Libre Entreprise Enjeux l Opinion Brevets et stratégie comme merciale Jean-Jacques Canonici D.R. European Patent Attorney et IP Strategy Advisor chez Gevers P Cinq conseils essentiels pour aligner votre portefeuille de propriété intellectuelle avec votre stratégie commerciale. Nécessaire. P our exploiter pleinement et maximiser la valeur d’un portefeuille de propriété intellectuelle (PI), ce dernier devrait être totalement aligné avec la stratégie commerciale de l’entreprise. Cela peut sembler extrêmement logique, mais la réalité est tout autre. Une étude réalisée par IQPC (International Quality and Productivity Center) révèle que 52 % des entreprises considèrent que le non-alignement de la stratégie commerciale avec la couverture PI constituait l’un des principaux risques pour les actifs de PI de l’entreprise. Ce constat est surprenant lorsque l’on sait que les “brevets de pointe” –ceux qui ont une valeur commerciale ou en auront une dans un avenir proche– ne constituent que 15 % du portefeuille de brevets d’une entreprise. Historiquement, nombreuses sont les entreprises qui ont investi dans une stratégie davantage axée sur la quantité en multipliant les dépôts. Avec 274000 dépôts de brevets différents en 2014, le nombre de brevets déposés auprès de l’Office européen des brevets (OEB) a atteint un record absolu. En l’espace d’un an à peine, il a progressé de 3,1 %, alors que le nombre de brevets octroyés a pour sa part diminué de 3,1 %, ce qui indique clairement une baisse de la qualité des brevets. Récemment, la “course aux dépôts de brevets” a fait la une des journaux, lorsqu’un ancien avocat du bureau américain de L’Oréal a déclaré avoir été licencié pour avoir “refusé de déposer des brevets pour des inventions douteuses, destinées simplement à alimenter le quota annuel de la société.” Entretemps, des entreprises telles que Lycos ont montré qu’une petite quantité de brevets de haute qualité peut s’avérer bien plus payante. L’entreprise cherche actuellement à céder certains de ses 22 brevets américains. Chacun de ces brevets a des dizaines, sinon des centaines de citations ultérieures. Google compte actuellement 124 brevets citant le portefeuille de Lycos. On peut dire sans crainte que le portefeuille de Lycos privilégie la qualité à la quantité, pour une valeur de millions si pas de milliards dollars. Même en Chine, la mentalité évolue, passant d’un brevetage purement numérique à une attention plus soutenue au qualitatif. Lors de l’Intellectual Property Business Congress qui s’est tenu en Chine en avril 2015, Haitsing Li, responsable de la monétisation de la PI d’Huawei (voir aussi en pp.2-3), a fait allusion à des chiffres de 2012 indiquant que les entreprises chinoises avaient tiré de 8 leurs brevets des revenus de licences de l’ordre de 500 millions de dollars. A la fin de l’année suivante, ce chiffre était passé à 1,36 milliard de dollars. Il a également estimé le chiffre des redevances sur les brevets à un montant faramineux de 2 milliards de dollars pour 2014. Sur le fond, une bonne stratégie en matière de brevets devrait créer de la valeur et éviter des coûts inutiles. La PI devrait être un actif plutôt qu’un passif. La seule façon d’y parvenir réellement et efficacement est d’aligner votre stratégie des brevets avec votre stratégie commerciale. Voici cinq manières de procéder. 1 Veille PI : faites une analyse Swot de votre PI et de celle de vos concurrents. Marchés, technologies, tout change à un rythme effréné. L’identification des brevets clés potentiels ou des tendances futures peut vous donner un avantage concurrentiel. L’analyse Swot est un outil stratégique qui permet de cartographier les forces (Strengths), les faiblesses (Weaknesses), les possibilités (Opportunities) et les menaces (Threats) d’un domaine d’activités, à savoir ici de toute la PI qui est importante pour votre entreprise. Veillez à avoir une vision d’avenir et à déposer des “brevets pour le futur”, en prévoyant quelle PI sera critique pour vous et vos concurrents dans les années à venir. Pour une stratégie de PI à 360°, il est essentiel d’identifier votre “autre” PI et celle de vos concurrents, comme les marques, les dessins et modèles, les noms de domaine et les informations générales qui y sont liées, par exemple le programme de noms de domaine génériques de haut niveau (gTLD’s) d’ICANN autorisant l’extension du suffixe dotcom à la fin des adresses des noms de domaine. “Avec 274 000 dépôts de brevets différents en 2014, le nombre de brevets déposés auprès de l’Office européen des brevets a atteint un record absolu.” ple, lorsqu’il n’existe pas de marché international pour votre invention. 