LES PERSPECTIVES INFINIES DES
NANOTECHNOLOGIES :
LA RÉVOLUTION DE L'INFINIMENT PETIT
L'homme qui s'avance n'a rien de singulier, au premier
abord. Mais, si l'on est indiscret, on découvre certains
détails curieux. Avant de sortir, il a pris soin de placer sa
«boîte noire » dans une poche de sa veste: comme celle des
avions, ladite boîte va enregistrer tous ses faits, gestes et
dires au cours de la journée. Grâce à cette extension de
mémoire, plus de souvenirs flous. Bien qu'un peu
hypocondriaque, notre homme marche d'un pas tranquille:
des nanorobots circulant dans son corps contrôlent le bon
état de ses artères et luttent contre les processus de
vieillissement. Des capteurs l'informent en permanence de
son état physique ainsi que de la qualité de l'environnement.
Le catastrophisme des médias ne devrait plus lui casser le
moral : on sait maintenant détecter les risques d'épidémies,
endémies et autres grippes de la volaille qui, il y a vingt ans
encore, faisaient la « une » de la presse papier et en ligne.
Notre homme va travailler avec un ordinateur portable qui
ne pèse plus rien, monte dans une voiture qui ne pollue
plus, porte des vêtements qui se nettoient tout seuls...
Parfois, il se demande avec angoisse si les machines ont
encore besoin de lui. Cet homme-là, celui de demain (2020,
2030 ? ) vit à l'heure des nanotechnologies.
A vrai dire, nous y sommes déjà. Nous sommes entrés
dans une nouvelle ère industrielle. Les applications des
nanotechnologies touchent tous les domaines: informatique,
biologie, médecine, information et communication, sécurité,
sciences cognitives, environnement, matériaux de
construction, transports... De quoi est-il question
Les nanotechnologies permettent d'agir sur la matière
de l'intérieur, de modifier sa structure en intervenant sur la
disposition des atomes qui la composent. Elles permettent
de modifier certains mécanismes cellulaires. Les
scientifiques cherchent aujourd'hui à construire des
matériaux atome par atome, exactement comme on bâtirait
une maison brique par brique. Comment cela est-il possible
? Avec le constant progrès de la miniaturisation, on sait
aujourd'hui travailler à l'échelle du nanomètre ou
milliardième de mètre. C'est justement la taille de l'atome (1
dixième de nanomètre), de notre ADN (10 nanomètres), des
protéines (20 nanomètres).
La révolution qui s'annonce est au moins comparable à
celle qu'opéra en son temps l'informatique. Les
gouvernements ne s'y trompent pas. Les budgets publics
consacrés aux nanotechnologies, aux États-Unis comme en
Europe, se chiffrent depuis quatre ans en centaines de
millions d'euros. L'Union européenne a prévu de consacrer
1,3 milliard d'euros aux nanotechnologies à partir de 2003.
En 2005, les investissements des gouvernements des États-
Unis, d'Europe et d'Asie ont atteint 3 milliards d'euros. A
cela s'ajoutent les investissements privés... La National
Science Foundation (NSF) américaine estime que le marché
mondial des nanotechnologies atteindra 1000 milliards de
dollars en 2015. Aucun pays ne veut prendre du retard dans
cette course, de crainte de voir son industrie dépassée. Car
une triple révolution s'annonce: technologique, médicale et
environnementale.
UNE NOUVELLE ÉLECTRONIQUE
En matière de miniaturisation et d'électronique, le
tournant est radical. S'il devient possible de coder
l'information sur quelques nanomètres, nos ordinateurs
portables paraîtront demain aussi encombrants et vétustes
que les ordinateurs d'entreprise des années 1960, qui
occupaient des pièces entières. Et une «smart dust »
(poussière intelligente) composée de nanoparticules
pulvérisées dans une pièce pourra enregistrer une
conversation à notre insu...
