Remboursement de l`automesure de l`INR chez l`enfant en France

Éditorial
Remboursement de l’automesure de l’INR
chez l’enfant en France
Reimbursement of self measurement of the INR
Dominique Lasne
1
, Brigitte Jude
2
, Christian Rey
3
, Damien Bonnet
4
Au nom de la commission GEHT (Groupe d’Etude sur l’Hémostase et la Thrombose) de la SFH (Société Française
d’Hématologie), de la FCPC (Filiale de Cardiologie Pédiatrique et Congénitale de la Société Française de Cardiologie)
1
Laboratoire d’hématologie, hôpital Necker, Paris
2
Laboratoire d’hématologie, hôpital cardiologique, Lille
3
Service des maladies infantiles cardiovasculaires et congénitales, hôpital cardiologique, Lille
4
Service de cardiologie pédiatrique, hôpital Necker, Paris
Le décret fixant les conditions de remboursement de l’automesure de
l’INR en pédiatrie est paru au journal officiel le 24 juin 2008 [1]. Il
est l’aboutissement des démarches engagées depuis plus de 2 ans par
le GEHT (Groupe d’Etude sur l’Hémostase et la Thrombose) et la
FCPC (Filiale de Cardiologie Pédiatrique et Congénitale de la Société Française
de Cardiologie) auprès des autorités de santé.
En raison d’une grande variabilité de sensibilité inter- et intra-individuelle aux
antivitamines K (AVK), une surveillance biologique fréquente est nécessaire
chez tout patient traité par AVK, afin d’éviter les accidents de sous-dosage
(risque de thrombose) ou de surdosage (risque d’hémorragie). Cette sur-
veillance repose sur la mesure régulière de l’INR (International normalized
ratio) qui permet les ajustements thérapeutiques appropriés. En effet, l’effica-
cité et la sécurité des traitements par AVK reposent sur la définition de la zone
thérapeutique de l’INR pour chaque pathologie et sur le maintien du patient de
manière stable dans cette zone [2]. Malgré les recommandations d’INR cibles
pour chaque pathologie, les accidents hémorragiques liés aux AVK sont au
premier rang des accidents iatrogènes en France [3]. Chez l’enfant, le risque
hémorragique associé aux traitements par AVK peut être estimé de 0,5 à 12,2 %
[4]. Les complications thrombotiques sont plus rares mais leurs conséquences
sont dramatiques car ces accidents conduisent à des séquelles neurologiques
souvent graves ou à des réinterventions pour thrombose de valve grevées d’une
lourde mortalité [5]. La mesure de l’INR lorsqu’elle est réalisée par un test
classique au laboratoire nécessitant un prélèvement veineux direct est contrai-
gnante particulièrement en pédiatrie. Les prélèvements veineux sont souvent
difficiles, ce qui nuit non seulement au confort des patients (pouvant conduire à
l’espacement indu et dangereux des contrôles) mais ceci peut également nuire à
la qualité du résultat de l’INR. De plus, l’équilibre du traitement AVK est
souvent plus difficile à atteindre chez les enfants, ce qui nécessite des contrôles
plus fréquents notamment en début de traitement.
Tirés à part :
D. Lasne
Sang Thrombose Vaisseaux 2008 ;
20, n° 10 : 503-5
STV, vol. 20, n° 10, décembre 2008 503
doi: 10.1684/stv.2008.0343
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Depuis la fin des années 1980, des appareils de surveillance
de l’INR à domicile utilisables par les patients eux-mêmes
sont disponibles dans un grand nombre de pays européens
et nord américains mais jusqu’à présent, ils étaient indispo-
nibles en France. Pourtant, depuis plusieurs années, ils ont
fait la preuve de leur efficacité non seulement en termes de
confort mais également en termes de qualité de surveillance
de l’INR, sous réserve d’un encadrement médical adapté
[6-8]. Depuis quelques années, des familles françaises utili-
saient ces dispositifs en se les procurant à l’étranger. Dans
certains pays, une éducation était parfois assurée lors de la
délivrance du dispositif, dans d’autres pays, la délivrance
n’était accompagnée d’aucune précaution. Ces utilisations
sans contrôle médical devenaient inquiétantes.
De nombreuses raisons ont donc conduit les sociétés savan-
tes (GEHT et FCPC) à se mobiliser pour que l’utilisation de
ces dispositifs soit remboursée et réglementée en France,
avec dispensation d’une éducation et mise en place d’un
encadrement médical adapté pour l’ensemble des enfants
nécessitant un traitement par AVK. Les fabricants et/ou
distributeurs de 2 dispositifs ayant un marquage CE (le
Coaguchek XS
®
(société Roche), l’INRatio
®
(Société Bio-
dis, puis Inverness) nous ont accompagnés dans ces démar-
ches.
