Gauthier BENCHEÏKH Institut d’Études Politiques de Lille // Année 2013-2014 Master : Stratégie et Communication des Organisations Spécialité : Communication Publique et Corporate Mémoire de recherche Le Sport comme Levier de Communication Institutionnelle pour les Grandes Entreprises Directeur du mémoire : Jean-Yves RINCÉ ~2~ REMERCIEMENTS Pour l’aide et l’ouverture qu’il m’a apportées durant l’entière élaboration de ce mémoire, je tiens à exprimer mes plus sincères remerciements à mon directeur de mémoire, M. Jean-Yves Rincé. Son œil averti a longtemps préservé la cohérence de mon travail. De même, je tiens à remercier vivement, dans l’ordre où je les ai rencontrés, Caroline Guillaumin (Société Générale), Stéphane Tardivel (Orange), Jean-Raphaël Gaitey (La Poste) et Rosaline Laureau (Safran), sans qui ce mémoire n’aurait pu comporter ni réflexion stratégique, ni mise en perspective de la communication institutionnelle étudiée. Ces personnes ont fait preuve de beaucoup d’attention et de participation lors de nos entretiens, me dotant d’informations initialement inaccessibles qui devinrent indispensables. Ce mémoire aurait difficilement vu le jour sans mes parents, dont le soutien sans faille ni interruption a plus généralement été la base de mes études. Ce mémoire est dédié aux 96 victimes de la tragédie d’Hillsborough, ainsi qu’à leurs familles. Angleterre, 15 Avril 1989. Gone but never forgotten ~3~ SOMMAIRE INTRODUCTION Tiger Woods ou la confusion entre sport et image Le sport comme système de signes Définir et reconnaître le sport dans sa diversité Du sport comme potentiel levier de communication institutionnelle Quatre grands groupes français comme base de recherche Les grandes entreprises et leur image De l’importance du contexte dans l’étude de messages institutionnels Annonce du plan P.6 P.6 P.8 P.9 P.11 P.13 P.14 P.16 P.17 PARTIE 1 L’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle, conséquence d’une décision stratégique permise par la place du sport dans la société I. Des entreprises en quête d’image, motivées par des besoins stratégiques 1. Orange et la construction d’une image indépendante par le sport 2. La Société Générale et le sport, entre sauvegarde de l’image et motivation interne 3. Safran, un « jeune » groupe en quête d’identité 4. La Poste, de retour vers le sport avec de vraies intentions 5. De besoins stratégiques différents à l’identification du sport comme solution II. Pourquoi le sport ? 1. De l’importance des valeurs dans le sport 2. L’omniprésence sociale du sport 3. Le sport comme accès à la médiatisation 4. Le sponsoring comme réponse à un besoin des acteurs du sport 5. Le sport, un levier idéal pour la communication institutionnelle en France ? P.19 PARTIE 2 Pourvoir tenir l’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle dans le temps long : la coordination et l’implication comme pré-requis à l’efficacité et la crédibilité I. Des stratégies de communication axées sur le multi-support, les réseaux sociaux pour toile de fond 1. Orange et la priorité au digital 2. La Société Générale, le rugby et le handisport : une communication complète 3. Safran, de l’armement à la communication 4. La Poste, un déséquilibre entre action et communication 5. Les premiers indices d’une communication menée sur le long terme II. Derrière la communication, une réelle implication en gage de crédibilité 1. Orange et Sosh, en soutien de compétitions majeures 2. La Société Générale et le rugby, bien au-delà des discours 3. Safran, une implication qui trouve sa source en interne 4. La Poste, partenaire des arbitres 5. Derrière et au-delà de la communication se trouve le terrain P.46 ~4~ P.20 P.20 P.23 P.25 P.28 P.30 P.35 P.35 P.37 P.39 P.41 P.43 P.47 P.47 P.49 P.52 P.54 P.57 P.61 P.61 P.63 P.66 P.69 P.72 PARTIE 3 La dimension symbolique de l’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle I. Transmettre ses valeurs de manière concrète avec le sport comme levier 1. Orange/Sosh et la dominante émotionnelle 2. « Rien n’est plus beau que l’esprit d’équipe » par la Société Générale 3. L’association de Safran à l’idéal du marin compétiteur 4. La Poste, une communication maîtrisée mais limitée quantitativement 5. De l’importance des valeurs dans l’utilisation du sport comme levier II. Atteindre son cœur de cible par un idéal communautaire 1. Orange et les supporters, Sosh et les riders 2. Société Générale, de l’esprit d’équipe à l’esprit rugby 3. Safran peut-il apporter un public régulier à son équipe ? 4. La Poste comme contre-exemple, malgré un réel potentiel 5. De la différence entre potentiel et performance réelle dans l’exaltation d’un esprit de groupe P.76 P.77 P.77 P.79 P.82 P.85 P.88 P.91 P.91 P.94 P.97 P.99 P.102 CONCLUSION P.105 Bibliographie Annexes P.111 P.133 ~5~ INTRODUCTION Tiger Woods ou la confusion entre sport et image Pour un sportif professionnel à qui un niveau hors normes a permis d’accumuler de nombreux sponsors, des « écarts de conduites » (selon une expression utilisée dans la presse pour qualifier l’adultère, le dopage…) se traduisent dans de nombreux cas par le retrait de ces mêmes sponsors, donc par des pertes financières sèches. Mais pour une entreprise qui avait choisi ce sportif en fonction de ses performances et de ce qu’il pouvait représenter, quelles peuvent être les pertes ? Le cas d’Eldrick « Tiger » Woods nous éclaire. Dès novembre 2009, sa vie privée, dont des relations extraconjugales, a été mise à nue par la presse américaine et relayée par la presse internationale. En quelques mois, un champion incontesté de golf, d’ailleurs le sportif le mieux payé du monde à l’époque1, a vu son nom associé à des notions d’infidélité, voire d’addiction sexuelle. Il était auparavant connu pour être l’un des meilleurs sportifs au monde, salué pour son talent et sa mentalité. Des sponsors payaient pour afficher son image et son surnom. Dans un tel contexte, quelques uns de ses sponsors ont réduit la part qu’occupait Tiger Woods dans leur publicité et leur marketing, voire ont rompu le contrat qui les liait au golfeur. Tiger Woods a vraisemblablement perdu des millions de dollars après ce scandale qui l’a vu présenter des excuses publiques le 19 février 2010. Mais qu’ont perdu ses sponsors ? Il est possible d’argumenter que les pertes furent contrôlables, donc de s’attacher à ce que ces entreprises auraient pu perdre, et ce pour deux raisons. La première est que certains sponsors ont publiquement déclaré qu’ils ne se sépareraient pas de Tiger Woods. Donc, la problématique d’image que nous commençons à percevoir peut passer derrière d’autres intérêts. Pour Nike, verser jusqu’à $30 millions par an au sportif avait encore un sens puisque seulement 10% de sa gamme d’articles de golf portait le nom de Tiger Woods en 20092. Et 1 En prenant en compte ses revenus extra-sportifs, estimés à plus de $100 millions en 2009. Source : Larry DORMAN, “Gillette to limit role of Tiger Woods in marketing”, in The New York Times, 12/12/09 2 Phil KNIGHT, in Sean GREGORY, ”Tiger Woods’ sponsors : Will any stick by him ?”, in Time Magazine, 16/12/09 ~6~ aujourd’hui encore, l’équipementier sportif américain utilise Tiger Woods comme support marketing. Plus révélatrice, la deuxième raison est que les autres sponsors avaient une marge de manœuvre dans les contrats qui les liaient à Tiger Woods : ils ont ajusté son rôle à leurs objectifs de communication. L’horloger suisse Tag Heuer a retiré Tiger Woods de tous ses supports publicitaires aux Etats-Unis, afin de ne pas heurter « la sensibilité de certains consommateurs »3, mais a continué à supporter la fondation du sportif jusque 2011, année de fin du contrat. Gillette en a fait de même après avoir utilisé Tiger Woods dans des spots publicitaires ventant les rasoirs de la marque, et n’a pas non plus renouvelé le contrat en 2011. Mais, le cas le plus important d’entreprise-sponsor gênée par la conduite de Tiger Woods et sa médiatisation est celui d’Accenture. L’entreprise existe depuis 1989 mais n’avait adopté son nom actuel qu’en 2001 : Tiger Woods a prêté son image dès 2003 à une stratégie de communication très active, portée par des campagnes de publicités régulières. Exerçant une activité qui pouvait paraître ambigüe auprès du grand public, l’entreprise utilisait le golfeur à la fois dans une optique de notoriété et d’image. Par exemple, « we know what it takes to be a Tiger » clamait l’entreprise de conseil en 2009, dans une publicité qui mettait en avant sa capacité à aider les entreprises à préparer leur avenir. Mais, dès décembre 2009, après deux semaines de couverture médiatique ininterrompue de la vie privée de Tiger Woods, l’entreprise a effacé son image de tout support, au point de rappeler les produits dérivés distribués aux employés, de retirer les posters présents dans ses bureaux et d’enlever toute mention du golfeur sur son site internet. Le New York Times parla même d’une « purge » dans l’entreprise et rares étaient les salariés à accepter de répondre à la presse4. Cela signifie que l’entreprise devait voir en Tiger Woods, de par sa conduite et la médiatisation associée, une sorte de « menace » pour son image, sachant qu’il était la principale incarnation physique d’Accenture entre 2003 et 2009. En décembre 2009, l’entreprise déclarait publiquement que Tiger Woods « n’était plus une métaphore de la performance »5. 3 Jean-Christophe BABIN, au nom de Tag Heuer. Source : BBC News, “Tag Heuer ‘to drop Tiger Woods from US ads’”, in news.bbc.co.uk, 18/12/09 (nous traduisons) 4 Brian SHELTER, “Accenture, as if Tiger Woods were never there”, in The New York Times, 16/12/09 5 Fred HAWRYSH, porte-parole d’Accenture, Ibid. (nous traduisons). ~7~ Par conséquent, que ce soient des rasoirs, des montres de luxe ou du conseil aux entreprises, donc que ce soit respectivement des produits grand-public, des produits destinés à une clientèle sélective ou des services aux entreprises, la mauvaise image qu’a acquise Tiger Woods par son comportement et un traitement médiatique défavorable n’étaient pas compatibles avec l’image que voulait renvoyer ces entreprises. Cela veut donc dire qu’initialement, elles nourrissaient le projet d’associer leur image institutionnelle (i.e. l’image de l’entreprise) à un sportif, à un sport. Ces derniers portaient en eux quelque chose de significatif et d’évocateur pour une cible de communication. Ainsi, nous venons de mettre en évidence un fait : le sport (ici un sportif) est utilisé par des entreprises comme levier de communication institutionnelle, dans une mesure qui semble telle que des péripéties indésirables liées au sport en question puissent remettre en cause les partenariats contractuellement définis, voire des stratégies de communication entières. Le sport comme système de signes Car il s’agit bien de communication institutionnelle, entendue comme étant le produit d’une stratégie prédéfinie par une entreprise. Selon Thierry Libaert et Marie-Hélène Westphalen, la communication d’entreprise 6 est « l’action volontariste d’émission, de transmission et de réception de messages, dans un système de signes qui s’échangent au sein de l’entreprise et entre celle-ci et son environnement »7. Et dans ce cas précis, le sport est un « système de signes ». Tiger Woods est un golfeur or, le golf est associé à un ensemble de valeurs, comme tout sport selon Jacques Defrance 8 , établies comme élitistes : il est par exemple le sport qui présentait le plus grand écart d’effectifs pratiquant entre ouvriers et cadres en France en 20039. Et Tiger Woods lui-même est associé dans le discours médiatique à un ensemble de qualités physiques et mentales, principalement à la performance (au regard de la présentation que la presse a fait de lui entre 1999 et 2007). 6 Dans ce mémoire, nous parlerons aussi de communication institutionnelle. Thierry LIBAERT et Marie-Hélène WESTPHALEN reprennent une définition de la Fédération Nationale Entreprise et Performance (1989), in Communicator : Toute la communication d’entreprise, Paris : Dunod, 2012 (6ème édition), p.13 8 Jacques DEFRANCE, Sociologie du sport, Paris : La Découverte, 2006 (1995), p.7 9 INSEE, enquête Pratiques culturelles et sportives, 2003 7 ~8~ Donc, Tiger Woods constitue aussi un système de signes en lui-même, qu’il semble possible de faire reconnaître aux amateurs de golf, aux élites sociales… mais aussi aux particuliers et entreprises qui recherchent une forme de performance dans le produit/service qu’ils achètent auprès des entreprises qui utiliseront Tiger Woods comme égérie. À ce stade, nous supposons donc que les entreprises précédemment citées (Nike, Accenture, Tag Heuer et Gillette) voulaient exprimer cette notion de performance et l’associer à leur propre image, à travers l’exposition de Tiger Woods dans des supports commerciaux et/ou institutionnels. En 2009, les publicités télévisuelles d’Accenture, où Tiger Woods était présenté en train de jouer, se concluaient par « High performance. Delivered. ». Mais, l’usage d’une égérie n’est qu’une manière parmi d’autres d’utiliser le sport comme levier de communication institutionnelle, c'est-à-dire comme un relai technique et symbolique entre un émetteur institutionnel et une cible (extérieure ou non). C’est d’ailleurs ce que ce mémoire devra démontrer, mais pas seulement. À ce stade, nous ne sommes pas sûrs que le sport soit un levier de communication institutionnelle adapté à n’importe quelle entreprise, ni qu’il suffise de payer l’un des sportifs les plus connus au monde pour atteindre un objectif défini en termes d’image. Il nous faut donc comprendre ce qu’est le sport, et pourquoi il peut être rattaché à des problématiques d’image. Définir et reconnaître le sport dans sa diversité De fait, le sport n’est pas un sport, mais l’ensemble des sports et de ce qu’ils peuvent associer comme activités et images. Un ensemble qui s’est constitué au fur et à mesure des siècles qui séparent la Grèce Antique des années 2000s, sachant qu’il n’a pas eu les mêmes buts au travers de ces différentes périodes (dire que le sport est un loisir ne fut pas toujours une vérité). Jacques Defrance date l’apparition du sport dans sa forme moderne à la seconde moitié du 19ème siècle en Angleterre10. Le sport rassemble des activités aussi diverses que les sports collectifs (football, rugby11, handball, basketball…), les sports individuels (tennis, badminton, golf…), les sports de combat (karaté, judo, boxe, lutte…), les sports hippiques (course, dressage…), les sports nautiques (aviron, voile…), les sports mécaniques (Formule 1, Rallye…), l’athlétisme (100M, marathon, lancer de poids, saut à la perche…), les sports d’hiver… On tape dans un ballon (ou 10 Jacques DEFRANCE, op.cit. Dans ce mémoire, le terme « rugby » fera toujours référence au rugby à XV (15 joueurs par équipe – Rugby Union en anglais), soit la forme la plus développée au niveau international. Le rugby à XIII (13 joueurs par équipe – Rugby League en anglais) et le rugby à VII (7 joueurs par équipe) seront nommés comme tels. 11 ~9~ un volant), on le lance, on rame, on conduit, on plaque, on court, on glisse, on frappe… Cette liste ne sera d’ailleurs jamais exhaustive : le statut de sport est encore refusé ou débattu pour des disciplines comme la pétanque, le lancer de fléchettes, la chasse… Notons que ces activités sont codifiées, quoiqu’inégalement. Chacune inclut un ensemble de règles d’importance variable qui cadrent la pratique jusqu’à définir l’objectif même de chacun de ces sports (marquer plus de buts que son adversaire, arriver en 1ère position…). Une majorité des sports se pratique donc en présence d’arbitres (ou juges et autres commissaires de course) qui garantissent le respect des règles et le fait que celles-ci placent les participants devant une relative égalité des chances. Ensuite, le sport dans son ensemble présente des différences très importantes en termes de pratique, y compris au sein d’un même sport. En effet, il y a de réelles différences dans la pratique du football entre un club de Division 6 des Yvelines et un club de Ligue 1 12 : la fréquence de la pratique diverge (d’un ou deux entraînements hebdomadaires à la pratique biquotidienne), de même que les méthodes d’entraînement (les universités françaises forment les entraîneurs de haut niveau à dispenser des sessions très rigoureuses) et les aptitudes des joueurs (technique, vitesse, endurance…). Mais, une plus grande différence traverse de part en part les différents sports de même que le fossé entre professionnalisme et amateurisme13 : les sportifs ne pratiquent pas leur(s) sport(s) en suivant les mêmes buts. Lorsque le Baron Pierre de Coubertin plaçait l’importance du sport dans la participation14, et non la victoire, il ne se doutait peut-être pas qu’une partie seulement des sportifs contemporains et futurs adopterait cette philosophie : l’intérêt des sportifs balance entre l’entretien de son corps, l’amusement en solitaire et/ou la socialisation, la victoire en compétition, l’envie d’être reconnu, de progresser… 15 Le sport est pour beaucoup un loisir, il peut devenir une passion, voire un métier, sans garantie de sécurité financière. Cette diversité nous amène à choisir une définition large du sport, par nécessité de respecter la réalité, mais aussi pour reconnaître par avance le fait que la communication institutionnelle utilisera comme levier des sports très différents. George Magnane définit le 12 Respectivement la 16ème division et la 1ère division dans la classification nationale du football français. Dans le lexique sportif, l’amateurisme ne possède pas de connotation péjorative, et a même été la norme dans de nombreux sports jusqu’au début du 20ème siècle 14 Dans un discours du 24/07/1908 dans lequel il reprit les arguments de l’évêque de Pennsylvanie. 15 Selon une typologie dressée par Michel DESBORDES et al., Marketing du sport, Paris : Economica, 2004 (3ème édition), p.162 13 ~ 10 ~ sport en 1964 comme une « activité de loisir dont la dominante est l’effort physique, participant à la fois du jeu et du travail, pratiquée de façon compétitive, comportant des règlements et des institutions spécifiques, et susceptible de se transformer en activité professionnelle »16. Cette définition a le mérite de soulever une dernière caractéristique du sport moderne : au sein des sociétés occidentales, d’une manière ou d’une autre, le sport concerne (presque) tout le monde. En effet, dans ses chiffres pour l’année 2012, le Ministère de la Jeunesse et des Sports recense 47,1 millions de sportifs en France, dont 65% pratiquent hebdomadairement, pour 15,7 millions de licences distribuées 17 . Il faut ajouter la présence directe à des spectacles sportifs et le visionnage (télévision et internet) de ces mêmes évènements, une pratique si répandue qu’ « il n’y a pas d’autres activités culturelles qui occupent une telle place à la télévision ou qui mobilisent régulièrement autant de spectateurs »18, ainsi que l’achat et la consommation de biens/services sportifs (dont licences). Ainsi, en 2010, les ménages français consacraient 17,1 milliards € à la dépense sportive (au sens large des biens, infrastructures et services), l’Etat et les collectivités locales dépensaient 15 milliards € et les entreprises dépensaient 3,3 milliards €19. Du sport comme potentiel levier de communication institutionnelle Ainsi, si le sport est hétérogène en soi, la communication qui l’utilise comme levier pourrait supposément l’être. Il faudra le démontrer. Mais, nous pouvons déjà nous interroger à savoir si cette hétérogénéité est une chance pour les entreprises : selon les secteurs d’activité, la taille, le public ciblé, les objectifs fixés… les entreprises pourraient trouver dans la diversité inhérente au sport le moyen d’adapter leur communication à des cibles multiples. Le sport touche (presque) tout le monde, toutes les catégories sociales et toutes les régions françaises, pour un spectre étendu de pratiques et d’habitudes de consommation Nous en arrivons ainsi non pas à un constat, mais au préjugé fondateur de notre réflexion. Il est facile de penser que la multiplicité des sports existants puisse permettre à tout le monde de communiquer à n’importe qui. Mais, il convient de se demander comment une entreprise 16 George MAGNANE, Sociologie du sport, Paris : Gallimard, 1964. Cité par Jacques DEFRANCE, op.cit., p.100 17 Cette définition du « sportif » est contestable car inclut toute personne de plus de 15 ans ayant pratiqué au moins une activité physique dans les 12 derniers mois. Source : Ministère des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, Les chiffres-clés du sport, Février 2013, p.5-6 18 Michel DESBORDES et al., op.cit., p.172. C’est encore statistiquement vrai aujourd’hui. 19 Ministère des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, Ibid., p.2 ~ 11 ~ peut choisir correctement tel ou tel sport comme levier de communication. Et tout l’enjeu sera de définir ici ce que « correctement » signifiera et comment ce levier sera concrètement activé pour atteindre des objectifs précis. Le sport semble être un levier de communication au potentiel très important, si nous le définissons comme l’ensemble des messages institutionnels transmissibles à travers lui, des supports et cibles potentiels. Aussi, il conviendra dans notre étude de circonscrire le sujet à des entreprises qui possèdent autant les moyens financiers et humains suffisants pour acheter des droits d’exploitation et les activer pleinement que la volonté de faire d’un (ou plusieurs) sport(s) un axe majeur de leur stratégie de communication institutionnelle. Le tout afin de mesurer concrètement le potentiel du sport comme levier de communication institutionnelle. Par conséquent, nous excluons de notre champ de recherche les entreprises trop petites pour procéder à l’achat des droits d’exploitation qui permettent légalement d’utiliser le nom et l’image d’un sport, d’un club, d’une fédération ou d’un sportif, et/ou pour procéder à leur activation. Nous devons étudier les stratégies d’entreprises qui peuvent exploiter l’image d’un sport sur de multiples supports et sur le temps long. Néanmoins, les plus petites entreprises pourront peut-être réfléchir de manière parcellaire aux bonnes pratiques que nous aurons identifiées. Nous excluons aussi de notre champ de recherche les entreprises qui utilisent le sport comme levier de manière éparse, irrégulière et/ou irréfléchie. Par exemple, le but de ce mémoire n’est pas de réfléchir sur le simple achat d’un encart publicitaire sur le maillot d’un club de football et dans son stade le temps de quelques saisons. Cette technique est fréquente dans le cas des Petites et Moyennes Entreprises (PME) qui ciblent des clubs de taille moyenne (Ligue 2 et National par exemple20) afin de limiter les coûts de l’achat d’espace. C’était par exemple le cas de Simply Market (filiale du Groupe Auchan) qui fut le sponsor officiel du Racing Club de Lens entre 2009 et 2012 : l’entreprise ne pouvait alors gagner que de la visibilité au niveau local dans un contexte où de nouveaux magasins de la chaîne s’ouvraient dans le Nord-Pas-de-Calais. Selon Geoffrey Jalleh, une telle action, si elle constitue l’unique message vers une cible définie, ne peut avoir que des effets très limités en termes de notoriété et d’image21. 