Théorème d’Inversion Locale Azière Hélène, Forestier Jérôme & Saisnith Viraphone 30 mars 2012 Table des matières 1 Introduction 1.1 Problème . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.2 Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1.3 Difféomorphisme (ou changement de variables) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 2 2 3 2 Le théorème d’inversion locale 2.1 Théorème . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2 Démonstration . . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Corollaires du théorème d’inversion locale 2.3.1 Théorème des fonctions implicites . 2.3.2 Théorème d’inversion globale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 4 4 6 6 6 3 Applications 3.1 Passage en coordonnées polaires 3.2 Exercice . . . . . . . . . . . . . 3.2.1 Énoncé . . . . . . . . . 3.2.2 Corrigé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 7 7 7 7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1 Introduction 1.1 Problème Étant donnée une équation f (x, y) = 0 (la fonction est implicite), peut-on écrire de façon explicite y en fonction de x ou x en fonction de y ? y = ϕ(x) ou x = ψ(y) De façon équivalente, est-ce que l’ensemble des solutions S = {f (x, y) = 0} est un graphe ? S = {(x, ϕ(x)) | x ∈ U } ou S = {(ψ(y), y) | y ∈ V } 1.2 Exemples On considère la fonction f : R2 → R définie par f (x, y) = x2 + y 2 − r, (x, y) ∈ R2 Soit S = {(x, y) ∈ R2 | f (x, y) = 0} √ 1. si r > 0, S = C((0, 0), r) 2. si r = 0, S = (0, 0) 3. si r < 0, S = ∅ On considère maintenant le cas r > 0. Soit (x0 , y0 ) ∈ S. – Si y0 > 0 y= √ √ √ alors y = √ r − x2 , x ∈ ] − r, r[. √ √ S + = {(x, r − x2 ) | x ∈ ] − r, r[} donc S est, au voisinage de (x0 , y0 ), "localement" un graphe de la forme {(x, ϕ(x)) | x ∈ U }. S, √ r − x2 √ − r √ √ − r √ r r – Si y0 < 0 √ √ √ S − = {(x, − r − x2 ) | x ∈ ] − r, r[} S, donc S est, au voisinage de (x0 , y0√ ), le graphe de la fonction f : x 7→ − r − x2 . √ y = − r − x2 – Si y0 = 0 =⇒ x0 = √ √ r ou x = − r. √ p r ψ(y) = − r − y 2 p √ – Si x0 = r alors x = r − y 2 p √ √ 2 avec y ∈ ] − r, r[=⇒ ψ(y) p = r−y . √ 2 – Si x0 = − r alors x = − r − y p √ √ avec y ∈ ] − r, r[=⇒ ψ(y) = − r − y 2 . √ Donc S s’écrit, au voisinage de (± r, 0) comme un graphe d’une fonction de la forme x = ψ(y). √ − r 2 ψ(y) = p r − y2 1.3 Difféomorphisme (ou changement de variables) Définition 1. Une application f : U → V , avec U ∈ E, V ∈ F , où E et F sont des espaces vectoriels normés, est un difféomorphisme de classe C r , r ≥ 1 si 1. f est bijective 2. f et f −1 sont de classe C r Exemple : Soit f une application de R2 dans R2 définie par f (x, y) = (ex − ey , x + y). Afin de déterminer si f est un C 1 -difféomorphisme, il est nécessaire de calculer la matrice Jacobienne de f : x e −ey Jf (x, y) = 1 1 - Il est clair que les dérivées partielles sont continues sur R2 - Pour montrer l’injectivité de f , il faut trouver les couples (x, y) tels que f (x, y) = f (a, b). Soit : ( ( ex − ey = ea − eb 0 = e2x − ex (ea − eb ) − ea+b ⇐⇒ x+y =a+b y =a+b−x (1) En appliquant le changement de variable X = ex , on obtient l’équation du second degré suivante : X 2 − X(ea − eb ) − ea+b = 0 Les solutions de cette équation sont : X = −eb et X = ea . Or X > 0, on peut donc conclure qu’il existe une unique solution à l’équation (1). On conclut donc que f est injective. - Enfin det(Jf (x, y)) = ex + ey 6= 0. D’où l’inversibilité de la Jacobienne sur R2 . Conclusion : À la fin de ces trois étapes on a le résultat espéré, c’est à dire f est un C 1 -difféomorphisme. 