La nocardiose est-elle plus fréquemment observée depuis l

La nocardiose est-elle plus fréquemment observée
depuis l’introduction des nouveaux immunosuppresseurs
en transplantation rénale?
S. Canet, V. Garrigue, J. Bismuth, G. Chong, A. Lesnik1, P. Taourel1et G. Mourad
Service de néphrologie et transplantation rénale, 1Département de radiologie, Hôpital Lapeyronie, Montpellier
articles originaux
Néphrologie Vol. 25 n° 2 2004, pp. 43-48 43
Résumé • Summary
Dans notre série de 1374 transplantations rénales effectuées
entre février 1970 et décembre 2002, nous avons observé six
infections dues à Nocardia asteroides. Il s’agissait de quatre
hommes, deux femmes, âgés de 49,8 ± 12 ans (29 à 63 ans).
Seul un patient recevait sa première transplantation, les cinq
autres étant des retransplantations. Trois patients sur six étaient
hyperimmunisés (anticorps anti-HLA > 80% du panel de lym-
phocytes) et deux étaient porteurs d’anticorps anti-HLA détrui-
sant respectivement 28% et 40% du panel. La localisation de
l’infection était pulmonaire dans cinq cas, cérébrale dans deux
cas et médiastinale dans un cas. Deux des six patients avaient été
traités par des bolus de solumédrol pour rejet aigu.
Lorsque nous avons analysé la survenue de ces infections en
fonction des protocoles immunosuppresseurs, nous avons observé
deux cas parmi 933 receveurs traités par ciclosporine entre 1985
et 2002, et quatre cas parmi 174 receveurs traités par tacrolimus
entre 1996 et 2002. Tous les patients atteints avaient reçu un trai-
tement d’induction par anticorps polyclonaux (lymphoglobuline
ou thymoglobuline) et cinq des six patients étaient soumis au long
cours à une triple immunosuppression par stéroïdes, anticalcineu-
rine et azathioprine ou mycophénolate mofétil (MMF).
Notre série suggère que les patients à haut risque immunolo-
gique, le niveau élevé de l’immunosuppression et peut-être le
traitement par tacrolimus sont des facteurs de risque de nocar-
diose. Un diagnostic précoce, la réduction du traitement immu-
nosuppresseur et une antibiothérapie prolongée par sulfamides
ont permis d’obtenir la guérison de tous nos patients.
Mots-clés: Nocardiose – Transplantation rénale – Tacrolimus –
Mycophénolate mofétil.
In our series of 1374 renal transplantations performed between
february 1970 and december 2002, we observed 6 cases of infec-
tion due to Nocardia asteroids. There were 4 male and
2 female, aged 49.8 ± 12 years (29 to 63 years). One patient
received his first transplantation and the 5 others retransplants.
Three patients had PRA > 80%, one 28% and one 40%. One
patient was diabetic and two had HCV infection.Two from 6
patients experienced acute rejection episodes.
Nocardiosis localisation was pulmonary in 5 cases, cerebral in
two and mediastinal in one. All patients recovered after reduc-
tion of immunosuppression and appropriate antibiotherapy with
trimetoprim-sulfamethoxasole (TMP-SMX).
When we analyzed the role of immunosuppression, we
observed that only two cases were observed in the 933 recipients
transplanted between 1985 and 2002 and receiving ciclosporin,
contrasting with 4 cases among 174 recipients transplanted
between 1996 and 2002 and receiving tacrolimus.
Our data suggest that high immunologic risk patients, heavy
immunosuppression, and perhaps tacrolimus-based immuno-
suppression are risk factors of nocardial infection.
Early diagnosis of this severe infection, reduction of immuno-
suppression and appropriate therapy with TMP-SMX resulted in
complete recovery in all our patients.
Key words: Nocardiosis – Renal transplantation – Tacrolimus –
Mycophenolate mofetil – Overimmunosuppression.