20 Respectivement la 2ème et la 3ème divisions du football français, toutes professionnelles. Geoffrey JALLEH et al., “Sponsorship: Impact on brand awareness and brand attitude”, in Social Marketing Quarterly, Printemps 2002, Vol.8, N°1, pp.35-45, p.38 21 ~ 12 ~ Quatre grands groupes français comme base de recherche Notre méthode de recherche va donc consister en l’étude des stratégies de communication institutionnelle par le sport de 4 grands groupes français : Orange, Safran, La Poste et la Société Générale. Ces 4 sociétés anonymes, par définition à la recherche d’un profit économique en milieu concurrentiel (La Poste assumant aussi une mission de service public), ont toutes choisi de faire du sport un levier de communication à part entière. Cela se constate dans le fait que les budgets qui y sont dédiés sont de l’ordre de plusieurs millions d’euros et que des professionnels de la communication sont employés à plein temps pour ne se consacrer qu’à ce volet de la communication de ces entreprises. En termes généraux, la Société Générale a choisi depuis 1987 de parrainer le rugby français, par la signature de contrats pluriannuels qui lui permettent d’utiliser l’image des différentes instances du rugby français (FFR22, LNR23, clubs…). Elle commence aussi à se révéler dans le handisport24. Orange est partenaire du rugby professionnel français et des 20 clubs de Ligue 1 de football. Et le groupe développe progressivement sa communication dans des sports regroupés dans la catégorie « glisse » (ou « ride ») : surf, snowboard, BMX et skateboard. La Poste développe depuis 2007 un partenariat avec les arbitres français de football, rugby, handball et basketball, qu’ils soient professionnels ou amateurs. Enfin, Safran, dès sa création en 2005, a conçu et construit son propre bateau de course dans la catégorie IMOCA 60 pieds, pour ensuite participer à de nombreuses courses et organiser une communication autour. Ces 4 groupes nous ont ouvert leurs portes : il nous sera donc possible de travailler à partir de 4 entretiens complets, réalisés auprès de 4 responsables de la communication, soit un par entreprise. Ces entretiens ont tous eu lieu en janvier 2014 à partir d’un questionnaire (établi par l’auteur) intitulé « Quels objectifs poussent votre entreprise à communiquer à travers le sport et comment y arrivez-vous ? » 25 . Le but était de mettre en lumière les motivations de ces groupes qui communiquent tous les jours avec le sport comme levier et quels ont été tous les messages, supports et actions incorporés dans leur stratégie. 22 Fédération Française de Rugby (FFR), chargée des Équipes de France et du rugby amateur. Ligue Nationale de Rugby, chargée sur délégation de la FFR de l’organisation des championnats professionnels de rugby français (Top 14 et Pro D2). 24 La Société Générale est aussi partenaire de la Fédération Française de Golf. De l’aveu même de C. Guillaumin, ce partenariat n’a pas vocation à influer sur l’image de la Société Générale, et ne sera donc pas traité dans ce mémoire : c’est un partenariat destiné à renforcer le marketing de ses activités de banque privée. 25 Voir annexe 5, P.228 23 ~ 13 ~ Il fallait aussi comprendre quels pouvaient être les éléments pré-requis pour mettre en place une telle communication : ces 4 groupes ont été sélectionnés parmi un ensemble de grands groupes/entreprises dont nous pouvions relever la présence récurrente au sein d’évènements et auprès d’institutions sportives. Nous avons donc dès le début pris les capacités financières et humaines comme filtre : ce mémoire montrera par la suite que ce choix n’était pas arbitraire. Ainsi, nous travaillerons sur les informations données par Caroline Guillaumin (Directrice de la communication de la Société Générale), de Rosaline Laureau (Chargée de la communication externe du projet Safran Sailing Team chez Safran), de Stéphane Tardivel (Directeur du sponsoring, des partenariats et de l’évènementiel pour Orange) et de JeanRaphaël Gaitey (Responsable des partenariats sportifs et de la communication « Sportifs de haut niveau » du Groupe La Poste)26. Tous sont habilités à parler au nom de leur groupe pour ce qui est de leur communication et leur parole sera considérée comme telle dans ce mémoire. Ce travail d’enquête s’est accompagné d’une étude complète de la communication par le sport des 4 groupes qui constituent notre terrain d’étude, ainsi que de leur impact en termes de retombées de presse. Ont donc été étudiés les messages émis par ces groupes, au travers du discours employé, des supports par lesquels ils ont été transmis, de l’articulation de ces mêmes supports, de leurs cibles et de leurs objectifs. Ces messages se sont accompagnés d’actions concrètes sur le terrain sportif de chaque groupe : organisation d’évènements entre des particuliers et des professionnels du sport, remise de récompenses à des sportifs méritants, participation à des courses… Les grandes entreprises et leur image Ces messages et actions ont été compris dans le cadre d’une stratégie de communication institutionnelle plus large : au regard des 4 entretiens menés, de l’affirmation même des responsables interrogés, ces groupes ont tous un objectif de communication institutionnelle central défini comme l’amélioration de leur image (ou de celle d’une de leurs marques) grâce au sport, par son association avec des « valeurs »27. Selon Thierry Libaert et Marie-Hélène Westphalen, l’image d’une entreprise (ou d’une marque) est une opinion, un jugement de valeur élaboré par un agent quant à ce qu’il perçoit 26 27 Ici sont présentés les énoncés officiels des postes des responsables interrogés. Selon un terme omniprésent dans les 4 entretiens [Voir annexes 1 à 4] ~ 14 ~ de cette organisation28. L’entreprise voit donc son image être dépendante des valeurs qu’elle essaye de véhiculer à travers sa communication (leur ensemble peut être appelé « personnalité ») et des cibles elles-mêmes, il y a bien souvent un écart entre ce que veut transmettre l’entreprise et ce que ses cibles perçoivent. Ces valeurs sont « ce qui est posé comme vrai, beau, bien, d'un point de vue personnel ou selon les critères d'une société et qui est donné comme un idéal à atteindre, comme quelque chose à défendre »29. Les 4 groupes que nous allons étudier déclarent percevoir dans chacun des sports auxquels ils s’associent des valeurs qu’ils aimeraient voir être associées à leur image. Par exemple, la Société Générale tire son slogan actuel « Rien n’est plus beau que l’esprit d’équipe » du rugby dans la mesure où « le rugby, c’est typiquement les valeurs d’esprit d’équipe qui ressortent »30 : le groupe pense voir l’esprit d’équipe comme la valeur centrale de ce sport et communique en fonction. Et nous montrerons que les 3 autres groupes raisonnent d’une manière analogue. Donc, si le sport est pour ces 4 groupes un levier de communication dédié à l’apport de valeurs à une image institutionnelle, il est possible de s’appuyer sur les travaux de Thierry Libaert et Marie-Hélène Westphalen pour sous-ligner les impératifs d’une communication par le sport, eux-mêmes sources de bonnes pratiques vouées à assurer une efficacité maximale à la communication. En effet, Libaert et Westphalen statuent que pour une entreprise, « une bonne image sera juste, positive, durable et originale »31. Elle sera juste grâce à une conformité entre les actes de communication de l’entreprise et son comportement dans le cadre de ses activités. Elle sera positive en faisant connaître l’entreprise sous ses meilleurs traits, notamment en mettant en avant ses valeurs, qui devront donc être justes. L’impératif de durabilité devra être discuté, mais il est à ce stade difficile d’argumenter contre le consensus académique et professionnel qui veut qu’une « bonne » communication soit celle qui s’inscrit dans la durée. Enfin, une bonne image sera originale : la plupart des entreprises se trouvent en effet dans un contexte concurrentiel qui érige la différenciation au rang d’impératif stratégique, autant dans les biens/services proposés par l’entreprise que son image. 28 Thierry LIBAERT et Marie-Hélène WESTPHALEN, op.cit., p.15 http://www.larousse.fr/dictionnaires/ Recherchez « valeur » 30 Caroline GUILLAUMIN [voir annexe 5, P.136] 31 Thierry LIBAERT et Marie-Hélène WESTPHALEN, op.cit., p.53 29 ~ 15 ~ Si nous appliquons ce quatuor prescriptif à l’utilisation du sport comme levier de communication par les 4 groupes étudiés, cela produit un ensemble de recommandations que nous retrouvons dans les 4 entretiens, les interrogés plaçant une importance réelle dans les impératifs suivants : assurer la cohérence entre les valeurs internes à l’entreprise et les valeurs du sport choisi (« juste »), mettre en avant les valeurs des sports parrainés (« positive »), agir sur le long terme (« durable ») et se positionner sur des sports où le groupe sera en mesure de devenir un prescripteur (« originale »). Ainsi, si les 4 groupes étudiés essayent d’appliquer ces 4 critères d’efficacité à l’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle, une méthode de recherche comparée entre ces 4 groupes pourra apporter les éclaircissements nécessaires quant à l’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle par des grandes entreprises. De l’importance du contexte dans l’étude de messages institutionnels Cependant, un impératif durant notre recherche sera de ne pas couper les 4 groupes étudiés du contexte global dans lequel ils évoluent, dont certains traits impactent fortement leur communication aujourd’hui. Ainsi, nous notons le besoin pour chacune d’inspirer confiance à leurs interlocuteurs. Selon Rosaline Laureau, le projet de sponsoring que l’entreprise mène est une « vitrine technologique »32, signe que l’entreprise doit prouver, entre autres choses, la fiabilité de ses technologies à ses partenaires économiques. D’un autre côté, selon leurs responsables respectifs, Orange, la Société Générale et La Poste visent dans leur communication par le sport une cible (ou plusieurs cibles agglomérées) assimilable au grand public. Ils doivent donc agir dans un contexte où la confiance globalement accordée aux grandes entreprises est basse : une enquête du CEVIPOF en décembre 2012 tend à montrer que 57% des français n’auraient plutôt pas voire pas confiance du tout en « les grandes entreprises privées »33. De plus, la communication que ces entreprises voudraient mettre en place par le sport est susceptible d’être aussi impactée par l’essor d’internet et des moyens de communication qu’il inclut. Selon l’Union Des Annonceurs (UDA), alors que les dépenses en communication des 32 Rosaline LAUREAU, voir annexe 4, P.218 Baromètre de la confiance politique – vague 4. Enquête conduite en ligne par le CEVIPOF et Opinion Way en décembre 2012, auprès de 1509 personnes représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus, selon les critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle et de région d’habitation. 33 ~ 16 ~ annonceurs augmentent peu voire baissent (-1,3% pour le total de ces investissements entre 2011 et 201234), les dépenses consacrées à la communication sur internet (dont les réseaux sociaux) établissent des taux de croissance imposants. Elles ont en effet progressé de 41% entre 2010 et 201235. Le tout est signe d’une prise de conscience des entreprises dans leur ensemble de l’importance des médias numériques et/ou sociaux. Nous verrons donc, non plus en nous attachant à des statistiques financières mais en constatant les actes de communication concrètement réalisés, que les 4 groupes qui constituent notre terrain de recherche ont inégalement répondu au bouleversement qu’internet a provoqué dans l’élaboration de stratégies de communication institutionnelle. Ainsi, c’est seulement en prenant en compte les impératifs nécessaires à l’édification d’une « bonne image » et l’ensemble des facteurs conjoncturels et structurels précédemment évoqués que nous pourrons répondre à la problématique suivante : « Comment les grandes entreprises françaises peuvent-elles réussir à véhiculer et articuler par le sport des messages institutionnels crédibles et fortement contributeurs à leur image ? ». Annonce du plan Dans un premier temps, nous détaillerons et mettrons en perspective tous les éléments que les 4 grands groupes étudiés ont pu intégrer dans le processus de décision qui a abouti à une communication institutionnelle reposant à des degrés divers sur un ou plusieurs sports. Cela nous amènera à considérer chaque groupe à la suite, dans son histoire et sa position de marché, donc à révéler les facteurs conjoncturels et structurels qui permettaient/requéraient l’utilisation du sport comme levier. Et nous les associerons ensuite à un ensemble de facteurs sociaux, économiques et médiatiques propres au champ sportif français. Dans une seconde partie, nous détaillerons comment ces 4 grands groupes utilisent le sport comme levier de communication institutionnelle et essayerons de mettre en avant des bonnes pratiques et des pré-requis. Nous montrerons que cette communication passe par un ensemble large de supports reliés entre eux et nous illustrerons la place qu’ont pu acquérir les 34 UDA, Les chiffres-clés des annonceurs, édition 2013, p.2 Différentiel établi entre les éditions 2013 et 2011 du rapport de l’UDA, Les chiffres-clés des annonceurs. Les investissements des annonceurs en communication sur internet représentaient 1,13 milliards € en 2010 et 1,61 milliards € en 2012. 35 ~ 17 ~ réseaux sociaux dans l’articulation des messages, sans pour autant conclure qu’ils sont devenus suffisants en eux-mêmes. Mais, toujours en seconde partie, il conviendra de montrer aussi que la communication institutionnelle par le sport n’est pas que de la communication, en ce sens que dans le meilleur des cas, elle est complémentaire à une réelle implication du groupe dans le(s) sport(s) qu’il parraine. Le tout nous confirme que le sponsoring devrait être compris comme une pratique de long terme par les entreprises intéressées. Dans une dernière partie, nous amènerons des éléments de nature symbolique à la recherche. En effet, nous montrerons que le sport est un levier de communication qui nécessite l’emploi de messages à nature émotionnelle et communautaire, sans quoi les communicants peuvent tout simplement manquer leurs cibles. Il conviendra encore d’illustrer l’utilité des réseaux sociaux dans cette entreprise. ~ 18 ~ PARTIE 1 L’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle, conséquence d’une décision stratégique permise par la place du sport dans la société Utiliser le sport comme levier de communication institutionnelle ne va pas de soi. Chacun des 4 groupes que nous étudions a subi et/ou anticipé les évolutions de ses activités, et le sport vient alors comme un outil au service d’une communication institutionnelle qui doit accompagner des besoins stratégiques (I.). Mais, si nous supposons que les évolutions externes ou internes relèvent des questionnements propres à chaque entreprise, il faut comprendre pourquoi le sport en devient une réponse (II.). Nous détaillerons plusieurs points qui marquent la popularité du sport comme levier de communication institutionnelle, au point même de justifier, pour certaines entreprises que nous avons écartées en introduction, son utilisation ponctuelle et/ou irréfléchie. ~ 19 ~ I. Des entreprises en quête d’image, motivées par des besoins stratégiques 1. Orange et la construction d’une image indépendante par le sport Le groupe français Orange se définit lui-même comme « l’un des principaux opérateurs de télécommunications dans le monde »36 : ses activités principales sont la vente de services de téléphonie fixe, mobile et internet haut débit, la vente de matériel de téléphonie au détail ainsi que l’apport de ces mêmes biens et services aux entreprises via une filiale dédiée. Orange agit aussi sur plusieurs secteurs complémentaires à ses activités principales, à savoir la pose de connexions sous-marines, l’apport de connexions par satellite, le soutien logistique à des évènements… En 2013, son chiffre d’affaire consolidé37 s’élevait à 40,98 milliards €, en baisse de 4,5% depuis 2012, pour un résultat net de 1,87 milliard €38. Le groupe emploie 170.000 salariés dans plus de 100 pays39, dont 100.000 en France. Le groupe est soumis à une concurrence importante sur ses activités et marchés principaux : selon les données de l’ARCEP, les prix des services mobiles (appels, messages, internet mobile…) ont connu une baisse de 11,4% entre 2012 et 2011 alors que ces mêmes services ont été plus utilisés40. Le groupe, toujours leader du marché de la téléphonie mobile en France, doit se positionner face à ses concurrents, et la communication, en grande partie commerciale, est pour lui une arme stratégique : en 2012, Orange était le troisième annonceur de France en termes d’investissements médias bruts, pour une dépense estimée à 332 millions € par l’UDA41. Mais, la communication institutionnelle par le sport est antérieure à ces dernières évolutions, est même antérieure à Orange dans sa forme actuelle. Nous rappelons qu’Orange est issu du passage progressif du secteur public au secteur privé de France Télécom (créé en 1988). Orange est né en Grande Bretagne et a été racheté en 2000 par France Télécom qui 36 Source : www.orange.com/fr/a-propos. Ceci est le site institutionnel d’Orange, par opposition avec ses différents sites de vente aux particuliers et entreprises. 37 Soit la somme des chiffres d’affaires de toutes les filiales, moins les ventes en interne. 38 Orange, Succès commerciaux et accélération de la baisse des coûts permettent à Orange d’atteindre son objectif de cash flow opérationnel 2013 de 7 milliards €. Résultat net part du Groupe plus que doublé à 1,9 milliard €, communiqué de presse du 06/03/14 39 Orange, Rapport annuel 2012, dévoilé le 17/05/2013, p.68 40 ARCEP, Observatoire annuel du marché des communications électroniques en France - Année 2012, 23/05/2013, p.4 41 UDA, Les chiffres clés des annonceurs, édition 2013, p.3. Ce chiffre ne prend en compte qu’une partie des dépenses de communication du groupe et n’est pas synonyme du temps de visibilité dans les médias achetés. ~ 20 ~ devait se renforcer sur le marché encore naissant de la téléphonie mobile. Progressivement, les activités propres à France Télécom déclinant, Orange a absorbé toutes les filiales du groupe (Wanadoo, Itinéris, OLA…) pour se concentrer principalement sur les services mobiles. L’étiquette France Télécom a définitivement disparu en 2013, sachant que la privatisation a atteint son stade actuel quand l’Etat a perdu sa minorité de blocage en 2007. En 2012, 65.000 fonctionnaires travaillaient encore dans le groupe 42 et l’Etat français occupe encore une présence actionnariale à hauteur de 26,95%43. Ainsi, au début des années 2000s, Orange avait besoin de notoriété, selon S. Tardivel : la marque n’était pas connue du grand public et devait trouver une assise. Or, toujours selon S. Tardivel, « le sponsoring […] est l’arme ultime pour développer la notoriété »44. C’est ainsi que, suivant la définition même du sponsoring, Orange versait de l’argent à des équipes professionnelles de football (comme le Racing Club de Lens) pour que celles-ci portent le logo45 de l’entreprise sur leur maillot pendant les matchs et les entraînements, et pour qu’il soit affiché sur leurs installations, lors des conférences de presse... Ainsi, Orange gagnait de la visibilité grâce à un sport très populaire. De la même manière, France Télécom était devenu partenaire officiel de la LNR et la Fédération Française de Rugby (FFR) en 1999, mais ne communiquait pas autour. Enfin, Orange a sponsorisé deux bateaux de course à la voile entre 2002 et 2006 : Orange I en 2002 et Orange II entre 2003 et 2006 (skippé par Bruno Peyron). Là aussi, le but affiché par l’entreprise, selon S. Tardivel, était de la notoriété pure, le logo étant présent sur toutes les parties du bateau qui participait au plus de courses possibles (Trophée Jules Vernes, traversée de l’Atlantique Nord…). Dans tous les cas 46, l’objectif était de construire la notoriété d’une marque et non de nourrir son image. Orange, alors encore séparé d’une partie des filiales de France Télécom, ne cherchait pas à tirer quoi que ce soit des valeurs et images propres à chacun des sports qu’il sponsorisait, quand bien même le groupe s’impliquait progressivement dans le rugby en organisant des petits tournois de jeunes. 