Le rôle spécifique de l`infirmier coordinateur de soins en oncologie

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Le rôle spécifique
de l’infirmier
coordinateur de soins
en oncologie
dans le dispositif
d’annonce de maladie
cancéreuse
L’expérience interdisciplinaire
belge : première évaluation
Frédéric Maddaléna1, David Ogez2
1
Responsable de la coordination de soins en Oncologie
2
Responsable de la psycho-oncologie, Centre du cancer des cliniques universitaires
St. Luc (UCL), Bruxelles, Belgique, 10 avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgique
<[email protected]>
http://www.centreducancer.be
Mots clés : dispositif d’annonce, oncologie, cancer, infirmier coordinateur de soins en oncologie (CSO)
L’
annonce d’une maladie cancéreuse est souvent vécue avec difficulté par le patient et son
entourage. Leurs équilibres de vie sont modifiés et une multitude de besoins psychosociaux et de
soutien apparaissent. Leurs détection et prise en charge
sont nécessaires pour soutenir et accompagner les
patients et leur entourage.
Ces besoins sont d’ordre physique, informationnel,
émotionnel, psychologique, social, spirituel et pratique
[1-7].
En 2009, les infirmiers Coordinateurs de soins en
oncologie (CSO) des cliniques universitaires St. Luc
(UCL) à Bruxelles ont instauré un dispositif d’annonce
Bulletin Infirmier du Cancer
inspiré du modèle français, mais avec la spécificité de
leur fonction. Il a permis à l’équipe d’équilibrer technicité et humanisation du parcours thérapeutique. En parallèle, différents outils ont été mis en place pour optimiser la prise en charge globale des patients (itinéraires
cliniques, documents de suivis oncologiques, etc.).
Après 3 ans de fonctionnement, une évaluation de
cette démarche a été réalisée.
Le but était d’étudier la satisfaction des patients envers
ce dispositif d’annonce, les outils de communication qui
le composent, mais aussi les besoins spécifiques des
patients et les réponses qui y ont été données par les
différents intervenants.
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Cette démarche nous a aidés à adapter notre prise
en charge pour mieux répondre aux attentes des patients
et définir ainsi une procédure commune, mais personnalisée en fonction de la situation de chaque patient.
cer des Cliniques Universitaires St. Luc (UCL) a créé et
financé en 1999 un nouveau métier.
L’infirmier Coordinateur
de soins en oncologie
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Contexte
L’oncologie a connu de grandes évolutions au cours
de ces trente dernières années :
– le progrès technique a permis une amélioration des
traitements. Ceux-ci sont plus précis, mais également
plus complexes et mobilisent un nombre élevé d’intervenants et de spécialités ;
– la croissance du nombre de patients due à l’augmentation de la survie, à la chronicité de la maladie, à
l’amélioration et la systématisation des politiques de
dépistage ;
– la meilleure connaissance des répercussions de la
maladie cancéreuse sur le patient. À la fin des années
1980, une discipline y a été entièrement consacrée, la
psycho-oncologie, elle a permis de mieux connaître les
réactions du patient face à la maladie grave. Les professionnels ont pris conscience des conséquences physiques et psychologiques de la maladie, mais également
de l’équilibre et des besoins qui sont perturbés, particulièrement à l’annonce du diagnostic ;
– la modification de la relation soignant-soigné. Les
attentes des patients ont également évolué, ceux-ci réclament une place centrale, un pouvoir décisionnel par
rapport à leur situation. Différentes législations vont
d’ailleurs dans ce sens en leur précisant leurs droits
(consultation de dossier médical, droit d’être
informé, etc.)
Nous sommes dans un contexte où il y a de plus en
plus de patients avec des attentes particulières, subissant des traitements plus longs et plus complexes réalisés par différentes équipes professionnelles et avec des
répercussions diverses plus ou moins importantes.
Ces évolutions, pour qu’elles restent bénéfiques pour
le patient, ont mis les questions de coordination et d’accompagnement des patients cancéreux et de leur entourage au centre des préoccupations hospitalières.
Une coordination entre les différents intervenants est
nécessaire, voire vitale pour assurer une bonne qualité
de soins, mais aussi pour permettre au patient de comprendre, d’adhérer et d’assumer sa prise en charge.
Pour s’adapter à ces évolutions et améliorer la qualité et la fluidité de la prise en charge, le Centre du CanBulletin Infirmier du Cancer
L’infirmier Coordinateur de soins en oncologie (CSO)
est financé depuis 2008 par le plan cancer belge.
Il a pour mission d’assurer la coordination et l’accompagnement des patients atteints de cancer, au sein
des groupes multidisciplinaires. Il est le contact du
patient et réalise une évaluation générale de sa situation ainsi qu’un suivi tout au long de la prise en charge.
Il crée un parcours personnalisé en fonction de la situation du patient en faisant intervenir les ressources paramédicales de l’hôpital si c’est nécessaire. Son instauration a permis d’améliorer la prise en charge
globale du patient et particulièrement l’annonce du
diagnostic.
