critiquent le modèle insiders/outsiders, où la misère des uns serait la contrepartie des privilèges
des autres, et le modèle "job search", lui privilégiant le modèle "job matching" où l’indemnisation
favorise une bonne recherche d’emploi ce qui permet une meilleure adéquation entre offre et
demande d’emploi. Des patrons français ont même rédigé un rapport dont le mot d’ordre est "la
souplesse, encore la souplesse" : en assouplissant ce qui aurait du rester souple, la France
pourrait renouer avec la croissance et l’emploi. Il serait donc utile, au final, pour les
économistes libéraux, de remplacer le système actuel de protection de l’emploi en France par
une internalisation, sous la forme de taxation de licenciements notamment s’appliquant aux
entreprises et d’une déjudiciarisation des procédures. Bref, limiter autant que possible
l’immersion de l’Etat.
Transition : Pour justifier leur théorie, les libéraux s’appuient sur des études empiriques, sur des
expériences de flexibilité observées dans certains pays, invitant la France et les autres pays
rigides à suivre ces exemples étrangers de réussite.
B. Les exemples étrangers de réussite
Le taux de chômage exemplaire au Royaume-Uni et aux Etats-Unis
Un des exemples les plus fréquemment utilisé par les théoriciens libéraux et les garants d’une
flexibilité accrue est celui du Royaume-Uni. L’idée est que ce pays aurait réformé son marché
du travail, le rendant très « flexible », ce qui aurait donné une impulsion à la création d’emplois.
De fait, selon l’indice synthétique de l’OCDE, le Royaume-Uni possède une réglementation de
l’emploi extrêmement faible, la plus faible de l’Union Européenne, et l’indemnisation chômage y
est franchement réduite par rapport à un pays comme la France. Mais si au début des années
1990, le taux de chômage britannique frisait les 10% ; il a aujourd’hui été divisé par deux ; et
désormais, le chômage au RU est moitié moindre qu’en France, pour des dépenses d’aide à la
création d’emploi 5 fois supérieurs ! On ne peut que constater cette combinaison des chiffres. Il
n’est donc pas étonnant de voir un tel modèle de réussite fréquemment mis en avant par les
libéraux. Toujours dans le même rapport de patrons français, ceux-ci s’appuient sur l’exemple
britannique pour dénoncer les rigidités du modèle français, soulignant que le modèle
économique britannique a mené au plein emploi. Ils vantent le système dit "job matching",
utilisé au RU, qui, comme je l’ai déjà dit, indemnise le retour à l’emploi afin d’éviter de pénaliser
les ex-chômeurs qui retrouvent du travail, et condamnent le modèle français qui désinciterait à
l’emploi.
De même, aux Etats-Unis, le marché du travail est extrêmement flexible : la rigueur globale de
la réglementation y est encore plus faible qu’au Royaume-Uni, selon l’indice synthétique de
l’OCDE, tout particulièrement en ce qui concerne les licenciements. Le salaire minimum y est
très faible relativement aux salaires minimums de la plupart des autres pays de l’OCDE ; et
enfin le régime d’indemnisation chômage est des plus sommaires. Mais en parallèle à cette
extrême flexibilité, le taux de chômage n’atteint pas non plus 5%… Voilà donc un nouvel
exemple de pays dont la flexibilité permet d’avoir un taux de chômage toujours existant mais
fort acceptable et qui fait rougir les pays occidentaux d’Europe Continentale et leurs 10% de
chômeurs, à commencer par la France.
L’exemple à la mode du Danemark
Les pays anglo-saxons ne sont pas les seuls à recevoir des fleurs de la part des libéraux et à
servir d’exemple idéal à la théorie de la déréglementation du marché du travail. Le « modèle
scandinave », et tout particulièrement l’exemple danois, sont également fréquemment avancés
en appoint de cette théorie comme expérience particulièrement réussie de flexibilisation
créatrice d’emploi et réductrice du chômage. Depuis quelques années maintenant, c’est un
véritable engouement pour le modèle danois qui a frappé la classe politique et médiatique
françaises. Tout en effet semblait, dans les années 1990 prédire un déclin de l’économie
danoise analogue à celui observable en France : 80% des salariés sont syndiqués, le taux
d’imposition atteint 62% des revenus, le durée hebdomadaire du travail des salariés est un des
plus faibles en Europe avec la France, … Et pourtant le taux de chômage dépasse à peine 5%.