42 Boursier.com, « France Télécom ne fera pas de plan social, assure Stéphane Richard », 05/06/12 Orange, Rapport annuel 2011, dévoilé le 05/06/12, p.107 44 Stéphane TARDIVEL, voir annexe 2, P.165 45 Depuis sa création, un carré orange avec la mention du nom de l’entreprise en blanc au bas du carré. 46 Compte tenu de l’ancienneté des actions de sponsoring abordées et du fait que la communication institutionnelle développée autour était embryonnaire, leur compréhension repose essentiellement sur l’aide de Stéphane Tardivel et sur des comptes-rendus de course à la voile. 43 ~ 21 ~ Donc, jusqu’au milieu des années 2000s, la communication institutionnelle par le sport n’était rien d’autre qu’un achat d’espace. Les actions étaient même si peu coordonnées que, de l’aveu même du groupe, « Itinéris, Wanadoo et France Télécom [faisaient aussi] du sponsoring. On avait parfois même les trois qui faisaient du sponsoring sur le même club, ils ne le savaient pas ! »47. Aujourd’hui, alors qu’Orange est leader de son marché principal et que sa notoriété atteint « des scores soviétiques »48, le groupe entend tirer du sport une image plus positive et obtenir « la préférence […] de la marque »49. Pour ce faire, le groupe est passé entre 2006 et 2009 du sponsoring basique à une logique de partenariat. S. Tardivel ne fait pas la différence entre les deux termes d’un point de vue sémantique, mais il marque bien dans l’entretien le fait qu’Orange ne se contente plus d’acheter des droits, voulant au contraire s’impliquer dans l’évolution de chaque sport qu’il finance et développer une communication institutionnelle complète centrée sur ces sports. De fait, Orange est aujourd’hui encore partenaire officiel des 20 clubs de la Ligue 1 de football professionnel, ainsi que de la LNR (Top 14 et Pro D2 inclus) et de la FFR, mais l’utilisation des budgets dédiés au levier sportif a changé : « depuis 5 ans, on a vachement amélioré le ratio ‘droits versus activation’ »50. Cela passe par moins d’achat de droits et plus d’activation de ces droits par de la communication institutionnelle et évènementielle, l’activation représentant 22% du budget alloué à Stéphane Tardivel en 2013, contre 10% lors de son arrivée en 200951. Le groupe a ainsi modifié la nature et la place des liens déjà existants avec certains sports afin de réaliser un « transfert d’image »52. Orange veut attribuer les valeurs positives propres à chaque sport auquel il s’associe à sa propre image institutionnelle, et ainsi obtenir un avantage concurrentiel. De même, Orange a mené une réflexion stratégique assez poussée pour associer Sosh, sa nouvelle marque de téléphonie mobile, à un territoire sportif exclusif. Sosh a été créée en 2011 pour proposer des services de téléphonie mobile à bas coût, avec les 15-24 ans pour 47 Stéphane TARDIVEL, voir annexe 2, P.180 Ibid., P.165 49 Ibid., P.182 50 Ibid., P.183 51 Sans donner de chiffres précis, Stéphane Tardivel indique aussi que « son » budget a diminué continuellement depuis 5 ans. 52 Jean-Raphaël GAITEY, voir annexe 3, P.192 48 ~ 22 ~ cible prioritaire. Et Sosh associe depuis une image indépendante au surf, snowboard, BMX et skateboard ; la marque développe une communication institutionnelle et commerciale avec ces sports comme leviers. Nous voyons bien ici que la communication par le sport appuie un choix stratégique important pour répondre à la baisse des prix des services mobile identifiée par l’ARCEP depuis l’arrivée de Free sur le marché. Ainsi, depuis 5 ans, Orange a adapté son utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle, de la notoriété vers l’amélioration de son image, étape à partir de laquelle le groupe s’est investi en plein dans cette entreprise devenue stratégique. 2. La Société Générale et le sport, entre sauvegarde de l’image et motivation interne La Société Générale est une banque française, créée en 1864 par décret impérial et privatisée en 1987. Elle est une banque universelle, cumulant donc les activités de banque de dépôt et de banque d’affaire. La Société Générale a réalisé en 2013 un résultat net de 2,18 milliards €, soit 2,8 fois plus qu’en 2012, mais restant en deçà des résultats nets de 2011 et 2010 53 . Le tout pour un produit net bancaire de 22,8 milliards €, lui aussi en deçà des performances de 2011 et 201054. La Société Générale était ainsi le 3ème établissement bancaire français et le 8ème européen en termes d’actifs détenus en 201255. La Société Générale s’est impliquée dans le milieu sportif français, et particulièrement dans le rugby, selon une logique et une temporalité bien différentes de celle d’Orange. En effet, la Société Générale est devenu partenaire « majeur » de la LNR et de la FFR dès 1987, soit une durée qui place la banque parmi les partenaires sportifs les plus durables de France ; à titre de comparaison, BNP Paribas parraine le tennis français depuis 197356. Cette longévité est ce qui permet à la Société Générale de se dire « partenaire du rugby ». Aussi, il faut comprendre le besoin stratégique pour la Société Générale d’améliorer son image sur le temps long. Depuis sa privatisation, l’économie des pays développés a connu plusieurs crises majeures, dont la crise financière entamée en 2007, lors de laquelle le rôle de certaines institutions bancaires (Lehmann Brothers, JP Morgan…) a été mis en avant : spéculation, lobbying pour la déréglementation des marchés financiers… 53 Société Générale, Rapport financier annuel 2013, dévoilé le 12/02/14, p.3 et 28 Ibid., p.3 et 28 55 Jean-Louis DELL’ORO, « Le top 20 des plus grosses banques d’Europe », in Challenges, 12/06/13. L’auteur cite une étude de référence établie par SNL Finance. 56 Source : site institutionnel de BNP Paribas (« Nos partenariats »). Le groupe est partenaire officiel de la Fédération Française de Tennis (FFT) et de tournois professionnels internationaux tel Roland Garros. 54 ~ 23 ~ Que la Société Générale ait mené les actions ici mentionnées importe peu, son nom et son image ont été concrètement associés par les médias à ces pratiques lors du scandale provoqué par le trader Jérôme Kerviel. Ce dernier, dans ses fonctions d’opérateur de marché au compte propre de la Société Générale, a pris des positions illégales en janvier 2008 et provoqué 4,82 milliards € de pertes. Un procès entre le trader et la Société Générale est toujours en cours. Et là aussi, la réalité des responsabilités importe peu. Dans le discours médiatique, les faits ont été principalement imputés à la Société Générale en tant que telle : un sondage ad hoc tendait à montrer que 50% des interrogés imputaient la fraude et les pertes à la direction de la banque, pour seulement 13% à Jérôme Kerviel57. Les dégâts sur l’image de la Société Générale sont réels, et illustrent le haut potentiel de risque de l’activité bancaire sur l’image de ses organisations. Le partenariat sportif a donc toujours été une manière de garder une image la plus positive possible : « on s’est rendu compte que dans les périodes de crise qu’on a connues, le rugby a été quelque chose qui nous a permis de conserver quand même cette valeur […] dans l’esprit des gens. C'est-à-dire [que] le fait de nous associer au rugby nous fait remonter nos baromètres d’image », affirme Caroline Guillaumin58. Le sport sert à la Société Générale à mettre en avant les valeurs dont son secteur d’activité aurait naturellement tendance à manquer aux yeux du grand public, clients inclus. Caroline Guillaumin déclare que dans le rugby, le groupe voit en premier lieu l’esprit d’équipe. Par conséquent, en 2011, la Société Générale a fait évoluer sa signature, en l’inspirant directement du rugby, afin de véhiculer « ses » valeurs : « Développons ensemble l’esprit d’équipe ». Dans un contexte où la confiance des français en le système bancaire était jugée basse59, l’utilisation de cette nouvelle signature, donc du rugby comme levier, a été généralisée à toute la communication du groupe. 57 Sophie DE RAVINEL, « L’opinion exonère le trader Jérôme Kerviel », in le Figaro, 01/02/08. Sondage réalisé en ligne les 30 et 31 janvier 2008, par Opinion Way, auprès de 940 personnes âgées de 18 ans et plus, représentatives de la population française en termes d’âge, de sexe, de catégorie socioprofessionnelle et de région d’habitation. 58 Caroline GUILLAUMIN, voir annexe 1, P.142 59 Deloitte Touche Tohmatsu, Relations banques et clients : Comment regagner durablement la confiance des clients, conduite entre le 16/12/10 et le 27/01/11. L’étude a été réalisée en ligne auprès de 3189 individus représentatifs de la population nationale (âge, sexe, région et catégorie socioprofessionnelle) et clients particuliers de banques françaises. 43% des interrogés déclarent faire confiance au système bancaire français en générale (p.8) et 57% des interrogés déclarent faire confiance à leur propre banque (p.10). ~ 24 ~ Ceci dit, il serait néanmoins inexact de penser que l’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle n’est tournée que vers l’extérieur de l’entreprise. Au contraire, le sport est aussi un facteur stratégique de motivation interne. Selon Michel Perret, « l'un des enjeux des banques de détail en France […] est que l'interne s'approprie les campagnes, s'y retrouve, se sente motivé » 60 . Et la Société Générale l’a bien compris : le groupe veut alimenter la « capacité de mobilisation des équipes en période de crise »61, en diffusant la valeur d’esprit d’équipe en interne. In fine, le but est de susciter « l’engouement »62 et Caroline Guillaumin affirme avoir réussi, ajoutant que le sport est un levier « extrêmement fort »63 pour la motivation en interne. Elle prend l’exemple de quelques manifestations organisées en interne autour de joueurs de rugby professionnels, de l’Équipe de France de rugby… : « Ça a été la folie furieuse […] la queue jusqu’à dehors pour faire signer un petit bout [de papier] »64. Nous constatons que la nécessité de d’alimenter une bonne image institutionnelle au sein d’un secteur d’activité à risque et le besoin de motiver les salariés constituent une double incitation à faire du sport un atout stratégique pour la Société Générale. C’est ce qui l’a conduite à se tourner aussi vers le handisport, dont elle parraine la fédération nationale 65 depuis 2002, et une skieuse, Marie Bochet. 3. Safran, un « jeune » groupe en quête d’identité Safran est né en 2005, par la fusion de l’entreprise Sagem (alors spécialisée en télécommunications et technologies liées aux problématiques de défense et sécurité) et du groupe Snecma (alors spécialisé dans la fabrication de moteurs d’avions et de matériel aérospatial). Aujourd’hui, après la cession de ses activités de communication (2008), Safran est un groupe français qui conçoit et fabrique à l’échelle internationale des équipements en aéronautique, défense et sécurité. 60 Michel PERRET, in BERGALA Laure, « Après Caisse d’Épargne, Société Générale renouvelle son image après la crise », in Banques des particuliers, 01/05/11 61 Caroline GUILLAUMIN, voir annexe 1, P.135 62 Ibid., P.154 63 Ibid., P.136 64 Ibid., P.137 65 Fédération Française Handisport (FFH) ~ 25 ~ En 2013, le groupe inclut 34 sociétés, présentes dans 53 pays, pour 66.200 personnes employées66. Son chiffre d’affaire consolidé est alors de 14,7 milliards €, pour un résultat net de 1,2 milliard € (en augmentation)67. Le groupe a aussi investi 1,8 milliard € en Recherche et Développement (R&D) en 201368. En termes stratégiques, ce qui nous intéresse le plus ici tient à la manière dont Safran fait face à la concurrence. Ses activités vont de la fabrication de trains d’atterrissage pour gros porteurs à la conception de détecteurs biométriques, en passant par des commandes d’hélicoptère, des matériaux composites… La liste ne saurait être exhaustive, mais toutes sont des activités à forte valeur ajoutée, avec des coûts de recherche très élevés, autant que les qualifications recherchées chez les ingénieurs. Ces impératifs d‘innovation doivent être compris dans une structure de marché internationale : la concurrence est forte et, selon Rosaline Laureau, les attentes des clients (en termes de fiabilité) sont très hautes, du fait de la nature des technologies demandées (défense militaire, aérospatiale…). Notons enfin que Safran, pour pouvoir assumer les hauts coûts de recherche et bénéficier d’expertises qu’il ne peut maîtriser en propre, a conclu plusieurs partenariats avec d’autres acteurs, potentiellement concurrents : General Electric, Airbus… Ainsi, de par son rang de leader sur quelques marchés (commandes de vol pour hélicoptères, technologie multi-biométrique…) et sa stratégie (centrée sur la R&D via de lourds investissements), Safran a besoin de communiquer à plusieurs cibles que sont les investisseurs, les partenaires industriels et les clients. Le groupe doit aussi assurer ses besoins en termes de recrutement (8.454 personnes en 2013 dans le monde69), doit donc communiquer auprès des potentiels salariés. Et il doit aussi être capable de communiquer à ses salariés, soit un public étendu géographiquement, donc culturellement. Le tout en gardant à l’esprit que le groupe est « jeune »70, donc peu connu. Au vu de l’entretien passé avec Rosaline Laureau, Safran est pleinement conscient de ces enjeux, et le sport, en l’occurrence la voile, est un levier de communication institutionnelle assumé vers les publics cités. « En fait, c’était pour accroître la notoriété du nouveau groupe, 66 Safran, Document de référence 2013, dévoilé le 31/03/14, p.1 Ibid., p.2 68 Ibid., p.1 69 Ibid., p.195 70 Rosaline LAUREAU, voir annexe 4, P.218 67 ~ 26 ~ tout en rassemblant autour d’un projet fédérateur ses milliers de collaborateurs […] Et puis de montrer qu’on peut être novateur, qu’on aille jusqu’au bout de nos projets »71. C’est ainsi que Safran s’est lancé dans la participation à des courses au large à la voile dès 2006. Mais, dès 2007, Safran mettait à l’eau sa propre embarcation : Safran a entièrement conçu en interne un IMOCA 6072 (nommé Safran73), grâce aux compétences multiples de ses ingénieurs. C’est d’ailleurs un fait que le groupe met en avant sur tous les supports possibles de la communication mise en place autour de son équipe, le Safran Sailing Team. Car là est la communication institutionnelle par le sport de Safran : le groupe essaye de faire la démonstration de ses performances en ré-exploitant ses technologies (matériaux, électronique embarquée…) aéronautiques sur un bateau dont il espère qu’il va gagner des courses et/ou établir des records de vitesse. Ce projet est une « vitrine technologique » pour Safran, auprès des partenaires industriels et des actionnaires, de l’aveu même de R. Laureau. Cependant, l’intégration dans le monde de la voile ne se limite pas à la pure compétition. Tout d’abord, le bateau est skippé par Marc Guillemot, un marin choisi par Safran parce qu’il « est un bon skipper ». Mais « bon » ne signifie pas uniquement « performant » dans ce contexte, nous montrerons par la suite que Marc Guillemot a fait état de valeurs humaines lors de ses courses qui ont beaucoup servi la communication institutionnelle de Safran. De même, le groupe a fait de la voile un outil de motivation interne. Faisant expressément appel à autant de collaborateurs de Snecma que de Sagem, Safran « a fait carton plein, on a fédéré les salariés autour de ce projet. Et je pense que la voile, c’est quand même assez fabuleux, parce que c’est une aventure humaine avant tout ». Cela passe aussi par des évènements internes, telle une régate corporative qui rassemble chaque année environ 800 personnes sur la côte Atlantique. Safran utilise la voile pour mobiliser et communiquer des valeurs, ce qui est stratégiquement primordial dans un groupe aussi éclaté, à tous points de vue (productivité, motivation, bien-être au travail…) Enfin, le groupe a fait de la voile un outil de recrutement auprès des écoles d’ingénieurs, organisant des régates étudiantes, installant des stands d’exposition lors des départs de courses majeures… afin de se faire connaître et reconnaître. 71 Ibid., P.217 Catégorie de bateau de course à la voile de 60 pieds de long, dont toutes les autres caractéristiques techniques sont régies par l’International Monohull Open Class Association (IMOCA), association reconnue par la Fédération Internationale de Voile (ISAF) et agissant sur sa délégation. 73 Dans ce mémoire, Safran ainsi écrit en italique désignera le bateau dont l’entreprise Safran est le constructeur et le propriétaire. 72 ~ 27 ~ Nous pouvons donc dire que la position stratégique de Safran l’a mené à utiliser la voile comme levier de communication institutionnelle, du fait que le groupe avait besoin de notoriété, sachant qu’il devait la coupler à l’apport constant de preuves de sa performance et de ses valeurs. La fédération du personnel était aussi un objectif visé. 4. La Poste, de retour vers le sport avec de vraies intentions La Poste est une société anonyme à capitaux publics, chargée d’une mission de service public74. Les capitaux sont encore détenus par l’Etat75, mais La Poste fonctionne aujourd’hui comme une entreprise privée classique, notamment dans un marché du courrier totalement ouvert depuis 2011. La Poste est aussi un groupe, en ce sens où ses divers métiers ont été répartis entre plusieurs sociétés. La Poste est présente dans 3 grandes activités que sont la distribution de courrier et colis, la banque de détail et la téléphonie mobile, sans compter des présences mineures (au regard du chiffre d’affaire du groupe) dans la communication, le conseil en transport et mobilité… Le groupe obtient un résultat net de 627 millions € pour un chiffre d’affaire consolidé de 22,1 milliards €76. Aujourd’hui, La Poste mue. L’activité d’acheminement du courrier, sur lequel La Poste est toujours leader, est en déclin, en baisse de 5,6% en volume en 2012 77 et de 5.5% en 201378 ; les prévisions tablent sur un rythme de baisse équivalent jusque 2018. Mais La Poste progresse sur ses autres activités : livraison de colis dans un contexte de progression du e-commerce, banque de détail et téléphonie mobile. La composition de son chiffre d’affaire évolue en conséquence. Ainsi, pour un portefeuille d’activités relativement stable (la Banque Postale a été créée en 2006 et la filiale de téléphonie mobile en 2011), la stratégie de La Poste, pour l’instant établie jusque 2020, comporte une évolution majeure et anticipée de longue date : le groupe se dirige vers des secteurs hautement concurrentiels. 74 Cette mission de service public a été redéfinie par la Loi n° 2010-123 du 09/02/10 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales. 75 L’Etat, au travers de plusieurs organismes, détient l’ensemble des capitaux, hormis la part allouée à l’actionnariat salarié. 76 La Poste, Document de référence 2013, dévoilé le 13/03/14, p.12 77 Les Échos, « La Poste en pleine mutation », 04/07/13 78 Le Monde avec AFP, « Le bénéfice net 2013 de La Poste en forte hausse grâce au CICE », 20/02/14 ~ 28 ~ L’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle est antérieure à ses évolutions. Mais, nous devons être attentif à un point primordial : jusque 2007, le sport a eu une place très instable et avant tout centrée sur le besoin de visibilité, quitte à mener des opérations de sponsoring sans cohérence entre elles En effet, Jean-Raphaël Gaitey rappelle que La Poste avait engagé un bateau de course sur les éditions 1989-1990 et 1993-1994 de la Whitbread Round the World Race79, était partenaire de compétitions et d’athlètes en VTT jusque 2000, du comité organisateur de la Coupe du Monde de football 1998 (en France), de l’Équipe de France de football jusqu’en 2002, de la Coupe de la Ligue80 jusqu’en 2004, année à partir de laquelle La Poste va faire une pause de 3 ans avec le sponsoring. J-R. Gaitey lui-même est sévère dans son jugement sur ces pratiques de sponsoring qui n’amenaient rien à l’image de La Poste selon lui. Au contraire, c’était « l’époque où le sport est […] l’affaire affective des grands managers »81, au point de qualifier le parrainage d’un cheval comme relevant de la « danseuse du président »82. Nous notons aussi que certaines initiatives n’ont pas laissé de bonnes impressions en interne, particulièrement les participations aux Whitbread Round the World Races dont quelques postiers sont revenus traumatisés83. C’est en 2007 que le sport est réellement devenu un levier de communication, utilisé dans une quête d’image réfléchie, incorporée à la stratégie et prenant aussi l’interne en considération. Cette année, La Poste devint partenaire officiel des arbitres de handball, football, rugby et basketball (professionnels et amateurs) en s’associant aux instances nationales qui prennent en charge l’arbitrage nécessaire à leur sport84. L’idée est de s’associer à des acteurs valorisés par la société française dans son ensemble 85 , et d’établir un parallèle entre eux et La Poste. Les arbitres sont aujourd’hui 79 Aujourd’hui connue comme la Volvo Ocean Race. Tournoi de football à élimination directe, qui ne rassemble que les clubs professionnels français. 