4 Evaluez votre portefeuille de brevets en permanence. Les objectifs commerciaux changent : les entreprises devraient réexaminer leur portefeuille de brevets à intervalles réguliers. Le fait de ne plus vendre certains produits ou services, ou de ne plus les considérer comme un cœur de métier, peut motiver la cession ou la vente d’une partie du portefeuille de brevets, ce qui contribuera à réduire certains coûts comme les annuités, le renouvellement ou les frais de surveillance, ou les coûts liés aux éventuelles poursuites juridiques, etc. Si la valeur actuelle ou attendue d’un brevet est inférieure aux frais de maintien, il faudrait sérieusement envisager de laisser tomber le brevet. 2 Mettez en place un comité d’innovation à orientation commerciale. Ce comité devrait avoir pour rôle de fixer des objectifs d’innovation conformes à la stratégie commerciale, puis d’établir les priorités en termes de dépôt de brevets et de gérer le portefeuille de brevets en cohérence avec ces objectifs. Un tel comité devrait idéalement comprendre des ingénieurs ou des techniciens, à côté de personnes du marketing, de la vente ou de la finance. 5 Monétisez votre PI. Votre stratégie commerciale vous impose généralement de faire de l’argent. Il est donc important de tirer la quintessence de votre PI en la liant aux objectifs commerciaux de l’entreprise. Ceci vous permettra d’utiliser davantage votre PI comme un outil de marketing qui contribue directement à votre succès sur le marché. Demandez l’aide de consultants stratégiques en PI pour mettre au point votre stratégie de PI sur la base de vos objectifs commerciaux et ainsi maximiser le retour sur vos investissements en PI. Ils peuvent vous aider à déterminer la valeur financière de votre PI afin d’obtenir des financements et des déductions fiscales, ou à explorer les possibilités de revenus sur les licences. Tirez parti de leur expérience en termes de négociation et d’établissement de contrats de licence et de partenariat afin de tirer de réels revenus de votre PI. 3 Les dépôts à l’étranger devraient correspondre à l’ambition commerciale internationale. Identifiez les grands marchés, les unités de production, les concessionnaires de licences/partenaires/concurrents potentiels et où ils introduisent leurs demandes de brevets. N’oubliez pas de vérifier si vous pouvez faire valoir vos brevets dans les pays où vous envisagez de les déposer et si votre invention est brevetable ou non dans ces pays. Par exemple, l’OEB, la Chine et l’Inde n’acceptent pas d’octroyer des brevets sur les logiciels et les méthodes commerciales. Il existe de nombreux cas dans lesquels la protection internationale des brevets peut même ne pas être nécessaire. Par exem- La Libre Entreprise - samedi 19 septembre 2015 Libre Entreprise Enjeux l Opinion Brevets et stratégie commeerciale Jean-Jacques Canonici D.R. P Cinq Entreprise 19/09/2015, bladzijden 8 & 9 All rights reserved. Gebruik and reproductie enkel mits toelating van de uitgever via Entreprise Marketing digital plus mobile European Patent Attorney et IP Strategy Advisor chez Gevers D.R. Innovating Digital Content l Chronique | Universités conseils essentiels pour aligner votre portefeuille de propriété intellectuelle avec votre stratégie commerciale. Nécessaire. André Blavier Directeur de la Communication à l’Agence du Numérique Maître de Conférence à HEC-ULg P our exploiter pleinement et maximiser la valeur d’un portefeuille de propriété intellectuelle (PI), ce dernier devrait être totalement aligné avec la stratégie commerciale de l’entreprise. Cela peut sembler extrêmement logique, mais la réalité est tout autre. Une étude réalisée par IQPC (International Quality and Productivity Center) révèle que 52 % des entreprises considèrent que le non-alignement de la stratégie commerciale avec la couverture PI constituait l’un des principaux risques pour les actifs de PI de l’entreprise. Ce constat est surprenant lorsque l’on sait que les “brevets de pointe” –ceux qui ont une valeur commerciale ou en auront une dans un avenir proche– ne constituent que 15 % du portefeuille de brevets d’une entreprise. Historiquement, nombreuses sont les entreprises qui ont investi dans une stratégie davantage axée sur la quantité en multipliant les dépôts. Avec 274000 dépôts de brevets différents en 2014, le nombre de brevets déposés auprès de l’Office européen des brevets (OEB) a atteint un record absolu. En l’espace d’un an à peine, il a progressé de 3,1 %, alors que le nombre de brevets octroyés a pour sa part diminué de 3,1 %, ce qui indique clairement une baisse de la qualité des brevets. Récemment, la “course aux dépôts de brevets” a fait la une des journaux, lorsqu’un ancien avocat du bureau américain de L’Oréal