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Recherche en soins infirmiers N°69 - juin 2002
ENCONTRE
R
Formateur en Institut de Formation des Cadres de santé
et terminant une thèse de sociologie, je n’imaginais pas
que mes travaux de recherche allaient rejoindre mon
quotidien au détour d’une réflexion sur le projet profes-
sionnel. Depuis trois ans, je tentais de comprendre à la
fois le «don de guérison» des guérisseurs et «le prendre
soin» défendu par certains auteurs infirmiers.
J’établissais un rapprochement entre ces deux dimen-
sions par le biais de la vocation. Ce terme est toujours
omniprésent dans le discours infirmier et apparaît par-
fois (j’insiste sur le parfois) sous le vocable du don de
soi. Le don du guérisseur est souvent hérité, transmis de
père en fils et le rapprochement avec les professions
paramédicales me faisait envisager la vocation comme
un don hérité, un héritage, une donation particulière.
Par ailleurs, devant animer un groupe de suivi pédago-
gique sur la base du projet professionnel de chaque étu-
diant(e), j’étais, je l’avoue, dans l’expectative. Cette
démarche me semblait artificielle dans le sens où il me
paraissait difficile de travailler sur un devenir sans avoir
réfléchi sur les choix professionnels antérieurs. Pourquoi
avons-nous choisi de devenir infirmier ou manipulateur
en électroradiologie? Pourquoi souhaitons nous devenir
Cadre de santé?. Les réponses à ces interrogations me
paraissent primordiales tant en terme d’identité profes-
sionnelle que du point de vue d’une posture épistémolo-
gique. Pourquoi ce dernier point? Pourquoi cette exi-
gence épistémologique? Parce que nous souhaitons par
ailleurs développer la recherche en soins et ce désir
exige, dans le même mouvement, de nous connaître.
L’identification de certains déterminants infirmiers offri-
rait une certaine valeur heuristique dans le sens où elle
permettrait d’éclairer la relation soignant-soigné ou, plus
particulièrement, la relation d’aide. Enfin, un futur Cadre
doit se libérer de problèmes identitaires car le manage-
ment, la gestion des hommes isolent l’individu. Il n’y a
pas de rupture temporelle; le passé ou plutôt les choix
passés conditionnent l’avenir, déterminent notre futur
professionnel qui naît à la fois de notre volonté et des
opportunités du système. J’ai donc proposé au groupe
de suivi de profiter des stages en IFSI pour réaliser une
grande enquête auprès des étudiant(e)s infirmier(ère)s et
des futur(e)s manipulateur(trice)s. L’enquête idéale aurait
du reposer sur des histoires de vie car il paraît utopique
de résumer les choix d’une profession à partir d’un
nombre restreint de critères prédéfinis.
DE QUELQUES DÉTERMINANTS PARAMÉDICAUX À...
L’ESQUISSE D’UNE FIGURE SOIGNANTE...
Dominique BOURGEON.
Manipulateur en électroradiologie,
Formateur.
RÉSUMÉ
Cet article se propose d’étudier le sens de la vocation à l’aide d’un modèle théorique issu de l’anthropologie.
L’auteur postule que le don de guérir et le sens profond du désir de «prendre soin» prennent leur source dans les
biographies des soignants. La vocation répondrait en fait à un désir de donner, de donner à l’autre afin de recevoir
à notre tour. Ce geste compensatoire nous éclairerait sur notre propre personnalité malmenée par un destin «hors
normes». Né du malheur, le don de soi serait en fait un don d’échange et s’inscrirait dans cette réciprocité généra-
lisée mise en exergue par Marcel Mauss au sein des sociétés traditionnelles. La réflexion porte sur les professions
paramédicales d’infirmier(ère) et de manipulateur(trice) en électroradiologie.
Mots clés : don maussien, don de soi, vocation, sacrifice, soin relationnel.