Abréviations
AZA: Azathioprine®
ATG : Thymoglobuline (Imtix-Sangstat, Lyon, France)
CsA: Ciclosporine
HLA: Human leucocyte antigens
IS : Immunosuppression
LBA: Lavage broncho-alvéolaire
MMF: Mycophénolate mofétil (Cellcept®, Roche)
Pred: Prednisolone
RC : Rein de cadavre
SAL : Sérum antilymphocytaire (Lymphoglobuline®Mérieux, Lyon,
France)
Tc: Tacrolimus
TDM: Tomodensitométrie
Tx: Transplantation
VIH: Virus de l’immunodéficience humaine
VHC : Virus de l’hépatite C
Introduction
La nocardiose est une infection opportuniste survenant la plu-
part du temps dans un contexte d’immunodépression (VIH, trans-
plantation d’organes solides, hémopathies malignes notamment).
Cependant, dans une enquête réalisée entre 1972 et 1974 aux
Etats-Unis, plus de 15% des cas étaient observés chez des sujets
non immunodéprimés.1
La nocardiose est due à une bactérie à Gram positif, aérobie
stricte et acido-alcoolo résistante. L’identification bactériolo-
gique se fait par l’observation de pseudo-mycelium Gram positif
et de hyphes acido-alcoolo résistants.2La culture sur milieux enri-
chis est longue (quelques jours à plusieurs semaines). Il existe trois
espèces pathogènes chez l’homme : Nocardia Asteroides (la plus
fréquente: 90% des cas chez les transplantés rénaux); Nocardia
brasilensis et Nocardia caviae.3
Nocardia asteroides est une bactérie tellurique ubiquitaire
dont la porte d’entrée chez l’homme est le plus souvent respira-
toire.3,4,5 Par conséquent, la forme clinique la plus fréquente est
une infection pulmonaire (présente dans 60 à 80% des cas).4,5 La
dissémination secondaire par voie hématogène est observée dans
près d’un cas sur deux:6les organes les plus souvent atteints sont
la peau, le tissu sous-cutané et le système nerveux central, (articu-
lations, cœur et reins étant moins souvent touchés).3
Bien que l’incidence de la nocardiose soit plus élevée chez les
transplantés rénaux par rapport aux autres transplantions d’or-
ganes,3,7 les publications sont souvent consacrées à la descrip-
tion de cas cliniques et à leur évolution.8-16 Par conséquent, l’ab-
sence d’études analysant de grandes cohortes de transplantés ne
permet pas d’interpréter correctement l’influence respective des
différents traitements immunosuppresseurs sur la survenue de la
maladie.4Ceci nous a incité à rapporter l’expérience de notre
centre où six observations de nocardiose ont été diagnostiquées
entre 1993 et 2002, et à analyser la survenue de ces cas en fonc-
tion du traitement immunosuppresseur.
Patients et immunosuppresion
Patients
Entre février 1970 et décembre 2002,1374 transplantations
rénales ont été effectuées dans notre centre. Six cas de nocar-
diose ont été diagnostiqués.
Immunosuppression
Nous distinguons trois périodes successives dans notre pra-
tique de l’immunosuppression.
Première période (1970-1984)
Les patients recevaient du sérum anti-lymphocytaire (SAL ;
lymphoglobulines; Laboratoire Mérieux, Lyon, France) à forte
dose (une perfusion de trois ampoules par jour pendant quinze
jours, puis décroissance progressive: trois perfusions par semaine
pendant un mois puis deux perfusions par semaine pendant un
mois puis une perfusion par semaine pendant un mois) associées
à des stéroïdes à faible dose (20 mg/jour) et de l’azathioprine
(100 à 150 mg/j). Les crises de rejet aigu étaient traitées par de
la méthylprednisolone i.v. à forte dose (500 mg/j pendant trois
jours puis 4 mg/kg/j pendant deux jours puis 3 mg/kg/j pendant
deux jours puis 1 mg/kg/j per os pendant quinze jours).
Deuxième période (1985-1995)
Les patients recevaient de la ciclosporine dans le cadre d’un
traitement séquentiel incluant: SAL ou thymoglobulines (ATG ;
50 à 75 mg/jour pendant quinze jours), azathioprine et stéroïdes.
