Pratique n°3-2013:nouvelles AFIC n°1vol5 20/11/13 19:29 Page86 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. P ratiques Le rôle spécifique de l’infirmier coordinateur de soins en oncologie dans le dispositif d’annonce de maladie cancéreuse L’expérience interdisciplinaire belge : première évaluation Frédéric Maddaléna1, David Ogez2 1 Responsable de la coordination de soins en Oncologie 2 Responsable de la psycho-oncologie, Centre du cancer des cliniques universitaires St. Luc (UCL), Bruxelles, Belgique, 10 avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgique <[email protected]> http://www.centreducancer.be Mots clés : dispositif d’annonce, oncologie, cancer, infirmier coordinateur de soins en oncologie (CSO) L’ annonce d’une maladie cancéreuse est souvent vécue avec difficulté par le patient et son entourage. Leurs équilibres de vie sont modifiés et une multitude de besoins psychosociaux et de soutien apparaissent. Leurs détection et prise en charge sont nécessaires pour soutenir et accompagner les patients et leur entourage. Ces besoins sont d’ordre physique, informationnel, émotionnel, psychologique, social, spirituel et pratique [1-7]. En 2009, les infirmiers Coordinateurs de soins en oncologie (CSO) des cliniques universitaires St. Luc (UCL) à Bruxelles ont instauré un dispositif d’annonce Bulletin Infirmier du Cancer inspiré du modèle français, mais avec la spécificité de leur fonction. Il a permis à l’équipe d’équilibrer technicité et humanisation du parcours thérapeutique. En parallèle, différents outils ont été mis en place pour optimiser la prise en charge globale des patients (itinéraires cliniques, documents de suivis oncologiques, etc.). Après 3 ans de fonctionnement, une évaluation de cette démarche a été réalisée. Le but était d’étudier la satisfaction des patients envers ce dispositif d’annonce, les outils de communication qui le composent, mais aussi les besoins spécifiques des patients et les réponses qui y ont été données par les différents intervenants. 86 Vol.13-n°3-juillet-août-septembre 2013 Pratique n°3-2013:nouvelles AFIC n°1vol5 20/11/13 19:29 Page87 P ratiques Cette démarche nous a aidés à adapter notre prise en charge pour mieux répondre aux attentes des patients et définir ainsi une procédure commune, mais personnalisée en fonction de la situation de chaque patient. cer des Cliniques Universitaires St. Luc (UCL) a créé et financé en 1999 un nouveau métier. L’infirmier Coordinateur de soins en oncologie Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Contexte L’oncologie a connu de grandes évolutions au cours de ces trente dernières années : – le progrès technique a permis une amélioration des traitements. Ceux-ci sont plus précis, mais également plus complexes et mobilisent un nombre élevé d’intervenants et de spécialités ; – la croissance du nombre de patients due à l’augmentation de la survie, à la chronicité de la maladie, à l’amélioration et la systématisation des politiques de dépistage ; – la meilleure connaissance des répercussions de la maladie cancéreuse sur le patient. À la fin des années 1980, une discipline y a été entièrement consacrée, la psycho-oncologie, elle a permis de mieux connaître les réactions du patient face à la maladie grave. Les professionnels ont pris conscience des conséquences physiques et psychologiques de la maladie, mais également de l’équilibre et des besoins qui sont perturbés, particulièrement à l’annonce du diagnostic ; – la modification de la relation soignant-soigné. Les attentes des patients ont également évolué, ceux-ci réclament une place centrale, un pouvoir décisionnel par rapport à leur situation. Différentes législations vont d’ailleurs dans ce sens en leur précisant leurs droits (consultation de dossier médical, droit d’être informé, etc.) Nous sommes dans un contexte où il y a de plus en plus de patients avec des attentes particulières, subissant des traitements plus longs et plus complexes réalisés par différentes équipes professionnelles et avec des répercussions diverses plus ou moins importantes. Ces évolutions, pour qu’elles restent bénéfiques pour le patient, ont mis les questions de coordination et d’accompagnement des patients cancéreux et de leur entourage au centre des préoccupations hospitalières. Une coordination entre les différents intervenants est nécessaire, voire vitale pour assurer une bonne qualité de soins, mais aussi pour permettre au patient de comprendre, d’adhérer et d’assumer sa prise en charge. Pour s’adapter à ces évolutions et améliorer la qualité et la fluidité de la prise en charge, le Centre du CanBulletin Infirmier du Cancer L’infirmier Coordinateur de soins en oncologie (CSO) est financé depuis 2008 par le plan cancer belge. Il a pour mission d’assurer la coordination et l’accompagnement des patients atteints de cancer, au sein des groupes multidisciplinaires. Il est le contact du patient et réalise une évaluation générale de sa situation ainsi qu’un suivi tout au long de la prise en charge. Il crée un parcours personnalisé en fonction de la