Selon les termes du décret, « les appareils d’automesure de
l’INR et leurs consommables sont pris en charge chez les
enfants âgés de moins de 18 ans notamment en cas de port
de prothèses valvulaires mécaniques, dérivations cavopul-
monaires, anévrisme artériel de la maladie de Kawasaki,
hypertension artérielle pulmonaire, prévention des throm-
boses intracavitaires dans les cardiomyopathies, et en cas
de thromboses veineuses ou artérielles. Les enfants et
leurs parents doivent avoir reçu une éducation thérapeuti-
que au traitement par antivitamines K et une formation à
l’automesure. La prescription, la formation et le suivi des
enfants doivent être assurés par un service de cardiologie
ou de pédiatrie ayant une activité cardiopédiatrique
congénitale. Ce service doit être formé à la prise en
charge des traitements anticoagulants notamment à l’édu-
cation thérapeutique, et aux dispositifs d’automesure de
l’INR. Il doit également disposer d’une astreinte disponi-
ble 24 heures/24 ». Afin de standardiser l’éducation dis-
pensée avant toute prescription d’un dispositif d’autome-
sure, le GEHT et la FCPC ont organisé 2 séances de
formation des équipes amenées à former les familles à
l’automesure. Ces deux séances, organisées à l’une à Paris
et l’autre à Lyon, ont permis de réunir un cardiopédiatre et
un infirmier de chacun des 27 centres de cardiopédiatrie
Français. Ces centres de cardiopédiatrie sont dits « services
référents » pour l’automesure de l’INR. Le décret précise
également que pour les enfants ayant une indication aux
AVK non cardiologique, les médecins prescripteurs doivent
travailler en concertation avec un service référent. De
même, lorsqu’une structure de type « clinique des anticoa-
gulants » existe, un travail en concertation avec les services
référents et cette structure doit être réalisé.
Ces dispositifs doivent être prescrits pour de l’automesure,
(équivalent dans la littérature internationale du terme « self
testing »), c’est-à-dire que le patient ou un membre de son
entourage réalise le test et communique le résultat de l’INR
au cardiopédiatre du service référent qui adapte le cas
échéant la posologie d’AVK et indique au patient la date du
prochain contrôle. Il ne s’agit pas d’un autocontrôle (« self
management ») pratiqué dans certains pays où le patient
fait l’automesure et ajuste lui-même la posologie de l’AVK
en fonction du résultat du test.
Selon le décret « la prescription du dispositif doit être
accompagnée d’un courrier adressé au médecin traitant
ainsi qu’au laboratoire d’analyses médicales qui réalisent
habituellement les contrôles de l’INR. Les coordonnées
d’un référent hospitalier en cas de difficultés doivent être
mises à disposition du patient et/ou de sa famille ».
En ce qui concerne la formation initiale de l’enfant et/ou
d’un membre de son entourage, celle-ci doit comprendre :
«une formation théorique aux traitements AVK et au
remplissage du carnet de suivi aux AVK et une formation
pratique à l’autopiqûre et notamment sur le prélèvement,
et à l’utilisation du dispositif d’automesure ». Un contrôle
de la bonne compréhension et de la mémorisation des
différentes informations transmises au cours de la forma-
tion est réalisé à l’issue de la formation initiale pour autori-
ser la prescription du dispositif et des bandelettes pour
3 mois. Un contrôle continu à 3 mois, puis tous les 6 mois,
sont également réalisés par un service référent pour le
renouvellement de la prescription des bandelettes.
La mesure de l’INR en pédiatrie doit être réalisée toutes les
2 semaines dans les situations d’équilibre. Un contrôle sera
réalisé 48 heures après chaque changement de posologie ou
événement susceptible de modifier l’INR. Lors de la mise
en route du traitement, c’est-à-dire au moment du relais
héparine-AVK, les rythmes de mesure de l’INR indiqués
dans le décret sont présentés dans le tableau I. Ces fréquen-
ces de mesures ont été proposées au regard de la littérature
mais peuvent être très variables d’un enfant à un autre.