Mais les nanotechnologies ne se bornent pas à un saut
dans la miniaturisation. Travailler à l'échelle du nanomètre
nous rend capables d'imiter la nature lorsqu'elle assemble
des molécules. Modifier la matière ou fabriquer du
nouveau: nous voici presque devenus des créateurs. Lorsque
les nanomatériaux copient la nature -comme certains
revêtements autonettoyants inspirés de la structure de la
feuille de lotus, que la pluie ne salit pas - on parle de
biomimétisme. Quand les scientifiques envisagent de mettre
au point des organes artificiels, travaillent sur l'interface
cerveau-machine ou sur des globules rouges capables de
faire tenir des apnées de vingt-quatre heures, on utilise
l'expression « Human enhancement » : l'humain augmenté.
Cette évolution de la technologie tient à plusieurs
découvertes majeures qui en vingt ans ont rendu possible la
manipulation de la matière à l'échelle atomique. En 1981,
deux chercheurs d'IBM découvrent le microscope à «effet
tunnel» permettant d'observer -mais aussi de déplacer -les
atomes un par un à la surface de matériaux conducteurs; ils
recevront le prix Nobel de physique pour cette invention.
En 1985, le chimiste américain Richard Smalley
découvre les « fullerènes », qui lui valent un prix Nobel en
1996. Qu'est-ce qu'un « fullerène » ? Un cristal de carbone
avec un design nouveau. Jusque-là, on ne connaissait que
deux formes cristallines du carbone: le graphite et le
diamant Les fullerènes, eux, présentent une forme de
sphère. Quel rapport avec les nanotechnologies ? C'est qu'à
partir de cette sphère de carbone un chercheur japonais,
Sumio Iijima, va synthétiser en 1991 un matériau de taille
nanométrique encore jamais observé dans la nature: le
nanotube de carbone. Imaginez un cylindre, fermé de
chaque côté par deux sphères, sur lesquelles sont disposés
les atomes de carbone. Un diamètre de quelques
nanomètres, une longueur qui peut être mille fois plus
grande. Les nanotubes de carbone sont à ce jour les
matériaux les plus résistants sur l'erre: cent fois plus que
l'acier, mais six fois plus légers. Plus résistants que le
Kevlar et le fil d'araignée. On envisage de les tisser dans les
gilets pare-balles. Pour ces mêmes propriétés, résistance et
légèreté, on utilise déjà des nanotubes de carbone pour la
fabrication de raquettes de tennis et de clubs de golf, en
remplacement de la fibre de carbone traditionnelle. Les
nanotubes sont conducteurs, ce qui permet d'envisager des
nanofils électriques pour fabriquer des écrans plats de
télévision ou d'ordinateurs: plats mais aussi enroulables ou
repliables. Et en matière d'électronique, les nanotubes de
carbone semi-conducteurs pourraient ouvrir la voie à des
transistors de taille moléculaire... et aux machines qui vont
avec.
« Les processeurs en silicium actuellement utilisés sur
les ordinateurs, explique Louis Laurent, directeur du
programme «Matière et information » de l'Agence nationale
de la recherche, atteindront bientôt les limites de leur
miniaturisation. En employant des nanomatériaux, comme
les nanotubes de carbone, on pourra fabriquer des
processeurs beaucoup plus petits et rapides. On fabrique
déjà des transistors de taille moléculaire dans les
laboratoires. Mais avant de passer à une électronique
moléculaire viable au plan industriel, il faudra résoudre des
difficultés spécifiques à la dimension nanométrique, comme
celle de positionner des composants aussi petits à la bonne
place. Le silicium n'est donc pas près d'être abandonné. Les
électroniciens envisagent dans un premier temps des
solutions hybrides, comme des nanotubes de carbone
intégrés dans des circuits en silicium. »
En matière de codes barres également, les
nanotechnologies vont permettre de faire plus petit et moins
cher. Aujourd'hui, les puces électroniques RFID -un code-
barres lisible à distance, comme le passe Navigo de la
RATP -permettent déjà d'identifier des marchandises sans
les sortir de leurs conteneurs. D'où une gestion des stocks
plus rapide et sans faille, qui a conduit certaines chaînes de
supermarchés américains à les adopter. Les associations de
consommateurs se sont alarmées de ce que le RFID inséré
dans un objet permette de localiser son acheteur, ou
d'observer à son insu ses habitudes de consommation...