Lorsque la créatininémie atteignait 200 µmol/l, la ciclosporine
était introduite à la dose de 6 mg/kg/j, dose adaptée en fonction
des concentrations résiduelles (200 ng/ml pendant le premier
mois, 150 à 200 ng/ml durant les 2eet 3emois, 100 à 150 ng/ml
du 4eau 6emois et 100 ng/ml au long cours). Les crises de rejet
aigu étaient traitées par trois bolus successifs de méthylpredniso-
lone (500 mg/j i.v.). Les rejets corticorésistants étaient traités par
OKT3 (5 mg/j pendant dix jours).
Troisième période (1996-2002)
Durant cette période où de nombreux immunosuppresseurs
ont été introduits, nous pouvons distinguer deux protocoles
d’immunosuppression.
Le premier à base de ciclosporine (Néoral®) en association
avec le MMF (2 g/j) et des stéroïdes.
Le second à base de tacrolimus à la dose de 0,2 mg/kg/j à
adapter en fonction des tacrolémies résiduelles (10 à 15 ng/ml
durant le premier mois, puis 5 à 10 ng/ml au long cours), en
association avec des stéroïdes et de l’azathioprine. Chez les
patients à haut risque immunologique, l’azathioprine était rem-
placée par le MMF.
La majorité des patients recevaient une induction par thymo-
globulines à faible dose (50 à 75 mg/j en perfusions intermittentes
effectuées lorsque le taux de lymphocytes CD3 était supérieur à
20/mm3) jusqu’à ce que la créatininémie atteigne 200 µmol/l.17
Résultats
Cas cliniques
Six patients ont présenté une nocardiose: quatre hommes et
deux femmes, âgés de 29 à 63 ans (tableau I). Il s’agissait d’une
première transplantation dans un cas et d’une deuxième trans-
plantation dans les cinq autres cas. Trois patients étaient hyper-
immunisés et deux autres avaient des anticorps anti-HLA détrui-
sant respectivement 28 et 40% du panel de lymphocytes.
Tous les patients étaient VIH négatif. Un patient était VHC
positif, un second diabétique et un troisième diabétique et VHC
positif. Tous les patients ont reçu un traitement d’induction par
SAL ou ATG. Le délai de survenue de l’infection était de quatre à
seize mois post-transplantation.
Tous les patients étaient fébriles lors du diagnostic (37°3 C à
39° C); cinq d’entre eux se présentaient avec des signes respira-
toires, parfois sévères (fig. 1); l’atteinte pulmonaire était associée
à une médiastinite dans un cas et à un abcès cérébral dans un
autre. Le sixième patient se plaignait de céphalées isolées et d’une
fébricule (37°3 C) révélant un abcès cérébral (fig. 2), sans atteinte
pulmonaire.
articles originaux
Néphrologie Vol. 25 n° 2 2004
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Le traitement antibiotique fut un sulfamide pour cinq des six
patients et l’imipénem relayé par la minocycline chez un patient
allergique aux sulfamides. L’immunosuppression a été allégée
chez tous les patients (arrêt de l’azathioprine ou du MMF et
diminution des doses des anticalcineurines). L’évolution a été
favorable chez tous les patients. L’infection n’a pas eu de reten-
tissement défavorable sur la fonction du transplant.
Survenue des cas en fonction du traitement
immunosuppresseur
Aucun cas de nocardiose n’a été recensé chez les 267 patients
transplantés avant 1985. Deux cas ont été diagnostiqués chez les
645 patients transplantés entre 1985 et 1995. Enfin, quatre cas
sont survenus parmi les 462 patients transplantés depuis 1996
(tableau II). Durant cette dernière période, les quatre observations
de nocardiose concernaient exclusivement des receveurs traités
par tacrolimus: un patient recevait une bithérapie tacrolimus et
stéroïdes, les trois autres une trithérapie tacrolimus, MMF et sté-
roïdes (un cas), et tacrolimus, azathioprine et stéroïdes (deux cas).