Les enfants sous AVK au long court peuvent donc désor-
mais bénéficier de l’automesure pour la surveillance de
l’INR. L’attente des familles est telle que les services de
cardiopédiatrie doivent s’organiser rapidement pour assu-
rer l’éducation des patients. On estime à environ 500 le
nombre d’enfants sous AVK. D’après les données de la
littérature chez l’adulte, 60 % de l’ensemble de la popula-
tion est réceptif au programme éducationnel, 300 disposi-
STV, vol. 20, n° 10, décembre 2008
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tifs devraient donc être prescrits chez les enfants déjà sous
AVK, auxquels s’ajoutent les prescriptions aux patients
nouvellement traités. La prise en charge du coût de la
formation dans le remboursement a été demandée par les
sociétés savantes mais n’a pas été prévue. Celle-ci est
pourtant indispensable pour assurer de manière pérenne,
une éducation standardisée de qualité. Une réflexion avec
les autorités de santé sur la valorisation et l’obtention de
moyens pour l’éducation des patients sous AVK est indis-
pensable tant pour les enfants que pour les adultes. En effet,
l’éducation aux AVK est indispensable quel que soit le
mode de surveillance de l’INR [9, 10]. Une étude médico-
économique comparant la surveillance classique de l’INR
au laboratoire et la surveillance par un dispositif d’autome-
sure est en cours chez l’adulte faisant l’objet d’une chirur-
gie valvulaire (étude 4A, « Apport d’un appareil d’auto-
mesure de l’anticoagulation »). Les résultats de cette étude
sont très attendus par la communauté médicale et par les
patients car ils conditionneront l’obtention du rembourse-
ment de l’automesure de l’INR au-delà de 18 ans.
Enfin, il est important de préciser que les dispositifs d’auto-
mesure de l’INR et leurs consommables sont inscrits sur la
liste des produits et des prestations remboursables (LPPR)
pour une durée de 3 ans et que le renouvellement de cette
inscription est subordonné à la présentation des résultats
d’une étude clinique dont les critères d’analyses seront : le
temps passé dans la zone thérapeutique, la fréquence des
contrôles et le nombre de complications à long terme (hé-
morragie et thrombose). Les moyens de financer cette étude
restent à trouver.
Références
1. Arrêté du 18 juin 2008 relatif à l’inscription du dispositif d’automesure
de l’INR COAGUCHEK XS de la société Roche Diagnostics et de l’INR
INRatio de la société Inverness Medical France au chapitre 1
er
du titre Ier
de la liste des produits et prestations remboursables prévue à l’article
L. 165- 1 du code de la sécurité sociale. Journal Officiel de la République
Française 2008 : Textes 17 et 19.
2. Ansell J, Hirsh J, Hylek E, Jacobson A, Crowther M, Palareti G. Phar-
macology and management of the vitamin K antagonists : American
College of Chest Physicians Evidence-Based Clinical Practice Guidelines
(8th Edition). Chest 2008 ; 133 : 160S-198S.
3. Pouyanne P, Haramburu F, Imbs JL, Begaud B. Admissions to hospital
caused by adverse drug reactions : cross sectional incidence study. French
Pharmacovigilance Centres. BMJ 2000 ; 320 : 1036.
4. Monagle P, Chan A, Massicotte P, Chalmers E, Michelson AD. Anti-
thrombotic therapy in children : the Seventh ACCP Conference on Anti-
thrombotic and Thrombolytic Therapy. Chest 2004 ; 126 : 645S-687S.
5. Salem DN, O’Gara PT, Madias C, Pauker SG. Valvular and structural
heart disease : American College of Chest Physicians Evidence-Based
Clinical Practice Guidelines (8th Edition). Chest 2008 ; 133 : 593S-629S.
6. Poller L, Keown M, Chauhan N, et al. Reliability of international nor-
malised ratios from two point of care test systems : comparison with
conventional methods. BMJ 2003 ; 327 : 30.
7. Heneghan C,Alonso-Coello P, Garcia-Alamino JM, Perera R, Meats E,
Glasziou P. Self-monitoring of oral anticoagulation : a systematic review
and meta-analysis. Lancet 2006 ; 367 : 404-11.
8. Bauman ME, Black KL, Massicotte MP, et al. Accuracy of the Coagu-
Chek XS for point-of-care international normalized ratio (INR) measure-
ment in children requiring warfarin. Thromb Haemost 2008 ; 99 : 1097-
103.
9. de Moerloose P, Boneu B. Traitement anticoagulant et éducation : une
nécessité. Sang Thromb Vaiss 1999 ; 11 : 647-52.
10. Newall F, Monagle P, Johnston L. Home INR monitoring of oral anti-
coagulant therapy in children using the CoaguChek S point-of-care moni-
tor and a robust education program. Thromb Res 2006 ; 118 : 587-93.
Tableau I.Rythme de mesure le l'INR pour les enfants chez qui est initié un traitement par AVK
Semaine N° 1-3 4-12 12-15 16-27 A partir de 28
semaines
INR laboratoire 1/semaine 1/mois 1/6 mois
INR auto-mesure 1/jour 1/semaine 1/2 semaines.
Un contrôle par le lecteur pourra être réalisé 48 heures
après chaque changement de posologie, après un
événement susceptible de modifier l’INR ou sur des
signes évocateurs d’un mauvais ajustement.
Education Formation théorique
et pratique.
Contrôle des connaissances
le jour de la prescription
Contrôle
des connaissances
à 12 semaines
Contrôles des connaissances tous les 6 mois
STV, vol. 20, n° 10, décembre 2008 505
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