3 2 2.1 Le théorème d’inversion locale Théorème Théorème 1. Soient E et F deux espaces de Banach Soit f : U → F de classe C r (r > 1) et a ∈ U Si Df (a) ∈ Isom(E, F ) alors ∃Ua ⊂ U contient a tel que : f|Ua : Ua → f (Ua ) soit un difféomorphisme de classe C r . 2.2 Démonstration 1re étape : Simplification. On se ramène à : a = 0, f 0 (a) = 0, Df (a) = IdRn et on remplace f par : f˜ : x → [Df (a)]−1 (f (x − a) − f (a)) telle que : ( f˜(0) = 0 Df˜(0) = [Df (a)]−1 ◦ Df (a) = IdRn 2e étape : "Application du théorème du point fixe pour montrer l’existence de l’inverse". On a l’équation : y = f˜(x) ⇔ x = (x + y − f˜(x)) ⇔ gy (x) = x avec gy (x) = x + y − f˜(x). Donc x est solution de y = f˜(x) si et seulement si x est un point fixe de gy . On va montrer que gy est contractante : calculons kgy (x) − gy (x0 )k = k(x − x0 ) − (f˜(x) − f˜(x0 ))k En y = 0, on a g0 (x) = x − f˜(x). En particulier Dg0 (0) = IdRn − Df˜(0) = IdRn − IdRn = 0. Comme g0 est C 1 , alors il existe δ > 0 tel que : 1 kxk ≤ δ =⇒ kDg0 (x)k ≤ . 2 En appliquant l’inégalité des accroissements finis on obtient, pour tout x, x0 ∈ B(0, δ) : 1 kg0 (x) − g0 (x0 )k ≤ kx − x0 k. 2 Dans le cas général, pour tout y et pour tout x, x0 ∈ B(0, δ), on obtient : kgy (x) − gy (x0 )k = k(x − x0 ) − (f˜(x) − f˜(x0 ))k = kg0 (x) − g0 (x0 )k 1 ≤ kx − x0 k. 2 1 En particulier, kgy (x) − gy (0)k = kgy (x) − yk ≤ kxk, ∀x ∈ B(0, δ) 2 1 δ δ =⇒ kgy (x)k ≤ kyk + kxk ≤ kyk + si kyk ≤ 2 2 2 4 gy : B(0, δ) −→ B(0, δ) est contractante sur l’espace complet B(0, δ) x 7−→ gy (x) = x + y − f˜(x) D’après le théorème du point fixe, ∃!x ∈ B(0, δ) tel que gy (x) = x ⇔ ∃!x ∈ B(0, δ) tel que y = f˜(x) En résumé, pour tout y ∈ B(0, δ ), il existe un unique x ∈ B(0, δ) tel que y = f˜(x) c’est à 2 dire que : f˜ : B(0, δ) −→ B(0, δ/2) ∩ f˜−1 (B(0, δ/2)) est bijective. 3e étape : Continuité de l’inverse. Soient y1 , y2 ∈ B(0, 2δ ), alors il existe x1 , x2 ∈ B(0, δ) tels que f˜−1 (y1 ) = x1 et f˜−1 (y2 ) = x2 kf˜−1 (y1 ) − f˜−1 (y2 )k = kx1 − x2 k ≤ kf˜(x1 ) − f˜(x2 )k + kg0 (x1 ) − g0 (x2 )k 1 ≤ kf˜(x1 ) − f˜(x2 )k + kx1 − x2 k. 2 On en déduit que kx1 − x2 k ≤ 2kf˜(x1 − f˜(x2 )k Et en inversant f˜ on obtient : kf˜−1 (y1 ) − f˜−1 (y2 )k ≤ 2ky1 − y2 k Ce qui permet de conclure que f˜−1 est bien continue. 4e étape : Différentiabilité de f˜. kf˜−1 (y) − f˜−1 (y0 ) − Df˜−1 (y0 )(y − y0 )k ky − y0 k Quitte à prendre un δ > 0 plus petit, on peut supposer que pour tout x ∈ B(0, δ), [Df˜(x)]−1 existe. Soit y0 ∈ B(0, 2δ ). Posons ∆ = kx − x0 − [Df˜(x0 )]−1 (f˜(x) − f˜(x0 ))k kf˜(x) − f˜(x0 )k kx − x0 k k[Df˜(x0 )]−1 (x − x0 ) − f˜(x) − f˜(x0 )k = × kx − x0 k kf˜(x) − f˜(x0 )k ∆= ≤ kx − x0 k k[Df˜(x0 )](x − x0 ) − f˜(x) − f˜(x0 )k × k[Df˜(x0 )]−1 k × kx − x0 k kf˜(x) − f˜(x0 )k kx − x0 k ≤ 2 et k[Df˜(x0 )]−1 k ≤ M kf˜(x) − f˜(x0 )k k[Df˜(x0 )](x − x0 ) − f˜(x) − f˜(x0 )k De plus, f˜ est différentiable, d’où : tend vers 0 quand kx − x0 k x tend vers x0 . En conclusion, l’application x 7−→ [Df˜(x0 )]−1 est continue, ce qui implique qu’il existe M ≥ 0 tel que k[Df˜(x)]−1 k ≤ M, ∀x ∈ B(0, δ) Dans cette équation on a : 5e étape : f˜ est de classe C r . Df˜−1 (g) = [Df˜(f˜−1 (y))]−1 =⇒ Df˜−1 = Inv ◦ Df˜ ◦ f˜−1 . Comme f˜ est de classe C r , Inv est de classe C +∞ et f˜−1 différentiable =⇒ Df˜ est continue =⇒ f˜−1 est de classe C r =⇒ · · · =⇒ f˜−1 est de classe C r . 