Lorsqu'une étiquette RFID ne coûtera plus que quelques
centimes, le moindre produit manufacturé pourra en être
équipé. Concrètement, le passage de la micro à la
nanotechnologie signifie que, demain, ce n'est plus
seulement la carte bancaire, le téléphone portable ou
l'ordinateur qui seront capables de délivrer des informations
permettant de nous identifier ou de nous localiser, mais
potentiellement tous les objets de notre entourage.
«La miniaturisation permet d'envisager des accessoires
inédits, reprend Louis Laurent, comme une boîte noire
individuelle. De la taille d'un téléphone portable, elle
enregistrerait la vie de son porteur -par exemple, le son et
une image par seconde. Elle fonctionnerait en permanence,
retenant le moindre incident. Dotée d'un moteur de
recherche puissant, elle serait capable de retrouver une
scène à partir d'indications vagues, comme "la dernière fois
que j'ai mangé des huîtres ? ". Le propriétaire d'un tel
dispositif pourrait fouiller dans sa mémoire, rejouer ses
souvenirs ou léguer ce patrimoine individuel numérique... »
La boîte noire individuelle ou la fin de l'oubli ?
LA MÉDECINE DU FUTUR
Si la rencontre des nanotechnologies et des
technologies de l'information ouvre des perspectives dignes
du film Matrix, que dire des applications en biotechnologie
? Les chercheurs réfléchissent à des « médicaments
intelligents » permettant de cibler des cellules malignes.
Louis Laurent donne l'exemple de nanoparticules sur
lesquelles on greffe des molécules qui ont tendance à se
fixer sur certaines tumeurs. Une fois arrimées sur les
cellules cancéreuses, les nanoparticules permettent de les
traiter sélectivement -par chauffage avec un laser ou en les
agitant par champ électromagnétique -sans dommage pour
les cellules saines. Les premiers essais sur des animaux ont
permis de résorber des tumeurs. Ce genre de techniques
pourraient un jour rejoindre l'arsenal thérapeutique destiné à
lutter contre le cancer.
Dans le domaine de la réparation médicale et des
prothèses, Louis Laurent évoque pour le long terme la «
rétine artificielle » ou encore des systèmes informatisés - à
l'étude aujourd'hui -capables de stimuler les muscles pour
reproduire la marche chez un paraplégique. «Les
stimulateurs cardiaques, les implants cochléaires pour
traiter la surdité consistent déjà à implanter une machine
minuscule dans le corps quand les organes sont
irréversiblement endommagés, précise-t-il. Ici encore, nous
passons de la microtechnologie à la nanotechnologie. Les
nanotechnologies permettent de faire plus petit, donc plus
précis et mieux toléré. »
Plus surprenant encore en matière de réparation, la
«médecine régénérative ». En travaillant à l'échelle
nanométrique, on peut concevoir des matériaux à la fois
biodégradables et capables de stimuler la croissance des
tissus vivants. Alan Russell, responsable de la médecine
régénérative à l'université de Pittsburgh, travaille sur la
production de tissus sains : ils seraient développés à
l'extérieur du corps avant d'y être insérés. Il réfléchit à un
utérus capable de féconder. Au sujet de la régénération
d'organes manquants, il déclare: « Si un triton peut le faire,
pourquoi pas nous! » Certains sites Internet imaginent les
applications militaires, des soldats blessés dont les membres
pourraient se «reconstituer». Science-fiction ? « C'est le
vieux rêve de la salamandre, répond Louis Laurent. Bien
sûr, nous sommes très loin de saisir toute la complexité de
la machinerie du vivant. Le fonctionnement d'une simple
cellule nous dépasse. Mais nous comprenons assez certains
mécanismes élémentaires pour les modifier. »
Ainsi, les nanotechnologies nous soigneront. Elles
augmenteront les performances de nos ordinateurs. Elles
ralentiront notre vieillissement. Mais elles agiront aussi sur
notre environnement.