a déclaré avoir été licencié pour avoir “refusé de déposer des brevets pour des inventions douteuses, destinées simplement à alimenter le quota annuel de la société.” Entretemps, des entreprises telles que Lycos ont montré qu’une petite quantité de brevets de haute qualité peut s’avérer bien plus payante. L’entreprise cherche actuellement à céder certains de ses 22 brevets américains. Chacun de ces brevets a des dizaines, sinon des centaines de citations ultérieures. Google compte actuellement 124 brevets citant le portefeuille de Lycos. On peut dire sans crainte que le portefeuille de Lycos privilégie la qualité à la quantité, pour une valeur de millions si pas de milliards dollars. Même en Chine, la mentalité évolue, passant d’un brevetage purement numérique à une attention plus soutenue au qualitatif. Lors de l’Intellectual Property Business Congress qui s’est tenu en Chine en avril 2015, Haitsing Li, responsable de la monétisation de la PI d’Huawei (voir aussi en pp.2-3), a fait allusion à des chiffres de 2012 indiquant que les entreprises chinoises avaient tiré de 8 La Libre Entreprise - samedi 19 septembre 2015 P La publicité sur mobile atteint un point de basculement. P Les entreprises devraient consacrer près de 100 milliards de dollars à la publicité sur mobile en 2016. leurs brevets des revenus de licences de l’ordre de 500 millions de dollars. A la fin de l’année suivante, ce chiffre était passé à 1,36 milliard de dollars. Il a également estimé le chiffre des redevances sur les brevets à un montant faramineux de 2 milliards de dollars pour 2014. Sur le fond, une bonne stratégie en matière de brevets devrait créer de la valeur et éviter des coûts inutiles. La PI devrait être un actif plutôt qu’un passif. La seule façon d’y parvenir réellement et efficacement est d’aligner votre stratégie des brevets avec votre stratégie commerciale. Voici cinq manières de procéder. 1 Veille PI : faites une analyse Swot de votre PI et de celle de vos concurrents. Marchés, technologies, tout change à un rythme effréné. L’identification des brevets clés potentiels ou des tendances futures peut vous donner un avantage concurrentiel. L’analyse Swot est un outil stratégique qui permet de cartographier les forces (Strengths), les faiblesses (Weaknesses), les possibilités (Opportunities) et les menaces (Threats) d’un domaine d’activités, à savoir ici de toute la PI qui est importante pour votre entreprise. Veillez à avoir une vision d’avenir et à déposer des “brevets pour le futur”, en prévoyant quelle PI sera critique pour vous et vos concurrents dans les années à venir. Pour une stratégie de PI à 360°, il est essentiel d’identifier votre “autre” PI et celle de vos concurrents, comme les marques, les dessins et modèles, les noms de domaine et les informations générales qui y sont liées, par exemple le programme de noms de domaine génériques de haut niveau (gTLD’s) d’ICANN autorisant l’extension du suffixe dotcom à la fin des adresses des noms de domaine. “Avec 274 000 dépôts de brevets différents en 2014, le nombre de brevets déposés auprès de l’Office européen des brevets a atteint un record absolu.” 2 Mettez en place un comité d’innovation à orientation commerciale. Ce comité devrait avoir pour rôle de fixer des objectifs d’innovation conformes à la stratégie commerciale, puis d’établir les priorités en termes de dépôt de brevets et de gérer le portefeuille de brevets en cohérence avec ces objectifs. Un tel comité devrait idéalement comprendre des ingénieurs ou des techniciens, à côté de personnes du marketing, de la vente ou de la finance. 3 Les dépôts à l’étranger devraient correspondre à l’ambition commerciale internationale. Identifiez les grands marchés, les unités de production, les concessionnaires de licences/partenaires/concurrents potentiels et où ils introduisent leurs demandes de brevets. N’oubliez pas de vérifier si vous pouvez faire valoir vos brevets dans les pays où vous envisagez de les déposer et si votre invention est brevetable ou non dans ces pays. Par exemple, l’OEB, la Chine et l’Inde n’acceptent pas d’octroyer des brevets sur les logiciels et les méthodes commerciales. Il existe de nombreux cas dans lesquels la protection internationale des brevets peut même ne pas être nécessaire. Par exem- ple, lorsqu’il n’existe pas de marché international pour votre invention. 