Remboursement de l`automesure de l`INR chez l`enfant en France

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Éditorial
Sang Thrombose Vaisseaux 2008 ;
20, n° 10 : 503-5
Remboursement de l’automesure de l’INR
chez l’enfant en France
Reimbursement of self measurement of the INR
Dominique Lasne1, Brigitte Jude2, Christian Rey3, Damien Bonnet4
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Au nom de la commission GEHT (Groupe d’Etude sur l’Hémostase et la Thrombose) de la SFH (Société Française
d’Hématologie), de la FCPC (Filiale de Cardiologie Pédiatrique et Congénitale de la Société Française de Cardiologie)
1
Laboratoire d’hématologie, hôpital Necker, Paris
<[email protected]>
2
Laboratoire d’hématologie, hôpital cardiologique, Lille
3
Service des maladies infantiles cardiovasculaires et congénitales, hôpital cardiologique, Lille
4
Service de cardiologie pédiatrique, hôpital Necker, Paris
doi: 10.1684/stv.2008.0343
L
Tirés à part :
D. Lasne
e décret fixant les conditions de remboursement de l’automesure de
l’INR en pédiatrie est paru au journal officiel le 24 juin 2008 [1]. Il
est l’aboutissement des démarches engagées depuis plus de 2 ans par
le GEHT (Groupe d’Etude sur l’Hémostase et la Thrombose) et la
FCPC (Filiale de Cardiologie Pédiatrique et Congénitale de la Société Française
de Cardiologie) auprès des autorités de santé.
En raison d’une grande variabilité de sensibilité inter- et intra-individuelle aux
antivitamines K (AVK), une surveillance biologique fréquente est nécessaire
chez tout patient traité par AVK, afin d’éviter les accidents de sous-dosage
(risque de thrombose) ou de surdosage (risque d’hémorragie). Cette surveillance repose sur la mesure régulière de l’INR (International normalized
ratio) qui permet les ajustements thérapeutiques appropriés. En effet, l’efficacité et la sécurité des traitements par AVK reposent sur la définition de la zone
thérapeutique de l’INR pour chaque pathologie et sur le maintien du patient de
manière stable dans cette zone [2]. Malgré les recommandations d’INR cibles
pour chaque pathologie, les accidents hémorragiques liés aux AVK sont au
premier rang des accidents iatrogènes en France [3]. Chez l’enfant, le risque
hémorragique associé aux traitements par AVK peut être estimé de 0,5 à 12,2 %
[4]. Les complications thrombotiques sont plus rares mais leurs conséquences
sont dramatiques car ces accidents conduisent à des séquelles neurologiques
souvent graves ou à des réinterventions pour thrombose de valve grevées d’une
lourde mortalité [5]. La mesure de l’INR lorsqu’elle est réalisée par un test
classique au laboratoire nécessitant un prélèvement veineux direct est contraignante particulièrement en pédiatrie. Les prélèvements veineux sont souvent
difficiles, ce qui nuit non seulement au confort des patients (pouvant conduire à
l’espacement indu et dangereux des contrôles) mais ceci peut également nuire à
la qualité du résultat de l’INR. De plus, l’équilibre du traitement AVK est
souvent plus difficile à atteindre chez les enfants, ce qui nécessite des contrôles
plus fréquents notamment en début de traitement.
STV, vol. 20, n° 10, décembre 2008
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Depuis la fin des années 1980, des appareils de surveillance
de l’INR à domicile utilisables par les patients eux-mêmes
sont disponibles dans un grand nombre de pays européens
et nord américains mais jusqu’à présent, ils étaient indisponibles en France. Pourtant, depuis plusieurs années, ils ont
fait la preuve de leur efficacité non seulement en termes de
confort mais également en termes de qualité de surveillance
de l’INR, sous réserve d’un encadrement médical adapté
[6-8]. Depuis quelques années, des familles françaises utilisaient ces dispositifs en se les procurant à l’étranger. Dans
certains pays, une éducation était parfois assurée lors de la
délivrance du dispositif, dans d’autres pays, la délivrance
n’était accompagnée d’aucune précaution. Ces utilisations
sans contrôle médical devenaient inquiétantes.
