Séquence3–Œuvreintégrale:LeRetouraudésertdeBernard-MarieKOLTÈS Objetd’étude:letextethéâtraletsareprésentation. Problématique:CommentBernard-MarieKoltèspuislemetteurenscèneArnaudMeunierontilsarticulédanscettepiècelesconflitsd’unefamilleetledélicatcontextepolitique? Lecturesanalytiques: (LanumérotationrenvoieautextedesEditionsdeMinuit) 1. acteI,tableau2,p.13-14,de«(Adrien)Tuasvoulufuirlaguerre…»à«…situveux lasaccager.» 2. acte II, tableau 6, p. 36-38, de « (Mathilde) L’idiote. » à « (Aziz) …et quand ils serontcalmés,Azizramasseralesmorceaux.» 3. acte III, tableau 11, p. 56-57 de «(Adrien) N’aimes-tu pas ce pays?» à «Il disparaît» 4. acteIV,tableau14,p.67-69:de«Lavraietaredenosvies…»à«Mathilde,lesoir tetrahit.» Les élèves ont assisté au spectacle théâtral au Théâtre de la Ville, dans une mise en scène d’AranudMeunieretunescénographiedeDamienCalle-Perret. Lecturescursivesetdocuments: •extraitsdediversentretiensavecl’auteur •notesd’intentiondumetteurenscèneetduscénographe •textesthéoriquesdeMarmontel,Rousseau,Hugo,Brecht,Ionesco,Ubersfeld. •photographiesdeGregoryCrewdson •discours de De Gaulle, sur le site de l’INA (http://fresques.ina.fr/de-gaulle/accueil ): Brazzaville,30janvier1944etaoût1958;14juin1960;13juin1961,entreautres. 1. l’expositionduconflit:acteI,tableau2,p.13-14 ADRIEN.-Tuasvoulufuirlaguerreet,toutnaturellement,tuesvenueverslamaisonoùsont tes racines ; tu as bien fait. La guerre sera bientôt finie et bientôt tu pourras retourner en Algérie,aubonsoleildel'Algérie.Etcetempsd'incertitudedanslaquellenoussommestous,tu l'aurastraverséici,danslasécuritédecettemaison. MATHILDE. - Mes racines? Quelles racines? Je ne suis pas une salade ; j'ai des pieds et ils ne sont pas faits pour s'enfoncer dans le sol. Quant à cette guerre-là, mon cher Adrien, je m'en fiche.Jenefuisaucuneguerre;jeviensaucontrairelaporterici,danscettebonneville,oùj'ai quelques vieux comptes à régler. Et, si j'ai mis si longtemps à venir régler ici ces quelques comptes,c'estquetropdemalheursm'avaientrenduedouce;tandisqu'aprèsquinzeannées sansmalheurlessouvenirsmesontrevenus,etlarancune,etlevisagedemesennemis. ADRIEN.-Desennemis,masœur?Toi?Danscettebonneville?L'éloignementadûfortifier encore ton imagination, qui pourtant n'était pas faible; et la solitude et le soleil brûlant de l'Algérietebrouillerlacervelle.Maissi,commejelecrois,tuesvenueicicontemplertapart d'héritagepourrepartirensuite,ehbien,contemple,voiscommejem'enoccupebien,admire commejel'aiembellie,cettemaison,et,lorsquetul'aurasbienregardée,touchée,évaluée,nous prépareronstondépart. MATHILDE. - Mais je ne suis pas venue pour repartir, Adrien, mon petit frère. J'ai là mes bagagesetmesenfants.Jesuisrevenuedanscettemaison,toutnaturellement,parcequejela possède;et,embellieouenlaidie,jelapossèdetoujours.Jeveux,avanttoutechose,m'installer danscequejepossède. ADRIEN.-Tupossèdes,machèreMathilde,tupossèdes:c'esttrèsbien.Jet'aipayéunloyer,et j'aiconsidérablementdonnéduprixàcettemasure.Maistupossèdes,d'accord.Necommence pas à me mettre en colère, ne commence pas à chicaner. Mets, je te prie, un peu de bonne volonté.Recommençonsnotrebonjour,cartoutcelaestmalparti. MATHILDE.-Recommençons,monvieilAdrien,recommençons. ADRIEN.