Il n’y a pas de différence en ce qui concerne l’âge, le sexe et le
nombre de crises de rejet aigu entre les patients ayant présenté
une nocardiose et la population globale des transplantés de notre
centre. Par contre, il s’agissait d’une deuxième transplantation
chez cinq de nos six patients et deux étaient hyperimmunisés, cir-
constances où une immunosuppression forte est indiquée.
articles originaux
Néphrologie Vol. 25 n° 2 2004 45
Tableau I: Caractéristiques cliniques, traitement et évolution des patients.
Age
Comorbidité
N° Tx IS Rejet Délai Clinique Organes Diagnostic Bactéries Traitement Evolution
Sexe et date aigu Post-Tx atteints
1 H VHC + 2eTx RC SAL Non 12 mois Toux, fièvre, Poumon Biopsie Nocardia Bactrim®Guérison
59 ans Diabète (1993) Pred expectoration, s/TDM
CsA amaigrissement
AZA
2 H VHC + 2eTx RC SAL Non 16 mois Dyspnée, fièvre, Poumon Biopsie Nocardia Bactrim®Guérison
48 ans (1992) Pred douleur thoracique, Cerveau s/TDM
CsA céphalées, AEG
AZA
3F 2
eTx RC ATG Non 9 mois Fièvre, dysphagie, Médiastin LBA Nocardia Bactrim®Guérison
29 ans (1998) Pred abcès médiastinal Poumon
Tc fistule œsophago-
AZA trachéale
4 H Diabète 1re Tx RC ATG Oui 8 mois Céphalées Cerveau Biopsie Nocardia Bactrim®Guérison
48 ans (2000) Pred s/TDM Chirurgie
Tc
AZA
5H 2
eTx RC ATG Oui 4 mois
Douleur thoracique,
Poumon Biopsie Nocardia Bactrim®Guérison
48 ans (2000) Pred fièvre s/TDM
Tc
MMF
6F 2
eTx RC ATG Non 15 mois Dyspnée, fièvre Poumon Biopsie Non
Imipénem
Guérison
67 ans (2000) Pred s/TDM obtenu
Minocycline
Tc
AZA
Fig. 1: TDM thoracique du patient 6: nombreuses opacités nodu-
laires bilatérales, de taille variable.
Fig. 2: TDM cérébrale du patient 4: image arrondie frontopariétale
gauche, avec œdème périlésionnel.
Discussion
L’incidence de la nocardiose chez les transplantés rénaux est
variable selon les séries (0 à 20%) mais se situe en général aux
environs de 4%.3,7,18 Dans notre série, elle est de 0,4% mais avec
une majorité de cas survenant entre 1995 et 2002, période où
l’immunosuppression a été intensifiée.
La mortalité globale restant élevée (25%),3il est primordial
d’obtenir un diagnostic précoce de l’infection. Ce diagnostic est
souvent difficile en raison du caractère aspécifique de la présen-
tation clinique, en particulier en ce qui concerne l’atteinte pul-
monaire.2,19 Comme cela a été observé chez les patients 3 et 5, il
n’est pas rare que le diagnostic de nocardiose soit d’ailleurs évo-
qué devant la persistance de signes respiratoires initialement
traités comme une infection à germes banaux. Aucune méthode
indirecte fiable n’étant actuellement disponible (sérologie, anti-
gène soluble),3le diagnostic doit être systématiquement confirmé
par une procédure invasive permettant d’isoler la bactérie (LBA,
ponction d’une opacité pulmonaire guidée par TDM, ponction
stéréotaxique d’un abcès cérébral).2,3,11,14,20
La localisation cérébrale secondaire, sous la forme d’abcès
unique ou multiple est fréquente chez les transplantés rénaux
(20 à 38% des cas de nocardiose)3,5,21,22 avec une mortalité attei-
gnant près de 80% dans certaines séries. Dans notre population,
l’évolution des deux patients présentant une localisation céré-
brale a été favorable. L’atteinte cérébrale de la nocardiose est
parfois asymptomatique et beaucoup d’auteurs recommandent
son dépistage systématique par TDM ou IRM devant toute
nocardiose diagnostiquée chez un patient immunodéprimé ou
pour tout tableau neurologique fébrile chez un immunodéprimé.
