Reformulation du texte de Sophie Mappa – Les biens communs L

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Reformulation du texte de Sophie Mappa – Les biens communs
1. L’importance de l’histoire
Depuis quatre siècles l’Occident oscille entre deux tendances opposées: laisser l’économie de
marché réguler la société ou faire intervenir l’État. L’histoire joue donc un rôle essentiel dans les
choix de société.
On veut poser l’intérêt général, le bien public et le bien commun comme solutions à l’exclusion
sociale causée par l’ultralibéralisme et l’économie de marché : le bien public est accessible de
manière égale à tous grâce à l’intervention de l’État.
Les notions de non-exclusivité et d’égalité remontent à Aristote, qui associe justice à égalité, et
qui prône que le politique doit assurer l’intérêt commun. Au Moyen-âge Thomas d’Aquin ajoute
la dimension d’universalité pour créer le nouveau concept de bien universel (= l’unité et la paix).
Mais le christianisme déplace le lieu du pouvoir vers le divin et amène d’Aquin à la notion de
bien essentiel.
L’époque moderne ramène avec Hobbes le pouvoir dans les mains des hommes mais le cadre
conceptuel antique et chrétien demeure. Hobbes, Hume et Smith connaissent de nos jours une
nouvelle popularité car on voit un parallèle entre la subordination du politique au divin avec
laquelle ces penseurs ont créé une rupture et le désir actuel de mettre fin à la mise sous tutelle
du politique par l’économique.
L’Europe est donc marquée par son histoire, qui modèle sa conception du bien commun, de
l’intérêt général et du bien public.
A.L’imbrication des valeurs
Lorsque les hommes ont repris le pouvoir donné au divin et ont créé eux-mêmes leur société et
les valeurs sur lesquelles la baser, le bien commun a émergé comme concept.
B. Unité et pluralité
Aristote a reconnu à la fois l’importance de l’unité (l’intérêt général) et son caractère pluriel (les
intérêts particuliers). Le Dieu de la religion chrétienne est pensé comme une Trinité. Plus tard
Hobbes propose la représentativité comme archétype de l’unité dans la pluralité, et Léviathan a
pour mission de défendre les intérêts communs aux individus. La société civile a alors pu se
construire, basée sur la notion nouvelle de lien social et les valeurs anciennes de conservation
de la vie, d’égalité, d’universalité.
La renonciation volontaire à une partie des droits individuels en échange d’une garantie que les
lois seront appliquées est une autre nouveauté. Léviathan assure la défense du bien commun en
échange du pouvoir remis volontairement par les hommes. Rousseau propose ensuite le
concept de contrat social, par lequel l’homme intériorise son libre choix d’appartenir à la
société. Dans les sociétés occidentales l’individu est libre de ses choix et accepte les
responsabilités qui en résultent. Dans d’autres sociétés la liberté est vue comme le droit de faire
ce que l’on veut.
Rousseau affirme que la volonté individuelle est la base de la volonté du peuple souverain, qui
suppose l’égalité et l’universalité.
Le concept d’intérêt général suscite des controverses. Hobbes y voit la conservation de la vie
humaine, la paix sociale et la propriété. Locke le base sur la propriété privée. Pour Smith la
propriété garantit la liberté et l’égalité, et pour Rousseau elle est le fondement du lien social
(pour Hegel le lien social est basé sur l’utilité mutuelle). L’intérêt général est alors une
interdépendance universelle.
C. Le pouvoir d’État
L’État moderne a pour fondement de garantir le bien commun et l’intérêt général, à l’intérieur
de ses frontières et à l’extérieur. Le domaine public garantit l’accès de tous aux biens publics,
distinct de l’intérêt général en ce sens qu’il nécessite l’intervention de l’État. Cette intervention
existe depuis le Moyen-âge (aide aux pauvres et aux malades, organisation du travail) où elle
était financée par l’impôt. Mais l’État moderne la systématise et devient l’initiateur du
changement social. Après la deuxième guerre mondiale il est l’État-providence et met en place
un système de services publics qui va toucher des domaines de plus en plus larges et par
conséquent coûter de plus en plus cher. Les services publics représentent la puissance de l’État,
qui régule la vie des citoyens.