81 Jean-Raphaël GAITEY, voir annexe 3, P.196 82 Ibid. 83 Lors de l’édition 1993-1994, des postiers avaient été incorporés à l’équipage du bateau de La Poste. Pendant l’escale en Uruguay, 4 marins de l’équipage ont été arrêtés et détenus pour avoir battu un cambrioleur dans leur logement. Source : Kate LAVEN et Rod GILMOUR, « Top 10 Volvo Ocean Race moments », dans The Telegraph, 09/03/12. 84 En l’occurrence, la Fédération Française de Football et la Ligue de Football Professionnel ; La FFR et la Ligue Nationale de Rugby ; la Fédération Française de Handball, la Ligue Nationale de Handball et la Ligue Féminine de Handball ; la Fédération Française de Basket-ball et la Ligue Nationale de Basket. 85 La Poste avec TNS Sofres, Les Français et l’arbitrage, sondage réalisé en ligne auprès de 1002 individus âgés de 15 ans et plus, représentatifs de la population française, entre le 11/09/13 et le 15/09/13. 80 ~ 29 ~ dépositaires de certaines valeurs que La Poste essaye de faire ressortir de sa propre image, surtout la dimension de service, le respect et l’engagement. Cela passe pour La Poste par de la communication sur de nombreux supports, mais aussi par une implication réelle sur le terrain sportif que nous détaillerons. Ainsi, J-R. Gaitey affirme que « sans arbitre, pas de sport »86 : l’objectif stratégique est pour La Poste de faire passer la même logique auprès de ses publics, d’améliorer son image dans un contexte où les marques du groupe seront soumises à une concurrence pleine alors qu’une partie des salariés, manifestations syndicales à l’appui, n’accepte pas encore les changements prévus dans l’organisation de La Poste. De son propre aveu, J-R. Gaitey aimerait que le sport soit plus utilisé en interne. 5. De besoins stratégiques différents à l’identification du sport comme solution La comparaison entre les intentions de chaque groupe doit être pondérée selon les forces mises en œuvre. De fait, les 4 groupes que nous étudions constituent un panel hétérogène en termes de moyens financiers et humains consacrés à la communication institutionnelle par le sport. La Poste déclare consacrer entre 5 et 10 millions € par an à son partenariat avec les arbitres. La Société Générale consacre au rugby et au handisport une somme supérieure87. Orange ne nous a pas donné de chiffre, mais, au regard de l’ensemble des actions menées par et pour cette communication institutionnelle (que nous détaillerons ensuite), soit un ensemble de messages et supports aussi fourni que la communication de la Société Générale pour le rugby et le handisport, nous pouvons supposer (mais supposer seulement) que le groupe consacre des moyens équivalents ou quelque peu inférieurs à la Société Générale. Enfin, Safran consacre entre 400.000 € et 500.000€ à son action dans la voile, sans compter l’entretien annuel du bateau88. Ainsi, comme l’indique C. Guillaumin, « le sujet du sport, c’est que très vite, ça coûte très très cher »89. Il faudra donc comprendre et évaluer l’ensemble des actions de communication à l’aune des sommes disponibles, sachant que 3 des 4 groupes interrogés essayent de les diminuer, la seule exception étant la Société Générale. 86 Jean-Raphaël GAITEY, voir annexe 3, P.194 Nous ne sommes pas autorisés à donner ces chiffres, aussi nous nous contenterons d’un ordre d’idée. 88 Soit 1.2 million € nécessaire chaque année pour l’entretien, la préparation et la rétribution de l’équipage. Source : Olivia DERREUMAUX, « Vendée-Globe : Safran cherche une explication aux déboires », in le Figaro, le 14/11/2012. 89 Caroline GUILLAUMIN, voir annexe 1, P.149 87 ~ 30 ~ De même, comme nous venons de le montrer, les besoins stratégiques divergent. Pour autant, il est déjà possible de déceler dans les intentions déclarées (et ensuite dans les actions menées) par chaque groupe une constante, au-delà même de la décision commune de véhiculer des messages institutionnels grâce au sport. En effet, nous constatons que chaque groupe a l’intention de garder une cohérence dans l’utilisation du sport comme levier, entendue comme l’intention de ne pas disperser son image à travers trop de sports différents. Et puisqu’il y a des droits à souscrire afin de communiquer à travers l’image d’un club, d’une fédération ou d’un sportif, cette volonté de cohérence se traduit dans les actes. En effet, le groupe ne pourra communiquer qu’après budgétisation et négociation avec un tiers, ce qui empêche de facto la dispersion s’il y a volonté de cohérence à la base. Cet impératif est particulièrement saillant chez Orange et La Poste. Au contraire, chez Safran et la Société Générale, le processus est plus simple. Safran n’a toujours communiqué qu’à travers la voile tandis que la Société Générale a attendu d’être reconnue dans le monde du rugby avant d’envisager en 2002 une coopération avec la Fédération Française Handisport, soit 15 ans entre les deux partenariats qui auraient permis à la Société Générale d’être considérée par les instances du rugby français comme « un partenaire qui ne partira jamais ! »90. Orange et La Poste ont décidé au milieu des années 2000s de se recentrer. S. Tardivel y apporte une justification stratégique qui vaut pour tous ces groupes : « quand vous êtes partout, vous n’êtes nulle part »91. Entre 1990 et 2004, La Poste a sponsorisé 4 sports différents : voile, football (au travers de deux compétitions différentes et d’une équipe nationale), VTT et équitation. Orange avait dispersé son sponsoring entre plusieurs sports sur lesquels d’autres filiales du groupe étaient concurrentes en termes de présence. Comme l’explique S. Tardivel, la cohérence, toujours comprise comme le contraire de la dispersion, est un impératif financier. Compte tenu des montants importants des droits à souscrire dans le sport français92, il n’est pas possible pour un groupe, aujourd’hui placé dans un contexte macroéconomique difficile, de multiplier les investissements, sachant que ces 90 Ibid., P.150 Stéphane TARDIVEL, voir annexe 2, P.166 92 Les droits d’image des Fédération Française de Football (FFF) et FFR se chiffrent par exemple en millions d’euros. Ainsi, la FFF tenait 40% de ces recettes de ses partenariats en 2012-2013, pour un montant de 82 millions €. Source : Guillaume ERRARD, « Les recettes sponsoring de la FFF sous pression », in le Figaro, 15/10/13 91 ~ 31 ~ droits devront ensuite être activés, par le développement d’une communication complète autour du sport sponsorisé. Acheter des droits n’est pas une communication en soi : nous le montrerons en détaillant l’éventail complet des messages et supports développés par ces 4 groupes. Ainsi, l’impératif de cohérence est un impératif de clarté. Les responsables rencontrés placent tous une grande importance dans le fait de paraître clair et lisible. S. Tardivel compare son groupe, Orange, à la Société Générale : « Société Générale, c’est le rugby […] Orange ? »93. Et tant la Société Générale qu’Orange citent BNP Paribas en exemple du fait que son nom serait directement associable au tennis. De son côté, J-R. Gaitey a clairement marqué l’opposition entre l’accumulation d’actions de sponsoring à La Poste avant 2004 et le parrainage des arbitres après 2007. Safran marque dans l’entretien son intention de se concentrer sur ses cibles « business to business »94, donc de rester sur un sport qui permet de les toucher. Ainsi, l’objectif est pour chacun de ces groupes de réussir à véhiculer une image relativement homogène, dans la mesure où ils ont tous besoin d’être clairement identifiables par leur implication dans le monde sportif. Nous devons noter que la cohérence mise en avant par les 4 groupes se rapporte aussi à une forme d’authenticité. Non seulement ces groupes sont susceptibles d’utiliser le sport comme source de motivation interne (bien que ce soit moins évident pour La Poste et peu mis en avant chez Orange), mais ils sont aussi désireux d’assurer une continuité entre la communication institutionnelle par le sport et les activités de l’entreprise. Cette authenticité est d’ailleurs élevée au rang de « clé de la réussite » pour la communication d’une entreprise par Thierry Libaert et Marie-Hélène Westphalen 95 . Les groupes que nous étudions l’ont compris. Pour la Société Générale, le lien entre le rugby et le groupe tiendrait dans la présence du même esprit d’équipe au sein des deux institutions. Et le lien se manifesterait aussi dans la volonté de la Société Générale de développer le relationnel avec ses clients particuliers et professionnels, ce qu’elle tente de faire passer par tous ses supports de communication depuis le changement de signature de 2011. De fait, le lien ici mis en avant est une affaire de discours, mais le discours sur l’esprit d’équipe est justement constant tant en interne que dans 93 Stéphane TARDIVEL, voir annexe 2, P.166 Rosaline LAUREAU, voir annexe 4, P.219 95 Thierry LIBAERT et Marie-Hélène WESTPHALEN, op.cit., p.63 94 ~ 32 ~ la publicité commerciale, ce qui lui confère une forme de réalité. Un exemple en interne est la déclaration du directeur des ressources humaines en 2013 : « pour écrire les nouvelles pages de notre histoire, nous avons besoins de joueurs qui pratiquent le jeu collectif et développent l’intelligence collective » 96 . Un exemple externe est celui des visuels diffusés dans des magazines en 2011, dans lesquels des groupes de personnes (équipe de chantier, équipe de chirurgie opératoire, équipe de pompier…) étaient mis en scène avec la simple mention « Rien n’est plus beau que l’esprit d’équipe » [Voir annexe 6, P.231]. Pour Safran, le lien effectif entre le groupe et la voile résiderait dans les capacités technologiques du groupe appliquées sur le bateau Safran, selon R. Laureau. Le descriptif technique rendu public 97 est fourni : quille en carbone, caméras de détection infrarouge, batteries exclusives… Pour La Poste, la proximité entre elle et les arbitres serait effective en termes d’attachement à une mission de service public98. Enfin, pour Orange, le lien entre le groupe et le sport semble moins évident, dans la mesure où il repose sur le fait qu’Orange sponsorise plusieurs sports en France depuis de nombreuses années. Ici, l’utilisation du sport comme levier s’auto-justifie. S. Tardivel affirme que dans « les marques les plus associées au sport en France, on est troisième, derrière Nike et Adidas »99. Pour le cas plus précis de Sosh, le lien entre la marque et les sports de glisse est un potentiel public commun, à savoir les 15-24 ans. Donc, quelque soit le lien évoqué entre un sport et le groupe, chacun essaye de faire vivre ce lien et de le mettre en avant. Pour chacune de ces groupes, au regard de leurs déclarations, et de la communication que nous détaillerons, il importe que le sport auquel ils s’associent soit un « prolongement totalement logique » de l’organisation100. Ainsi, les 4 groupes ont, dans l’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle, un véritable souci pour la cohérence de leur action, entendue comme la nondispersion dans le champ sportif et dans l’exaltation d’un lien logique entre eux et le sport. Mais, au regard des besoins stratégiques énoncés, il convient de comprendre pourquoi le sport 96 Édouard-Malo HENRY in Société Générale, Rapport d’activité et de développement durable 2012-2013 : Bâtir la banque de demain, dévoilé en novembre 2013, p.47 97 Disponible sur http://www.safran-sailingteam.com/le-bateau/le-monocoque/les-technologies-safran/, entre autres sources : Safran ne manque pratiquement pas une occasion de mettre ces techniques en avant. 98 Les arbitres sportifs français sont investis d’une mission de service publique, selon la Loi n° 2006-1294 du 23/10/06 portant diverses dispositions relatives aux arbitres (article L223-2). 99 Stéphane TARDIVEL, voir annexe 2, P.165. Cette affirmation n’a pu être vérifiée. 100 Caroline GUILLAUMIN, voir annexe 1, P.136 ~ 33 ~ a été la réponse, en lieu et place d’autres leviers de communication institutionnelle qui auraient pu être choisis (mécénat artistique, associatif…). ~ 34 ~ II. Pourquoi le sport ? 1. De l’importance des valeurs dans le sport Un mot a été utilisé de nombreuses fois dans les entretiens lorsqu’étaient interrogées les motivations de chaque groupe : les « valeurs ». Comme nous l’avons précisé en introduction, une valeur est « ce qui est posé comme vrai, beau, bien, d'un point de vue personnel ou selon les critères d'une société et qui est donné comme un idéal à atteindre »101. Or, les 4 personnes interrogées placent les valeurs ainsi définies comme le cœur de leur communication institutionnelle et lient directement le sport à cette entreprise. Il convient donc ici d’être plus précis. Comme J. Defrance le démontre, le sport est un produit de la société. Sachant que les valeurs sont inhérentes à toute société humaine, le sport doit donc être rattaché directement à un système de valeurs : le sport est « un univers social à part entière, reposant sur l’institutionnalisation de pratiques et de valeurs particulières, soutenu par une nébuleuse d’associations spécifiques »102. Les sports ont émergé de longs processus socio-économiques qui ont eu, et ont encore aujourd’hui, une influence sur les règles et sur la composition sociale des pratiquants. Par exemple, comme le décrivent Norbert Elias et Eric Dunning, la chasse à courre se déroulait en Angleterre au 19ème siècle sans arme et à l’aide de chiens, puisqu’il relevait des codes des lords anglais qui pratiquaient ce sport de ne pas tuer directement un animal, ce qui était alors considéré comme l’apanage des classes populaires103 : ce sport est encore élitiste aujourd’hui au vu de la sociologie de ses pratiquants. De même, le football a émergé lors de la même période en Angleterre lorsqu’il s’agissait de s’affronter entre villages lors des fêtes religieuses : ce sport a progressivement perdu une part de sa violence, sachant qu’il n’y avait aucun coup interdit à la base 104. Il en est tout de même resté une valeur fondamentale, celle de l’appartenance à une équipe, un territoire, et le football est resté un sport populaire. Pratiquer/aimer un sport est un moyen de répondre à ce que Peter L. Berger identifie comme un besoin social fondamental, celui de se situer dans la société et d’acquérir une 101 http://www.larousse.fr/dictionnaires/ Recherchez « valeur » Jacques DEFRANCE, op.cit., p.7 103 Norbert ELIAS et Eric DUNNING, Sport et civilisation : La violence maîtrisée, Paris : Pocket, 1985, p.220 104 Ibid., p.244 102 ~ 35 ~ identité105. Le sport peut avoir une influence sur la manière dont un individu se définit et voit le monde, selon l’importance que le sport tient dans sa vie, au point d’être qualifié de « religion » par Elias et Dunning pour le cas de certains supporters anglais : « Un exemple extrême […] de ce caractère quasi-religieux du sport […] est fourni par la tradition en vigueur à Liverpool qui veut que l’on répande les cendres des supporters décédés du Liverpool FC sur le terrain d’Anfield Road ; ces derniers souhaitent apparemment continuer à s’identifier, même au-delà de leur mort, […] au ‘temple’ où ‘ils ont rendu un culte’ »106. L’inverse est vrai : la position sociale d’un individu (directement liée à un système de valeurs mais aussi à ses revenus) et son sexe, peuvent l’amener plus facilement à un sport ou l’en détourner. Certains sports massifiés échappent à cette logique : J. Defrance note par exemple que le football est devenu populaire au point de se diversifier socialement 107 . À l’inverse, des sports comme le golf ou l’équitation sont encore peu répandus parmi la population, 88% des français n’ayant pas pratiqué ces sports lors des 12 mois précédant une enquête de l’INSEE en 2009108, qui identifie la catégorie socioprofessionnelle comme facteur discriminant. Et cette relative homogénéité sociale favorise alors la transmission d’un système de valeurs donné, propre à chaque sport. Ainsi, la sociologie nous montre que les valeurs sont inhérentes au sport. Par conséquent, celui-ci acquiert des fonctions symboliques importantes : le sport est capable de produire des communautés, autour du sport à proprement dit, ou d’un sportif, d’un club… Le sport est un support d’identification pour l’individu qui s’intègre dans un collectif idéalisé. C’est par exemple ce qui permet aujourd’hui à certains clubs de football de réaliser d’importantes ventes de produits dérivés, jouant sur le lien qu’entretiennent des « fans » avec le club qu’ils mythifient. Cela s’explique par ce que Christian Bromberger à mis en avant dans ses travaux, prenant l’exemple des supporters de l’Olympique de Marseille, de la Juventus de Turin ou du SSC Naples. Ils entretiennent avec leur club respectif un lien comparable à celui qui unit des fidèles à leur divinité109. 105 Peter L. BERGER, Invitation à la sociologie, Paris : La Découverte, 2006 (1963), p.104 Norbert ELIAS et Eric DUNNING, op.cit., p.305 107 Jacques DEFRANCE, op.cit., p.58 108 Philippe COULANGEON et Yannick LEMEL, « Les pratiques culturelles et sportives des Français : Arbitrage, diversité et cumul », in Economie et statistiques (INSEE), décembre 2009, p.7 109 Christian BROMBERGER, Le Match de football. Ethnologie d’une passion partisane à Marseille, Naples et Turin, Maison des sciences de l’homme, Paris, 1994. Cité dans Jacques DEFRANCE, op.cit., p.58 106 ~ 36 ~ Dans le cadre de leur communication institutionnelle, les 4 groupes que nous étudions doivent donc comprendre que la teneur du lien entre de nombreuses personnes et leur sport favori tient d’autre chose que le simple besoin de se dépenser. L’omniprésence des valeurs dans le sport est pour le communicant autant une chance qu’un pré-requis. S’identifier à un sport permet de s’identifier à des valeurs qui sont concrètement présentes dans la société, mais requiert aussi de respecter les imaginaires propres à chaque sport et communauté. 2. L’omniprésence sociale du sport Le sport véhicule des valeurs, certes, mais il n’est pas la seule activité à le faire. Il serait possible de dresser une longue liste des activités humaines qui intègrent des systèmes de valeurs plus ou moins reliés à certains groupes sociaux, que ce soient des activités professionnelles, des loisirs… Il convient donc de situer le sport parmi de nombreux autres phénomènes sociaux dans les sociétés occidentales : le sport est un loisir de masse. Nous avons montré en introduction que le sport tendait à concerner (presque) tout le monde : 30,6 millions de français déclarent pratiquer un sport (ou ce qu’ils considèrent comme tel) au moins une fois par semaine110. Il serait possible de contester de tels chiffres, tout enquêteur devant savoir que les personnes qu’il interroge ont la tentation de mentir afin de produire des réponses socialement légitimes. Il serait ainsi possible que la pratique du sport soit un peu surévaluée en France, mais cette éventuelle surévaluation marquerait un point fondamental : des personnes seraient prêtes à surenchérir sur leur réelle pratique sportive. Et pour une raison simple : dans les sociétés occidentales, France comprise, la pratique du sport est socialement valorisée. Le sport est même « banalisé », selon J. Defrance 111 , au point qu’une personne, par exemple un enfant, ne pratiquant pas de sport pourra susciter l’interrogation voire la désapprobation chez les personnes qu’elle côtoie. À l’inverse, la France maintient des établissements scolaires du second degré capables de garantir une scolarité continue à des élèves qui préparent une carrière de sportif de haut niveau. De même, une attribution récurrente des Comités d’Entreprise est de favoriser la pratique du sport parmi le personnel et leurs familles, à travers le subventionnement de licences (c’est le cas parmi les 4 groupes de notre étude). 110 Ministère des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports, op.cit., p.5. 47,1 millions d’individus ont pratiqué un sport au moins une fois dans les 12 mois précédant l’enquête citée, réalisée en 2010, dont 65% une fois par semaine. 