-Necroispas,Mathilde,masœur,quejetelaisseraiprendredesairsdepropriétaire et vagabonder dans les couloirs en touchant à tout comme une maîtresse de maison. On ne peutpasabandonnerunchampenfriche,attendreàl'abriqu'unimbécilelecultive,etrevenir aumomentdelarécoltepourrevendiquersonbien.Silamaisonestàtoi,saprospéritéestà moi,et,crois-moi,jen'abandonneraipascettepart-là.Toi-même,tuaschoisitapart.Tum'as laissé l'usine par impuissance, et tu as pris la maison par paresse. Mais cette maison, tu l'as abandonnéepourfuirjenesaisoùjenesaisquoi;etmaintenant,elleaprisseshabitudessans toi;elleasonodeur,elleasesrites,elleasestraditions,ellereconnaîtsesmaîtres.Ilnefaut paslabrusquer,etjelaprotégeraisituveuxlasaccager. 2. lestémoinsdelascèneconflictuelle:acteII,tableau6,p.36-38. MATHILDE.-L’idiote. ADRIEN.(àMathilde)–Qu’est-cequetuasdit?(Ils’approchedeMathilde) MAAMEQUEULEU.-Ehbien,oui,frappez-vous,défigurez-vous,crevez-vouslesyeux,qu'onen finisse.Jevaisallervouschercheruncouteau,pourallerplusvite.Aziz,apporte-moilegrand couteaudelacuisine,etprends-endeuxpourfairebonnemesure;jelesaiaiguiséscematin, celairaplusvite.Ecorchez-vous,griffez-vous,tuez-vousunebonnefois,maistaisez-vous,sinon jevouscouperaimoi-mêmelalangueenlaprenantàlaracineaufonddevosgorgespourne plusentendrevosvoix.Etvousvousbattrezensilence,dumoins,personnen'ensaurarien,et on pourra continuer à vivre. Car vous ne vous battez que par des mots, des mots, des mots inutilesquifontdumalàtoutlemonde,saufàvous.Ah,sijepouvaisêtresourde,toutcelane medérangeraitpas.Carcelanemedérangepasquevousvousbattiez;maisfaites-leensilence, qu'onn'ensentepaslesblessures,nous,autourdevous,dansnotrecorpsetdansnotretête. Carvosvoixdeviennentchaquejourplusfortesetpluscriardes,ellestraversentlesmurs,elles font tourner le lait à la cuisine. Vivement le soir, quand vous boudez; au moins, on peut travailler.Faitesquelesoleilsecouchedeplusenplustôt,etqu'ilssedétestentdanslesilence. Moi,j'abandonne. MATHILDE(àAdrien).-J'aidit:l'idiote.Elleestivremorte.Ellevavomirsurmontapis. Adrienlafrappe. MAAME QUEULEU. - Aziz, Aziz ! (MathildefrappeAdrien.) Edouard, Aziz, au secours ! (Entre Aziz.)Aziz,sépare-les.Allons,bouge-toi.Qu'est-cequetuattends,Aziz?Remue-toi. AZIZ.-Non,jeneveuxpasremuer,jenesuispaspayépourremuer.Sijelefaisais,onmele reprocherait ; et, si je ne le fais pas, on me le reprochera aussi, alors je préfère ne rien faire, j'aurailesreprochesmaispaslafatigue. MAAMEQUEULEU.-Aziz,regarde-les. AZIZ. - Je les vois, Maame Queuleu, je les vois. Mais qu'importe que les vieux se disputent, et qu'ai-jeàfairelà-dedans?Ilsnemevoientmêmepas;lacolèrelesemplittellementqu'iln'ya plusdeplacepourmevoir.Et,quandleurcolèresecalmera,c'estmoiqu'ilsverrontendernier, après les vases qu'ils auront cassés. Qu'ils se tapent donc, et, quand ils seront calmés, Aziz ramasseralesmorceaux. 3. leparachutiste:acteIII,tableau11. ADRIEN.-N'aimes-tupascepays?N'aimes-tupascetteterre?Es-tuunsauvagevenupourla piller,ouunmilitairepourlagarder? PARACHUTISTE.-J'aimecetteterre,bourgeois,maisjen'aimepaslesgensquilapeuplent.Qui est l'ennemi ? Es-tu un ami ou un ennemi ? Qui dois-je défendre et qui dois-je attaquer ? Ne sachantplusoùestl'ennemi,jetireraisurtoutcequibouge. J'aime cette terre, oui, mais je regrette les temps anciens. Moi, j'ai la nostalgie de la douceurdeslampesàl'huile,delasplendeurdelamarineàvoiles.J'ailanostalgiedel'époque coloniale,desvérandasetducridescrapauds-buffles,l'époquedeslonguessoiréesoù,dansles domaines, chacun à sa place s'allongeait dans le hamac, se balançait sur le rocking-chair ou