LA PRÉVENTION DES RISQUES
ENVIRONNEMENTAUX
Du fait de leurs petites dimensions, les nanoparticules
peuvent absorber des volumes de gaz importants sur une
surface réduite. Cela permettra, par exemple, une plus
grande efficacité du filtrage des polluants ou des pots
catalytiques des véhicules. Déjà utilisées, les puces à ADN
ou à protéines, dites biopuces, peuvent diagnostiquer en
quelques heures la présence de bactéries dans l'eau ou l'air,
en détectant des brins d'ADN complémentaires de ceux
fixés sur la puce. Les biopuces sont utilisées par la
Lyonnaise des eaux pour contrôler la qualité de l'eau, avec
des résultats plus fins que les contrôles classiques.
La puce à ADN peut servir à endiguer les épidémies, en
détectant plus rapidement la présence de virus. L'accent a
été mis sur ces recherches au moment du SRAS. Il y a
quelques mois, l'université du Colorado a annoncé qu'elle
disposait d'une flu chip, puce capable d'identifier une
souche de grippe en onze heures, contre quatre à cinq jours
par les méthodes actuelles qui cessitent une phase de
culture en laboratoire. Les biopuces pourraient servir à
contrôler la chaîne alimentaire ou à identifier la présence
d'OGM dans les aliments. Et, en cas de conflit, servir à
détecter une attaque bactériologique ou chimique...
Les nanotechnologies, révolution technologique,
médicale, environnementale: peut-on parler d'un
changement de civilisation ?
VERS UNE NOUVELLE CIVILISATION ?
Lorsque le niveau d'observation atteint celui de l'atome,
les différences entre chimie, biologie et physique
s'estompent. Les technologies convergent. C'est ce qu'on
appelle la convergence NBIC, « nanotechnologies,
biotechnologies, technologies de l'information, sciences
cognitives ». Dans son rapport officiel de 2002 -
Converging Technologies for Improving Human
Performances, technologies convergentes pour
l'amélioration des performances humaines, disponible sur le
Net -la National Science Foundation (NSF) américaine, à
l'origine du concept NBIC, n'hésite pas à employer le terme
de « changement de civilisation ».
Cette convergence des technologies est révolutionnaire.
Elle permet d'envisager à court terme un essor des
communications, des soins médicaux et, en matière de
développement durable, la création de matériaux
recyclables ou capables de disparaître sans engendrer de
pollution. Et, surtout, selon le rapport d'experts de 450
pages de la NSF, la convergence nanotechnologies-
biotechnologies rend possible l'« amélioration des
performances humaines » : un homme en meilleure santé,
grâce à des nanorobots circulant dans son corps pour
vérifier le bon état de ses artères, lutter contre le
vieillissement; un employé exemplaire aux capacités
cognitives augmentées par des «interfaces cerveau-machine
», capable d'apprentissage accéléré ; un soldat idéal enfin,
pour les fonctionnaires de la Darpa (Défense Advanced
Research Project Agency, l'agence de recherche militaire
américaine) cités dans le rapport, qui estiment que «sur la
scène de la guerre moderne, l'humain est devenu le maillon
faible tant d'un point de vue physiologique que cognitif ».
Lorsque « les systèmes militaires sont limités dans leur
performance par l'incapacité du corps humain à tolérer des
hauts niveaux de température (...) ou bien par les besoins
humains en air, eau et nourriture», l'humain augmenté
semble s'imposer.
Le rapport de la NSF envisage même des
interconnexions entre cerveaux humains, mis en réseau
comme des ordinateurs, pour créer un nouveau type de
conscience collective. Ce rêve d'homme -ou de surhomme -
bionique n'est pas étranger à l'idéologie d'un mouvement
international nommé «transhumanisme ». Les
transhumanistes se donnent pour mission d'accélérer grâce
aux technologies le passage à la prochaine étape de
l'évolution, des «humains augmentés » auront remplacé
les hommes actuels. D'où le terme de « transhumain»,
humain en transition. Quel lien avec le rapport de la
National Science Foundation américaine sur la convergence
NBIC ? William Bainbridge, l'un de ses deux rédacteurs,
haut fonctionnaire coresponsable de l'initiative américaine
sur les nanotechnologies, se trouve être l'un des chefs de file
du mouvement transhumaniste.