111 Jacques DEFRANCE, op.cit., p.4 ~ 37 ~ Dans nos sociétés s’exerce ainsi une pression à la pratique sportive, de nature sanitaire et morale. Dès la fin du 19ème siècle en France, lorsque le sport a cessé d’être une pratique purement élitiste, il n’a plus été considéré comme une activité inutile (donc réservée aux élites) mais bénéfique pour chaque individu, et un ensemble de discours d’origine politique et médicale (notamment diététique) s’est perpétué et renforcé jusqu’à aujourd’hui. Par conséquent, selon J. Defrance, il existe une réelle croyance populaire quant aux effets bénéfiques du sport sur le corps et l’esprit. Si l’objet n’est pas ici de discuter ce que des études scientifiques sérieuses ont pu prouver, il convient de noter que bon nombre de sportifs (au sens large du terme) n’ont aucune idée de la réelle teneur des bienfaits du sport sur leur organisme, au mieux se contentent de quelques minces explications de leur médecin, preuve du caractère naturel qu’a acquis le sport dans le rapport que les individus entretiennent avec leur corps. La valorisation morale du sport est tout aussi universelle, traverse les différentes couches sociales de la population française. Le sport produit des figures consensuelles au sein d’une société, en exaltant un ensemble de valeurs qu’aucune couche sociale ne va réprouver, tel l’effort, la ténacité… En plus du potentiel de création de communautés à l’intérieur d’une société que nous avons mis en lumière, le sport peut donc rassembler une société entière, quitte à ce qu’une même figure sportive soit comprise de manière différente. Selon l’INSEE, le cyclisme et le football sont les sports de masse qui comportent les écarts de pratique les moins importants entre les différentes classes sociales (6 fois moins importants que pour le golf)112. De sports aussi populaires peuvent émerger des sportifs nationalement reconnus et valorisés pour certains traits de caractères, tel Richard Virenque113 ou « l’Équipe de France ‘98 »114, qui serviront donc de support d’identification à l’échelle nationale. Ainsi, c’est grâce à cette universalité sociale que le sport peut exercer des fonctions symboliques aussi fortes, produisant des allégories de la réussite, de l’excellence individuelle ou collective. D’ailleurs, dans les discours médiatiques et populaires, la douleur que peuvent ressentir ces sportifs de haut niveau pendant l’effort est tue. 112 INSEE, enquête Pratiques culturelles et sportives, 2003 Dont le discours médiatique a toujours valorisé le courage, avant qu’il ne soit convaincu de dopage en 2000. Cité par Jacques Defrance comme le « populaire », op.cit., p.77 114 Du nom de l’Équipe de France de football qui gagna la Coupe du Monde en 1998, vantée encore aujourd’hui dans les médias sportifs et généralistes pour son état d’esprit et sa diversité. 113 ~ 38 ~ Les 4 groupes que nous étudions ont donc choisi d’activer un levier qui ne souffrira d’aucune contestation quant à sa nature même. Rares, et même négligeables, seront les personnes qui dévaloriseront un message institutionnel à travers le sport précisément à cause du sport lui-même. Communiquer sur le sport semble être, à ce stade, un gage de sûreté. Le sport est une source d’inspiration avec laquelle la plupart des individus entretiennent un rapport « super émotionnel », C. Guillaumin ayant raison sur ce point 115, ce qui justifie une tentative de récupération au nom de la valorisation d’une image institutionnelle. 3. Le sport comme accès à la médiatisation Pour les 4 groupes français que nous étudions, le but est de toucher une ou plusieurs cibles dans leur communication institutionnelle. C’est d’ailleurs le but intrinsèque de toute communication, tous les schémas existants, depuis les plus basiques comme celui de C. Shannon et W. Weaver (1949), incluent la notion de cible ou de récepteur. Compte tenu des investissements consentis et des impératifs stratégiques précédemment énoncés, cela signifie que la communication institutionnelle d’Orange, Safran, Société Générale et La Poste ne peut se contenter de faire appel à la nature consensuelle et valorisée du sport. Ces groupes doivent absolument trouver un public nombreux. Or, dans des pays tels que la France, le sport occupe une place importante parmi les spectacles en termes de présence directe du public et d’audience lors des retransmissions via la télévision et internet. Ainsi, en dehors même de la visibilité que les 4 groupes étudiés peuvent générer par eux-mêmes en communiquant sur les réseaux sociaux, en procédant à de l’achat d’espace dans la presse et la télévision… le sport leur confère naturellement (mais pas gratuitement puisque des droits sont souscrits) une grande visibilité, ce que nous allons montrer par quelques statistiques. La visibilité qu’offre le sport en France est d’abord importante du point de vue de l’affluence directe sur les lieux où se tient le spectacle. La Ligue 1 de football et la Coupe de la Ligue, qui réunissent les clubs professionnels associés à Orange et les arbitres parrainés par La Poste, attiraient respectivement 20.900116 et 13.400117 spectateurs à chaque match lors de la saison 2013/2014. Ainsi, La Poste et Orange, qui assuraient leur visibilité par des bannières, 115 Caroline GUILLAUMIN, voir annexe 1, P.137 Source : Ligue de Football Professionnel. Cette statistique ne comprend que les 34 1 ères journées du championnat (sur 38 – 10 matchs par journée). 117 Source : Ligue de Football Professionnel. Cette édition a compté 41 matchs. 116 ~ 39 ~ quelques protocoles d’avant-match dédiés aux arbitres… étaient visibles par un public massif, le temps d’une saison complète. Dans le même temps, le Top 14 et la Pro D2118 réunissait respectivement 12.000119 et 4.500 120 spectateurs par match, donnant une visibilité légèrement inférieure à la Société Générale et à Orange (partenaires des fédérations et des clubs), et La Poste (parrainant les arbitres), mais toujours considérable sur une saison complète. Enfin, les courses auxquelles participe Safran avec son IMOCA 60 regroupent énormément de visiteurs à leur départ. Par exemple, lors du départ du Vendée Globe 2008/2009, 735.000 visiteurs ont parcouru le village de course sur 3 semaines121, là où étaient présents Safran et un stand tenus par Safran. Ensuite, le sport obtient une place télévisuelle encore plus importante. En 2010/2011, la Ligue 1 de football réunissait en moyenne 1,6 million de téléspectateurs par match 122, tandis que la finale de la Coupe de la Ligue réunissait 4,6 millions de téléspectateurs en 2014123, soit une visibilité massive pour La Poste lors des gros plans sur les arbitres arborant le logo du groupe et pour Orange. Dans la même logique, les matchs de l’Équipe de France de rugby rassemblent des audiences importantes. Par exemple, le Tournoi des VI Nations rassemblait en moyenne 5,4 millions de téléspectateurs par match de l’Équipe de France en 2013124. La même année, la finale du Top 14 attirait 5,7 millions de téléspectateurs 125. Le tout au profit de La Poste, de la Société Générale et d’Orange. Du point de vue de Safran, l’édition 2012/2013 du Vendée Globe, pour une popularité record, amenait les télévisions internationales à diffuser 738 heures de programme dédiées à la course126. Ceci n’est bien sûr pas l’exposé complet des actions de communication institutionnelle menées par les 4 groupes que nous étudions : les statistiques ici posées ne prennent pas en 118 Respectivement la 1ère et la 2ème division du rugby professionnel français. Source : Ligue Nationale de Rugby. La statistique n’inclut pas les phases finales du championnat, compte donc pour les 26 journées de la phase régulière (7 matchs par journée). 120 Source : Ligue Nationale de Rugby. La statistique n’inclut pas les phases finales du championnat, compte donc pour les 30 journées de la phase régulière (8 matchs par journée). 121 Vendée Globe (organisateurs), Fact Book 2012-2013 : Vendée Globe, fournisseur de légendes depuis 1989, juillet 2011, p.9. La statistique concerne les 3 semaines avant le départ et n’inclut que le village de course, excluant donc les visiteurs à l’arrivée (où la présence de Safran n’est pas continue). 122 LFP, Rapport d’activité de la Ligue de Football Professionnel, saison 2010/2011, p.14 (via Médiamétrie) 123 Vincent ROUSSELET-BLANC, « Une audience sans éclat », in l’Équipe, 20/01/14 124 France 2, Transformez l’essai !, offre commerciale parue en novembre 2013, p.5 (via Médiamétrie) 125 Audience cumulée entre Canal + et France 2. Source : Fabien POMIÊS, « Record d’audience cumulée pour la finale », in rugbyrama.fr, 02/06/13 126 Vendée Globe (organisateurs), Vendée Globe : Bilan chiffré 2012/2013, avril 2013, p.20 119 ~ 40 ~ compte la visibilité que ces actions génèrent elles-mêmes et nous aurions pu aussi détailler l’ensemble des affluences et audiences des matchs professionnels de basket et de handball 127, des départs de la Route du Rhum et de la Transat Jacques Vabres128… Le sport a une visibilité qui lui est propre et qui profite aux entreprises qui utilisent le sport comme levier institutionnel, mais elle n’est pas une finalité en soi car n’est pas forcément synonyme d’attention de la part des spectateurs et téléspectateurs aux messages institutionnels. En effet, nous verrons qu’il convient pour Orange, Safran, Société Générale et La Poste d’instrumentaliser cette visibilité pour véhiculer leurs messages et ainsi améliorer leur image. Le tout grâce à un ensemble de messages et d’actions concrètes plus complexe qu’une simple présence publicitaire dans un stade et à l’écran, qu’il nous faudra détailler. 4. Le sponsoring comme réponse à un besoin des acteurs du sport La capacité des grands groupes français à utiliser le sport comme levier de communication institutionnelle, plus précisément leur propension à choisir le sport parmi un large éventail d’activités socialement valorisées, doit être finalement comprise comme le résultat d’un échange. Aujourd’hui, en France comme en de nombreux pays où le sport s’est profondément développé donc institutionnalisé, les instances qui régulent (fédérations nationales, régionales…) et pratiquent (clubs professionnels voire amateurs) l’activité sportive ne sont plus uniquement financées par les gouvernements dont elles dépendent. Il en résulte une demande de financement, voire d’implication plus poussée, que peut satisfaire un groupe qui pense trouver son intérêt dans le sponsoring sportif (dont l’amélioration d’une image institutionnelle). Cet argument, complémentaire aux trois autres précédemment énoncés, est étayé par l’étude des comptes des différents acteurs supportés par les 4 groupes que nous étudions. Les clubs professionnels de rugby qui constituent aujourd’hui le Top 14 sont particulièrement dépendants de leurs revenus provenant du sponsoring. Lors de l’exercice 2011/2012, ceux-ci représentaient 44% des recettes, parmi lesquelles se trouvent le support 127 128 Là où La Poste parraine les arbitres. Des courses auxquelles participent Safran. ~ 41 ~ direct de la Société Générale et celui d’Orange, auxquelles il faut ajouter 13% de recettes provenant des reversements de la Ligue Nationale de Rugby (LNR) 129 . Ces reversements proviennent eux aussi des partenariats que la LNR entretient avec 5 grandes entreprises, dont Orange et la Société Générale. De même, les revenus issus du sponsoring et des reversements de la LNR représentaient respectivement 40% et 18% des recettes des clubs de Pro D2, eux aussi amenés directement et indirectement par la Société Générale et Orange 130 . C. Guillaumin affirme d’ailleurs ellemême que les clubs et la FFR ont besoin de partenaires, et que le départ de la Société Générale « serait un énorme choc »131 pour eux, tant sur le plan financier que pour le soutien apporté au rugby en général. La situation du football français est similaire. Nous constatons, au regard des comptes fournis par la Commission de Contrôle des Clubs Professionnels, que les 20 clubs professionnels de Ligue 1, avec qui Orange conclut des partenariats, sont bien plus dépendants au produit des retransmissions télévisées. Pour autant, le sponsoring et la publicité comptent pour 15.2% des recettes des clubs professionnels pour l’exercice 2012/2013132. De même, les 20 sportifs parrainés par Orange, par l’intermédiaire de la marque Sosh qui entend associer son image aux sports de glisse 133 , vivent tous de leur sport à l’aide de sponsors que nous retrouvons massivement dans l’univers des sports de glisse : Red Bull, Monster, Vans… Par exemple, le multiple champion du monde de BMX Freestyle, Matthias Dandois, à qui Sosh donne de la visibilité par son site (« Ride Sessions ») et les réseaux sociaux, déclare compter 10 sponsors (matériel, boissons énergétiques, vêtements…)134. Quant à lui, le groupe Safran est une exception dans son sport, en ce sens où le bateau a été construit et est encore financé par le groupe. Mais, tous les bateaux ayant participé aux mêmes compétitions que Safran, qu’ils appartiennent à leur skipper ou non, sont supportés par un sponsor majeur qui apporte un financement indispensable. Pour l’édition 2012/2013 du Vendée Globe, nous comptons ainsi 20 sponsors qui donnaient leur nom à un bateau135. 129 DNACG, Économie du rugby professionnel français 2011/2012, 2013, p.34 Ibid., p.42 131 Caroline GUILLAUMIN, voir annexe 1, P.151 132 DNCG, Situation du football professionnel français 2012/2013, 15/04/14, p.08. La DNCG anticipe une augmentation de cette part pour la saison 2013/2014. 133 Liste complète disponible sur ridesession.com, rubrique « team ». 134 Source : page Facebook de Matthias Dandois. Les sponsors sont listés parmi les informations personnelles. 135 Vendée Globe (organisateurs), Vendée Globe : Bilan chiffré 2012/2013, avril 2013, p.23 130 ~ 42 ~ Les sponsors ont ainsi gagné assez d’importance dans la voile française pour être les « maîtres à bord »136, et les skippers les plus jeunes l’ont intériorisé, à l’image de François Gabart qui affirme que les sponsors sont « indispensables », au point que « gagner si le sponsor n'est pas content est un échec »137. Le cas des arbitres relève lui aussi d’une particularité dans le monde du sport. Devant assurer une mission de service public, les arbitres de chaque sport dépendent néanmoins de leur fédération respective. Celle-ci assure le recrutement, la formation et la rémunération. Les 4 fédérations nationales de basket, handball, rugby et football ont ainsi besoin de La Poste, de son financement et des actions de sensibilisation que le groupe mène, afin d’assurer ces missions. Un point crucial est le recrutement, les arbitres assurant difficilement l’autopromotion nécessaire au renouvellement des effectifs. Nous voyons donc que chaque groupe peut compter sur une forte demande de financement et d’implication de la part des acteurs institutionnels du sport et des sportifs, ouvrant des opportunités en termes de communication institutionnelle. Pour plusieurs sports européens, la libre circulation des joueurs amène une augmentation des masses salariales difficilement gérable pour les clubs, tandis que certaines fédérations utilisent les revenus du sponsoring pour développer leur sport au niveau national. Chaque acteur du sport ayant ses intérêts propres, le sport est demandeur de l’engagement des grandes entreprises. 5. Le sport, un levier idéal pour la communication institutionnelle en France ? Nous venons de mettre en évidence le fait que le sport peut répondre aux situations stratégiques que nous avons identifiées pour chaque groupe. Améliorer leur image est pour eux une nécessité stratégique conséquente à ces situations : le sport français, au travers de ses différents acteurs et caractéristiques, est un levier potentiellement intéressant. Orange, La Poste, Société Générale et Safran désirent lier des valeurs à leur image institutionnelle : un raisonnement sociologique montre que le sport véhicule des valeurs qui peuvent leur correspondre. La Société Générale peut raisonnablement espérer véhiculer l’esprit d’équipe et la solidarité à travers le rugby et le handisport. La Poste, en 136 Matthieu PECHBERTY, « Transat Jacques Vabre : Les sponsors maîtres à bord », in Le Journal du Dimanche, 03/11/13 137 François GABART in Matthieu PECHBERTY, art.cité ~ 43 ~ s’associant aux arbitres, s’associe à un acteur reconnu et apprécié au travers de la société française (certes en contradiction avec les agressions dont ils sont victimes). Orange, en s’associant au football et au rugby, associe son image institutionnelle à des sports très populaires qui correspondent aux notions d’émotion, de combativité et de jeu qui intéressent le groupe138. De même, il est possible de voir des liens entre les sports de glisse et une marque de mobile qui s’adresse aux 15-24 ans, Sosh. La même logique est applicable à Safran. En somme, il est possible de dire à ce stade que les sports choisis par les 4 groupes que nous étudions leur correspondent. De même, ils ont intégré dans leur communication institutionnelle un impératif de cohérence, évitant donc le risque de fragmenter leur image et d’élaborer des combinaisons qui pourraient égarer tant les amateurs de sport que le grand public. Mais, une question majeure demeure : est-ce que les groupes correspondent aux sports qu’ils ont choisis ? Nous avons montré que les sports cristallisaient autour d’eux des communautés de passionnés, qui se retrouvent dans les valeurs de ces sports. Or, l’entrée d’un sponsor, qui plus est un grand groupe (et tout ce que cela peut soulever comme idées reçues), est susceptible de ne pas être acceptée par les communautés en question. Comme le montre J. Defrance, toute évolution dans un sport peut faire face à la résistance d’un groupe (quelques supporters, un club entier, un clan au sein d’une fédération…) qui tentera de s’ériger en gardien de l’éthique 139 , semant le doute parmi les autres membres et rendant l’arrivée du sponsor complètement chaotique. Si nous élargissons le cercle, passant de celui des initiés et passionnés à celui du grand public, le problème reste le même, comme nous l’enseigne non plus la sociologie mais le marketing. En 2013, Lacey et Close nous montrent, après étude, qu’il est fondamental que le spectateur (ou le téléspectateur) perçoive une forme de « concordance » (« fit » en anglais) entre le sponsor (i.e. le groupe qui parraine un sport) et un évènement sportif140. C’est à ce prix que le sponsor peut en retirer une image positive, alors que la perception par le spectateur d’une forme d’incompatibilité peut nuire à cette image. 138 Stéphane TARDIVEL, voir annexe 2, P.171 Jacques DEFRANCE, op.cit., Chapitre 2 : Sport et structures sociales 140 Angeline G. CLOSE et Russel LACEY, « Fit matters ? Asymmetrical impact for effectiveness on sponsors and event marketers », in Sport Marketing Quarterly, Juin 2013, Vol. 22, Issue 2, pp.71-82, p.79 139 ~ 44 ~ Au regard de ce que nous apporte la sociologie de J. Defrance en termes de connaissance des imaginaires qui parcourent le sport, tant parmi les passionnés que le grand public, nous pouvons assimiler cette « concordance » à une crédibilité. Les 4 groupes que nous étudions doivent donc réussir à attester de leur crédibilité auprès des acteurs qu’ils supportent et auprès du public qui est la cible. Ils ne doivent pas déranger les imaginaires propres à chaque sport, mais les alimenter, afin de se faire accepter et de créer cette « concordance » entre eux et le sport. Or, dans cette première partie que nous concluons ici, nous avons exposé l’intérêt du sport pour un groupe en termes de communication institutionnelle, mais nous n’avons pas encore précisé les tenants d’une telle communication, que ce soient les supports, les discours… Dans un usage détourné, cette première partie pourrait même justifier la communication institutionnelle ponctuelle et/ou irréfléchie que nous avons exclue de notre réflexion. Et à juste titre, puisque nous allons démontrer dans une seconde partie qu’utiliser le sport comme levier de communication institutionnelle nécessite chez un grand groupe de la coordination, de la patience et de l’implication sur le terrain : en somme, une telle entreprise de communication nécessite du temps. Les groupes que nous étudions l’ont compris et l’affirment : « une communication autour du sport, elle ne peut pas se faire de façon ponctuelle. On ne vous croira pas ! »141. 