INTRODUCTION
Le syndicalisme de salarié est le principal – sinon le seul – moyen de représentation des
salariés dans les entreprises. Ses effets sociaux et économiques sont débattus de longue
date sans émergence de consensus évident.
D’un côté, les économistes classiques ou néo-classiques voient les syndicats comme des
monopoles sur le marché du travail, dont le principal effet est d’augmenter les salaires de
ses membres au détriment des salariés non couverts, engendrant des inégalités et un
mauvais fonctionnement de l’économie. Les syndicats affecteraient alors négativement la
productivité des entreprises et limiteraient l’emploi dans les entreprises où ils sont
présents du fait de leur effet sur les salaires.
De l’autre côté, bon nombre de spécialistes des relations professionnelles, de sociologues
et d’économistes pensent, à l’inverse, que les syndicats ont des effets positifs sur l’écono-
mie. Ils insistent sur les meilleures pratiques de management induites par l’action syndi-
cale et sur le développement possible de relations de plus long terme entre employeur et
salariés en présence de syndicats. Ces relations de long terme invitent à accroître la for-
mation professionnelle et à développer davantage les compétences des salariés. Enfin, en
fournissant un vecteur naturel de communication avec l’employeur, le syndicalisme per-
met un investissement en biens collectifs qui profitent à tous sur le lieu de travail mais
que chaque salarié individuellement n’aurait pas demandé.
Cette étude présente les fondements de ces deux regards sur le syndicalisme. Le syn dicat,
comme institution politique dans l’entreprise, affecte nécessairement le fonctionnement
et les performances de celle-ci. Une quantité astronomique de travaux, majoritairement
anglo-saxons, a discuté ses effets. Cette littérature est pourtant restée largement ignorée
en France où il semble que le syndicalisme soit avant tout un fait historique et social. La
construction historique des syndicats français, le développement de leurs courants de
pensée et la façon dont ils s’inscrivent dans leur époque sont, en effet, très bien docu-
mentés par les historiens français. Le fonctionnement des syndicats, leur rôle ainsi que la
situation des syndiqués et des délégués dans les entreprises sont, par ailleurs, bien
décrits par de nombreuses études de terrain réalisées par des sociologues. En revanche,
rien n’est dit sur l’effet des syndicats français. Que font les syndicats ? C’est à cette ques-
tion que les théories économiques (anglo-saxonnes) présentées dans cette étude tentent
de répondre. Les chapitres 1 et 2 discutent l’effet des syndicats dans les entreprises. Le
chapitre 1 développe les théories découlant d’une approche purement économique du
fait syndical. Le chapitre 2 présente les théories socio-économiques du syndicalisme. Ces
théories tiennent compte de la spécificité du syndicat comme acteur économique et s’ef-
forcent d’en établir une représentation plus nuancée. Le chapitre 3 étend la réflexion à
l’effet des syndicats au-delà des entreprises : quels sont les impacts de la négociation de
branche et des négociations nationales ? Enfin, le chapitre 4 présente une discussion plus
détaillée sur la spécificité du syndicalisme français. Nous nous demanderons dans quelle
mesure les théories s’appliquent au cas français et présenterons les résultats de quelques
études empiriques françaises existant sur le sujet.
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