QUELS SONT LES RISQUES ?
Alors, faut-il ouvrir une start-up sans attendre et
fabriquer des nanomatériaux pour faire fortune ? Pas sûr.
N'oublions pas que nous sommes en train de créer des
matériaux inconnus, résistants et invisibles! Et que le
scandale de l'amiante et la polémique sur les OGM ont
rendu les décideurs et les investisseurs prudents. Dès 2000
aux Etats-Unis, le président Bill Clinton prévoyait que 1 %
du budget de la recherche « nano » irait aux réflexions
éthiques et sociales. L'Union européenne a également
entamé une réflexion sur les aspects éthiques et l'évaluation
des risques : citons les projets ELSA et Nanosafe. Malgré
cela, les industriels, notamment américains, n'investissent
pas autant qu'ils le pourraient dans ces technologies
nouvelles. Pourquoi ? Une question les taraude: et si les
nanomatériaux, malgré toutes leurs promesses, étaient
rejetés par le public ? Signe de cette inquiétude, L'Oréal a
retiré de ses publicités une référence aux nanoparticules,
présentes aujourd'hui dans plusieurs marques d'écrans
solaires. Signe des temps encore, la première conférence
internationale sur la nanotoxicité, « Nanotox 2006 », a eu
lieu en janvier 2oo6 en Floride. De quoi a-t-on parlé ?
Située derrière la gare Montparnasse, l'association
Ecrin a pour mission de rapprocher les laboratoires et les
industries afin de favoriser l'innovation. Il y règne une
ambiance dynamique, presque joyeuse. Éric Charikane, la
trentaine, responsable du programme «Risques » explique :
« Le souci des toxicologues, c'est que les nanotubes de
carbone présentent des formes allongées, exactement
comme les particules d'amiante susceptibles de pénétrer
dans le poumon. Les toxicologues planchent pour évaluer le
risque mais les résultats des premières études se montrent
contradictoires. Dans le doute, la solution envisagée est
celle du confinement : les opérateurs ne doivent pas être
amenés à respirer les "poussières" de nanotubes.
Concrètement, cela signifie: pas d'aérosols et
éventuellement des protections étanches. Une fois l'objet
fabriqué, les particules "fixées" dans le revêtement ou le
composant ne sont plus censées s'échapper.
Le confinement suffirait à évacuer la question du risque
toxique ? « Pas entièrement, répond Éric Charikane. Le
problème, ensuite, est de suivre l'objet jusqu'en fin de vie.
Comment empêcher quelqu'un de limer sa raquette de tennis
ou de faire un trou dans un mur ? » Pour lui, les assureurs,
échaudés par le scandale de l'amiante, jouent un rôle de
garde-fou. Les industriels doivent les convaincre de couvrir
les technologies qu'ils proposent, pour ne pas prendre le
risque d'un rejet institutionnel.
Méditons un instant sur la perplexité de l'assureur - ou
de l'investisseur -face au calcul de risque. Quelle équation
coût-avantage pourrait évaluer une révolution
technologique de cette ampleur, affecter un signe « + » ou
«-» à un changement de civilisation ? Quelle analyse de
risque décidera de l'opportunité d'un futur homme bionique
? Dans son livre Petite métaphysique des tsunamis (Seuil,
2005), le philosophe français Jean-Pierre Dupuy offre cette
énigme, en forme de koan zen: « Un malin génie rendit
visite au premier ministre d'un certain pays et lui proposa le
marché suivant: "Je sais que votre économie est
languissante. Je suis désireux de vous aider à la raffermir. Je
puis mettre à votre disposition une invention technologique
fabuleuse, qui doublera votre production intérieure brute et
le nombre d'emplois disponibles. Mais il y a un prix à
payer. Je demanderai chaque année la vie de 20000 de vos
concitoyens, dont une forte proportion de jeunes gens et de
jeunes filles." Le premier ministre recula d'effroi et renvoya
son visiteur sur-le-champ. Il venait de rejeter l'invention de
l'automobile.
Isabelle SORENTE
Le Monde 2 n°115, 29 avril 2006
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