141 Caroline GUILLAUMIN, voir annexe 1, P.161 ~ 45 ~ PARTIE 2 Pourvoir tenir l’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle dans le temps long : la coordination et l’implication comme pré-requis à l’efficacité et la crédibilité Utiliser le sport comme levier de communication institutionnelle ne va pas plus de soi, quand il s’agit de mettre en place une stratégie adéquate. Chacun des 4 groupes que nous étudions a mis en place une articulation particulière entre différents supports chargés, à eux tous, de véhiculer des messages qu’ils espèrent fortement contributeurs à leur image institutionnelle (I.). Mais, nous allons aussi voir que derrière chacune de ces entreprises de communication se trouve une réelle implication de la part des groupes étudiés. Bien que de manière différente, chaque groupe mène au jour le jour un travail de soutien aux agents sportifs dont ils utilisent l’image. Nous verrons comment et dans quel but (II.). ~ 46 ~ I. Des stratégies de communication axées sur le multi-support, les réseaux sociaux pour toile de fond 1. Orange et la priorité au digital Orange axe sa communication par le sport sur des supports digitaux. Selon le groupe, l’explication demeure dans un compromis entre efficacité et gestion des coûts, en accord avec la logique d’amélioration de l’activation des droits sportifs souscrits exposée en 1ère partie : « pour activer ces droits […] à l’époque où il n’y avait pas le digital, il fallait acheter de la pub pour le faire savoir, donc ça coûte très cher. Là, le digital, c’est une opportunité en or »142. Le digital lui permet en premier lieu de communiquer de manière quotidienne. Mais, une telle stratégie s’accompagne chez Orange par la volonté de ne pas véhiculer du vide : « vous aimez le foot, nous aussi, on va partager cette passion ensemble et on va vous donner l’accès à l’inaccessible » 143 est le leitmotiv de la communication institutionnelle développée par Orange autour de ses sports. Le groupe a intégré le besoin d’être intéressant, voire exclusif, dans sa communication et ne laisse pas au sport le soin d’être intéressant par lui-même : il y a une logique active derrière chacun des supports utilisés. Pour ce faire, Orange dédie des sites internet à chacun des sports que le groupe parraine et les relie tous aux réseaux sociaux. Orange a ainsi développé une plateforme complète pour le football, nommée « le 12ème Homme »144 : le site affiche de l’information ayant trait au football européen, principalement français. Cette information a une particularité : contrairement à la majorité des sites internet consacrés au sport, le 12ème Homme ne passe que peu de temps à donner les résultats des matchs ou les compositions d’équipe pressenties. Au contraire, le site se spécialise dans le contenu volontairement décalé, drôle, tragique… En somme, le site internet entend véhiculer ce qui est « beau » dans le football, de même que le site spécialement créé par Orange pour traiter du rugby, « Avec le XV »145 , entend véhiculer ce qui est « beau » dans le rugby : des personnalités du rugby à table, des essais spectaculaires… Les 2 sites tentent de véhiculer une forme d’originalité, que S. Tardivel relie à la volonté du groupe de se distinguer. Les deux sites fonctionnent exactement sur la même logique, avec une ligne éditoriale commune ensuite adaptée à deux sports différents. 142 Stéphane TARDIVEL, voir annexe 2, P.172 Ibid., P.165. Ceci vaut autant pour le football que le rugby dans la stratégie d’Orange. 144 httw.le12emehomme.com/ 145 http://www.aveclexv.com/ 143 ~ 47 ~ Ensuite, comme nous l’avons mentionné, Orange utilise pleinement les réseaux sociaux et le partage de vidéos. Avec le XV et le 12ème Homme sont dotés de pages Facebook, Twitter, Instagram et Pinterest. Ces pages ne se contentent pas de véhiculer les contenus que leur site principal respectif déploie. Elles développent avant tout leur propre contenu : des concours exclusifs (faire gagner des maillots ou des places), les photos dévoilées par les comptes Instagram sont uniques et prises dans des lieux inaccessibles aux amateurs (vestiaires, entraînements…)… Un tout que nous ne retrouvons pas sur les sites principaux d’Avec le XV et du 12ème Homme. Ici, les réseaux sociaux ne sont pas que des relais, mais des acteurs. En plus d’un contenu spécial, Orange les utilise pour dialoguer, particulièrement Facebook et Twitter, où les fans et abonnés peuvent commenter et débattre de l’actualité sportive (quasiment146) sans restriction. Certains commentaires voient d’ailleurs les community managers répondre avec familiarité. De plus, les réseaux sociaux permettent à Orange de véhiculer plus de contenu que les sites propres à chaque plateforme. Ceux-ci seraient visuellement saturés s’ils ils postaient autant de messages que les comptes Twitter, Facebook… qui sont quant à eux plus adaptés à la transmission de grands volumes de contenu. Pour Sosh, une même logique de production de contenu digital original et d’articulation avec les réseaux sociaux est à l’œuvre. Sosh, dédié aux sports de glisse, développe un site indépendant, nommé « Ride Sessions », qui fournit des informations liées à l’univers des sports parrainés : surf, snowboard, BMX et skateboard. Le site marque d’ailleurs sa différence avec Orange pour accentuer l’originalité de ses propres messages, le lien vers un site internet d’Orange étant particulièrement discret. Le contenu n’est pas lié aux résultats des grandes compétitions internationales, pour se concentrer sur un ensemble de vidéos et d’articles exclusifs ayant trait aux sportifs, au matériel employé… Le site traite même des thèmes qui ne sont plus sportifs stricto sensu mais qui sont liés au « mode de vie » valorisé par les pratiquants : art, nouvelles technologies, histoires insolites, évènements… Cette communication dispose elle aussi de ses propres 146 L’étude des messages postés par les comptes Facebook et Twitter du 12ème Homme et d’Avec le XV permet de trouver de nombreux messages postés par des internautes sur un ton véhément voire insultant, preuve d’une volonté des community managers de laisser les passions s’exprimer sur leur page. ~ 48 ~ réseaux sociaux, qui relaient le contenu du site principal, postent des messages originaux et essayent, avec moins de succès147, d’initier le dialogue. Ainsi, Orange communique par le sport à travers un ensemble de supports entièrement digitalisés, qui ont vocation à proposer un contenu que les cibles – à savoir un croisement entre les clients potentiels et les amateurs de sport (hors Sosh et ses 15-24 ans) – ne pourraient normalement pas trouver ailleurs. Ces supports essayent aussi de générer l’interaction et de se coordonner entre eux, sans en arriver à la synchronisation complète qui serait synonyme de monotonie. 2. La Société Générale, le rugby et le handisport : une communication complète Du fait que le rugby ait pénétré l’image de la Société Générale à un degré inégalé dans notre panel, les messages inspirés de ce sport sont diffusés sur un ensemble de supports très large ; nous verrons plus tard que cela n’aura pas impacté la cohérence de l’ensemble. Le tout avec l’aide de l’agence Fred & Farid (Paris) qui conçoit des visuels, des vidéos et tient un rôle de conseil. À l’image d’Orange, les réseaux sociaux permettent à la Société Générale de communiquer quotidiennement. Depuis octobre 2010, la banque utilise une page Facebook et un compte Twitter, nommés « Par Amour du Rugby »148, pour relayer l’actualité rugby, à grand renfort de photographies, de petites vidéos et de messages dont les principales caractéristiques sont la familiarité et l’exaltation des valeurs du rugby. Les deux réseaux sociaux sont coordonnés, les messages sont quotidiens quoique plus fréquents sur Twitter149. Deux choses sont à noter quant à la manière dont la Société Générale emploie les réseaux sociaux. Tout d’abord, contrairement à ce que développe Orange sur trois volets (football, rugby, glisse), Par Amour du Rugby n’est relié à aucun site internet, mis à part une mention sur le site institutionnel du groupe150. Nous notons donc que les réseaux sociaux sont une base 147 Le nombre de commentaires, de retweets, de partages… sur les comptes Facebook et Twitter de Ride Sessions est bien moins important que sur les comptes analogues du 12ème Homme et d’Avec le XV. Constatation établie par l’auteur entre le 01/01/13 et le 01/05/14. 148 https://www.facebook.com/Paramourdurugby ET https://twitter.com/Paramourdurugby 149 Ceci étant dû à la nature même de ce réseau social qui limite les messages à 140 caractères et se prête bien au traitement en direct d’évènement. Par exemple, le 26/02/14, le compte Twitter de Par Amour du Rugby a commenté les « Journées des Ambassadeurs » organisées par la Société Générale via 52 tweets en 12 heures, sans compter le teasing des jours précédents. 150 http://www.societegenerale.com/fr/connaitre-notre-entreprise/engagement/sponsoring-sportif/rugby ~ 49 ~ pour le levier sportif qu’est le rugby : ce sont les seuls supports qui développent la communication en permanence. Deuxièmement, il nous faut garder à l’esprit que nous parlons d’une banque, donc d’un secteur qui peut avoir mauvaise réputation, sachant que les réseaux sociaux sont fréquemment critiqués pour l’acharnement dont certains utilisateurs font preuve contre certaines institutions avec lesquelles ils sont en froid, quelles que soient les raisons. Qui plus est, la présence d’organisations à but lucratif n’est pas toujours bien vue sur les réseaux sociaux et nous assistons fréquemment à de véritables scènes de « lynchage »151. Ainsi, bien que possédant d’autres comptes à vocation de recrutement par exemple, la Société Générale peut, grâce au rugby, assurer sa présence institutionnelle sans « concentrer les critiques sur elle-même et sur le secteur bancaire en général »152. Ensuite, la Société-Générale base aussi sa communication institutionnelle par le rugby sur des retombées de presse. Entre les opérations organisées sur le terrain (« Journées des ambassadeurs »…), la reconduite des contrats avec la FFR et la LNR, la signature d’un contrat pour s’associer à la Coupe du Monde de Rugby 2015… les mentions de presse sont régulières. Pour les années 2013 et 2012, nous comptons 40 mentions dans la Presse Quotidienne Régionale (PQR) et la Presse Quotidienne Nationale (PQN) du partenariat entre la Société Générale et le rugby français, et des actions qui en découlent 153. Les mentions de la Société Générale sont positives, parfois neutres154, et font état de sa longue présence dans le rugby français, « malgré la crise économique »155. Le cas des « 25 ans du rugby » illustre encore un peu mieux la batterie de médias auxquels la Société Générale peut faire appel. Le partenariat entre la Société Générale et les instances du rugby français ayant débuté en 1987, la Société Générale à développé une communication à teneur évènementielle pour accorder de la notoriété à son partenariat et exposer avec force les valeurs qui sont en jeu sur le long terme. Un visuel spécial a été créé 151 Un cas d’école est celui de McDonald’s, qui a vu sa communication détournée en janvier 2012, lorsque le mot-clé « #McDStories », qui devait permettre aux utilisateurs de Twitter de raconter leurs plus beaux moments chez McDonald’s, a été repris par d’autres utilisateurs pour se plaindre et nuire à l’image de la chaîne alimentaire. 152 Christine LEJOUX, « Les banques et les réseaux sociaux, ça n’est pas encore ça », in La Tribune, 15/04/13 153 Source : établi par l’auteur après une revue de la PQR et de la PQN françaises du 01/01/12 au 31/12/13. Les articles retenus sont ceux où les expressions « Société Générale » et « rugby » étaient présentes et directement liées. Logiciel utilisé : FACTIVA Dow Jones 154 Dans cette même revue de presse, seul un article de l’Humanité fait ombre, traitant d’un conflit syndical. Voir l’Humanité, « Société Générale : Les syndicats dénoncent une saignée », 10/01/13 155 Pierre HENAULT, « La Société Générale continue », in La Nouvelle République du Centre-Ouest, 28/01/12. Ceci n’est qu’une brève, mais dans laquelle le journalise prend quand même soin de souligner une forme de courage chez la Société Générale qui maintient son action dans un contexte financier difficile. ~ 50 ~ [Voir annexe 7, P.233], ainsi qu’une vidéo (un making-of) et une application pour téléphones mobiles et tablettes (« Amourugby »). Ce contenu a été véhiculé par des encarts de type « pop-up » sur l’Équipe.fr et le Rugbynistère.fr156, via des publi-rédactionnels dans l’Équipe157, le Midi Olympique158… La campagne complète a aussi été relayée par des brèves sur les sites internet de la LNR et de la FFR. Ainsi, nous voyons que l’utilisation du rugby comme levier de communication institutionnel relève d’une stratégie complète en termes de supports (photos, vidéos…) et de médias. Le handisport s’en trouve donc plus limité, mais bien développé dans l’absolu. À l’image de Par Amour du Rugby, un duo Facebook-Twitter nommé « Tous handisport »159 relaye des informations sur l’actualité du handisport français (tournois locaux, Jeux Olympiques de Sotchi…), dresse le portrait d’athlètes handisport, donne leurs résultats… et se focalise régulièrement sur Marie Bochet, qui a conclu un partenariat avec le groupe. Le tout se déroule avec la même volonté d’échanger avec les utilisateurs que sur les pages de Par Amour du Rugby. Enfin, La Société Générale publie des articles traitant de son engagement et de son éthique de recrutement dans le trimestriel de la Fédération Française Handisport160. Nous voyons donc que la communication mise en place par la Société Générale autour du rugby et du handisport passe par le plus de supports possibles, avec les réseaux sociaux pour base, ce que Caroline Guillaumin explique par la largesse de sa cible, « très tout public »161, mais aussi par le fait que les sports choisis vont « parler à tout le monde ». C’est ainsi que tous les supports de la communication de la Société Générale sont impactés, au-delà de la communication institutionnelle puisque la communication commerciale, sans pour autant faire figurer des rugbymen comme le fait la GMF, fait toujours figurer la signature « Développons ensemble l’esprit d’équipe » depuis 2011. Le contenu lié 156 Deux sites parmi les plus fréquentés dans la catégorie de l’information sportive française. Publi-rédactionnel de 2 pages dans l’édition du 09/06/12, pour 296.000 exemplaires diffusés (Source : OJD). 158 Publi-rédactionnel de 2 pages dans l’édition du 11/06/12, pour 78.000 exemplaires diffusés (Source : OJD). 159 https://www.facebook.com/TousHandisport ET https://twitter.com/TousHandisport 160 Handisport Magazine - 10 articles parmi les 14 derniers numéros (depuis l’édition décembre-février 2011). Dans l’édition juin-août 2013 se trouve une interview de Frédéric Oudéa, PDG du groupe, pp.18-19 161 Caroline GUILLAUMIN, voir annexe 1, P.152 157 ~ 51 ~ au sport est même transmis, de manière certes légère, sur le blog conjointement tenus par le Figaro et la Société Générale162. 3. Safran, de l’armement à la communication Comme nous avons déjà pu le préciser, au regard de notre sujet, les objectifs des 4 groupes que nous étudions sont définis en termes d’image, mais nous avons aussi montré que la notoriété était un pré-requis à la diffusion d’une bonne image institutionnelle. À première vue, la notoriété, elle-même dépendante de la visibilité, est justement ce qui pourrait faire défaut à Safran dans sa communication institutionnelle à travers le sport. Safran le reconnaît : « ce que l’on regrette, c’est que ça ne soit pas assez médiatisé. Ce n’est pas du foot […] ! Il n’y a pas de mondial de la voile… En fait, ce qui est médiatisé, c’est le VendéeGlobe, point barre ! C’est vrai qu’on parle très peu […] de voile en télé et en print »163. Pourtant, cette idée est mitigée par le rappel de la nature même du levier de communication institutionnelle utilisé par Safran : Safran a conçu, construit et arme164 encore aujourd’hui son propre bateau, toujours représenté sous l’étiquette Safran Sailing Team. Safran est donc un armateur, et pour un armateur, comme pour le sponsor d’une équipe cycliste, la simple participation à une compétition est une communication en soi, à condition qu’elle puisse ensuite être relayée. Ainsi, Safran bénéficie de la médiatisation de toutes les épreuves à laquelle son IMOCA 60 participe, skippé par Marc Guillemot. Ceci lui garantit un temps d’antenne sur des chaînes spécialisées dans le nautisme, des chaînes consacrées au sport en général et, très occasionnellement, des chaînes généralistes. Et le groupe obtient aussi la couverture de la presse française en général, particulièrement la presse régionale de la côte Atlantique. Mais, ceci est vrai à un détail près : cette médiatisation, déjà limitée par le fait que la course à la voile est moins médiatisée que des sports plus populaires comme le football ou le 162 Le blog se nomme « Avançons Ensemble » et est hébergé sur le site internet du Figaro. Il est plus généralement dédié à la présentation de la Société Générale aux lecteurs du Figaro : http://avancerensemble.lefigaro.fr/. 163 Rosaline LAUREAU, voir annexe 4, P.226 164 En marine, l’armement d’un navire désigne à la fois le fait de munir un navire de tous les éléments nécessaires à son évolution en mer et le fait d’exploiter ce navire pour des fins commerciales. ~ 52 ~ rugby, dépend directement des performances sportives du bateau. Pour obtenir une visibilité suffisante, il faut « gagner des courses »165. Ceci s’illustre parfaitement dans l’étude des retombées de presse écrite dont a bénéficiées Safran lors des éditions 2008/2009 et 2012/2013 du Vendée Globe. Lors de l’édition 2008/2009, Marc Guillemot a fini 3ème et s’est aussi dérouté pour sauver un marin en perdition, Yann Eliès. Lors de l’édition 2012/2013, Marc Guillemot a abandonné dès les premières 24 heures, en raison de la perte de sa quille. En 2008/2009, du fait d’une très bonne performance sportive, et d’un évènement à forte teneur émotionnelle, la participation de Safran et de Marc Guillemot a été mentionnée 151 fois, dont 52 fois dans la PQN, et ce en des termes très positifs, avec des focus sur le sauvetage de Yann Eliès, un nombre incalculable de mentions des vertus de Marc Guillemot 166 … Au contraire, lors de l’édition 2012/2013, en conséquence directe de l’abandon survenu très tôt, la participation de Safran et de Marc Guillemot n’a été mentionnée que 50 fois, dont 11 fois en PQN. Et 21 de ces mentions présentent Safran à côté de la mention « Abandon »167. Ce manque de visibilité dont souffrent les malchanceux ou les mal classés se retrouve dans toutes les courses à la voile (comme dans de nombreux sports). Safran médiatise les performances de son bateau principalement à partir des réseaux sociaux, à savoir une page Facebook et un compte Twitter 168, au nom de l’équipe Safran Sailing Team, tous les deux créés en octobre 2010. Ils ont pour fonction première de relayer l’actualité du Safran Sailing Team, à travers les performances de Marc Guillemot, Gwénolé Gahinet et Morgan Lagravière169, sur leurs différentes courses. Les messages sont quasiment quotidiens, dépendant des courses et tentatives de record. Mais, peut-être dans le but de garantir une communication plus régulière que les courses, d’autres messages sont diffusés, relatifs aux marins eux-mêmes (biographies, anecdotes…), et au bateau (caractéristiques techniques, photographies des réparations…). La volonté de dialogue est aussi présente, manifestée dans des appels au soutien envers les marins. 165 Rosaline LAUREAU, voir annexe 4, P.227 Source : établi par l’auteur après une revue de la PQR et de la PQN françaises du 09/11/08 au 17/03/09 (dates de la course). Les articles retenus sont ceux où les expressions « Vendée Globe » et « Safran » étaient présentes et directement liées. Les bilans de course sont inclus. Logiciel utilisé : FACTIVA Dow Jones 167 Source : établi par l’auteur après une revue de la PQR et de la PQN françaises du 11/11/12 au 23/02/13 (dates de la course). Les articles retenus sont ceux où les expressions « Vendée Globe » et « Safran » étaient présentes et directement liées. Les bilans de course sont inclus. Logiciel utilisé : FACTIVA Dow Jones 168 https://www.facebook.com/SafranSailingTeam ET https://twitter.com/SafranSailing 169 Les deux autres marins de l’équipe, beaucoup plus jeunes, et appelés à succéder progressivement à Marc Guillemot pour le Vendée Globe 2016/2017. 166 ~ 53 ~ Ces deux pages sont reliés à un site indépendant des autres composants du groupe Safran, baptisé Safran Sailing Team 170 . Mais, de par sa forme, il se veut plus être un support d’information technique pour les réels passionnés de voile et les partenaires industriels : les articles sont longs, l’interaction est inexistante, et une partie du contenu est dédié à la presse. Hors ligne, Safran Sailing Team est présent au départ de chaque course majeur (Transat Jacques Vabres, Route du rhum et Vendée Globe) avec un stand de course de 50 m², gratuitement ouvert au grand public. Il est à chaque fois chargé de mettre 3 points en avant, à travers des panneaux explicatifs, des maquettes et des animateurs (dont R. Laureau) : l’entreprise en elle-même (ses activités, ses positions de marché…), l’équipe en charge du nautisme chez Safran (fabrication, communication…) et l’offre de recrutement. Enfin, nous notons que dans des cas exceptionnels, compte tenu de sa contrainte budgétaire, Safran procède à de l’achat d’espace, dans la presse écrite. C’est arrivé une fois : le 06/07/13, à bord de Safran, Marc Guillemot a battu le record de la traversée en solitaire de l’Atlantique Nord. Comme l’indique R. Laureau, Safran a alors voulu accroître la notoriété de son initiative, répondre aux critiques sur l’abandon au Vendée Globe 8 mois plus tôt, et a procédé à l’achat d’une page complète dans l’Équipe, le Parisien et Libération171. Ainsi, l’utilisation de la voile comme levier de communication institutionnelle est plus restreinte chez Safran que chez les deux groupes précédemment évoqués, particulièrement du fait de la contrainte budgétaire pour Safran. Ainsi, le passage des messages qui sont censés alimenter positivement l’image de Safran dépend essentiellement des performances du bateau (et des retombées de presse associées). Mais, nous constatons que les réseaux sociaux sont pour ce cas aussi un outil favorisé. 