De nombreuses raisons ont donc conduit les sociétés savantes (GEHT et FCPC) à se mobiliser pour que l’utilisation de
ces dispositifs soit remboursée et réglementée en France,
avec dispensation d’une éducation et mise en place d’un
encadrement médical adapté pour l’ensemble des enfants
nécessitant un traitement par AVK. Les fabricants et/ou
distributeurs de 2 dispositifs ayant un marquage CE (le
Coaguchek XS® (société Roche), l’INRatio® (Société Biodis, puis Inverness) nous ont accompagnés dans ces démarches.
Selon les termes du décret, « les appareils d’automesure de
l’INR et leurs consommables sont pris en charge chez les
enfants âgés de moins de 18 ans notamment en cas de port
de prothèses valvulaires mécaniques, dérivations cavopulmonaires, anévrisme artériel de la maladie de Kawasaki,
hypertension artérielle pulmonaire, prévention des thromboses intracavitaires dans les cardiomyopathies, et en cas
de thromboses veineuses ou artérielles. Les enfants et
leurs parents doivent avoir reçu une éducation thérapeutique au traitement par antivitamines K et une formation à
l’automesure. La prescription, la formation et le suivi des
enfants doivent être assurés par un service de cardiologie
ou de pédiatrie ayant une activité cardiopédiatrique
congénitale. Ce service doit être formé à la prise en
charge des traitements anticoagulants notamment à l’éducation thérapeutique, et aux dispositifs d’automesure de
l’INR. Il doit également disposer d’une astreinte disponible 24 heures/24 ». Afin de standardiser l’éducation dispensée avant toute prescription d’un dispositif d’automesure, le GEHT et la FCPC ont organisé 2 séances de
formation des équipes amenées à former les familles à
l’automesure. Ces deux séances, organisées à l’une à Paris
et l’autre à Lyon, ont permis de réunir un cardiopédiatre et
un infirmier de chacun des 27 centres de cardiopédiatrie
Français. Ces centres de cardiopédiatrie sont dits « services
référents » pour l’automesure de l’INR. Le décret précise
également que pour les enfants ayant une indication aux
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AVK non cardiologique, les médecins prescripteurs doivent
travailler en concertation avec un service référent. De
même, lorsqu’une structure de type « clinique des anticoagulants » existe, un travail en concertation avec les services
référents et cette structure doit être réalisé.
Ces dispositifs doivent être prescrits pour de l’automesure,
(équivalent dans la littérature internationale du terme « self
testing »), c’est-à-dire que le patient ou un membre de son
entourage réalise le test et communique le résultat de l’INR
au cardiopédiatre du service référent qui adapte le cas
échéant la posologie d’AVK et indique au patient la date du
prochain contrôle. Il ne s’agit pas d’un autocontrôle (« self
management ») pratiqué dans certains pays où le patient
fait l’automesure et ajuste lui-même la posologie de l’AVK
en fonction du résultat du test.
Selon le décret « la prescription du dispositif doit être
accompagnée d’un courrier adressé au médecin traitant
ainsi qu’au laboratoire d’analyses médicales qui réalisent
habituellement les contrôles de l’INR. Les coordonnées
d’un référent hospitalier en cas de difficultés doivent être
mises à disposition du patient et/ou de sa famille ».
En ce qui concerne la formation initiale de l’enfant et/ou
d’un membre de son entourage, celle-ci doit comprendre :
« une formation théorique aux traitements AVK et au
remplissage du carnet de suivi aux AVK et une formation
pratique à l’autopiqûre et notamment sur le prélèvement,
et à l’utilisation du dispositif d’automesure ». Un contrôle
de la bonne compréhension et de la mémorisation des
différentes informations transmises au cours de la formation est réalisé à l’issue de la formation initiale pour autoriser la prescription du dispositif et des bandelettes pour
3 mois. Un contrôle continu à 3 mois, puis tous les 6 mois,
sont également réalisés par un service référent pour le
renouvellement de la prescription des bandelettes.
