INTRODUCTION Le droit public économique est constitué par l'ensemble des règles de droit public qui encadrent l'intervention des personnes publiques dans l'économie. Cette intervention est principalement le fait de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics (exemple: SNCF, réseau ferré de France), des groupements d'intérêt public, de la Banque de France. Elle est également le fait des personnes privées investies d'une mission de service public ou faisant partie du service public (pour qu'une entreprise fasse partie du secteur public, une entreprise publique doit détenir au moins la moitié du capital). L'ensemble des règles applicables à l'intervention publique ne constitue pas une branche du droit public à part entière, elles ne disposent pas d'un corps de règles spécifiques, ni d'une juridiction chargée de les sanctionner. Cependant à mesure que l'intervention de l'État se développait des règles spécifiques ont été créées et des règles existantes ont été adaptées aux nécessités de cette intervention. I. L'EVOLUTION DES INSTRUMENTS JURIDIQUES DE L'INTERVENTION 1830 - 1914 L'État assure les conditions de sécurité du marché par la mise en œuvre de réglementation de police (exemple : la répression des fraudes) ou de protection économique (exemple : les droits de douane) mais aussi une fonction de gestion parfois liée à ses fonctions régaliennes. Exemples : - la poste est aujourd'hui un service public industriel et commercial, c'est une activité marchande. - les monopoles du tabac et des allumettes. • Les collectivités locales assurent quelques fonctions comme la distribution de l'eau, du gaz (les communes vont se regrouper en syndicats). Les instruments juridiques institués à cette époque sont peu nombreux et l'opération directe s'opère soit par le procédé de la régie (une personne publique prend en charge une activité avec ses propres services), soit par la concession (un contrat administratif par lequel une personne publique délègue la gestion d'un service public à une personne généralement privée). 1914 - 1918 L'État met en place des mesures de dirigisme économique comme l'interdiction du commerce avec les Etats ennemis (interdiction d’exportations d'armes, de navires...). La taxation des prix puis le contrôle de certains acteurs économiques avec les comités de matière qui réunissait les représentants des ministères, des producteurs et des utilisateurs. Il s'agissait de réguler la production (textiles, outillages, mécanique…) quotas de production est une mesure de dirigisme contraignant pour l’économie. • 1919- 1939 – Période d’entre 2 guerres La prise en charge de l'activité commerciale par les personnes publiques va donner lieu à l'institution d'un nouveau type de service public : le service public industriel et commercial – SPIC, Tribunal des conflits – 22 janvier 1921 - société commerciale de l'ouest africain (bac d'Eloka). • Les décrets « Poincaré » du 4 novembre et 28 décembre 1926 permettent aux communes et aux syndicats de communes de créer des services publics à caractère économique et social (boucheries, boulangeries, transports publics, lavoirs...). L'éradication de la crise de 1929 applique des mesures protectionnistes (exemples : la réglementation du commerce extérieur, la réglementation de l'importation du pétrole). On assiste à un recours plus systématique à l'établissement public notamment avec les offices d'intervention à partir de 1926 qui ont pour principale mission de discipliner les marchés (exemple : Office du blé). Ces offices constituent de nouvelles catégories d'organisation administrative : les services économiques. Avec l'avènement du Front populaire on assiste à la première vague de nationalisations (entreprises d'armement, SNCF). De nouveaux instruments apparaissent sur le plan des structures d'intervention avec les sociétés d'économie mixte (SEM). Il s'agit de statut privé dont le capital est composé de capitaux privés et publics (exemple : France Telecom). 1940- 1945 – l’organisation de l’économie en temps de guerre Les pouvoirs de l'État sur l'économie sont considérablement renforcés. L'État prend des mesures en matière de change, de blocage des prix et des salaires. Des personnes privées peuvent gérer le service public. Cette époque est marquée par la loi du 16 août 1940 des comités d'organisation, composés de professionnels auxquels est confiée la régulation de certaines branches de l'économie. Ce sont des organes corporatistes de droit privé mais investis d'une mission de service public administratif assorti d'un pouvoir réglementaire. Conseil d'État - 31 juillet 1942 – Montpeurt. • 1946 – période d’après guerre/période de reconstruction Des procédés dirigistes sont mis en œuvre - l'ordonnance du 30 juin 1945 qui permettait au ministre de l'économie et des finances de réglementer le prix de tous les produits et services. Il y a une 2ème vague de nationalisations (secteur de l'énergie : loi du 8 avril 1946, secteur des banques et assurances). C'est également l'époque de la mise en place de la planification orientée (économie orientée), elle est indicative et incitative (jusqu'en 1989). Les plans définissent les orientations