331RELIGIONS TRADITIONNELLES AFRICAINES
du christianisme. Pourtant, la société américaine est sans doute tout aussi
moderne et bien marquée par la science, tout en restant très imprégnée de
religions, et notamment de christianisme.
Le rapport étroit entre la religion et la culture est un élément essen-
tiel dans l’élaboration actuelle d’une théologie contextuelle en Afrique.
Epistémologiquement, il est pensable et possible de distinguer le sacré et
le profane, mais il serait fort peu pertinent de les faire fonctionner comme
des éléments sans liens, le sacré ne s’opposant pas fondamentalement au
profane. Aussi, la théologie de l’inculturation ne se construit pas essentielle-
ment dans une confrontation avec le dogme et la philosophie des Grecs et
d’Aristote, ni seulement avec l’Ecriture, mais elle s’élabore en relation avec
les traditions culturelles négro-africaines.
Le champ de cette réflexion peut s’organiser autour d’une réflexion de
G. Buakassa, anthropologue congolais, que nous faisons nôtre : « Aujourd’hui,
écrit-il, la religion africaine n’existe nulle part, mais elle est partout, dans les conscien-
ces, dans les opérations spirituelles ou empiriques, dans les représentations, dans les
attitudes, dans les gestes, dans les proverbes, dans les légendes, dans les mythes…
Elle est partout, à la campagne comme en ville, dans les procès judiciaires comme les
conventions politiques… »8. L’auteur illustre une profonde connexion, qui a
existé et qu’il y a toujours, entre culture et religion africaines. L’impact des
religions traditionnelles sur l’existence quotidienne des populations reste
très fort. Nous avons pu constater à Brazzaville, lors du passage du mono-
partisme au pluripartisme en 1991, les liens puissants qui se sont manifestés
entre la politique et la religion à travers des célébrations très caractéristi-
ques. De même, nous avons pu voir comment la justice moderne au tribunal
n’excluait pas des palabres longs et plus fructueux auprès des tribunaux
coutumiers qui réglaient beaucoup mieux les mêmes contentieux entre
familles. Si la modernité exclut la présence des Ancêtres pour régler les
problèmes de famille, il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, de
rétablir les équilibres sociaux perturbés.
Mais encore ne faut-il pas entendre cette réflexion avec une conception
figée des Traditions. Ce n’est point parce que l’on insiste sur la permanence
des R.T.A. dans la vie des populations africaines aujourd’hui encore, qu’il
faudrait penser qu’une telle perspective veut enfermer les sociétés africai-
nes dans un passé archaïque et ainsi refuser toute évolution. H. Aguessy, en
1978, mettait déjà en garde contre une telle compréhension de la tradition.
Ce terme, écrivait-il, exprime « ce qui, du plus profond de l’histoire de la vie d’une
population, ne cesse d’être charrié et transmis à travers les multiples transformations
8. Gérard buaKassa, Impact de la religion africaine sur l’Afrique d’aujourd’hui : latence et patience,
in Colloque du Festival mondial des Arts Négro-africains, Lagos, Janvier 1977. L’auteur y déve-
loppe les nombreux impacts des religions africaines traditionnelles sur l’existence quotidienne
contemporaine des populations africaines.
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