Méthodologie
Mis en place en 2009, le dispositif d’annonce a permis de faire supporter le choc que peut représenter l’annonce d’un diagnostic de cancer pour le patient et son
entourage en le répercutant sur différentes périodes.
Cette démarche a visé l’optimisation de l’aide au
patient dans son processus d’adaptation. Le patient a
plus de temps pour intégrer les informations reçues et
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bénéficie d’un soutien personnalisé pour faire face aux
répercussions de cette annonce. Le dispositif vise à créer,
dès le départ, une relation de confiance au long cours
avec le patient
L’âge moyen était de 61,6 ans. La majorité (67,6 %)
était des femmes. La majorité des patients (58,1 %) ont
bénéficié de traitements multiples.
Résultats
L’évaluation, réalisée en 2012, portait sur les trois éléments suivants.
Les 3 temps « hospitaliers »
du dispositif d’annonce
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Les trois temps « hospitaliers »
du dispositif d’annonce
1) Consultation médicale
L’annonce du diagnostic est réalisée la plupart du
temps par le médecin spécialiste, suivent le médecin
traitant, puis l’oncologue. La plupart du temps, elle est
délivrée lors d’une consultation médicale (50 % des
patients), mais aussi lors d’un examen (25 %) ou d’une
communication téléphonique (10 %).
L’annonce médicale est jugée satisfaisante. Voici les
différents items qualitatifs mesurés la concernant
(cf. figure 1).
1) Consultation médicale : annonce du diagnostic et proposition de traitement.
2) Consultation infirmière avec le coordinateur de soins
en oncologie :
• évaluation générale des besoins ;
• information ;
• écoute/soutien ;
• coordination.
3) Interventions des paramédicaux : prise en charge spécifique.
Les outils de communication
Ils ont été créés à chaque étape pour identifier les
besoins généraux et spécifiques des patients, mais aussi
pour améliorer la communication interdisciplinaire.
La spécificité de chaque
professionnel en termes de support
Clarté des informations reçues
8,27
Possibilité de s’exprimer
8,20
Possibilité de poser des questions
8,15
Temps consacré
8,09
Écoute
8,05
Tact
7,92
Soutien
7,78
Figure 1. L’annonce médicale.
En se basant sur la satisfaction des besoins fondamentaux, nous avons souhaité déterminer de quels types
de personnes (c’est-à-dire professionnelles ou non) les
patients ont-ils reçu de l’aide et leur degré de satisfaction par rapport à celles-ci.
Des questionnaires ont été remis aux patients après
la période d’annonce du diagnostic, avant l’entrée dans
les traitements.
L’étude concernait les patients de 5 groupes multidisciplinaires (Sein, Urologique, Colorectal, Mélanome,
Thoracique).
La période évaluée s’étalait sur 8 mois (de mars à
octobre 2012).
L’étude a permis de récolter l’avis d’une population
de 105 patients.
Les questionnaires ont été traités de manière anonyme par la cellule qualité de l’hôpital.
Bulletin Infirmier du Cancer
Les scores les plus satisfaisants concernent la clarté
des informations reçues et l’occasion de poser des questions. Les scores les plus faibles sont liés au soutien reçu
et au tact avec lequel la maladie a été annoncée. Une
disparité existe entre les groupes d’âges de patients. Les
plus
âgés
(> 70 ans) se montrent beaucoup plus satisfaits que les
patients plus jeunes (< 50 ans), qui ont des taux plus
faibles (score moyen pour l’ensemble des items = 7,5),
notamment sur la possibilité de poser des questions, l’information et l’écoute.
2) Consultation infirmière avec le coordinateur de
soins en oncologie
La consultation infirmière avec le coordinateur de
soins en oncologie est jugée très satisfaisante. Les scores
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pour tous les items sont élevés (9,2 de moyenne —
figure 2). Les plus satisfaisants concernent le soutien
reçu et la possibilité de poser les questions. Bien que
disposant de scores satisfaisants, l’information écrite et
la facilité de joindre le CSO sont des items qui obtiennent les scores les moins élevés. Les scores sont très élevés chez les plus jeunes patients (< 50 ans) et chez les
patients venant de plus loin (hors Bruxelles), principalement sur ces items : questions, informations, soutien,
disponibilité.
Les outils de communication
Ils sont également satisfaisants, en particulier le planning personnalisé de soins qui reprend le calendrier
complet de soins du patient (score 9,4). Autres outils
satisfaisants, le feuillet pratique (score 8,8), qui donne
des repères de base aux patients (personnes de contact,
numéros de téléphone, annuaires des services
d’aide, etc.) et la farde patient (score 8,8), qui est un classeur qui lui permet de trier les informations reçues (en
fonction des repères de chacun, de ses données personnelles, son traitement, son suivi, ses brochures informatives) et d’être un cahier de liaison entre les différents
acteurs de la prise en charge.