situation du patient en faisant intervenir les ressources paramédicales de l’hôpital si c’est nécessaire. Son instauration a permis d’améliorer la prise en charge globale du patient et particulièrement l’annonce du diagnostic. Méthodologie Mis en place en 2009, le dispositif d’annonce a permis de faire supporter le choc que peut représenter l’annonce d’un diagnostic de cancer pour le patient et son entourage en le répercutant sur différentes périodes. Cette démarche a visé l’optimisation de l’aide au patient dans son processus d’adaptation. Le patient a plus de temps pour intégrer les informations reçues et 87 Vol.13-n°3-juillet-août-septembre 2013 Pratique n°3-2013:nouvelles AFIC n°1vol5 20/11/13 19:29 Page88 P ratiques bénéficie d’un soutien personnalisé pour faire face aux répercussions de cette annonce. Le dispositif vise à créer, dès le départ, une relation de confiance au long cours avec le patient L’âge moyen était de 61,6 ans. La majorité (67,6 %) était des femmes. La majorité des patients (58,1 %) ont bénéficié de traitements multiples. Résultats L’évaluation, réalisée en 2012, portait sur les trois éléments suivants. Les 3 temps « hospitaliers » du dispositif d’annonce Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. Les trois temps « hospitaliers » du dispositif d’annonce 1) Consultation médicale L’annonce du diagnostic est réalisée la plupart du temps par le médecin spécialiste, suivent le médecin traitant, puis l’oncologue. La plupart du temps, elle est délivrée lors d’une consultation médicale (50 % des patients), mais aussi lors d’un examen (25 %) ou d’une communication téléphonique (10 %). L’annonce médicale est jugée satisfaisante. Voici les différents items qualitatifs mesurés la concernant (cf. figure 1). 1) Consultation médicale : annonce du diagnostic et proposition de traitement. 2) Consultation infirmière avec le coordinateur de soins en oncologie : • évaluation générale des besoins ; • information ; • écoute/soutien ; • coordination. 3) Interventions des paramédicaux : prise en charge spécifique. Les outils de communication Ils ont été créés à chaque étape pour identifier les besoins généraux et spécifiques des patients, mais aussi pour améliorer la communication interdisciplinaire. La spécificité de chaque professionnel en termes de support Clarté des informations reçues 8,27 Possibilité de s’exprimer 8,20 Possibilité de poser des questions 8,15 Temps consacré 8,09 Écoute 8,05 Tact 7,92 Soutien 7,78 Figure 1. L’annonce médicale. En se basant sur la satisfaction des besoins fondamentaux, nous avons souhaité déterminer de quels types de personnes (c’est-à-dire professionnelles ou non) les patients ont-ils reçu de l’aide et leur degré de satisfaction par rapport à celles-ci. Des questionnaires ont été remis aux patients après la période d’annonce du diagnostic, avant l’entrée dans les traitements. L’étude concernait les patients de 5 groupes multidisciplinaires (Sein, Urologique, Colorectal, Mélanome, Thoracique). La période évaluée s’étalait sur 8 mois (de mars à octobre 2012). L’étude a permis de récolter l’avis d’une population de 105 patients. Les questionnaires ont été traités de manière anonyme par la cellule qualité de l’hôpital. Bulletin Infirmier du Cancer Les scores les plus satisfaisants concernent la clarté des informations reçues et l’occasion de poser des questions. Les scores les plus faibles sont liés au soutien reçu et au tact avec lequel la maladie a été annoncée. Une disparité existe entre les groupes d’âges de patients. Les plus âgés (> 70 ans) se montrent beaucoup plus satisfaits que les patients plus jeunes (< 50 ans), qui ont des taux plus faibles (score moyen pour l’ensemble des items = 7,5), notamment sur la possibilité de poser des questions, l’information et l’écoute. 2) Consultation infirmière avec le coordinateur de soins en oncologie La consultation infirmière avec le coordinateur de soins en oncologie est jugée très satisfaisante. Les scores 88 Vol.13-n°3-juillet-août-septembre 2013 Pratique n°3-2013:nouvelles AFIC n°1vol5 20/11/13 19:29 Page89 P ratiques Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. pour tous les items sont élevés (9,2 de moyenne — figure 2). Les plus satisfaisants concernent le soutien reçu et la possibilité de poser les questions. Bien que disposant de scores satisfaisants, l’information écrite et la facilité de joindre le CSO sont des items qui obtiennent les scores les moins élevés. Les scores sont très élevés chez les plus jeunes patients (< 50 ans) et chez les patients venant de plus loin (hors Bruxelles), principalement sur ces items : questions, informations, soutien, disponibilité. Les outils de communication Ils sont également satisfaisants, en particulier le planning personnalisé de soins qui reprend le calendrier complet de soins du patient (score 9,4). Autres outils satisfaisants, le feuillet pratique (score 8,8), qui donne des repères de base aux patients (personnes de contact, numéros de téléphone, annuaires des services d’aide, etc.) et la farde patient (score 8,8), qui est un classeur qui lui permet de trier les informations reçues (en fonction des repères de chacun, de ses données personnelles, son traitement, son suivi, ses brochures informatives) et d’être un cahier de liaison entre les différents acteurs de la prise en charge. 