L’analyse d’une photographie : Maillots 77, l’été sera beau Le sujet : Je vous propose dans le cadre de notre analyse mensuelle l’étude d’une photographie réalisée à l’occasion du tournage du film Métropolitain 77. Cette analyse va, nous le verrons, plus porter sur le hors champ, le hors cadre et le contrechamp, éléments d’analyse d’une photographie dont je vous ai déjà parlé en préambule de cette rubrique : http://www.emagphoto.eu/comment-analyser.html. Le photographe : Celui qui a pris cette photographie n’est sûrement pas Jean-Paul Desgoutte, auteur de « L'utopie Cinématographique » qui est un essai sur l'image, le regard et le point de vue. Cette image a été retenue pour illustrer la couverture de ce livre. Je n’ai pas pu trouver le nom du photographe, mais peu importe son identité, c’est surtout l’image en elle-même qui a attiré mon attention... Le contexte : Nous sommes dans le métro parisien, dans les années 70, un photographe prend une image du quai opposé, sur lequel attendent des usagers devant une publicité géante pour les vacances. Page 1 L’analyse d’une photographie : Maillots 77, l’été sera beau L’impression : L’image prise dans son ensemble, révèle une foule muette de parisiens, cible de cette publicité. Les usagers situés de l’autre côté du quai qui regardent cette affiche publicitaire, ressentent simultanément différents sentiments d’envie, de regret, de rêve et de souvenirs d’été… L’interprétation finale du cliché est laissée à chacun. L’objectif de l’affiche est bien sûr de susciter l’identification, le désir, voire une certaine frustration chez l’observateur en évoquant l’univers féérique des vacances. Le slogan pourrait être interprété par le spectateur du quai opposé ainsi : « L’été approche ! C’est moi lors de mes Image non recadré en noir et blanc prochaines vacances ». Parmi les usagers serrés sur le quai devant l’affiche on remarque le regard du personnage central, une femme brune habillée de noir d’une évidente ressemblance avec la femme de l’affiche. Son regard se distingue des autres car il fixe l’objectif du photographe situé sur le quai d’en face. On peut imaginer que ce dernier, saisi par la ressemblance entre le mannequin et la jeune femme attendant le métro, a voulu figer la scène comme un clin d’oeil. Page 2 L’analyse d’une photographie : Maillots 77, l’été sera beau Format, angle et cadrage : L’image nous donne à voir trois cadres intégrés les uns dans les autres à la manière de poupées russes : Cadre 1 : On voit une femme bronzée, en maillot de bain, allongée sur une plage et portant des lunettes de soleil. Nous sommes vraisemblablement en été et elle regarde le ciel en se prélassant. Sa coiffure, sa silhouette et son maillot de bain évoquent les années 70. Il s’agit manifestement d’un cliché de mode pris par un photographe professionnel, dans un but publicitaire. Cette photographie a sûrement été réalisée en studio avec un modèle posant devant un décor. Cadre 2 : La photographie précédente est insérée dans un second cadre qui correspond à une affiche publicitaire, sur laquelle figure un slogan en lettres majuscules grasses « Maillots 77. L’été sera beau. », sur un encadrement blanc en forme de passe-partout. Cadre 3 : La somme des deux cadres composant l’affiche a été placardée sur la paroi arrondie d’un quai de métro parisien, où des travailleurs attendent l’arrivée d’une rame. Les voyageurs, principalement des femmes, sont en tenues de mi-saison, l’été est donc à venir… L’observation attentive de l’image nous montre une mode vestimentaire qui nous projette directement dans les années 70. Les coiffures soignées, les visages relativement détendus et l’affluence sur le quai laissent à penser que nous sommes le matin. Page 3 L’analyse d’une photographie : Maillots 77, l’été sera beau Profondeur et lumière : Le léger flou visible sur l’image est sûrement dû à la rapidité avec laquelle le photographe a décidé d’immortaliser la scène, comme par reflex... Peut-être que le métro arrivait, on voit d’ailleurs plusieurs regards insistants tournés vers la droite de l’image. Ce flou est sûrement aussi le résultat des conditions d’éclairage du métro et à l’absence de profondeur de champ, si bien que le point de netteté se situe sur le « 77 » du titre de la publicité. Couleur : La photographie couleur nous plonge de suite dans l’univers des années 70, par ses tonalités, par le sujet, par la mode Image d’origine recadrée en couleur vestimentaire et aussi par le slogan de l’affiche. Composition : Au final ce cliché est très intéressant car il met celui qui le découvre dans la situation des gens situés sur le quai qui fait face à l’affiche. On peut en déduire que le photographe a volontairement cherché à placer la publicité, dans le même contexte que dans la réalité, mais en élargissant d’un cercle supplémentaire sa mise en situation. Un peu à la manière de René Magritte ou de Gilbert Garcin, le photographe à positionné l’image dans l’image. Un art plus compliqué qu’il n’y parait qui consiste à placer ce cliché des usagers du métro face à l’affiche publicitaire, dans un environnement élargi d’un niveau en réitérant l’effet sur l’observateur qui découvre sa photographie. Autrement dit une forme de système de poupées gigognes… Page 4 L’analyse d’une photographie : Maillots 77, l’été sera beau Les univers : Dans cette image le hors champ est très marqué, cela correspond à des éléments non visibles de l'image qui appartiennent à l'imaginaire de chacun : les vacances, les souvenirs, l’attente, l’impatience ou le rêve… En effet certains vont y voir ce que peut créer une image qui raconte une histoire , et chacun se fera la sienne. Sur cette photographie, l’auteur nous propose également un cadre et un hors cadre, le quai visible et le quai d’en face (ou contrechamps) où se trouve le photographe, et d’autres usagers qui voient la même image que nous, mais que nous ne pouvons qu’imaginer. Le quai visible et le métro qui peut être va arriver d’un instant à l’autre… La notion de ce qui est en dehors du cadre apporte une réelle plus value à cette scène. Squal Page 5