du gouvernement en matière économique à moyen terme. Le 1er plan Monnet est adopté par décret du 16 juin 1947. Au départ il vise l’agriculture, ensuite l’environnement et l’emploi. Les objectifs ne peuvent pas être chiffrés, ils sont de plus en plus vagues du fait des aléas de l’économie moderne. Il devient difficile de planifier sur 5 ans. On parle aujourd’hui de « contrats de plan ». On assiste aussi à l'avènement de l'aménagement du territoire. C'est une politique fondée sur l'incitation visant, à l'origine, à mieux répartir les entreprises et les habitants sur le territoire. • Une série de décrets de 1955 (exemple : un décret soumettant agrément la création de bureaux en région Île-de-France – Fond National d’Aménagement du Territoire) est édictée. L'État mis en place une politique de décentralisation industrielle (on incitait les entreprises à s'implanter en dehors de la région parisienne). La DATAR (Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale) a été créée par un décret du 14 février 1963. Elle s'appelle aujourd'hui la DIACT (Délégation Interministérielle à l'Aménagement et la Compétitivité des Territoires) - 2005. Il s'agit d'une administration de mission offrant des primes pour installation des entreprises pour l’aménagement du territoire. Elle n'est pas organisée selon un modèle hiérarchique, elle n'a pas de fonctions de gestion mais d'impulsion. Elle peut soumettre d’avoir la prime pour l’entreprise et incite les collectivités territoriales pour l’aménagement du territoire. Depuis 1986 – contexte de libéralisme économique La question de la persistance et de la légitimité de l'intervention peut se poser. Le droit communautaire est fondé sur des principes économiques libéraux. L'article 4 du traité DCE pose le principe selon lequel l'action des états membres et de la communauté comporte l'instauration d'une politique économique conduite conformément au respect du principe d'une libre économie de marché ouverte où la concurrence est libre. Ce traité et ses actes dérivés imposent aux Etats membres d'importantes limites tels que l'aménagement du monopole ou le contrôle des aides publiques. En France, toutes les mesures vont dans le sens d'une libéralisation économique. L'ordonnance du 1er décembre 1986 met fin au système du contrôle des prix. La première vague de privatisation est engagée en 1986, l'ouverture du monopole des télécommunications est consacrée par la loi du 26 juillet 1996, celle de l'électricité par la loi du 10 février 2000, et pour le gaz par la loi du 3 janvier 2003. • L’Etat n’abandonne pas toute indépendance économique, il continue à exercer un contrôle temporaire sur les entreprises privatisées lorsqu'elles interviennent dans un secteur clé de l'économie. Il peut créer une action spécifique par décret pour assister aux délibérations où peut créer un pacte d’actionnaires. Pour ce qui concerne les anciens monopoles, l'Etat doit organiser le service universel et assurer la régulation du marché ouvert à des nouveaux opérateurs. La loi du 15 mars 2001 relative aux nouvelles régulations économiques consacre ce concept (le service universel) qui est un principe de régulation. L'Etat est également responsable du respect de l'environnement dans la mise en œuvre des activités économiques. La France a souscrit au sommet de la terre à Rio de Janeiro en 1992 l'engagement de faire du développement durable un objectif politique. Toutes les activités économiques doivent tenir compte. Le développement durable vise à satisfaire les besoins de développement et de la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre leurs besoins futurs. Pour cela les politiques de développement devront s'établir de manière à éviter de sanctionner les ressources communes au point qu'elles ne pourraient plus se renouveler à long terme. La déréglementation et l'effacement de l'Etat opérateur n'ont donc pas pour effet de supprimer toute intervention publique, celle-ci demeure juridiquement nécessaire. La Constitution impose le maintient des SP constitutionnels et nationaux (al. 9 du préambule de la Constitution de 1946). De plus il résulte de l'article 34 de la Constitution que le législateur fixe les règles fondamentales concernant l'exercice des libertés publiques au nom desquelles figure la liberté d'entreprendre qui a été reconnue par le conseil constitutionnel. Ce même article vise les nationalisations et les privatisations donc la coexistence nécessaire d'un secteur public et d'un secteur privé. De plus la politique économique n'étant pas une politique commune le droit communautaire définit un ensemble de règles défensives mais il existe des vides juridiques qu'il appartient à l'Etat de combler. La cour de justice des communautés européennes admet que les Etats puissent prendre des mesures conservatoires pour motif grave même dans les secteurs règlementés - CJCE, 5 décembre 2000. Il appartient aux Etats d'adopter les droits internes et de faire appliquer les dispositions communautaires (ouvertures des monopoles). Un minimum de règlementation reste toujours nécessaire pour des questions de sécurité ou pour corriger des dysfonctionnements dus à l'absence de