Il y a quelque part, sans doute en Bavière, une chambre insonorisée, équipée d’une porte
capitonnée, complétée d’une fenêtre à joints étanches.
Et dans ce volume d’un rare silence, se découvrent des harmoniques, quelques cannettes
de bière, certains éclats de rire, des flageolets, le musicien d’un orchestre national, une
truite de Schubert, des éclats couronnés d’une espièglerie active, la récidive d’un
appel redondant : « Sarah ! ! ! ».
Les périls d’une navigation sur quelques notes de musique se mêlent à la tournante d’un
viol à un seul protagoniste ainsi qu’à une jubilante gourmandise d’idées folles...
… et au carrefour géographique de cette redoutable conspiration se découvre…
La toute belle,
La grosse et laide,
L’indispensable,
La faiseuse de bruit,
L’amante,
L’empêcheuse de tourner en rond,
en un mot :
LA… CONTREBASSE !
Pour vous être agréable, nous nous proposons de vous confier la clef de la chambre.
Surtout, soyez prudent en ouvrant la porte capitonnée, derrière il y a…
LA… CONTREBASSE !
« Une Contrebasse c’est plutôt, comment dire,
un embarras qu’un instrument…. »
Les Gueules d’AngeL’appel de l’aventure…
Il est 17h, je sors d’un énième casting.
Le trottoir est bondé de monde et pourtant je me sens seul, dépossédé de moi-même.
Je suis le témoin impuissant d’un métier où l’on parle de rapports humains, où l’on joue des
rapports humains … mais dénué de rapports humains…
Immobile, le regard vide, je tente de comprendre mon décalage… Un décalage où « les
absences de bonjour » côtoient « les absences de regards vrais »
Quand soudain, une jeune femme me heurte l’épaule et me lance un furtif « Pardon ! »
PARDON ! … Il est là le probme !
S’il est parfois difficile de savoir ce que lon veut, les expériences de la vie s’engagent à
nous rappeler celles que l’on ne veut plus.
Je ne veux plus m’excuser d’exister ou faire semblant de sur exister sous prétexte que
certaines personnes ne m’estiment qu’à un simple CV sur pattes parmi tant d’autres.
Le tout agrémenté de quelques rencontres où on vous crie tout haut « vous êtes
formidable » tout en songeant au champagne que l’on tient dans sa main, et qui n’est pas
très bon d’ailleurs…
Le temps du changement a sonné !
C’est alors que Martin Luther King s’immisce dans mon monologue…
« J’ai fais un rêve (oui, il parle français…) où tu ne dépendais plus du jugement d’autrui, un
rêve où tu exprimais ta créativité en privilégiant l’entraide, l’écoute et le partage »
Standing ovation dans ma tête … merci Martin !
Jean Paul Sartre disait : « L’enfer c’est les autres » Objection votre honneur ! avec tout le
respect que je vous dois, je crois de plus en plus en ce moment fatidique que, justement, le
salut est dans l’autre…
La rue est soudainement plus calme. Ma campagne a commencé.
Je me met en quête de mes frères d’armes !
Au détour d’une ruelle, le soleil pointe son nez… un ange passe …
Julien Le Provost
Parcours de la compagnie
2007-2008 Trois Versions de la vie de Yasmina Reza à l’Aktéon Théâtre (Paris)
« D’ailleurs ce qu’il y a de mieux dans ma basse, c’est l’archet. »
Dès l’entrée des spectateurs dans la salle, sur la scène toute noire, rideau levé, une
douche en découpe embrase d’une lumière irréelle La Contrebasse.
A l’entrée du comédien, la scène s’éclaire : une chaise, une table basse avec son
pouf, une console portant des cd, un lecteur et, toute raide sur son socle :La Contrebasse !
La mise en scène de La Contrebasse s’est construite autour de 5 lignes de force:
1.
L’Assujettissement
Dès les premiers gestes, le spectateur doit ressentir une relation physique entre
l’homme et l’instrument, alors que ts vite leur liaison, sur la pratique du « Je t’aime, moi
non plus », place l’homme à la merci de l’instrument.
N’ayant su maîtriser la puissance de celle avec laquelle il vit en couple et grâce à laquelle
il vit, l’homme est resté un piètre musicien, l’instrument ne lui permet pas de dépasser le
niveau de troisme pupitre.
