
Ceci précisé, on s’aperçoit que toutes les questions ne sont pas philosophiques, notamment 
celles qui ne renvoient pas à des problèmes comme les questions factuelles, c’est-à-dire les 
questions dont la réponse s’obtient par une observation adaptée de la réalité, des faits -‘‘Quelle 
heure est-il ? ‘’. 
D’autres questions, en revanche, sont l’expression d’un problème : celles qui ne trouvent pas 
de réponses satisfaisantes lorsqu’on a recours à l’observation des faits, soit parce que ceux-ci 
sont muets sur la question, soit parce qu’ils offrent une multiplicité de réponses contradictoires 
-‘‘Tout homme a-t-il droit au respect?’’. Or telles sont précisément les questions philosophiques 
et,   par   conséquent,   les   sujets   de   dissertation.   C’est   justement   ce   problème   qu’il   s’agit   de 
découvrir et d’exposer. Voilà ce que l’on nomme la problématisation. 
4. Problématiser. 
La problématisation a pour   point   de départ   le   sujet-question et  pour point d’arrivée la 
formulation d’un problème. Mais qu’est-ce qu’un problème ? 
Un problème est une contradiction. Qu’est-ce qu’une contradiction ? 
Une   contradiction   consiste   en   deux   propositions   qui   paraissent   vraies,   qui   peuvent   se 
défendre par un ou plusieurs arguments, mais qui s’opposent l’une à l’autre de telle sorte que si 
l’une   est   vraie,   alors   l’autre   est   fausse.   Une   contradiction   consiste   en   deux   propositions 
incompatibles et qui toutefois semblent vraies toutes les deux. Ou alors, une contradiction 
consiste en deux propositions contraires qui semblent aussi fausses l’une que l’autre. Or, étant 
contraires l’une à l’autre, elles ne devraient pas être fausses toutes les deux. 
Dans les deux cas, le problème consiste en cela qu’il est tout aussi impossible de soutenir 
simultanément deux idées parce qu’elles sont incompatibles, que d’en adopter une parce que 
l’autre semble tout aussi valable, tout aussi vraie. 
Exemple : d’un côté, en tant qu’ils sont des hommes justement, tous les hommes ont droit 
au respect. D’un autre côté, il semble bien falloir soutenir que certains hommes ont perdu ce 
droit en raison de ce qu’ils ont fait. Dès lors, la contradiction est flagrante : 
— ou bien tous les hommes, sans aucune exception, ont droit au respect, 
— ou bien certains ont perdu ce droit, donc tous n’y ont pas droit. 
Ces deux idées ne peuvent pas être soutenues conjointement. 
Pour passer de l’un à l’autre, pour passer de la question — ’’Tout homme a-t-il droit au 
respect?’’ — au problème – manifeste dans la contradiction -, il n’y a pas vraiment de méthode, 
de technique, mais tout au plus des recettes — aussi faut-il ne jamais perdre de vue qu’il est vain 
de croire qu’il existe vraiment une technique de la dissertation : ce serait croire qu’il existe une 
technique pour penser. 
Trois opérations sont toujours nécessaires. Une fois avoir reformulé le sujet, c’est-à-dire une 
fois l’avoir transformé en une question s’il ne l’était pas déjà, il s’agit : 
— d’analyser et de tenter de définir les termes de la question, tous, sans exception. 
Pour cela, se gardant d’associer hâtivement des références aux notions de l’énoncé, il est bon 
de  commencer  l’analyse   en laissant  toute  considération  érudite   de   côté, pour   se  consacrer 
rigoureusement aux notions elles-mêmes, à leurs significations et aux obstacles qui viennent 
troubler   l’élucidation   de   leur   véritable   statut.   Il   faut   s’appuyer   sur   leur   compréhension 
commune, sur leur polysémie, afin d’en faire surgir la complexité, les ambiguïtés. Le seul jeu des 
acceptions ordinaires permet souvent de nourrir l’interrogation philosophique. Ce n’est alors