Les sulfamides restent l’antibiothérapie de référence. Avant
leur apparition, la mortalité de la nocardiose était de 80% envi-
ron.3L’obtention d’un diagnostic précoce et le traitement pro-
longé (> 6 mois) par sulfamides ont permis la guérison de tous
nos patients. La durée du traitement n’est pas actuellement
consensuelle. Rubin souligne l’importance d’un bilan d’extension
soigneux initial pour déterminer la durée du traitement. Selon
lui, l’antibiothérapie doit être poursuivie voire renforcée jusqu’à
disparition complète de tous les foyers infectieux présents lors du
diagnostic.23 Les cas de rechute survenant majoritairement chez
des patients traités pendant moins de six mois, tous les auteurs
recommandent un traitement par sulfamide pour une durée
minimale de six mois pour les localisations pulmonaires et de
douze mois pour les localisations cérébrales.2,24 D’autre part, le
traitement chirurgical des abcès cérébraux est préconisé, Filice et
coll. ayant décrit une nette diminution de la mortalité chez les
patients traités par antibiothérapie et chirurgie comparés aux
patients traités par antibiothérapie seule.25
Une alternative thérapeutique est parfois nécessaire en cas
d’intolérance aux sulfamides ou de détérioration de la fonction
du transplant sous sulfamides. Elle fait appel à l’amikacine, à l’imi-
pénem et aux céphalosporines de troisième génération (céfo-
taxime ou ceftriaxone) par voie parentérale.2,19 Par contre, l’effica-
cité du traitement d’entretien par minocycline a été récemment
remise en cause par deux observations de dissémination cérébrale
d’une nocardiose pulmonaire traitée par minocycline.26 Enfin, cer-
tains auteurs considèrent que la prévention de la pneumocystose
pulmonaire par les sulfamides permet également de prévenir effi-
cacement la nocardiose.24
L’intensité globale du traitement immunosuppresseur joue
un rôle déterminant dans la survenue de nocardiose. En effet, le
nombre de rejet(s) aigus(s), l’utilisation de fortes doses de stéroïdes,
l’intensité du traitement immunosuppresseur sont des facteurs
de risque déjà reconnus chez les transplantés rénaux.2,7,18 Notre
expérience est en accord avec ces données puisque si seulement
deux de nos patients (4 et 5) avaient présenté une crise de rejet
aigu respectivement quatre et six mois avant le diagnostic de
nocardiose, le niveau global d’immunosuppression était très élevé
chez cinq d’entre eux (induction par anticorps polyclonaux, trithé-
rapie d’entretien associant un inhibiteur de la calcineurine avec
des stéroïdes et un inhibiteur des purines). Ceci est justifié par la
présence d’un haut risque immunologique (PRA > 80% chez trois
patients; deuxième transplantation chez cinq patients).
Par contre, l’influence du type d’immunosuppresssion dans
la survenue de la nocardiose reste débattue. En effet, certains
auteurs ont constaté une nette diminution de la nocardiose (de
près de 30%) chez des patients traités par CsA-stéroïdes par rap-
port à un groupe de patients recevant des AZA-stéroïdes.4Le
mode d’action de l’azathioprine (inhibition de la fonction «hel-
per», effet neutropéniant) en serait l’explication. Dans notre
série, aucun des patients traités par AZA-stéroïdes entre 1970 et
1984 n’a présenté de nocardiose. Il est possible que le diagnostic
n’ait pas été porté chez ces patients, mais cette hypothèse nous
semble peu probable, la nocardiose étant bien connue des trans-
planteurs depuis très longtemps et les méthodes diagnostiques
n’ayant pas évolué depuis une trentaine d’années.
