Actualité en droit immobilier 01/03/2016
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Exception d’inexécution dans les baux
La Cour de Cassation a rappelé que le défaut d’exécution par le bailleur d’une de ses
obligations, n’exonère pas le locataire du paiement du loyer. Toutefois, elle a précisé que
le preneur peut opposer l’exception d’inexécution en cas d’impossibilité totale d’utiliser
les locaux. Ainsi, l’évacuation de salariés pour cause de travaux de désamiantage peut,
eu égard au principe de précaution, justifier le non-paiement des loyers.
Pour comprendre l’arrêt, il convient d’apporter deux précisions :
Dans le cadre des contrats synallagmatiques, c’est-à-dire des contrats qui mettent à la
charge de chacune des parties des obligations réciproques, comme le contrat de bail,
chaque partie est tenue d’exécuter ses obligations. A ce titre, le bailleur est soumis à
deux obligations principales : délivrance conforme et jouissance paisible. La délivrance
conforme consiste à délivrer au locataire la chose louée, aux jour et conditions prévus. La
jouissance paisible se matérialise quant à elle par une jouissance des locaux durant toute
la durée du bail (article 1719 du Code civil). S’agissant du locataire, il a une obligation de
paiement du loyer et d’usage raisonnable des locaux (article 1728 du code civil).
Toutefois, lorsque l’une des parties n’exécute pas son obligation, l’autre peut refuser
d’exécuter la sienne tant qu’elle n’a pas reçu la prestation qui lui est due. Il s’agit du
mécanisme d’exception d’inexécution. Le jeu de ce mécanisme est conditionné par le
respect de 3 conditions :
- l’exigibilité de l’obligation, ce qui signifie que la prestation non exécutée doit être
arrivée à terme et le débiteur ne doit pas avoir bénéficier d’un délai supplémentaire,
- les obligations doivent être interdépendantes c’est-à-dire, issues d’un même contrat,
- l’inexécution doit être proportionnelle au manquement.
Dans la cas d’espèce, un bailleur avait entrepris des travaux de désamiantage d’un local
commercial. A la suite d’une visite de l’inspection du travail, cette dernière a précisé
qu’elle était dans l’impossibilité d’affirmer que les travaux de désamiantage ne
présentaient aucun risque pour les salariés. Dans ce contexte, l’employeur, locataire des
locaux, a décidé d’évacuer ses salariés et d’opposer l’exception d’inexécution au bailleur
pour justifier le non-paiement des loyers durant les deux mois de travaux.
La Cour d’appel a écarté le jeu de l’exception d’inexécution au motif que l’inspection du
travail n’avait prescrit aucune évacuation des locaux, dès lors, le locataire ne démontrait
pas la faute du bailleur. La Cour de cassation a pris le contre-pied du raisonnement de la
Cour d’appel. Elle a considéré que bien que l’inspecteur du travail fut dans l’impossibilité
d’affirmer que la poursuite des travaux de désamiantage ne présentait aucun risque pour
les salariés, l’existence de l’impossibilité d’exécution du contrat de bail était constituée
par le principe de précaution et les mesures de prévention auxquelles sont astreints les
employeurs.
Cass 3ème civ, 19 novembre 2015, n° 14-24612
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&id
Texte=JURITEXT000031506889&fastReqId=629902046&fastPos=2