4. La Poste, un déséquilibre entre action et communication Pour un budget variant entre 5 et 10 millions d’euros, il faut noter que La Poste consacre à la fois ses moyens à de la communication et à des actions concrètes en faveurs des arbitres. Nous allons donc exposer ici la manière dont La Poste communique, en gardant à l’esprit que 170 http://www.safran-sailingteam.com/ Les pages sont parues dans la semaine du 08 au 14 juillet 2013. À cette date, Libération diffusait 102.000 exemplaires en France, le Figaro en diffusait 293.000 et l’Équipe en diffusait 271.000 (source : OJD). 171 ~ 54 ~ ce n’est que la partie la plus visible de l’utilisation du sport comme levier, du fait d’une implication complète de La Poste dans l’arbitrage français172. Donc, il faut comprendre cette communication comme le prolongement de l’action sur le terrain. Entre les annuelles « Journées de l’Arbitrage », des remises de prix très régulières aux arbitres… La Poste assure une médiatisation de son action grâce aux retombées de presse écrite. En effet, depuis 2012, La Poste a été mentionnée 87 fois dans la presse quotidienne française (dont 4 fois en PQN)173 : la PQR annonce systématiquement depuis deux ans la tenue des Journées de l’Arbitrage et trace de manière régulière l’action de La Poste auprès des arbitres. La PQR étant la plus lue de France aujourd’hui, La Poste y gagne174, du fait aussi que le traitement dont elle bénéficie est positif. Sur cette revue de presse, les actions menées par La Poste sont traitées avec bienveillance par les journalistes de la PQR qui insistent sur la longévité de l’engagement de La Poste, son caractère local et son utilité publique. Ensuite, La Poste véhicule ses messages à travers l’achat d’espace dans la presse écrite. Chaque année, La Poste décrit son engagement dans des publi-rédactionnels « un peu classiques »175 qu’elle achète à grands frais, dans des quotidiens ou hebdomadaires à grand tirage, destinés au grand public ou aux amateurs de sport. Par exemple, La Poste publiait en 2010 « La Poste joue les arbitres », un publi-rédactionnel de 4 pages dans le Journal Du Dimanche176, comprenant articles de présentation du groupe et de ses valeurs, description des Journées de l’Arbitrage (entre autres actions), témoignages de sportifs, d’arbitres… Dans la même démarche, et encore à l’aube des Journées de l’Arbitrage, La Poste a publié « Une même passion » dans l’Équipe en 2012177. Ensuite, de nombreuses autres actions de La Poste possèdent une communication qui leur est propre, avec comme point commun la mise en valeur de l’image de La Poste. Nous 172 En soi, cette implication ne concerne que l’arbitrage du rugby, du football, du handball et du basketball. Mais, ces sports étant ceux qui rassemblent le plus de licenciés, et La Poste soutenant tant les amateurs que les professionnels, le groupe ne se voit pas contester le statut de partenaire de l’arbitrage français en général 173 Source : établi par l’auteur après une revue de la PQR et de la PQN françaises du 01/01/12 au 01/01/14. Les articles retenus sont ceux où les expressions « La Poste » et « arbitre » étaient présentes et directement liées. Logiciel utilisé : FACTIVA Dow Jones 174 La PQR comptait 18,8 millions de lecteurs en 2012, contre 7,8 millions pour la PQN. Source : étude One 2012/2013 par Audipresse, 26/09/13. 175 Jean-Raphaël GAITEY, voir annexe 3, P.199 176 Publication du 17/10/10. Le JDD diffusait alors 256.000 exemplaires en France (Source : OJD). 177 Publication lors de la 1ère quinzaine d’octobre 2010. Le JDD diffusait alors 277.000 exemplaires en France (Source : OJD). ~ 55 ~ décrirons par la suite les 2 films traitant de l’arbitrage que La Poste a coproduit en 2009 (« Les arbitres ») et 2012 (« Allez l’arbitre ») : chaque film a fait l’objet d’avant-premières réparties sur tout le territoire national, a été distribué gratuitement en DVD dans des écoles et des magazines178 et a été diffusé en télévision (Canal+ le 31/10/09, l’Équipe 21 le 28/03/13). Ces opérations ont contribué à faire du soutien que La Poste apporte aux arbitres un sujet de traitement journalistique récurrent. De même, le baromètre que La Poste coproduit chaque année avec un institut de sondage, relatif à la vision que les français ont des arbitres, est devenue une référence et est lui aussi systématiquement repris par la presse. Mais, en dehors de cette présence régulière dans la presse amenée par une mobilisation constante du groupe, le groupe n’a pas vraiment de média qu’il maîtrise parfaitement. Comme l’avoue J-R. Gaitey, La Poste « doit être encore plus présent sur les médias sociaux, parce que c’est là qu’on va [trouver] de nouvelles cibles, les jeunes, à moindre frais […] par rapport à des actions évènementielles qui vont développer à la fois de l’énergie et des moyens budgétaires, mais qui, finalement, vont toucher peu de personnes »179. De fait, la présence de La Poste sur les réseaux sociaux est extrêmement réduite. La page Facebook et le compte Twitter 180 , nommés « Tous arbitres » (comme le programme de sensibilisation développé par La Poste), ne sont pas développés. Le groupe poste certes un message quotidien, mais l’intérêt que peut susciter cette communication digitale est quasiment nul : aucun photographie, aucun interaction, un ton robotisé… à l’opposé des prescriptions actuelles en matière d’utilisation des réseaux sociaux. Les comptes ne présentent même pas un arbitre. Vraisemblablement, ce volet de la communication n’est pas une priorité : par exemple, le 14/03/14, deux utilisateurs de Twitter commentent un tweet émis par Tous arbitres (à propos de la Journée de la femme) et insultent un arbitre181. Les tweets insultants n’ont pas été retirés ni modérés, preuve d’une absence de préoccupation de La Poste pour la gestion quotidienne des réseaux sociaux. 178 Les deux films ont été distribués dans l’Équipe Magazine l’année de leur sortie, dans les éditions du 31/10/09 pour Les arbitres, et du 30/03/13 pour Allez l’arbitre. 179 Jean-Raphaël GAITEY, voir annexe 3, P.208 180 https://www.facebook.com/tousarbitres ET https://twitter.com/TousArbitres 181 Fredy Fautrel, dont l’arbitrage a été vivement critiqué lors du match Lyon-Monaco (Ligue 1 - 16/03/14). ~ 56 ~ D’ailleurs, les réseaux sociaux ne font que relayer les messages provenant du site internet Tous arbitres 182 , sans modification aucune ni commentaire. Ce site traite l’actualité de l’arbitrage français (formation, stages, évènements…) et tente de mettre en valeur l’action de La Poste dans ce domaine. Mais, là aussi, la forme et le fond font obstacle à l’objectif d’élargissement de la cible dont parle J-R. Gaitey : les articles sont très courts, peu réguliers183, peu informatifs, les vidéos ne sont pas travaillées, les actions mêmes de La Poste ne sont que sommairement décrites… Et un nombre important de liens ne fonctionne pas. Ainsi, l’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle par La Poste est dépendante de ses actions concrètes (sensibilisation, coproduction de contenu…), et de ses retombées dans la presse. Mais, l’ensemble ne contient pas de média en propre, limitant l’audience des messages, donc leur apport à l’image de La Poste. 5. Les premiers indices d’une communication menée sur le long terme En termes d’articulation des messages et supports, la communication institutionnelle par le sport laisse de multiples possibilités, mais comprends aussi de réels risques et contraintes, au regard des pratiques des 4 groupes que nous étudions. Nous identifions des constantes et des différences, ces dernières devant notamment être pondérées par la variable des moyens disponibles. La première chose que nous notons est simple, mais isole les 4 groupes que nous étudions de nombreuses entreprises qui dépensent des fonds dans le sponsoring sportif : Orange, Safran, La Poste et la Société Générale ne se contentent en aucun cas de la présence de leur logo dans les compétitions sportives. La Société Générale et Orange bénéficient de panneautiques dans les stades, de logo sur certains maillots… La Poste est présente via un logo sur la manche des arbitres et Safran a bien sûr apposé son logo sur son bateau, sans en faire « un sapin de Noël »184. Mais, aucun des ces groupes ne se repose sur cette exposition, donc développe un ensemble de moyens de communication institutionnelle autrement plus complet. L’utilisation croissante des réseaux sociaux est d’ailleurs le point le plus marquant à ce stade : il est devenu une base, une priorité pour asseoir dans le temps la transmission des messages à nature sportifs et la rendre continue. La mention des réseaux sociaux est 182 http://www.tousarbitres.fr/ Nous comptons par exemple 4 articles d’actualité liés au basketball pour toute l’année 2013, idem pour le handball et le rugby. Source : recensement complet des contenus du site. 184 Rosaline LAUREAU, voir annexe 4, P.219 183 ~ 57 ~ maintenant présente sur tous les autres supports (vidéos, publicités télévisées, presse…) afin d’assurer une redirection maximale vers les pages animées par les groupes qui communiquent. Sur ces réseaux (principalement Facebook et Twitter), les mentions commerciales sont quasiment inexistantes, tous les groupes de notre panel (sauf La Poste) ayant adopté une démarche de contenu, c'est-à-dire une logique de divertissement par un contenu équilibré entre l’informatif et le ludique. Nous notons que La Poste, qui n’a pas développé cet outil autant que les 3 autres groupes étudiés, est consciente d’une forme de retard et de l’avantage en termes de coût, de ciblage et d’alimentation permanente d’un public permise par une telle utilisation des réseaux sociaux. Nous verrons par la suite que cette utilisation ne se fait pas sans quelques impératifs. Ensuite, il convient de noter que, dans le cas de la Société Générale, les réseaux sociaux en viennent même à remplacer la présence d’un site indépendant, la banque ayant complètement développé ses pages Par Amour du Rugby et Tous handisport sans site internet dédié au sport. Ensuite, les 4 groupes que nous étudions ont régulièrement recours à l’achat d’espace, bien qu’à des fréquences différentes, La Poste et la Société Générale étant les plus régulières dans ce domaine pour activer leurs droits, et promouvoir leurs évènements respectifs, Orange ne le faisant que discrètement via l’achat de bannières pour rendre son contenu digital plus viral 185 et Safran ne l’ayant fait qu’une seule fois depuis 2006. Dans les 4 cas, l’achat d’espace ne constitue pas le fond de la communication, même s’il contribue à véhiculer des valeurs, des idées… : il est le soutien à des évènements chargés de transmettre ces éléments, que ce soit de manière ludique ou sensibilisatrice. L’évènement, qu’il soit une compétition, une semaine de sensibilisation, un concours… est une pratique déployée par tous ces groupes, là aussi de manière hétérogène. L’intention reste commune : dynamiser la communication, trouver de la notoriété et pouvoir alimenter son image en faisant vivre des expériences aux cibles de la communication institutionnelle. Cependant, nous notons que les deux groupes aux budgets les plus faibles, Safran et La Poste, déclarent peiner à faire connaître leur action. Nous identifions un risque : sans la possession ou l’utilisation régulière d’un média à soi (rôle que remplissent parfaitement les réseaux sociaux), c'est-à-dire sans les moyens financiers et humains qui le permettent, l’association de son image institutionnelle à un sport et ses valeurs risque de ne pas atteindre les cibles. 185 Nous excluons bien sûr les achats d’espace massifs réalisés par Orange pour sa communication commerciale. ~ 58 ~ Safran et La Poste sont particulièrement dépendants des retombées que leur implication dans un sport provoque dans la presse En soi, ces retombées sont très intéressantes dans une optique de communication institutionnelle : elles sont de nature positive, émises par des médias indépendants (incluant une réelle légitimité auprès du public), aux publics nombreux et variés. Mais, cette médiatisation n’est pas maîtrisée, peut être irrégulière et ne véhicule pas forcément les éléments désirés, à l’instar des nombreux articles qui couvrirent l’abandon du Vendée Globe de Safran en novembre 2012, contredisant l’image de performance que l’entreprise voulait véhiculer. Par exemple, après cet abandon, Ouest France a relevé la contradiction entre le discours de Safran qui mettait en valeur les performances permises au bateau par les technologies du groupe, et le fait que ce soit une quille porteuse d’une technologie mise en avant qui ait cédé en tout début de course : « Il n’y a que le cas de Safran qui est inexcusable après avoir communiqué pendant des mois sur les qualités de sa nouvelle quille en titane »186. Plus tard, l’Équipe citait Vincent Lauriot-Prévost, architecte : « Safran […] avait une quille innovante en titane […] Et qui dit innovant dit risque »187. Ainsi, l’exemple de Safran met en lumière un second risque : de mauvaises performances sportives peuvent être un obstacle à la bonne utilisation du sport comme levier d’image. Le risque est aussi prégnant pour un groupe qui participe lui-même à des compétitions (Safran comme armateur) que pour un autre qui s’associerait à un sport ou un sportif susceptible de décevoir, voire de choquer, comme nous l’a montré l’étude en introduction du cas de Tiger Woods. Ce risque fut aussi mis en avant par S. Tardivel qui a refusé Jérémy Ménez comme égérie188, et plus généralement par C. Guillaumin qui refuserait de voir la Société Générale s’associer au football : « c’est un sport dans lequel […] on ne peut plus, sans beaucoup de risques, être présent […] il y a des dérives telles… »189. Finalement, au regard de tous ces éléments, il nous est possible de mettre en évidence un fait : la communication institutionnelle de ces groupes utilise le sport comme levier sur le long terme. Le partenariat le plus jeune de notre panel date de 2007, les réseaux sociaux sont actifs depuis plusieurs années, de même que les pratiques évènementielles qui sont volontairement répétées année après année. Chaque groupe traduit en actes la volonté déclarée dans les 186 Benjamin DEUDON, “Cinq marins (dont Jérémy Beyou) ont abandonné après dix jours : Une hécatombe très ‘normale’ », in Sud Ouest, 20/11/12 187 Vincent LAURIOT-PREVOST, cité par Frédéric FERRET, « Triste quille pour Dick », in l’Équipe, 23/01/13 188 Voir annexe 2, P.179 189 Caroline GUILLAUMIN, voir annexe 1, P.140 ~ 59 ~ entretiens d’utiliser le sport sur le long terme, atteint des degrés d’implication relativement haut, et prévient ainsi un autre risque majeur : le manque de crédibilité. ~ 60 ~ II. Derrière la communication, une réelle implication en gage de crédibilité 1. Orange et Sosh, en soutien de compétitions majeures Une nouvelle partie des liens entre Orange et le sport va être traitée ici. Le groupe est très présent sur des évènements sportifs majeurs, auxquels il apporte un soutien logistique qui leur est indispensable. Et ce sans obtenir en retour de médiatisation voire de transfert d’image comparable à ceux compris dans les objectifs sous-tendant l’utilisation d’autres sports comme leviers de communication institutionnelle. Effectivement, Orange communique très peu autour des partenariats qui le lient au Tour de France (depuis 1996), à Roland Garros (depuis 2005), et qui l’ont lié à l’édition 2012/2013 du Vendée Globe. Pour chacun de ces évènements sportifs majeurs 190, la filiale « Orange Event Solutions » déploie un ensemble de moyens techniques qui permettent à chaque évènement d’assurer sa médiatisation. Concrètement, les flux d’image, de son et de vidéos alors générés sont trop importants et trop concentrés dans le temps pour être supportés par un réseau classique. Donc, ces épreuves sportives ont besoin, sur des périodes très courtes, de moyens de télécommunication pointus et personnalisés qui serviront principalement aux médias nationaux et internationaux qui traiteront la compétition. Cela inclut des connexions internet et réseaux Wifi ad hoc, des lignes sécurisées… voire des salles de presse entièrement reconstituées et mobiles. La personnalisation des prestations va jusqu’à l’apport d’une ligne d’urgence aux marins participant au Vendée Globe. De cette action initialement commerciale, Orange tire une crédibilité. Le groupe fait preuve d’une implication la plus concrète qui soit, de par la mobilisation de son cœur de métier dans l’organisation de compétitions prestigieuses. Le groupe obtient des images exclusives pour ces différents sites d’information, son logo est affiché sur les courts de Roland Garros, dans le village de course du Vendée Globe et ses équipes techniques sont présentes sur le terrain, ouvrant une partie de leurs ateliers au public. 190 Le Tour de France est l’épreuve cycliste la plus regardée au monde, Roland Garros est un des 4 grands chelems du circuit international de tennis (féminin et masculin) et le Vendée Globe est une des courses au large les plus prestigieuses. ~ 61 ~ Seulement, Orange ne fait pas pleinement état de cette crédibilité auprès des cibles de sa communication institutionnelle. Peu de contenu (photographies, vidéos…) est produit à partir de l’action sur le terrain de sa filiale, qui n’est pas relayée ailleurs que sur le site institutionnel du groupe via quelques communiqués de presse191. De plus, cette communication éparse est dédiée aux professionnels, à l’instar de la vidéo qui présente l’action d’Orange dans le Vendée Globe 2012/2013 192 : le dispositif mis en place est présenté de manière technique voire jargonneuse, l’ensemble étant accessible et intéressant pour des professionnels éventuellement intéressés par les solutions vendues par Orange. À l’inverse, alors que Sosh tente de construire aussi une crédibilité dans l’univers des sports de glisse, la marque prend le parti de communiquer. Tout d’abord, la marque soutient ouvertement 20 « riders », pour tous les sports précédemment mentionnés193. Elle leur fournit une partie des fonds nécessaires à leur évolution sur les circuits de compétition ; en retour, ils arborent le logo Sosh sur leur skate, planche, paire de skis…, collaborent à quelques unes des vidéos que Sosh met en ligne et relayent le contenu proposé par Ride Sessions sur leurs propres réseaux sociaux. Ces sportifs font état d’un réel palmarès (des titres de champion du monde, d’Europe, de France, des records…) et sont français : Sosh, opérateur français, peut faire état de son association et du soutien matériel qu’il apporte aux athlètes de haut niveau de son propre pays et de ses disciplines. Les pages Facebook et Twitter de Ride Sessions se consacrent en grande partie à relayer leur actualité (vidéos d’exploits, résultats sportifs…) ou des moments de leur vie quotidienne, toujours dans une optique de promotion de la culture glisse. Dans la même optique, Sosh soutient financièrement des compétitions sur le territoire français. Sosh soutient le « Mondial du vent », compétition internationale (hébergée en France) qui rassemble chaque année depuis 1997 « l’élite du kitesurf et du windsurf »194. En 2013, Sosh s’est aussi associé au « Défi Wind » de Gruissan (rassemblement annuel de véliplanchistes professionnels et amateurs depuis 2001), au « Triple King Contest » (ensemble d’épreuves nationales et internationales organisées par le Dunkerque Flysurfing Club), au « Quiksilver Pro France » (épreuve française du championnat du monde de surf). Et la 191 En moyenne, 1 par an et par évènement. Orange, « Orange partenaire technique officiel du Vendée Globe », in Orange Innovation TV, 20/11/22 Voir http://oran.ge/1edaSPx 193 Liste disponible sur Ride Sessions, rubrique « Team ». http://www.ridesessions.com/category/team/ 194 Mondial du vent, Dossier de presse 2013, établi par les organisateurs et dévoilé le 04/04/13, p.4 192 ~ 62 ~ marque participe à l’organisation depuis 2008 la « Sosh Freestyle Cup » 195 à Marseille, qu’elle présente comme un « melting pot de sports extrêmes » 196 (skate, BMX, kitesurf, windsurf et stand up paddle lors d’épreuves de niveau international) et une promotion de la « culture urbaine ». Cette implication dans son ensemble est un gage de crédibilité indispensable auprès des amateurs de glisse, selon Michel Desbordes. Prenant l’exemple des « surfeurs » qu’il identifie comme un groupe (assimilable sur ce point aux fans de skateboard, de snowboard…), il montre l’importance du relationnel entre eux et les marques, sachant qu’ils tendent à refuser les pratiques commerciales trop apparentes197. Sosh a donc besoin de se faire accepter et agit en conséquence. 