Une situation riche en nuances de jeu, mais qui l’oblige à s’analyser petitement : le prix de
la sole ou de la corde de l’inquiète
Pour l’affirmer, il convient de souligner ses rares moments d’abandon, tout en sachant qu’il
restera à jamais Troisième Pupitre et tuttiste !
Un état douloureux, malgré les explications confuses dans lesquelles il embrouille l’affaire.
Même lors de ses fâcheries d’amoureux, certains regards trahissent son attachement à la
grosse laide.
Pourtant, Troisme Pupitre s’évertue à garder une stature d’homme, grâce à sa fier
d’être « Orchestre National », de lancer des aphorismes intransigeants, d’asséner ses
bribes de culture, ex cathedra, avec l’assurance d’un maître d ‘école.
2. L’Enfermement
Troisième Pupitre s’est fabriqué un huis clos définitivement étanche, il en a même
chassé les bruits de la ville.
Dans ce volume confiné, il a quelquefois du mal à reprendre souffle, d’où ses gorgées de
bière, mais d’où aussi, pour le comédien, un travail de respiration à contre temps, capable
d’oppresser à son tour le spectateur, enfermé lui aussi dans le caisson de compression.
Troisième Pupitre est resté coléreux, la violence de ses emportements, exaspérée
d’emmurements,clenche de grosses colères au bord de l’asphyxie, des comportements
spectaculaires à jouer.
3.
L’Eclatement
Le mur magique chute, le mur improbable tombe comme l’a voulu Patrick Süskind,
mettant Troisième Pupitre en contact direct avec les spectateurs.
La pratique du jeu au public, détestable lorsqu‘elle cherche l’effet facile, introduit ici un
troisième interlocuteur dans le monologue : le spectateur assis dans l’ombre, qu’il convient
de rallier et même d’agresser.
Une attitude qui ouvre à un jeu encore plus direct et beaucoup plus riche en nuances
qu’une interprétation à la cantonade. Avantage souligné par des « Hein ! » ou des
« Hein ? », aussi mordant qu’inattendus, afin de nouer plus intuitivement la salle à la scène.
4. Le Platonisme
Le tuttiste ne veut pas vraiment rejoindre la mezzo-soprano !
Il aime trop la joie masochiste d’un amour inapprochable.
Les coulisses d’un théâtre ne sont pas si vastes qu‘elles séparent à jamais les musiciens
des chanteurs, mais Troisième Pupitre préfère réinventer la passion éthérée de l’amour
courtois, jouer les Pétrarque avec Laure et continuer d’en parler avec seulement la
gourmandise d’un gamin derrière la vitrine du pâtissier.
Là, il est à l’aise pour discourir d’amour, se lamenter, se présenter comme le plus
malheureux des hommes, en rêvant malgré tout de rencontres sexuelles.
Quand lenvie le prend, Sa Contrebasse lui suffit, avec elle il fait l’amour jusqu’à l’orgasme.
5. L’Endossement
Dans la deuxième partie du spectacle, Troisme Pupitre quitte sa robe de chambre
et par étapes revêt les affûtiaux du frac, dans lequel il va jouer l’Or du Rhin.
Revêtir son costume de travail le pousse à évoquer de plus en plus le métier de musicien
et sa situation dans l’Orchestre National.
Il arrive à des confidences où il s’apitoie discrètement sur lui-même, nous aidant à
compléter sa stature d’homme blessé, d’homme en devenir, d’un homme resté trop
immature pour son temps.
En Allemagne, le public rit beaucoup, à beaucoup de germanisme d’ailleurs.
Nous n’avons pas tenté le comique, la caricature, notre tuttiste est un humain
quoiqu’excessif, un amateur avant d’être amant, un velléitaire indéterminé, mais avec
surtout un immense besoin de se dire.
Pour cela, il se battra durant 80 minutes, espérant garder son public jusqu’au moment où,
impeccable dans son habit, il charge sur son dos une contrebasse blottie dans sa housse,
escargot écrasé par sa propre coquille, la coquille de son ultime enfermement.
Troisième Pupitre criera t-il « Sarah » pendant la représentation de l’Or du Rhin, nul ne le
sait. Son espoir majeur serait tout simplement de vous retrouver demain, assis dans le
même fauteuil, à l’écouter !
« La musique, plus on s’y connaît,
moins on est capable d’en dire quelque chose de valable »
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