5 2.3 2.3.1 Corollaires du théorème d’inversion locale Théorème des fonctions implicites Théorème 2. Soient E1 , E2 et F des espaces de Banach, U ⊂ E1 et V ⊂ E2 des ouverts. Soient l’application f : U × V −→ F de classe C r , r ≥ 1 et le point (a, b) ∈ U × V tel que f (a, b) = 0 et Dy f (a, b) ∈ Isom(E2 , F ). Alors, il existe un voisinage ouvert Ua et a contenu dans U , un voisinage Vb et b contenu dans V , et une application φ : Ua → Vb de classe C r définie par x = φ(x), tels que : 1. {(x, y) ∈ Ua × Vb |f (x, y) = 0} = {(x, φ(x))|x ∈ Ua }. 2. φ(a) = b et Dφ(x) = −(Dy f (x, φ(x)))−1 ◦ Dx f (x, φ(x)). 2.3.2 Théorème d’inversion globale Théorème 3. Soient E, F deux espaces de Banach, f : U → F de classe C r . Les conditions suivantes sont équivalentes. – f : U → f (U ) est un difféomorphisme de classe C r . – ∀x ∈ U, Df (x) ∈ Isom(E, F ) et f : U → F est injective. 6 3 Applications 3.1 Passage en coordonnées polaires Soient U = {(r, θ); r ∈ R∗+ et − π < θ < π} et V = R2 \{(x, 0), x ≤ 0} et Φ : U → V définie par Φ(r, θ) = (x, y) = (r cos θ, r sin θ) – Φ est de classe C ∞ . – Φ est bijective. ( x = r cos θ Soit (x, y) ∈ V, on veut résoudre y = r sin θ p 2 2 2 =⇒ x r = x2 + y 2 ce qui est positif car (x, y) ∈ V + y = r =⇒ x cosθ = px2 + y 2 =⇒ y sin θ = p 2 x + y2 On obtient une unique solution θ ∈ ]−π; π]. Mais pour θ = π, x < 0 et y < 0 =⇒ (x, y) 6∈ V ∞ Finalement Φ : U → V est bijective et de classe C . cos θ r sin θ – DΦ(r, θ) = JΦ (r, θ) = =⇒ det DΦ(r, θ) = det JΦ (r, θ) = r > 0 sin θ r cos θ Conclusion : D’après le théorème d’inversion globale Φ est un difféomorphisme de classe C ∞ . Remarque : Dans ce cas, on peut même calculer Φ−1 . ( ( x = r cos θ x = ϕ1 (x, y) ⇐⇒ y = r sin θ y = ϕ2 (x, y) p On a déja r = x2 + y 2 tan( 2θ ) = =⇒ θ 2 3.2 3.2.1 = sin(θ/2) cos(θ/2) = cos(θ/2) sin(θ/2) cos(θ/2)2 arctan( √ 2 y 2 ) x +y +x i.e. = sin θ 2 1+cos θ 2 Φ−1 (x, y) = sin θ 1+cos θ = = r sin θ r+r cos θ =√ y x2 +y 2 +x p x2 + y 2 ; 2 arctan( √ y x2 +y 2 +x Exercice Énoncé ( Soit f : R3 −→ R3 (x, y, z) 7−→ (x + y 2 , y + z 2 , z + x2 ) 1. Montrer que f est C 1 . 2. Calculer le rang de Df (x, y, z). 3. Quels sont les points au voisinage desquels f est localement inversible ? 3.2.2 Corrigé 1. Montrons que f est C 1 . La fonction f est C 1 car toutes ses dérivées partielles On a de plus : 1 Df (x, y, z) = 0 2x 7 sont définies et continues sur R3 . 2y 0 1 2z 0 1 2. Calculons le rang de Df (x, y, z) : 1 2y 0 det Df (x, y, z) = 0 1 2z 2x 0 1 = (−1)1+1 × 1 × 1 2z + (−1)1+3 × 2x × 2y 0 0 1 1 2z = (1 × 1) − (2z × 0) + 2x [(2y × 2z) − (1 × 0)] = 1 + 8xyz Il est clair que Df (x, y, z) est de rang au moins 2 (les deux premières colonnes sont linéairement indépendantes). De plus det Df (x, y, z) = 1+8xyz. Donc Df (x, y, z) est de rang 3 si xyz 6= − 18 et de rang 2 sinon. 3. Trouvons maintenant quels sont les points au voisinage desquels f est localement inversible : Le théorème d’inversion locale s’applique au voisinage de tout point (x, y, z) tel que Df (x, y, z) soit inversible. On en déduit que f est localement inversible près de tout point (x, y, z) tel que : det Df (x, y, z) 6= 0 ⇔ xyz 6= − 81 . 8