3) Interventions des paramédicaux
Un faible taux de personnes est concerné à cette
étape de la maladie. Scores moyens (inférieurs à 7,5).
Possibilité de poser des questions
9,41
Soutien reçu
9,40
Clarté des informations orales
9,32
Écoute
9,31
Réponse aux questionnements
9,29
Identification comme personne de contact
9,26
Personnalisation de l’entretien
9,24
Disponibilité
9,14
Clarté des différents aspects
de la prise en charge
9,11
Clarté des différents étapes
de la prise en charge
9,08
Clarté des informations écrites
8,90
Facilité pour joindre le CSO
8,89
Les besoins à l’annonce
du diagnostic et la spécificité
de chaque professionnel
en termes de support
Une nette priorité se dégage pour les besoins physiques et informatifs. Les besoins secondaires sont les
besoins émotionnels, psychologiques et pratiques. Les
besoins les moins prioritaires sont les besoins sociaux
et spirituels (figure 3).
Les priorités sont constantes d’un groupe à l’autre,
même si les besoins émotionnels, psychologiques et
sociaux augmentent chez les plus jeunes (< 50 ans) et
diminuent avec l’âge. Au contraire, les besoins pratiques
augmentent en fonction de l’âge.
La spécificité de chaque intervenant en fonction des
besoins :
– variabilité des personnes vers qui le patient se
tourne pour la satisfaction de ses besoins prioritaires ;
Figure 2. La consultation de l’infirmier CSO.
1. Physiques
9,0
2. Informationnels
8,9
3. Émotionnels
7,9
4. Psychologiques
7,2
5. Pratiques
6,9
6. Sociaux
6,4
Prioritaires
Secondaires
Non prioritaires
7. Spirituels
Bulletin Infirmier du Cancer
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Figure 3. Les besoins
prioritaires à l’annonce
du diagnostic.
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– importance des proches (besoins physiques, émotionnels, psychologiques, pratiques, sociaux et spirituels) ainsi que de l’infirmier CSO, seul soignant à apparaître dans toutes les catégories (première personne vers
qui le patient se tourne concernant les besoins informatifs, seconde derrière les proches pour tous les autres
besoins, excepté les besoins physiques où le CSO apparaît derrière le médecin hospitalier).
Les autres intervenants sont les médecins hospitaliers (besoins physiques, informatifs, psychologiques)
et le médecin traitant (besoins informatifs, spirituels).
propres, accompagnent le patient dans son processus
d’adaptation.
Le métier d’infirmier CSO apparaît comme primordial (dès l’annonce du diagnostic) et très satisfaisant pour
le patient.
L’infirmier CSO est identifié comme une personne
ressource, qui, par son rôle central et généraliste, couvre
un champ d’action large dans une prise en charge spécialisée et oriente la prise en charge paramédicale.
Références
Conclusion
1. Ashbury FD, Findlay H, Reynolds B, McKerracher KA. Canadian survey
of cancer patients’experiences : Are their needs being met ? Journal of
Pain and Symptom Management 1998 ; 16 : 298-306.
2. Howell D, Currie S, Mayo S, et al. Guide pancanadien de pratique clinique : évaluation des besoins en soins psychosociaux du patient adulte
atteint de cancer, Toronto, Partenariat canadien contre le cancer (groupe
d’action pour l’expérience globale du cancer) et Association canadienne
d’oncologie psychosociale, mai 2009.
3. Fitch MI. Supportive care for cancer patients. Hospital Quarterly 2000 ;
3 : 39-46.
4. Boberg EW, Gustafson DH, Hawkins RP, et al. Assessing the unmet information, support and care delivery needs of men with prostate cancer.
Patient Education and Counselling 2003 ; 49 : 233-42.
5. Gustafson DH, Taylor JO, Thompson S, Chesney P. Assessing the needs
of breast cancer patients and their families. Quality Management in Health
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6. Richardson A, Medina J, Brown V, Sitzia J. Patients’ needs assessment in
cancer care : A review of assessment tools. Supportive Care in Cancer 2007 ;
15 : 1125-44.
7. Sanson-Fisher RW, Girgis A, Boyes A, et al. ; (The Supportive Care Review
Group). The unmet supportive care needs of patients with cancer. Cancer 2000 ; 88 : 226-37.
Ces résultats permettent de mieux comprendre et
respecter les priorités du patient. Ils confirment l’apport
du dispositif d’annonce et des outils de communication
instaurés.
Les membres de l’équipe interdisciplinaire peuvent
mieux identifier les points à améliorer, optimiser certains outils de communication et favoriser une approche
globale du patient en respectant son autonomie.
Cela donne également l’opportunité à chaque professionnel de mieux se situer par rapport aux attentes
que le patient a de sa fonction.
L’étude illustre la complémentarité des différents
intervenants qui, ensemble, avec leurs compétences
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