3) Interventions des paramédicaux Un faible taux de personnes est concerné à cette étape de la maladie. Scores moyens (inférieurs à 7,5). Possibilité de poser des questions 9,41 Soutien reçu 9,40 Clarté des informations orales 9,32 Écoute 9,31 Réponse aux questionnements 9,29 Identification comme personne de contact 9,26 Personnalisation de l’entretien 9,24 Disponibilité 9,14 Clarté des différents aspects de la prise en charge 9,11 Clarté des différents étapes de la prise en charge 9,08 Clarté des informations écrites 8,90 Facilité pour joindre le CSO 8,89 Les besoins à l’annonce du diagnostic et la spécificité de chaque professionnel en termes de support Une nette priorité se dégage pour les besoins physiques et informatifs. Les besoins secondaires sont les besoins émotionnels, psychologiques et pratiques. Les besoins les moins prioritaires sont les besoins sociaux et spirituels (figure 3). Les priorités sont constantes d’un groupe à l’autre, même si les besoins émotionnels, psychologiques et sociaux augmentent chez les plus jeunes (< 50 ans) et diminuent avec l’âge. Au contraire, les besoins pratiques augmentent en fonction de l’âge. La spécificité de chaque intervenant en fonction des besoins : – variabilité des personnes vers qui le patient se tourne pour la satisfaction de ses besoins prioritaires ; Figure 2. La consultation de l’infirmier CSO. 1. Physiques 9,0 2. Informationnels 8,9 3. Émotionnels 7,9 4. Psychologiques 7,2 5. Pratiques 6,9 6. Sociaux 6,4 Prioritaires Secondaires Non prioritaires 7. Spirituels Bulletin Infirmier du Cancer 5,2 89 Figure 3. Les besoins prioritaires à l’annonce du diagnostic. Vol.13-n°3-juillet-août-septembre 2013 Pratique n°3-2013:nouvelles AFIC n°1vol5 20/11/13 19:29 Page90 P ratiques Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017. – importance des proches (besoins physiques, émotionnels, psychologiques, pratiques, sociaux et spirituels) ainsi que de l’infirmier CSO, seul soignant à apparaître dans toutes les catégories (première personne vers qui le patient se tourne concernant les besoins informatifs, seconde derrière les proches pour tous les autres besoins, excepté les besoins physiques où le CSO apparaît derrière le médecin hospitalier). Les autres intervenants sont les médecins hospitaliers (besoins physiques, informatifs, psychologiques) et le médecin traitant (besoins informatifs, spirituels). propres, accompagnent le patient dans son processus d’adaptation. Le métier d’infirmier CSO apparaît comme primordial (dès l’annonce du diagnostic) et très satisfaisant pour le patient. L’infirmier CSO est identifié comme une personne ressource, qui, par son rôle central et généraliste, couvre un champ d’action large dans une prise en charge spécialisée et oriente la prise en charge paramédicale. Références Conclusion 1. Ashbury FD, Findlay H, Reynolds B, McKerracher KA. Canadian survey of cancer patients’experiences : Are their needs being met ? Journal of Pain and Symptom Management 1998 ; 16 : 298-306. 2. Howell D, Currie S, Mayo S, et al. Guide pancanadien de pratique clinique : évaluation des besoins en soins psychosociaux du patient adulte atteint de cancer, Toronto, Partenariat canadien contre le cancer (groupe d’action pour l’expérience globale du cancer) et Association canadienne d’oncologie psychosociale, mai 2009. 3. Fitch MI. Supportive care for cancer patients. Hospital Quarterly 2000 ; 3 : 39-46. 4. Boberg EW, Gustafson DH, Hawkins RP, et al. Assessing the unmet information, support and care delivery needs of men with prostate cancer. Patient Education and Counselling 2003 ; 49 : 233-42. 5. Gustafson DH, Taylor JO, Thompson S, Chesney P. Assessing the needs of breast cancer patients and their families. Quality Management in Health Care 1993 ; 2 : 6-17. 6. Richardson A, Medina J, Brown V, Sitzia J. Patients’ needs assessment in cancer care : A review of assessment tools. Supportive Care in Cancer 2007 ; 15 : 1125-44. 7. Sanson-Fisher RW, Girgis A, Boyes A, et al. ; (The Supportive Care Review Group). The unmet supportive care needs of patients with cancer. Cancer 2000 ; 88 : 226-37. Ces résultats permettent de mieux comprendre et respecter les priorités du patient. Ils confirment l’apport du dispositif d’annonce et des outils de communication instaurés. Les membres de l’équipe interdisciplinaire peuvent mieux identifier les points à améliorer, optimiser certains outils de communication et favoriser une approche globale du patient en respectant son autonomie. Cela donne également l’opportunité à chaque professionnel de mieux se situer par rapport aux attentes que le patient a de sa fonction. L’étude illustre la complémentarité des différents intervenants qui, ensemble, avec leurs compétences Bulletin Infirmier du Cancer 90 Vol.13-n°3-juillet-août-septembre 2013