Mais ces services de plus en plus lourds entraînent une bureaucratie de plus en plus lourde. Une
des réponses à ce problème a été la privatisation, qui marque le début de l’annexion du
politique par l’économique.
Actuellement on remet en question cette prédominance de l’économie et on réfléchit à de
nouvelles modalités pour garantir l’intérêt général et le bien commun. On pense les droits
individuels comme accessibles à tous, donc n’excluant personne, à un moment où le nombre
d’exclus est considérable (chômeurs, clandestins, itinérants), et on souhaite un retour du
politique dans la régulation de la société.
L’Occident tente aussi d’étendre la notion de bien commun et de bien public aux nations
exclues, par le biais d’aide financière. Mais parallèlement il leur livre une compétition
économique violente, et parfois la guerre. De plus, il impose unilatéralement sa vision et ses
valeurs à des pays qui ne les partagent pas.
II. L’héritage de la tradition
Les pays méditerranéens et ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) ne possèdent pas cette valeur de
bien commun dans leur héritage. Le Coran place le divin, pas l’humain, au centre de l’intérêt
général, prône la guerre et l’exclusion de certaines catégories de la population, et interdit toute
remise en question de la tradition. En Afrique on ne discute pas non plus la tradition, et
l’absence de tradition écrite empêche toute remise en question. Toute réflexion consiste à
justifier la tradition et non pas à l’interroger. Cette vénération du passé empêche toute
projection dans l’avenir et est peu propice aux concepts de bien public et d’intérêt général,
tournés vers l’avenir (prévoir demain).
A. L’homme et le groupe
Dans ces sociétés le lien social est dépendant de forces extérieures à l’homme (Dieu, la nature,
les traditions) et l’appartenance est établie sur la base du sang, pas sur celle des valeurs. L’unité
du groupe ne laisse pas de place à la pluralité ni aux individualités.
Dans ces sociétés il n’y a pas non plus place pour l’égalité : les hiérarchies sont naturelles
(venant de Dieu, de la nature, des ancêtres, etc.) et structurent la société.
Par conséquent il n’y a pas de place pour l’universalité, l’égalité ou la pluralité dans ces sociétés.
La colonisation n’a pas réussi à implanter durablement les services publics et la notion sousjacente d’intérêt général. Il n’y a pas non plus de place pour les notions d’engagement libre car
tout est déterminé et imposé par la tradition. L’individu n’existe pas car la pluralité n’est pas
reconnue – ce qui explique l’absence de « droits de l’homme » (et de droits) dans ces sociétés.
La corruption résulte des rapports de force dans ces sociétés.
Mais les pays africains connaissent les notions de solidarité et d’alliance. Cependant celles-ci
sont confinées à l’intérieur du groupe et sont dictées par la religion ou par la tradition, pas par la
conscience d’un intérêt commun.
Dans ces pays, l’État pourrait-il faire évoluer la notion de pacte ou d’alliance tribale en contrat
social et intégrer les notions de bien commun et d’intérêt général?
B. Pouvoir d’État et société
Certains pays d’Afrique connaissent une notion semblable à celle de l’État (le beylic). La notion
de pouvoir existe aussi, mais sur une base tribale. Après la colonisation, les États se sont
approprié certains concepts occidentaux, tels que les services d’intérêt général, mais n’ont pas
intégré la différence entre public et privé.
Ils n’ont pas non plus intégré le concept d’égalité, en particulier l’égalité devant la loi, et la
hiérarchie tribale persiste. Ces États ont donc peu de légitimité, à l’intérieur comme à l’extérieur
de leurs frontières, et les politiques d’aide internationale (FMI en particulier, avec des conditions
imposées) affaiblissent davantage ce peu de légitimité.
Tant qu’aucun mouvement ne se produit pour instaurer un État unifié, la notion de bien public
et d’intérêt général est illusoire.
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