4 Evaluez votre portefeuille de brevets en permanence. Les objectifs commerciaux changent : les entreprises devraient réexaminer leur portefeuille de brevets à intervalles réguliers. Le fait de ne plus vendre certains produits ou services, ou de ne plus les considérer comme un cœur de métier, peut motiver la cession ou la vente d’une partie du portefeuille de brevets, ce qui contribuera à réduire certains coûts comme les annuités, le renouvellement ou les frais de surveillance, ou les coûts liés aux éventuelles poursuites juridiques, etc. Si la valeur actuelle ou attendue d’un brevet est inférieure aux frais de maintien, il faudrait sérieusement envisager de laisser tomber le brevet. 5 Monétisez votre PI. Votre stratégie commerciale vous impose généralement de faire de l’argent. Il est donc important de tirer la quintessence de votre PI en la liant aux objectifs commerciaux de l’entreprise. Ceci vous permettra d’utiliser davantage votre PI comme un outil de marketing qui contribue directement à votre succès sur le marché. Demandez l’aide de consultants stratégiques en PI pour mettre au point votre stratégie de PI sur la base de vos objectifs commerciaux et ainsi maximiser le retour sur vos investissements en PI. Ils peuvent vous aider à déterminer la valeur financière de votre PI afin d’obtenir des financements et des déductions fiscales, ou à explorer les possibilités de revenus sur les licences. Tirez parti de leur expérience en termes de négociation et d’établissement de contrats de licence et de partenariat afin de tirer de réels revenus de votre PI. L a publicité “programmatique” permet aux marques et les médias d’acheter et vendre de l’espace publicitaire via des systèmes numériques automatisés. Elle règne déjà sur le Web et va s’étendre au mobile. Plus de 20 % des dépenses publicitaires mobiles sont déjà concernées. Nous entrons ainsi dans le monde du marketing prédictif, où des modèles basés sur le big data (statistiques comportementales, conversationnelles, etc.) permettent de prévoir les actions des consommateurs. Le logiciel “the predictive marketing engine” de Google utilise un algorithme basé sur un score attribué à chaque internaute. E-mail, sites visités, cross-canal, click-andcollect… son comportement est décortiqué pour alimenter ce score et créer un profil personnel de marketing prédictif. Jusqu’ici, les formats publicitaires mobiles sont restés assez simples et statiques : AdWords “mobiles”, bannières publicitaires, etc. Mais les annonceurs vont disposer de formats plus créatifs, complexes et interactifs. La vidéo y occupera un rôle central. Cette créativité sur le mobile va encourager les dépenses liées au renforcement des marques. Les publicités prendront, dès lors, de plus en plus la forme d’expériences utilisateurs au cœur desquelles le message publicitaire sera une forme de contenu déguisé. Le mobile va aussi rendre interactif des supports traditionnels, comme le montre le site Net-à-Porter, avec un magazine pa- “Les marques vont généraliser les campagnes de “géo-fencing”, basées sur un périmètre géographique virtuel autour d’un utilisateur.” pier qui devient interactif via une application sur smartphone. Les smartphones fournissent aux annonceurs un volume de données très important, notamment sur la localisation (moins de 10 mètres). Les marques vont, dès lors, généraliser les campagnes de “géo-fencing”, basées sur un périmètre géographique virtuel autour d’un utilisateur. Les marques vont utiliser les Beacons, balises communiquant via Bluetooth avec le smartphone, pour envoyer une publicité ciblée aux clients qui passent devant leur boutique. L’application Regent Street à Londres en est un excellent exemple. Le lancement de l’Apple Watch a généré beaucoup d’attentes chez les acteurs de la publicité mobile. Mais, les responsables marketing ne sont pas unanimes quant à la capacité de l’Apple Watch, dont l’écran reste petit, d’être un device approprié pour engager un véritable dialogue avec les consommateurs. Plus prometteuse, semble l’idée d’utiliser les données recueillies par les capteurs et applications des wearables (les objets connectés portables) pour proposer des annonces très ciblées sur le smartphone de l’utilisateur. Enfin, pour les marques, un objectif majeur est le “cross-device-targeting”, c’est-à-dire suivre le consommateur tout au long de ses allers-retours entre ordinateur, tablette et smartphone, et de lui proposer des expériences publicitaires fluides. Google propose déjà des solutions pour permettre aux marques de cibler les consommateurs sur les mobiles en utilisant des données issues de leur activité sur leur ordinateur fixe, et vice versa. Avec son système de publicité Atlas, Facebook dispose d’un mécanisme de suivi “persistant” qui fonctionne sur base des relations entre une marque et ses utilisateurs connectés au travers de leurs différents terminaux, fixes et mobiles. Bref, le marketing digital n’a pas fini de nous étonner… peut-être aussi de nous inquiéter. samedi 19 septembre 2015 - La Libre Entreprise 9