s'accroupissaitsouslemanguier,chacunàsaplaceettranquilledanssaplace,etsaplaceétaità lui.J'ailanostalgiedespetitsnégrillonscourantsouslespattesdesvaches,etquel'onchassait commedesmoustiques.Oui,j'aimecetteterre,etpersonnenedoitendouter,j'aimelaFrance de Dunkerque à Brazzaville, parce que cette terre, j'ai monté la garde sur ses frontières, j'ai marchédesnuitsentières,l'armeàlamain,l'oreilleauxaguetsetleregardversl'étranger.Et maintenantonmeditqu'ilfautmecouchersurmanostalgieetquecetempsestrévolu.Onme ditquelesfrontièresbougentcommelacrêtedesvagues,maismeurt-onpourlemouvement desvagues?Onmeditqu'unenationexisteetpuisn'existeplus,qu'unhommetrouvesaplace etpuislaperd,quelesnomsdesvilles,etdesdomaines,etdesmaisons,etdesgensdansles maisons changent dans le cours d'une vie, et alors tout est remis en un autre ordre et plus personnenesaitsonnom,nioùestsamaison,nisonpaysnisesfrontières.Ilnesaitplusce qu'ildoitgarder.Ilnesaitplusquiestl'étranger.Ilnesaitplusquidonnelesordres.Onmedit quec'estl'histoirequicommandel'homme,maisletempsdelavied'unhommeestinfiniment trop court; et l'histoire, grosse vache assoupie, quand elle finit de ruminer, elle tape du pied avecimpatience.Mafonctionàmoi,c'estd'alleràlaguerre,etmonseulreposseralamort. Ildisparaît. 4. lemonologuedeMathilde:acteIV,tableau14. La vraie tare de nos vies, ce sont les enfants; ils se conçoivent sans demander l'avis de personne,et,après,ilssontlà,ilsvousemmerdenttoutelavie,ilsattendenttranquillementde jouirdubonheurauquelonatravaillétoutenotrevieetdontilsvoudraientbienquel'onn'ait pasletempsdejouir.Ilfaudraitsupprimerl'héritage:c'estcelaquipourritlespetitesvillesde province. Il faudrait changer le système de reproduction tout entier : les femmes devraient accoucher de cailloux : un caillou ne gêne personne, on le recueille délicatement, on le pose dans un coin du jardin, on l'oublie. Les cailloux devraient accoucher des arbres, l'arbre accoucherait d'un oiseau, l'oiseau d'un étang; des étangs sortiraient les loups, et les louves accoucheraient et allaiteraient des bébés humains. Je n'étais pas faite pour être une femme. J'auraisétélefrèredesangd'Adrien,onsetaperaitsurl'épaule,onferaitdesviréesdansles barsetdespartiesdebrasdefer,onseraconteraitdeshistoiressalaceslanuit,etdetempsen tempsons'éclateraitlescouillesàcoupsdepoingdanslagueule.Maisjen'étaispasfaitepour être un homme non plus ; encore moins, peut-être. Ils sont trop cons. Fatima a raison. Sauf qu'elle n'a pas vraiment raison. Les hommes entre eux savent être des copains, quand ils s'aimentbienilss'aimentbien,ilsnesetirentpasdanslespattes;d'ailleurs,c'estparcequ'ils sontconsqu'ilsnesetirentpasdanslespattes,ilsn'ypensentpas,illeurmanqueunoudeux étages par rapport à nous. Parce que les femmes, lorsqu'elles sont amies, elles se tirent gaiementdanslespattes;elless'aimentet,parcequ'elless'aiment,toutlemalqu'ellespeuvent vousfaire,ellesvouslefont.C'estàcausedesétagessupplémentairesdansleurstêtes. Neditesjamaisàquelqu'unquevousavezbesoindelui,ouquevousvousennuyezdelui, ouquevousl'aimez,parcequ'alorsilpensetoutdesuitequec'estuneraisonsuffisantepourse croirearrivé,pourprétendreporterlepantalon,pours'imaginertenirlesrênes,pourprendre desairsdepetitmalin;ilnefautjamaisriendire,riendutout,saufdanslacolère,caralorson dit n'importe quoi. Mais, lorsqu'on n'est pas en colère, comme maintenant, et à moins d'être unefichuebavarde,ilvautmieuxsetaire. Quoi qu'il en soit, Adrien repartira avec moi, cela est clair dans ma tête, je le voulais, je l'aurai,jesuisvenuesans,jerepartiraiavec.Maissilence,plusdemensonge.Mathilde,lesoirte trahit. 