Concernant l’influence respective de la ciclosporine et du
tacrolimus sur la survenue de nocardiose, nous ne disposons pas
de données prospectives randomisées permettant de conclure. En
dehors de quelques analyses rétrospectives monocentriques
comme celle d’Arduino,4l’incidence exacte de la nocardiose chez
les transplantés rénaux recevant de la ciclosporine n’a jamais été
déterminée. De même, en ce qui concerne le tacrolimus, aucune
donnée n’est actuellement disponible. Néanmoins, plusieurs
observations de nocardiose chez des transplantés rénaux rece-
vant du tacrolimus ont été publiées au cours des cinq dernières
années (tableau III).11-15 Il faut souligner que dans la plupart de ces
cas, le tacrolimus était associé au MMF.12-14
Dans notre centre, nous constatons une augmentation de la
fréquence de la nocardiose chez les transplantés rénaux soumis à
un traitement à base de tacrolimus (4/174, soit 2,3%) comparés
à ceux recevant une immunosuppression à base de ciclosporine
(2/933, soit 0,2%) alors que nous continuons à très largement
utiliser la ciclosporine, y compris chez les receveurs à haut risque
immunologique.
Si le rôle du MMF est difficile à préciser dans notre série (un
seul patient recevait l’association tacrolimus/MMF), une publica-
articles originaux
Néphrologie Vol. 25 n° 2 2004
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Tableau II: Cas incidents de nocardiose en fonction du traitement
immunosuppresseur.
Période Immunosuppression Nombre Nombre
transplantations nocardioses
1970-1984 ALG/AZA/Pred 267 0
1985-1995 ALG/AZA/CsA/Pred 645 2
1995-2002 ATG/MMF/CsA/Pred 288 0
ATG/AZA ou 174 4
MMF/Tacrolimus/Pred
Total 1374 6
tion récente a rapporté une augmentation de plusieurs infec-
tions opportunistes dont la nocardiose chez des transplantés
rénaux recevant du tacrolimus et/ou du MMF.27
S’il est certainement prématuré de considérer que l’utilisa-
tion du tacrolimus est un facteur de risque plus important de
nocardiose par rapport à la ciclosporine, nos résultats suggèrent
qu’un traitement à base de tacrolimus serait responsable de
l’augmentation récente de la fréquence de la nocardiose dans
notre centre. De plus, nous constatons comme d’autres auteurs
un délai moyen de survenue de la nocardiose plus court chez les
patients recevant du tacrolimus (six mois dans notre série; six
semaines à neuf mois dans les observations déjà publiées)11-15
que chez les patients traités par ciclosporine (12,3 mois pour nos
patients; 19 mois environ pour Arduino).4
Enfin, des facteurs de comorbidité associés pouvant favoriser
la survenue de l’infection sont classiquement décrits dans la litté-
rature: il s’agit comme chez certains de nos patients, du diabète
sucré, de l’âge et de l’infection VIH.2,3
Adresse de correspondance:
Pr Georges Mourad
Service de néphrologie, transplantation rénale
Hôpital Lapeyronie
F-34295 Montpellier 05
g-mourad@chu-montpellier.fr
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articles originaux
Néphrologie Vol. 25 n° 2 2004 47
Tableau III: Nocardiose et Tacrolimus : principaux cas publiés.
Sexe Tx IS Rejet aigu/traitement Délai post-RA Délai post-Tx Organes Traitement Evolution Réf.
Age (jours) (mois)
F 50 1re Tc/Pred/AZA N°1 : J19 stéroïdes IV 13 3 Cerveau Méropénem Guérison 11
Tx RC CsA tacrolimus Rifampicine
puis
N°2: J90 stéroïdes IV Quinolones
H 29 1re Tc/Pred/MMF J15 stéroïdes IV + OKT3 255 9 Cerveau Bactrim®Guérison 12
Tx RC CsA tacrolimus
H 50 2eTc/Pred/MMF Non 1,5 Abcès Imipénem Guérison 13
Tx RC périrénal Macrolides
F 48 1re Tc/Pred J7 stéroïdes IV 77 3 Poumon Bactrim®Guérison 14
Tx RC introduction MMF
F 45 1re Tc/Pred/AZA Non 29 Poumon Méropénem Décédée 15
Tx RC Cerveau Céfotaxime
puis
Minocycline
Références
1 / 6 100%

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