ainsi, de nombreuses solutions sont possibles pour permettre l’intégration de la médecine traditionnelle dans les différents systèmes de santé des Etats Membres : collaboration des Etats avec l’OMS pour aboutir à des législations 13 élaboration d’une base de donnée sur les différents savoirs, pratiques, traitements des médecines traditionnelles, pour - par la suite - mieux contrôler les praticiens ; réalisation d’une enquête afin de déterminer quelles sont les formes de médecine traditionnelle utilisées, les raisons qui poussent les utilisateurs à favoriser ces types de soins. En définitive, les pays doivent construire leur propre profil national en matière de médecine traditionnelle. Cette base de données leur permettra de mieux cibler les attentes des populations ; répertorier, étudier et transmettre le savoir médical et pharmacologique des anciennes cultures ; proposer des formations pour les praticiens (afin de mieux réglementer leurs pratiques) et reconnaître les formations de praticiens venus de pays étrangers ; créer des organisations qui s’assurent du respect des contrats entre les compagnies pharmaceutiques et les populations autochtones ; réaliser des campagnes d’informations pour permettre aux autochtones d’avoir connaissance de leurs droits ; favoriser l’échange entre les médecins et les praticiens ; intégrer la médecine traditionnelle aux systèmes nationaux de santé grâce à une couverture par l’assurance santé de l’Etat ; optimisation et mise à jour des compétences des tradipraticiens dans les pays en voie de développement ; réglementation et enregistrement des médicaments à base de plantes. Suivi d’une surveillance de l’innocuité des médicaments à base de plantes. Cependant, certains pays membres peuvent être réticents face à ces résolutions puisque la médecine traditionnelle ne repose sur aucune base scientifique contrairement à la médecine moderne qui leur apparaît comme plus fiable et plus sûre. Cependant, ils doivent veiller à la non-discrimination des MT. De même, la défense de la tradition et de l’identité culturelle est un droit qui ne doit pas exclure le droit à des soins de qualité quelle que soit la médecine à laquelle on s’adresse. Il s’agit de défendre la complémentarité des deux approches, dans le respect total des patients qui doivent être au centre des préoccupations des délégués. 14 Bibliographie et Sitographie Définition de la médecine anthropologique : http://www.weleda.fr/le-laboratoire/histoire/anthroposophie http://www.passeportsante.net/fr/Therapies/Guide/Fiche.aspx?doc=medecine_anthroposophiq ue_th Graphique numéro 1 : http://apps.who.int/medicinedocs/fr/d/Js2294f/ Graphique numéro 2 : http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/95009/1/9789242506099_fre.pdf Lien pour plus d’informations sur le Mali : http://maliactu.net/medecine-traditionnelle-uneefficacite-a-ameliorer/#sthash.8wciFXc4.dpuf Lien pour plus d’informations sur la médecine traditionnelle en Afrique : http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_5/b_fdi_2325/30344.pdf Le cas de Madagascar : http://www.academia.edu/11670731/Les_médecines_traditionnelles_entre_politiques_locales _et_décisions_internationales_le_cas_de_Madagascar_-_Revue_Sociologie_Santé_n_36__2012 Lien pour plus d’informations sur la situation en Amérique latine : http://apps.who.int/medicinedocs/pdf/s2298f/s2298f.pdf Le cas de la Suisse (lien vers l’Office fédéral de la santé publique) : http://www.bag.admin.ch/aktuell/00718/01220/index.html?lang=fr&msg-id=37173 Le cas de l’Amérique latine : http://www.scielo.org.mx/scielo.php?pid=S003636342001000100006&script=sci_arttext Le cas de l’Afrique, Janvier 2006 http://www.un.org/africarenewal/fr/magazine/january2006/l’action-des-guérisseurs-traditionnels Liste des différentes médecines traditionnelles : http://medecine.douce.over-blog.com/articleliste-des-medecines-douces-de-a-a-z-77671403.html Stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle de 2014-2023 : http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/95009/1/9789242506099_fre.pdf Organisation mondiale de la santé- Stratégie de la région du Pacifique Occidental : http://www2.wpro.who.int/internet/resources.ashx/RCM/RC52-07_fr.pdf 15 Déclaration du congrès de l’OMS à Beijing, le 8 novembre 2008 : http://www.who.int/medicines/areas/traditional/TRM_BeijingDeclarationFR.pdf Rapport du Parlement Européen sur le statut des médecines non-conventionnelles : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+REPORT+A4-19970075+0+DOC+XML+V0//FR UNESCO, Comité de bioéthique, 2010 http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001895/189592f.pdf http://unesdoc.unesco.org/images/0021/002174/217457f.pdf OMS (Organisation Mondiale de la Santé) Rapport de 2002 : http://apps.who.int/medicinedocs/pdf/s2298f/s2298f.pdf Rapport du Secrétariat, le 31 mars 2003 : http://apps.who.int/gb/archive/pdf_files/WHA56/fa5618.pdf Rapport de 2005 (enquête mondiale) : http://apps.who.int/medicinedocs/pdf/s7916e/s7916e.pdf Rapport de 2006 (sur les médicaments essentiels) : http://www.who.int/medicines/publications/WHO_pharma_annual_report_Fr.pdf Le protocole de Nagoya : https://www.cbd.int/abs/doc/protocol/nagoya-protocol-fr.pdf https://www.cbd.int/doc/press/2012/pr-2012-02-03-abs-fr.pdf Comité international de bioéthique (CIB), avant-projet de rapport, de 2010 : http://unesdoc.unesco.org/images/0018/001895/189592f.pdf Compte-rendu de l’ONU : http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=23894#.VgfxzByEU9k OMC (Organisation Mondiale du Commerce), sur la propriété intellectuelle https://www.wto.org/french/tratop_f/trips_f/trilatweb_f/ch2d_trilat_web_13_f.htm Pour plus d’information : http://www.franceculture.fr/emission-science-publique-les-medecines-alternatives-sont-ellesefficaces-2015-01-02 http://www.inserm.fr/actualites/rubriques/actualites-societe/medecines-alternatives-ce-qu-endit-la-science http://archives.science-et-vie.com/# http://www.wma.net/fr/20activities/20humanrights/10health/ http://www.scidev.net/afrique-sub-saharienne/maladie/article-de-fond/place-de-la-m-decinetraditionnelle-dans-le-syst-me-de-sant-faits-et-chiffres.html 16