1969 voit Médée de Sénèque avec Maria Casarès 1970-1973 écrit ses premières pièces, devient étudiant au Théâtre national de Strasbourg puis entre au PCF (fin en 1979) 1977 Sallinger ; La Nuit juste avant les forêts 1979 rencontre Patrice Chéreau qui créera au Théâtre des Amandiers de Nanterre la plupart de ses textes à partir de 1983 : Com bat de nègre et de chiens 1985 Quai O uest 1987 Dans la solitude des cham ps de coton 1988 Traduit Shakespeare, Le Conte d’hiver. Patrice Chéreau monte Le Retour au désert avec Jacqueline Maillan et Michel Piccoli Roberto Zucco 1989 De retour d’un voyage en Amérique Latine, rentre à Paris, et meurt du Sida le 15 avril 2007 Le Retour au désert entre au répertoire de la Comédie-Française. Q uelques propositions de Bernard-M arie KO LTÈS (1948-1989), pour accom pagner la lecture du Retour au désert (1988) : (prélèvement dans les entretiens collectés dans Une part de ma vie, Editions de Minuit, 2010) « À Metz, ma ville natale, je suis toujours impitoyablement décalé. Mes racines, elles sont au point de jonction entre la langue française et le blues. » « Ce qui m’intéresse avant tout, ce sont les personnages, leurs rapports. » « Je n’écris pas des spectacles, j’écris des pièces. » « Non, jamais il ne me serait venu à l’idée d’imaginer des messages. Je ne suis pas philosophe. Je ne suis pas un penseur. Et je n’anime mes pièce d’aucune intention politique. Pour moi, le théâtre n’est pas une tribune pour des idées politiques. Il faut prendre cela dans un sens ironique. » « Cela se passe dans une maison, dans un milieu bourgeois et dans une ville de province. » « Puis l’histoire [du Retour au désert] est venue, celle d’une « maudite » à l’intérieur d’une famille, qui fait des bébés on ne sait comment, qui fait fugue sur fugue. Elle revient d’une fugue en Algérie, avec ses enfants, pour revendiquer son héritage auprès de son frère qui gère les biens familiaux. » « Le Retour au désert est une pièce qui a trait à une famille bourgeoise dont les membres sont tous tordus. Tout le monde est tordu dès qu’on s’y intéresse un peu. » « Le Retour au désert est une pièce de bagarre entre un frère et une sœur [qui] traite, entre autres choses, d’une bagarre de texte, d’une bagarre verbale que l’on pourrait comparer à une bagarre de rue. » « Le Retour au désert est la première pièce dans laquelle j’ai voulu que le comique prédomine. Une comédie sur un sujet qui n’est peut-être pas tout à fait – ou seulement – un sujet de comédie : mais on n’est pas obligé de se soumettre aux règles du genre. La province française, les histoires de famille, d’héritage, d’enfants illégitimes, d’argent, sont des sujets en or pour faire rire ; la présence lointaine, diffuse, déformée, de la guerre d’Algérie l’est beaucoup moins. J’ai voulu mélanger les deux, faire rire et, en même temps, inquiéter un peu. » Le Retour au scénographie. désert : mise en scène d’Arnaud Meunier. Quelques éléments de I/ Cloches au début. Une maison éclairée. Découverte de la scénographie et des personnages --> arrivée Mathilde à jardin ; Adrien du talus d’herbe à cour. Pluie, vent ? La scénographie s’est construite autour de cette idée d’un jardin