réglementation dans les secteurs (loi du 1er août 2000 relative à la responsabilité d'hébergeur de sites internet). L'intervention demeure légitime et nécessaire. II. UN ENSEMBLE DE REGLES JURIDIQUES ADAPTEES AUX NECESSITES ECONOMIQUES L'intervention économique repose sur un ensemble de règlementations sectorielles mais elle nécessite également l'adaptation de règles existantes. Ainsi, une lecture économique de la Constitution a été rendue nécessaire du fait de la multiplication des lois concernant l'économie. Conseil Constitutionnel, 16 janvier 1982, sur les nationalisations (3ème vague). Tous les domaines du droit administratif ont subit des adaptations – SPIC. La théorie de l'imprévision qui a été imaginée par le CE afin de permettre au concessionnaire de SP de poursuivre leur activité lorsque l'équilibre initial du contrat se trouve bouleversé par la conjoncture économique: CE, 30 mars 1916, Cie d'éclairage de Bordeaux. Depuis l'entre deux guerres avec l'apparition des SEM (sociétés d'économie mixte) on observe une imperméabilité entre les règles de droit public et de droit privé. Ce phénomène s'accentue aujourd'hui avec le droit communautaire qui adopte une position neutre quant au statut public ou privé de l'opérateur et une conception privatiste des activités économiques. L'ouverture des monopoles publics est l'occasion d'une privatisation des statuts des entreprises publiques (ex. France Télécom), le statut dérogatoire de certains établissement publics (ex. RFF /Réseau ferré France/ créé par la loi du 13 février 1997). Les personnes publiques opératrices sont soumises au droit de la concurrence (art. L410-1 du Code de commerce). Cependant certains domaines ne peuvent pas échapper au droit public. A propos du conseil de la concurrence le conseil constitutionnel a admis que les actes des autorités ... pris dans le cadre de leurs prérogatives de puissance publique sont de la compétence exclusive des tribunaux administratifs - Conseil constitutionnel, 23 janvier 1987. Dans des domaines tels que le régime des privatisations, la régulation du marché, les activités de police ne peuvent rester que dans la sphère publique. L'intervention de l'Etat dans l'économie peut prendre trois formes: • L'activité règlementaire: La réglementation est une fonction minimale nécessaire de l'Etat. Elle se manifeste par des mesures de police économique. La régulation: c'est l'ensemble des interventions des pouvoirs public qui permet d'établir un équilibre des relations des opérateurs sur un marché notamment pour les nouveaux opérateurs (télécommunication, électricité, gaz, fret ferroviaire). S'agissant des grandes entreprises en réseaux dont le monopole a été ouvert la régulation vise à assurer un accès égalitaire pour tous les opérateurs qui interviennent sur le marché. La régulation vise à concilier l'exercice loyal de cette concurrence avec les missions d'intérêt général dont sont investis les SP en réseaux. Dans ce qui concerne les rapports entre la réglementation et la régulation, la régulation s'inscrit dans un cadre réglementaire général, le règlement définit les compétences et fixe les normes standards de la régulation et l'autorité chargée de la régulation les met en œuvre. L'intervention directe d'opérateur public où sous contrôle public sur le marché. Actuellement, on assiste à un glissement de la fonction d'opérateur de l'Etat vers celle d'actionnaire. Cette fonction d'actionnaire est concrétisée avec la création de l'agence des participations de l'Etat (APE) dont les missions ont été fixées par un décret du 9 septembre 2004. C'est un service à compétence nationale. Cette agence a été mise en place afin de renforcer le contrôle opérationnel de l'Etat sur les entreprises publiques et de valoriser le patrimoine de l'Etat. L’agence est chargée de proposer au ministre de l'économique et de finances la position de l'Etat actionnaire sur la stratégie des entreprises, sur leurs principaux programmes d'investissement et sur les cessions d'actions. C'est elle qui représente l'Etat aux assemblées d'actionnaires. • Les politiques d’orientation Elles reposent sur les incitations qui consistent en diverses aides sous formes de subventions, d’avantages fiscaux (ex. zones urbaines). Les types de politiques privilégiés sont les contrats. A partir des années 80 l’Etat a tenté de mettre en place d’autres instruments que les actes administratifs unilatéraux pour appuyer ses politiques économiques. La loi du 29/7/1982 a créée les contrats de plan, Etat – entreprise publique et aussi contrats de projet, Etat – régions publics. • III. ORIENTATION ACTUELLE DE LA POLITIQUE ECONOMIQUE Le DPE (Droit public économique) tente à devenir le droit public de la concurrence et de la régulation. On assiste également à un glissement des fonctions d’opérateurs de l’Etat vers celle dans les fonctions d’actionnaires. L’Etat est un opérateur direct (ex. France Telecom). A cet effet a été crée l’APE (Agence de participation d’Etat) par un décret du 9/9/2004. Elle gère le portefeuille de l’Etat. Le Gouvernement a prévu plusieurs actions en faveur au développement économique et de la restructuration du secteur public.