La mesure de l’INR en pédiatrie doit être réalisée toutes les
2 semaines dans les situations d’équilibre. Un contrôle sera
réalisé 48 heures après chaque changement de posologie ou
événement susceptible de modifier l’INR. Lors de la mise
en route du traitement, c’est-à-dire au moment du relais
héparine-AVK, les rythmes de mesure de l’INR indiqués
dans le décret sont présentés dans le tableau I. Ces fréquences de mesures ont été proposées au regard de la littérature
mais peuvent être très variables d’un enfant à un autre.
Les enfants sous AVK au long court peuvent donc désormais bénéficier de l’automesure pour la surveillance de
l’INR. L’attente des familles est telle que les services de
cardiopédiatrie doivent s’organiser rapidement pour assurer l’éducation des patients. On estime à environ 500 le
nombre d’enfants sous AVK. D’après les données de la
littérature chez l’adulte, 60 % de l’ensemble de la population est réceptif au programme éducationnel, 300 disposi-
STV, vol. 20, n° 10, décembre 2008
Tableau I. Rythme de mesure le l'INR pour les enfants chez qui est initié un traitement par AVK
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Semaine N°
1-3
4-12
INR laboratoire
INR auto-mesure
1/semaine
1/jour
1/mois
1/semaine
Education
Formation théorique
et pratique.
Contrôle des connaissances
le jour de la prescription
Contrôle
des connaissances
à 12 semaines
tifs devraient donc être prescrits chez les enfants déjà sous
AVK, auxquels s’ajoutent les prescriptions aux patients
nouvellement traités. La prise en charge du coût de la
formation dans le remboursement a été demandée par les
sociétés savantes mais n’a pas été prévue. Celle-ci est
pourtant indispensable pour assurer de manière pérenne,
une éducation standardisée de qualité. Une réflexion avec
les autorités de santé sur la valorisation et l’obtention de
moyens pour l’éducation des patients sous AVK est indispensable tant pour les enfants que pour les adultes. En effet,
l’éducation aux AVK est indispensable quel que soit le
mode de surveillance de l’INR [9, 10]. Une étude médicoéconomique comparant la surveillance classique de l’INR
au laboratoire et la surveillance par un dispositif d’automesure est en cours chez l’adulte faisant l’objet d’une chirurgie valvulaire (étude 4A, « Apport d’un appareil d’automesure de l’anticoagulation »). Les résultats de cette étude
sont très attendus par la communauté médicale et par les
patients car ils conditionneront l’obtention du remboursement de l’automesure de l’INR au-delà de 18 ans.
Enfin, il est important de préciser que les dispositifs d’automesure de l’INR et leurs consommables sont inscrits sur la
liste des produits et des prestations remboursables (LPPR)
pour une durée de 3 ans et que le renouvellement de cette
inscription est subordonné à la présentation des résultats
d’une étude clinique dont les critères d’analyses seront : le
temps passé dans la zone thérapeutique, la fréquence des
contrôles et le nombre de complications à long terme (hémorragie et thrombose). Les moyens de financer cette étude
restent à trouver. ■
12-15
16-27
A partir de 28
semaines
1/6 mois
1/2 semaines.
Un contrôle par le lecteur pourra être réalisé 48 heures
après chaque changement de posologie, après un
événement susceptible de modifier l’INR ou sur des
signes évocateurs d’un mauvais ajustement.
Contrôles des connaissances tous les 6 mois
Références
1. Arrêté du 18 juin 2008 relatif à l’inscription du dispositif d’automesure
de l’INR COAGUCHEK XS de la société Roche Diagnostics et de l’INR
INRatio de la société Inverness Medical France au chapitre 1er du titre Ier
de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l’article
L. 165- 1 du code de la sécurité sociale. Journal Officiel de la République
Française 2008 : Textes 17 et 19.
2. Ansell J, Hirsh J, Hylek E, Jacobson A, Crowther M, Palareti G. Pharmacology and management of the vitamin K antagonists : American
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3. Pouyanne P, Haramburu F, Imbs JL, Begaud B. Admissions to hospital
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heart disease : American College of Chest Physicians Evidence-Based
Clinical Practice Guidelines (8th Edition). Chest 2008 ; 133 : 593S-629S.
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conventional methods. BMJ 2003 ; 327 : 30.
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Glasziou P. Self-monitoring of oral anticoagulation : a systematic review
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