fantastique et mystérieux : un sol constitué d’une végétation non réaliste, poétique, très sombre, voire noire, mais qui peut révéler des parties lumineuses. L’escalier du début est remplacé par une butte. Sur cette herbe est posée une construction architecturale vitrée, moderne et simple, un bloc modulable pouvant changer d’aspect, de profondeur, occulté parfois par un rideau et qui, grâce à la lumière, le son, les projections vidéos ou par exemple du vent pourra lui aussi revêtir un aspect fantastique. L’utilisation de ces deux espaces se fera de manière non restrictive et parfois sur le mode de la contamination, du débordement. Par exemple : du mobilier du salon pourra être posé sur l’herbe avec lampe, fauteuil, table basse. Autre exemple, la chambre : le lit, là encore posé sur l’herbe, la lampe de chevet arrivant des cintres, le rideau dans la maison, agité par le vent. Nous effectuerons ainsi des transversalités d’espaces, des migrations d’objets, comme un collage surréaliste. […] Le travail de la scénographie aura pour intention de créer immédiatement au regard du spectateur ce décalage vers le poétique à partir d’éléments au bord du réalisme. (note d’intention du scénographe Damien Calle-Perret) lecture 1 (premier agôn Adrien/Mathilde) : « bonne ville » --> regard vers les spectateurs. « Recommençons » --> effet ? Mathieu en pyjama. Transition : installation. II/ maison dans l’ombre pour les premières scènes. 6 ZOHR lecture 2 : en bordure de maison, accroupi, Adrien à jardin, Mathilde à cour. Maame Queuleu ne cesse d’aller de l’un à l’autre, agacée. Son chiffon (//le balai d’Aziz). « Moi, j’abandonne » : s’assoit face à Marthe dans la maison. Aziz vient du lointain, à jardin. Aziz au sol. Aziz utilisé par Adrien pour qu’il expliquer ce qui s’est passé autrefois. Y avait là-bas en Algérie Un régiment dont les soldats, Dont les soldats. À chaque instant risquaient leur vie. Parachutiste nous voilà, oui nous voilà. Pour faire partie de cette élite, Il faut bien être un peu cinglé, un peu cinglé. Il faut surtout pas s'fair' de bile, Savoir bien boire et s'amuser, et s'amuser. (cf.didascalie p. 41) puis Adrien s’adresse au public, comme l’indique la didascalie. Lumière dans la salle. « Ils ne se lassent pas de se regarder ». III/ éclairage de clair de lune premier monologue de Mathilde p. 48 9 « Il fera sauter le café même s’il y a du monde dedans. » (p. 51) 10 Mathieu sur le toit : « ce mur ». Une fois descendus, pièces qui s’allument. lecture 3 (le parachutiste noir) : lumière progressive, camouflage ; avancée de la partie centrale de la maison. Son arme ; le journal qu’il lit en s’asseyant. Roulement de tambour, reconstitution de la maison. IV/ s’ouvre sur chambre (de Mathilde). Série de monologues. Cuisine. Aziz passe la serpillière. Dialogue avec Mathieu. lecture 4 (monologue de Mathilde). Lumière dans la salle, forte proximité, complicité, échange. Repart à cour V/ Nuit, Elvis Presley. Ecran ; Café Saïfi Lampes torches d’Adrien, Plantières, Borny. Projection de frondaisons pour scène ave Marie. Edouard sur le toit, monologue (≠ autres). Soulevé vers les cintres. Des questions théoriques à propos du théâtre, pour prolonger la lecture du Retour au désert : Jean-François M arm ontel, article « Com ique », Encyclopédie… , 1753. La plupart des ridicules des grands sont si bien composés, qu'ils sont à peine visibles. Leurs