Comme tous les jours, nous sonnons à la porte de chez Mme K. et entrons sans attendre de réponse, nous
posons nos manteaux sur la rampe de l’escalier et entrons dans la salle à manger qui est aussi la chambre de Mm K.
Dans un coin de cette pièce, elle est là, allongée sur son lit, regardant toute la journée la télévision, seule dans le
noir, il n’est pourtant que 14h et les volets sont fermés, Mme K. souhaite être dans le noir.
Nous nous approchons d’elle pour lui dire bonjour mais comme tous les jours elle ne répond pas .Elle nous
regarde et ne dit rien. Nous nous préparons donc, nous enfilons une blouse à usage unique, préparons ce dont nous
avons besoin et nous approchons de son lit. Nous l’informons que nous allons lui changer sa protection et l’installer
correctement dans son lit. Mme K. n’est pas contente et ne veux pas qu’on la touche :
- « Laissez moi tranquille, pas besoin de me changer, laissez moi »
Nous lui expliquons l’importance du soin et que nous ne pouvons pas la laisser ainsi.
- « Allez-y! Faites! Et dépêchez-vous ! »
Une fois le soin terminé, nous l’installons correctement dans son lit. L’aide soignante se dirige vers la table de la salle
à manger ou est entreposé le classeur de suivi du patient. Pendant qu’elle y inscrit les soins effectués je recouvre
Mme K. de ses deux couvertures et de son couvre lit car Mme.K aime bien avoir chaud, elle ne bouge pas beaucoup
dans son lit, elle aime être bien couverte.
Je lui demande ensuite si elle souhaite que je lui fasse autre chose :
-« remontez le son de la télé et éteignez la lumière en partant ! » me demande t-elle.
-« Très bien Mme K, voulez vous des petits gâteaux pour tout à l’heure ? »
-« Oui »
Je vais vers la cuisine pour y préparer une petite assiette de gâteaux fourrés à la framboise. Ce n’est que la
troisième fois que je viens chez Mme K., mais je commence à connaître ses habitudes et ces petites choses qui lui
font plaisir, car ces petites choses elles sont si précieuses pour une personnes qui reste dans son lit toute la journée,
qui reste seule dans le noir à regarder la télévision, à penser certainement à son mari, à toutes ses années passées
ensemble, à sa vie et à ce qu’elle est devenue aujourd’hui.
Je dépose l’assiette sur l’adaptable que je l’approche d’elle pour qu’elle puisse prendre, quand elle le
souhaiterait, les gâteaux. Elle me remercie et me souris...
L’aide soignante, Nicole, s’approche de nous et lui demande si elle souhaite un petit café, Mme K. me
regarde étonné, regarde Nicole et lui répond :
-« Oui volontiers »
Nicole part vers la cuisine lui préparer un café. Quant à moi je reste auprès de Mme K. et en profite pour essayer de
bavarder avec elle. Quand on vient chez elle le matin pour faire sa toilette et d’autres soins elle ne nous parle pas,
quand elle le fait c’est pour nous dire qu’elle n’a pas besoin de nous, qu’on lui fait mal, qu’elle préfère mourir que de
continuer à vivre ainsi, elle à le regard sombre et triste quand elle nous parle. Malheureusement nous n’avons pas le
temps, le matin nous voyons plusieurs patients et souvent beaucoup de kilomètres les séparent donc les soignants
ne peuvent pas rester « bavarder » ou tout simplement écouter les gens…
Je commence donc à lui demander d’où elle vient, elle me regarde en silence, puis elle me répond :
-« Je viens de Paris ! »
Je profite pour lui poser une seconde question :
-« De Paris et quand êtes vous venu vous installer en Bretagne ? »
Nicole arrive de la cuisine, pose le café près de Mme K. et l’écoute répondre à ma question, elle continue à
nous parler de son arrivée ici, dans cette maison qu’ils avaient achetée avec son mari pour leurs retraites. Elle nous
parle ensuite de sa vie sur Paris, de ce qu’elle faisait comme travail et de ce que faisait son mari, elle s’aperçoit qu’on
l’écoute et que l’on s’intéresse à ce qu’elle nous raconte, alors elle continue… elle et son mari n’avait pas voulu
d’enfant ils s’était consacrés tous les deux à leurs vies professionnelles, ils étaient ingénieurs dans l’aéronautique.
Elle nous raconte ses nombreux voyages en voiture, voiture qu’elle seule conduisait car son mari n’aimait pas ca.
Nous l’écoutons nous raconter toutes ses histoires, tous ces moments de sa vie qui l’avait rendue heureuse…
Quand elle nous parle elle sourit, en se remémorant tous ses souvenirs ses yeux brillent de joie. Ce fut un
réel plaisir de l’écouter! Nous sommes restées deux heures ce jour la chez Mme K. alors qu’habituellement nous ne
restions que trente minutes! J’ai beaucoup apprécié ce qu’à fait Nicole, lui proposer un café, ce n’est pas grand-
chose, et c’est ce café qui nous à permis de partager un agréable moment. Après cette longue conversation je me
rapproche de Mme K. :
-« reposez-vous Mme K., à demain »
Je commence à m’éloigner quand soudain elle attrape ma main, je la regarde, ses yeux sont rempli de larmes, avec
sa voix tremblante elle chuchote :
- « Merci, merci pour tout ! »