B. MARSIGNY
42 Revue de l'ACOMEN, 1999, vol.5, n°1
Pronostic
Le pronostic précoce est difficile à établir cliniquement.
Trois à quatre jours sont habituellement nécessaires pour
savoir s’il s’agit d’une gelure superficielle ou profonde et,
dans ce cas, il faut patienter jusqu’à l’apparition du sillon
d’élimination, plus de 30 jours après, pour situer le niveau
d’amputation. Cette attente du verdict est intolérable pour
le patient ; heureusement la scintigraphie osseuse au Tech-
nétium 99 permet de raccourcir ce délai (5,6). L’examen ne
doit pas être trop précoce car il peut être faussement ras-
surant si les lésions de nécrose progressive n’ont pas eu
le temps de s’installer. La scintigraphie se déroule en trois
temps avec une phase immédiate ou vasculaire, une phase
précoce ou tissulaire et une phase tardive (à 3 heures) ou
osseuse. Dans tous les cas de notre série de 80 cas où la
scintigraphie a montré une fixation normale du traceur au
temps tardif, il n’y a pas eu d’amputation. Au contraire, si
le cliché tardif montrait une hypofixation franche, le pa-
tient a dû être amputé. Une étude est en cours à Chamonix
pour apprécier l’intérêt de l’IRM qui pourrait être supé-
rieure à la scintigraphie car elle permet une visualisation
directe des vaisseaux occlus et des tissus environnants et
une appréciation plus précoce de la ligne de démarcation
avec le tissu ischémié (7).
Approches thérapeutiques
La thérapeutique repose sur la physiopathologie : il faut
réchauffer, lutter contre le vasospasme, l’hyperviscosité,
la thrombose et prévenir l’inflammation et l’infection.
Moyens physiques
Le réchauffement est une urgence thérapeutique. Le pro-
tocole habituellement préconisé (1,8) est un bain de 30’
dans de l’eau à 38° additionnée d’un antiseptique doux.
L’agitation améliore les échanges thermiques.
Toutes les situations de ralentissement circulatoire, en
particulier les gelures, compromettent l’efficacité de l’hé-
modilution physiologique (l’hématocrite capillaire instan-
tané est en moyenne autour de 15 %). Le rôle de l’hémodi-
lution normovolémique est de rétablir des conditions rhéo-
logiques distales optimales. Un hématocrite de 30 % per-
met d’assurer une oxygénation tissulaire optimale.
Moyens pharmacologiques
Administré quotidiennement à faible dose, l’aspirine in-
hibe de façon irréversible et totale la synthèse du thrombo-
xane A2 au niveau plaquettaire, tout en permettant aux cel-
lules endothéliales de reprendre rapidement leur synthèse
de prostacycline. Il doit être donné le plus tôt possible.
Pour leur effet anti-agrégant, on peut également retenir les
dextrans de bas poids moléculaire qui ont aussi une ac-
tion sur la sédimentation érythrocytaire.
Les thrombolytiques permettent de lever la thrombose qui
se forme dans les heures qui suivent la décongélation des
tissus et d’empêcher sa réapparition. L’urokinase (9), la
streptokinase (10) et le rTPa (11) ont successivement été
essayés avec des résultats prometteurs mais qui n’ont ja-
mais dépassé chez l’homme le stade de l’étude pilote. Le
relais est pris par une héparine de bas poids moléculaire,
plus maniable et qui présente moins d’action pro-agrégante
sur les plaquettes que l’héparine.
La plupart des équipes ont rapporté l’intérêt des vasodila-
tateurs dans le traitement des gelures (1,8) avec parfois
des résultats contradictoires (12). Idéalement, la molécule
retenue doit être cytoprotectrice, anti-oedèmateuse et avoir
une action d’antiagrégation plaquettaire, leucocytaire et
érythrocytaire. Elle doit être surtout vasodilatatrice sur la
micro-circulation, pour éviter un effet de vol vasculaire par
détournement du flux sanguin par des gros troncs mieux
dilatés. On peut donc retenir dans cette indication : le
buflomédil (Fonzylane®), le naftidrofuryl (Praxilène®) (1),
la pentoxifylline (Torental®) (13)...
Les AINS inhibent tous la cyclo-oxygénase à des degrés
divers. Sur le plan clinique, les anti-inflammatoires non
stéroïdiens sont intéressants dans la réduction de l’œdème
qui se développe en amont de la gelure et qui, s’il est circu-
laire, peut compromettre la vascularisation d’aval.
L’Iloprost (Ilomédine®) est l’analogue stable de la pros-
tacycline, ou PGI2. Elle inhibe, en antagonisant le thrombo-
xane A2, tous les niveaux et conséquences de l’activation
plaquettaire, en particulier les phénomènes d’agrégation
et d’adhésion à la paroi vasculaire. Elle est, par effet re-
laxant direct sur la fibre musculaire lisse, l’un des vasodila-
tateurs les plus puissants connus à ce jour. Elle inhibe
l’activation leucocytaire et la libération de facteurs cyto-
toxiques et est cytoprotectrice. C’est donc, en théorie la
molécule idéale (14). Nous l’avons utilisée dans plus de 35
cas avec des résultats intéressants. Dans le même ordre
d’idée, plusieurs publications font état de l’utilisation de
la PGE1 par voie artérielle (15) ou orale (16).
Plusieurs auteurs (2,13) ont retenu l’aloe vera en applica-
tion cutanée pour son action inhibitrice locale sur la
thromboxane synthétase et ont rapporté son efficacité chez
l’homme, associé à de l’ibuprofène per os.
Autres approches thérapeutiques
Qu’il soit chirurgical (historique) ou pharmacologique par
le biais de bloc rachidiens, plexiques (17) ou tronculaires,