vices surtout ont je ne sais quoi d'imposant qui se refuse à la plaisanterie : mais les situations les mettent en jeu. Quoi de plus sérieux en soi que le misanthrope ? Molière le rend amoureux d'une coquette; il est comique. Le Tartuffe est un chef-d'œuvre plus surprenant encore dans l'art des contrastes: dans cette intrigue si comique, aucun des principaux personnages ne le serait, pris séparément; ils le deviennent tous par leur opposition. En général, les caractères ne se développent que par leurs mélanges. Jean-Jacques Rousseau, Lettre à d’Alem bert sur les spectacles, 1758 Qui peut disconvenir aussi que le théâtre de […] Molière, des talents duquel je suis plus l'admirateur que personne, ne soit une école de vices et de mauvaises mœurs, plus dangereuse que les livres mêmes où l'on fait profession de les enseigner ? Son plus grand soin est de tourner la bonté et la simplicité en ridicule, et de mettre la ruse et le mensonge du parti pour lequel on prend intérêt ; ses honnêtes gens ne sont que des gens qui parlent, ses vicieux sont des gens qui agissent et que les plus brillants succès favorisent le plus souvent ; enfin l'honneur des applaudissements, rarement le plus estimable, est presque toujours pour le plus adroit. Examinez le comique de cet auteur : partout vous trouverez que les vices de caractère en sont l'instrument, et les défauts naturels le sujet que la malice de l'un punit la simplicité de l'autre et que les sots sont les victimes des méchants : ce qui, pour n'être que trop vrai dans le monde, n'en vaut pas mieux à mettre au théâtre avec un air d'approbation, comme pour exciter les âmes perfides à punir, sous le nom de sottise, la candeur des honnêtes gens. Voilà l'esprit général de Molière et de ses imitateurs. Ce sont des gens qui, tout au plus, raillent quelquefois les vices, sans jamais faire aimer la vertu; de ces gens, disait un ancien, qui savent bien moucher la lampe, mais qui n'y mettent jamais d'huile. Voyez comment, pour multiplier ses plaisanteries, cet homme trouble tout l'ordre de la société; avec quel scandale il renverse tous les rapports les plus sacrés sur lesquels elle est fondée; comment il tourne en dérision les respectables droits des pères sur leurs enfants, des maris sur leurs femmes, des maîtres sur leurs serviteurs ! Il fait rire, il est vrai, et n'en devient que plus coupable, en forçant, par un charme invincible, les sages même de se prêter à des railleries qui devraient attirer leur indignation. J'entends dire qu'il attaque les vices ; mais je voudrais bien que l'on comparât ceux qu'il attaque avec ceux qu'il favorise. Victor Hugo, Préface à Lucrèce Borgia (1833) Le théâtre est une tribune. Le théâtre est une chaire. Le théâtre parle fort et parle haut. [ ... ] L'auteur de ce drame sait combien c'est une grande et sérieuse chose que le théâtre. Il sait que le drame, sans sortir des limites impartiales de l'art, a une mission nationale, une mission sociale, une mission humaine. Quand il voit chaque soir ce peuple si intelligent et si avancé qui a fait de Paris la cité centrale du progrès s'entasser en foule devant un rideau que sa pensée, à lui chétif poète, va soulever le moment d'après, il sent combien il est peu de chose, lui, devant tant d'attente et de curiosité; il sent que si son talent n'est rien, il faut que sa probité soit tout; il s'interroge avec sévérité