3.
L’Eclatement
Le mur magique chute, le mur improbable tombe comme l’a voulu Patrick Süskind,
mettant Troisième Pupitre en contact direct avec les spectateurs.
La pratique du jeu au public, détestable lorsqu‘elle cherche l’effet facile, introduit ici un
troisième interlocuteur dans le monologue : le spectateur assis dans l’ombre, qu’il convient
de rallier et même d’agresser.
Une attitude qui ouvre à un jeu encore plus direct et beaucoup plus riche en nuances
qu’une interprétation à la cantonade. Avantage souligné par des « Hein ! » ou des
« Hein ? », aussi mordant qu’inattendus, afin de nouer plus intuitivement la salle à la scène.
4. Le Platonisme
Le tuttiste ne veut pas vraiment rejoindre la mezzo-soprano !
Il aime trop la joie masochiste d’un amour inapprochable.
Les coulisses d’un théâtre ne sont pas si vastes qu‘elles séparent à jamais les musiciens
des chanteurs, mais Troisième Pupitre préfère réinventer la passion éthérée de l’amour
courtois, jouer les Pétrarque avec Laure et continuer d’en parler avec seulement la
gourmandise d’un gamin derrière la vitrine du pâtissier.
Là, il est à l’aise pour discourir d’amour, se lamenter, se présenter comme le plus
malheureux des hommes, en rêvant malgré tout de rencontres sexuelles.
Quand l’envie le prend, Sa Contrebasse lui suffit, avec elle il fait l’amour jusqu’à l’orgasme.
5. L’Endossement
Dans la deuxième partie du spectacle, Troisième Pupitre quitte sa robe de chambre
et par étapes revêt les affûtiaux du frac, dans lequel il va jouer l’Or du Rhin.
Revêtir son costume de travail le pousse à évoquer de plus en plus le métier de musicien
et sa situation dans l’Orchestre National.
Il arrive à des confidences où il s’apitoie discrètement sur lui-même, nous aidant à
compléter sa stature d’homme blessé, d’homme en devenir, d’un homme resté trop
immature pour son temps.
En Allemagne, le public rit beaucoup, à beaucoup de germanisme d’ailleurs.
Nous n’avons pas tenté le comique, la caricature, notre tuttiste est un humain
quoiqu’excessif, un amateur avant d’être amant, un velléitaire indéterminé, mais avec
surtout un immense besoin de se dire.
Pour cela, il se battra durant 80 minutes, espérant garder son public jusqu’au moment où,
impeccable dans son habit, il charge sur son dos une contrebasse blottie dans sa housse,
escargot écrasé par sa propre coquille, la coquille de son ultime enfermement.
Troisième Pupitre criera t-il « Sarah » pendant la représentation de l’Or du Rhin, nul ne le
sait. Son espoir majeur serait tout simplement de vous retrouver demain, assis dans le
même fauteuil, à l’écouter !
« La musique, plus on s’y connaît,
moins on est capable d’en dire quelque chose de valable »