La philosophie de Hobbes est d’inspiration
matérialiste et rationaliste. Elle conçoit l’homme
comme un mécanisme mû essentiellement par
l’ambition et la crainte. Sur le plan politique,
elle reprend la célèbre formule de Plaute :
«l’homme est un loup pour l’homme ». De là
sa vision de l’origine de la civilisation et les
conséquences qu’il en tire pour sa conception
du meilleur gouvernement, conception que nous
tenterons de résumer.
Rien de tel chez Hobbes que l’explication de
l’obéissance à un souverain par le principe d’une
quelconque « servitude volontaire ». Il lui sem-
ble, au contraire, que la nature humaine n’obéit
que par obligation et contrainte.
Réfléchissant sur l’hypothèse de « l’état de
nature » (état originel de l’humanité avant la
création de la première société politique), notre
auteur voit se déverser, dans un tel état, la mé-
chanceté naturelle de l’homme. Si un tel état
originel a pu exister, il ne pouvait être, pensait-
il, qu’un état de « guerre perpétuelle de chacun
contre chacun ». Entendons-nous : non pas une
guerre organisée socialement, puisque les
hommes étaient censés vivre dans la plus grande
solitude ; mais une guerre individuelle, suscitée
par la simple convoitise, ne serait-ce que de la
plus banale nourriture. État dangereux où se
profilait à chaque instant, à chaque endroit,
l’ombre de la mort. L’homme devait donc tôt ou
tard finir par comprendre qu’il était avantageux
d’y mettre un terme.
Hobbes imagine alors nos lointains ancêtres
concluant entre eux un « pacte » de paix. Êtres
doués de raison — idée qui paraîtra incohérente
à Rousseau, puisqu’il s’agirait d’êtres « naturels »
— ils sont en mesure d’élaborer des lois réglant
la vie sociale. Elles se résument en un mot : ne
faites pas aux autres ce que vous ne voudriez
pas qu’on vous fît.
Le monstre politique
Hobbes est conscient que l’on ne met pas fin
en quelques instants à plusieurs siècles de bar-
barie. Il y faut, en effet, un élément majeur qui
fait encore défaut à l’homme actuel : la
confiance. « Words without swords are but
words », dit-il, ce qui pourrait se traduire : « pa-
labres sans sabres ne sont que palabres ». Les
lois devaient donc être garanties par un souve-
rain chargé de sanctionner ceux qui les enfrein-
draient. Ainsi — semblables aux grenouilles de
la fable — ils élurent un souverain. Et, pour que
celui-ci pût exercer sa force en toute impunité,
il fallut que chaque homme lui abandonna la
sienne, c’est-à-dire lui reconnût entière obéis-
sance.
Ce souverain est l’État qui ne peut qu’inspirer
la terreur*s’il veut maintenir les individus dans
la limite des lois, pour leur propre bien et la ga-
rantie de leur sécurité : « Telle est l’origine de
ce grand Léviathan, ou, pour mieux dire, de ce
dieu mortel auquel nous devons, avec l’aide du
Dieu immortel, notre paix et notre protection.
Car, armé du droit de représenter chacun des
membres du Commonwealth (l’État), il détient
par-là autant de puissance et de force qu’il peut,
grâce à la terreur qu’il inspire, diriger les volon-
tés de tous vers la paix à l’intérieur et l’aide
mutuelle contre les ennemis de l’extérieur ».
La paix est à ce prix ; et le pouvoir — homme
ou assemblée, cela n’a pas d’importance — ac-
quiert alors des droits exorbitants. Il est en
conflit*perpétuel avec les citoyens. Quant à lui,
Classement : 3Da06 ** cf. le glossaire PaTer version 1.3 •mise en ligne : 06/ 2012
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