et recueillement sur la portée philosophique de son œuvre; car il se sait responsable, et il ne veut pas que cette foule puisse lui demander compte un jour de ce qu'il lui aura enseigné. Bertolt Brecht, « Théâtre récréatif ou théâtre didactique », 1936 La forme dramatique du théâtre est action, implique le spectateur dans l'action, épuise son activité intellectuelle, lui est occasion de sentiments. Expérience vécue. Le spectateur est plongé dans quelque chose. Suggestion. Les sentiments sont conservés tels quels. Le spectateur est à l'intérieur, il participe. L'homme est supposé connu. L'homme immuable. Intérêt passionné pour le dénouement. Une scène pour la suivante. Croissance organique. Déroulement linéaire. Évolution continue. L'homme comme donnée fixe. La pensée détermine l'être. Sentiment. La forme épique du théâtre est narration, fait du spectateur un observateur, mais éveille son activité intellectuelle, l'oblige à des décisions. Vision du monde. Le spectateur est placé devant quelque chose. Argumentation. Les sentiments sont poussés jusqu'à la prise de conscience. Le spectateur est placé devant, il étudie. L'homme est l'objet de l'enquête. L'homme qui se transforme et transforme. Intérêt passionné pour le déroulement. Chaque scène pour soi. Montage. Déroulement sinueux. Bonds. L'homme comme processus. L'être social détermine la pensée. Raison. Eugène Ionesco, Notes et contre-notes, 1958 Si donc la valeur du théâtre était dans le grossissement des effets, il fallait les grossir davantage encore, les souligner, les accentuer au maximum. Pousser le théâtre au-delà de cette zone intermédiaire qui n'est ni théâtre, ni littérature, c'est le restituer à son cadre propre, à ses limites naturelles. Il fallait non pas cacher les ficelles, mais les rendre plus visibles encore, délibérément évidentes, aller à fond dans le grotesque, la caricature, au-delà de la pâle ironie des spirituelles comédies de salon. Pas de comédies de salon, mais la farce, la charge parodique extrême. Humour, oui, mais avec les moyens du burlesque. Un comique dur, sans finesse, excessif. Pas de comédies dramatiques, non plus. Mais revenir à l'insoutenable. Pousser tout au paroxysme, là où sont les sources du tragique. Faire un théâtre de violence: violemment comique, violemment dramatique. Éviter la psychologie ou plutôt lui donner une dimension métaphysique. Le théâtre est dans l'exagération extrême des sentiments, exagération qui disloque la plate réalité quotidienne. Dislocation aussi, désarticulation du langage. Anne Ubersfeld, Lire le théâtre (1977) Pour Freud, le rêveur sait qu'il rêve même quand il ne le croit pas, ou ne veut pas le croire. De même le théâtre a le statut du rêve : une construction imaginaire dont le spectateur sait qu'elle est radicalement séparée de la sphère de l'existence quotidienne. Tout se passe comme s'il y avait pour le spectateur une double zone, un double espace (nous retrouverons ce problème à propos de l'espace au théâtre) : l'un qui est celui de la vie quotidienne et qui obéit aux lois habituelles de son existence, à la logique qui préside à sa pratique sociale, l'autre qui est le lieu d'une pratique sociale différente et où les lois et les codes qui le régissent, tout en continuant à avoir cours, ne le régissent plus, lui, en tant qu'individu pris dans la pratique socio-économique qui est la sienne. […]