2. La Société Générale et le rugby, bien au-delà des discours L’implication de la Société Générale dans le monde du rugby est une constante, nous n’aurons aucun mal à le montrer. Les actions menées par la Société Générale auprès des jeunes joueurs, des professionnels, des clubs et auprès de l’interne, avec le concours de la LNR et de la FFR, sont nombreuses et constantes dans le temps. Une opération de taille et récurrente consiste en les « Journées des ambassadeurs », organisées chaque année depuis 2005. À raison de 4 opérations par an, la Société Générale s’associe à la LNR pour organiser une rencontre (sur plusieurs jours) entre des joueurs professionnels de rugby, des anciens joueurs, des entraîneurs et des arbitres d’un côté198 et, de l’autre, des salariés du groupe, leurs enfants, des jeunes joueurs, des étudiants et des clients de la banque. Les rencontres ont lieu dans toute la France, alternant les villes et les régions 199, et tiennent leur nom du fait que les professionnels du rugby mobilisés ont pour but de véhiculer les valeurs du rugby. Ces rencontres voient les salariés s’entraîner au rugby et jouer quelques matchs, encadrés par des professionnels (joueurs, entraîneurs et arbitres), dans le but ouvertement déclaré de renforcer les rapports de cohésion (« d’esprit d’équipe ») entre eux. Le discours employé auprès des salariés, très attentifs, est toujours guerrier, volontariste et formateur. Jérôme 195 La marque ayant été créée en 2011, la compétition fut d’abord nommée « Orange Massilia Freestyle Cup ». Sosh, Sosh Freestyle Cup 2013, Dossier de presse dévoilé le 11/03/13, p.2 197 Miches DESBORDES, op.cit., Chapitre 3, « 3.3-La sacralisation des objets sportifs », pp.138-142 198 Dans la liste figurent depuis la création des Journées des ambassadeurs des personnalités connues des puristes, à savoir Marc Lièvremont, Émile Ntamack, Jérôme Cazalbou, Philippe Benetton, Brice Dulin… 199 Par exemple, cette manifestation a eu lieu en 2014 à Nancy, Saint-Etienne, Meaux-Chessy et Saintes. En 2013, elle a eu lieu à Niort, Versailles, Chartre et Rouen. 196 ~ 63 ~ Cazalbou veut, par exemple, leur faire passer « la volonté systématique de gagner du terrain, la volonté d’aller chercher très haut, très tôt »200. Comme le précise C. Guillaumin, le rugby est « un moyen de motivation des équipes »201 : nous avons ici un exemple, assez particulier puisque les professionnels du rugby impliqués s’adressent dans un second temps au grand public, d’une pratique de management courante chez la Société Générale. Les entraînements ici donnés sont très sérieux. Lors de ces mêmes Journées, dans un esprit plus léger, les mêmes professionnels donnent des cours de rugby à de jeunes, voire très jeunes joueurs issus de clubs locaux. Se succèdent ainsi de nombreux exercices (plaquage, passe, course…) où les professionnels interrogés insistent sur la transmission du savoir et des valeurs. Enfin, des conférences sont organisées auprès de clients (dont des chefs d’entreprise) et d’étudiants qui ont tout loisir de poser des questions, avant d’entendre un discours des joueurs sur ce qui caractériserait le rugby. Comme le précise un joueur professionnel : « on essaye de leur démontrer qu’en se donnant les moyens, on arrive un jour à devenir quelqu’un, quelqu’un de respecté, quelqu’un de respectable »202. Cette initiative constitue le fer de lance d’un engagement plus constant, mais il en contient aussi tous les traits. Le rugby est autant utilisé comme un outil de management, par une exaltation des valeurs du rugby que l’encadrement de la Société Générale voudrait voir être présentes au sein du groupe, que comme un outil de communication externe. La Société Générale poste sur sa chaîne Youtube institutionnelle 203 des récapitulatifs sous forme de vidéos de chaque Journée depuis 2011, et les comptes Facebook et Twitter de Par Amour du Rugby les véhiculent. Les vidéos essayent en effet de mettre en avant les salariés de la Société Générale pour leur état d’esprit, par conséquent la Société Générale dans son ensemble et son engagement sur le terrain. L’implication du groupe se poursuit par des micro-opérations locales de nature variable. Il nous est difficile de dresser un portrait général de ces opérations, dans la mesure où elles ciblent les pratiquants du rugby et n’ont pas réelle vocation à être médiatisées, si ce n’est un élément majeur : elles ont toutes la vocation d’alimenter la relation entre la Société Générale 200 Jérôme CAZALBOU, in Société Générale, Journée des ambassadeurs 2013 – Niort, », sur la chaîne Dailymotion « LNR officiel », 21/03/13 201 Caroline GUILLAUMIN, voir annexe 1, P.146 202 Jean-Philippe GRANDCLAUDE, in Société Générale, Journée des ambassadeurs 2013 – Niort, », sur la chaîne Dailymotion « LNR officiel », 21/03/13 203 « Société Générale et vous » : http://www.youtube.com/user/societegenerale ~ 64 ~ et les protagonistes du rugby français, dans leur grande multitude (instances nationales, départementales, clubs amateurs, arbitres, bénévoles, notables…). La plupart sont des remises de prix départementaux régulières aux clubs qui ont fait le plus preuve de « courtoisie »204 dans leur division, toujours en présence du président du club récompensé, des responsables locaux de la FFR, de la Société Générale et, dans la majorité des cas, des élus locaux, globalement très attachés à leurs clubs de rugby dans le sud de la France Et à long terme, c’est un travail qui semble fonctionner. La Société Générale ne communique pas en dehors des réseaux sociaux sur cette implication parfois très localisée, la presse s’en charge pour elle205, ainsi que le bouche-à-oreille, sur lequel compte ouvertement C. Guillaumin. Mais, la Société Générale peut aussi marquer son implication dans le rugby et lui apporter de la visibilité à l’échelle nationale en une même occasion. Lors de chaque match de l’Équipe de France de Rugby, retransmis sur France Télévision, un journaliste de la chaîne remet au meilleur joueur du match un trophée nommé « Talent d’Or Société Générale » : il est alors interviewé pendant une minute environ, alors qu’un bandeau « Talent d’Or Société Générale » est affiché pendant 20 secondes. Ce trophée est décerné après un vote, auquel les présentateurs du match appellent 2 fois par mi-temps, donnant à chaque fois encore 20 secondes d’affichage au bandeau206. Depuis 1988, Société Générale associe donc son nom à la remise d’un prix devant des millions de téléspectateurs 207 , sachant que l’interview du joueur primé a lieu à la fin des matchs pendant les pics d’audience208. Et nous pouvons supposer que la Société Générale en tire une réelle crédibilité dans la mesure où les présentateurs et joueurs ne se donnent même plus la peine de nommer le prix en entier, parlant simplement du « Talent d’Or », tant le prix est rentré dans les mœurs du rugby par son ancienneté. 204 LA DÉPÊCHE DU MIDI, « Le SARC XV remporte le trophée Société Générale », 29/11/13. Ici, la courtoisie désigne la capacité à développer un jeu propre, qui sera sanctionné le moins possible par les arbitres. 205 En dehors des Journées des ambassadeurs, ces micro-opérations à caractère relationnel n’ont aucune existence sur le site institutionnel de la Société Générale, ni sur les réseaux sociaux. Elles sont laissées à la discrétion des cadres départementaux de la Société Générale. 206 Ces moyennes ont été établies sur vision des 5 matchs de l’Équipe de France de Rugby lors du Tournoi des VI Nations 2013, ainsi que France-Nouvelle Zélande (09/11/13) et France-Afrique du Sud (23/11/13). 207 France Télévisions, Transformez l’essai !, offre commerciale parue en novembre 2013, p.5 (via Médiamétrie). 208 Par exemple, le match France-Angleterre du 01/02/14 a réuni 6,4 millions de téléspectateurs, pour un pic d’audience à la fin du match de 8 millions. Source : France Télévisions, 6,4 millions de téléspectateurs et 34,1 de PDA hier pour le « crunch », communiqué de presse du 02/02/14 ~ 65 ~ Ainsi, de manière régulière, la Société Générale s’implique dans le rugby français, distribue des prix, organise des rencontres entre des passionnés et leurs idoles… La Société Générale est aujourd’hui assez intégrée dans la sphère du rugby français pour accueillir en son siège des conférences de presse de l’Équipe de France ou des réunions entre les cadres du rugby européen. La Société Générale possède aujourd’hui une crédibilité telle dans le rugby qu’elle peut maintenant « tirer le fil dans tous les sens »209. 3. Safran, une implication qui trouve sa source en interne L’implication dont peut faire preuve Safran vis-à-vis de la course à la voile s’exprime, comme pour le cas de la Société Générale, tant en interne qu’à l’extérieur du groupe, ensemble auquel il faut ajouter la conception et la construction d’un bateau à l’intérieur même du groupe. Aujourd’hui, Safran est le seul bateau de la catégorie IMOCA 60 dont le sponsor a pu lui-même concevoir et réaliser des pièces 210. En ce sens, il atteint le niveau d’implication qu’atteignent par exemple certains constructeurs de Formule 1 qui sont capables de concevoir entièrement en interne leurs véhicules, à l’image de Ferrari. Le groupe consacre même plus de fonds à l’entretien du bateau (1,2 millions €/an) qu’à la communication en elle-même (entre 400.000 € et 500.000 €/an). Ce degré de maîtrise permet ainsi à Safran de faire de la performance un axe majeur de sa communication institutionnelle sans voir sa crédibilité être contestée. Parlant de son sponsoring, Safran peut se permettre d’affirmer que « la spécificité de ce projet est l’implication technologique et humaine de son sponsor, dépassant largement en cela son rôle financier »211 et voir donc l’image du groupe être associé à tous les résultats du bateau, sans que l’initié ne puisse se dire que Safran n’est qu’un sponsor temporaire et/ou seulement intéressé. 209 Caroline GUILLAUMIN, voir annexe 1, P.138 Statut confirmé par l’association IMOCA. Source : site officiel imoca.org, rubrique « Bateaux » http://www.imoca.org/fr/bateaux/ 211 Auto-description du projet de sponsoring par Safran sur safran-sailingteam.com, rubrique « Le groupe/Le projet » http://www.safran-sailingteam.com/le-groupe/la-genese-du-projet/ 210 ~ 66 ~ Par conséquent, en communicant à propos de son bateau et de ses technologies, Safran possède la capacité à parler de lui-même. Par exemple, lorsqu’en 2013, Marc Guillemot a battu à bord de Safran le record de la traversée de l’Atlantique Nord212, il pouvait déclarer que « Safran a apporté beaucoup d’investissements technologiques. Nous avons prouvé que Safran est un bateau sur lequel on peut compter »213. Et tous les portraits élogieux que la presse peut dresser des marins skippant le bateau, ou du bateau en lui-même, sont ainsi directement associés au groupe. De même, aucun risque de dé-crédibilisation n’empêche Marc Guillemot de déclarer en 2012 que « la plupart des nouveaux bateaux sont issus de la génération Safran, ils ont été faits avec les mêmes qualités […] Il a fallu se creuser la cervelle pour continuer à faire évoluer celui-là »214. Safran se pose en précurseur : seul l’abandon au Vendée Globe 2012/2013 aurait pu menacer cette image, mais Safran a communiqué sur un nouveau record de la traversée de l’Atlantique Nord 8 mois plus tard. Cependant, il convient de rappeler que le degré d’implication que Safran a atteint dans la voile trouve autant sa source en interne, auprès des salariés, que dans la volonté des communicants. Safran a en effet utilisé la voile comme outil de mobilisation et de motivation interne, au point de rendre le sponsoring nautique « complètement acquis au niveau des salariés »215, jouant sur les valeurs et « l’aventure humaine »216 que la voile représente. Cela passe par des opérations régulières de management, impliquant les skippers du Safran Sailing Team, orientées autour du travail en équipe, de la gestion des crises… Et selon R. Laureau, ces opérations sont l’occasion de beaucoup d’échanges entre les salariés, qui semblent manifester un réel intérêt pour la voile, et des marins reconnus comme Marc Guillemot. Ce que nous pouvons déjà identifier comme une bonne pratique est à l’opposé même des cas d’école de campagnes de communication mises en péril par un trop fort décalage avec les salariés. En 1974, la BNP avait gêné ses propres salariés dans son image avec le slogan « Pour parler franchement, votre argent m’intéresse ». 40 ans plus tard, aux 212 Traversée établie en solitaire et en monocoque le 06/07/13, d’Ouest en Est, en 8 jours, 5 heures, 20 minutes et 20 secondes (à ne pas confondre avec le record de Francis Joyon, établi en multicoque). 213 L’ÉQUIPE, « Record pour Guillemot », 06/07/13. Le même jour, ces déclarations ont aussi été reprises par Ouest France et Le Figaro. 214 Marc GUILLEMOT in Raphaël BONAMY, « Marc Guillemot, un favori qui s’assume », in Ouest France, 09/11/12 215 Rosaline LAUREAU, voir annexe 4, P.218 216 Ibid., P.221 ~ 67 ~ dires de Safran, le nautisme est accepté au point qu’un retrait ne serait pas compris par les salariés. Cela s’illustre chaque année par l’organisation du « Challenge voile Safran » : le groupe permet à des salariés provenant de tous ses sites mondiaux de participer ensemble à une régate sur le littoral français. Existante dès la création du groupe217, la compétition est organisée par un groupe de salariés français autonomes, constitués en association218, et réunit un nombre croissant de participants : 110 équipages pour environ 800 collaborateurs, ce qui en fait la plus grosse régate corporative de France. Ce rassemblement est l’occasion pour beaucoup de salariés du groupe de se connaître, de partager des moments chaleureux pendant et après la course (buffets, danses…). L’ensemble est filmé et photographié par le groupe pour ensuite être relayé en interne et sur les réseaux sociaux, ainsi que par la presse quotidienne régionale219. Au regard des vidéos relayées (bien qu’elles puissent être arrangées), les salariés semblent apprécier le fait de se retrouver, particulièrement entre salariés de sites différents. Ce constat est étayé par le fait qu’ils doivent payer leur participation, entre 1.800 € et 2.400 € par équipage selon les catégories 220 . Et R. Laureau prétend qu’elle doit « arrêter les inscriptions parce qu’il y a trop de demandes »221. Ainsi, nous pouvons affirmer que Safran est bien plus qu’un sponsor ou un armateur, au regard de son action concrète dans l’univers de la voile : son implication est entière, relayée auprès des salariés, acceptée par eux, au point d’être aussi constante et plus coûteuse que la communication institutionnelle qui prend source dans ces opérations. Aujourd’hui, afin de satisfaire ses besoins de recrutement et travailler son image auprès des étudiants, Safran s’implique même dans des régates étudiantes, comme la « croisière EDHEC »222, y parrainant des équipages (par l’intermédiaire de Marc Guillemot) et apportant des lots aux vainqueurs. 217 Sagem avait créé une régate dès 1988 et Snecma dès 1991. L’association se nomme « Challenge Voile Safran » et se structure selon la loi d’association de 1901. Elle possède un site internet autonome : http://www.challenge-voile.info/ 219 Voir par exemple Ouest France, « 110 bateaux attendus au Challenge Safran », 13/09/13. 220 Pour l’édition 2014. Chiffres fournis par l’association Challenge Voile Safran sur son site internet, dans la rubrique « Procédure d’inscription ». 221 Rosaline LAUREAU, voir annexe 4, P.224 222 Cette régate est le plus grand évènement sportif étudiant d’Europe, réunissant 3.00 étudiants par édition 218 ~ 68 ~ 4. La Poste, partenaire des arbitres Alors que le qualificatif de « sponsor » qu’utilise R. Laureau à propos du rapport entre Safran et la voile pourrait être considéré comme un euphémisme, nous allons montrer que La Poste peut utiliser la signature « La Poste, partenaire des arbitres » sans risque de la voir être qualifiée d’abusive, donc sans voir sa crédibilité être mise en doute. La Poste entretient une présence active et constante dans toutes les actions majeures de sensibilisation à l’égard de la cause arbitrale. Aujourd’hui, « ils souffrent […] des critiques et de la violence », affirme à raison J-R. Gaitey. Prenons l’exemple du football223 : lors de la saison 2012/2013, la FFF enregistre 4.746 agressions sur les arbitres (qui représentent à eux seuls 42,5 % des victimes d’incident), dont 827 cas de menaces et 422 agressions physiques224. Le phénomène est considéré par l’Etat et les instances du football français comme un problème de société, en témoigne une couverture régulière par la presse écrite et audiovisuelle. « Les spectateurs […] sont venus taper de l’arbitre […] ils arrivent tel un essaim d’abeilles [avec] un sentiment d’impunité » pouvions-nous par exemple entendre en juin 2013 lors d’un reportage relatif à un arbitre agressé dans le Val-de-Marne225. Paradoxalement, les arbitres sont valorisés au sein de la société française. Nous l’apprenons grâce à un premier type d’action menée par La Poste. Le groupe finance depuis 2007 un sondage annuel en collaboration avec un institut226, dont l’objectif est de comprendre la vision que les français ont des arbitres. Nous apprenons par exemple que 75% des interrogés valorisent la fonction d’arbitre, que 91% l’associent au courage…227 La Poste dote le corps arbitral d’un outil de compréhension de sa position dans la société, qui est à chaque fois repris par la presse écrite228. 223 Le football est le sport le plus arbitré en France, 600.000 matchs de football (tous niveaux confondus) ayant recouru aux services des 25.672 arbitres officiels lors de la saison 2012/2013. Le constat pourrait être élargi aux autres sports. Source : La Poste, Les 12èmes journées de l’arbitrage, Dossier de presse dévoilé le 23/10/13, p.9 224 Observatoire des comportements FFF, Les violences et les incivilités recensées dans le football amateur lors de la saison 2012/2013, tableau 11, p.11 in INHESJ-ONDRP, La criminalité en France, juillet 2013, Fiche Thématique n°16 225 Sylvain MILLENVOYE, Eric BERRA et Jean-Yves CHAMBLAY, « Violence dans le football amateur : ‘Ils sont venus taper de l’arbitre’ », in Le 13H (TF1), 16/06/13 226 TNS Sofres en 2013, BVA en 2012 et 2011. 227 La Poste avec TNS Sofres, Les Français et l’arbitrage, sondage réalisé en ligne auprès de 1002 individus âgés de 15 ans et plus, représentatifs de la population française, entre le 11/09/13 et le 15/09/13, p.6 228 Par exemple, voir Le Parisien, « Dur, dur d’être arbitre de foot », 25/10/13 ~ 69 ~ Mais, au-delà de la réflexion sur les causes d’un phénomène tristement commun à beaucoup de pays, La Poste agit dans un but de sensibilisation et de recrutement. Son évènement majeur se déroule chaque automne : en 2013229, les « Journées de l’Arbitrage » comprenaient 350 stages de formations destinées à attirer de jeunes sportifs vers la fonction arbitrale et 500 protocoles d’avant-match honorant les arbitres. Les stages sont organisés par des arbitres professionnels, ainsi que par du personnel de La Poste, partout en France, et concernent les 4 sports parrainés par La Poste. Les protocoles d’avant-match véhiculent un message moral aux spectateurs, avec des haies d’honneur pour les arbitres, des brassards portés par les capitaines de chaque équipe, un message directement adressé aux spectateurs (parfois lu par les joueurs eux-mêmes). Les Journées de l’arbitrage sont publiquement soutenues et reconnues par les fédérations nationales, les porte-paroles du corps arbitral et par le ministère de la jeunesse et des sports, en atteste la participation de la ministre en charge à l’édition 2013230. Ainsi, La Poste alimente année après année la confiance des acteurs du sport lors de ce temps fort annuel de son soutien. Mais, cet évènement n’est qu’un point culminant de l’action de La Poste durant l’année. La Poste soutient financièrement la formation d’arbitre de haut niveau dispensée par l’université de Clermont-Ferrand, la présence d’arbitres professionnels à des tournois étudiants… L’action la moins mise en avant, mais celle qui s’étend le plus dans le temps et dans l’espace, est l’organisation par La Poste de multiples cérémonies de remise de prix à des arbitres méritants. C’est aussi l’occasion pour La Poste de leur remettre des tenues de matchs, environ 3.000 par an (50.000 depuis 2007231). Chaque réunion se déroule en présence des responsables départementaux des fédérations sportives, d’élus locaux, des dirigeants des clubs locaux232 et de cadres locaux de La Poste (les cérémonies ont même parfois lieu dans des agences postales) : ceci offre à La Poste une réelle opportunité de construire à travers le sport une relation avec des publics qu’elle côtoie directement. 229 Les Journées de l’arbitrage existent depuis 2002, La Poste ne soutient les arbitres que depuis 2007. Valérie Fourneyron, Ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (mai 2012 à mars 2014) a participé à un stage de formation aux jeunes arbitres de football à Paris, lors de l’édition 2013 des Journées des ambassadeurs. 231 La Poste, Les 12èmes journées de l’arbitrage, Dossier de presse dévoilé le 23/10/13, p.7 232 Les arbitres amateurs sont inscrits dans des clubs (quelque soit le sport), ces derniers étant aussi chargés de procéder à des recrutements d’arbitre et à une part de leur rémunération. 230 ~ 70 ~ Ces évènements sont régulièrement couverts par la presse locale, dont le traitement est unanimement positif233 et donne à La Poste les occasions d’affirmer ses valeurs et son soutien à l’arbitrage français : « Notre fidélité à l’arbitrage ne doit naturellement rien au hasard. L’arbitre, à l’image des postiers, est un acteur de confiance investi d’une mission de service public, exercée tous les jours, partout en France et au profit du plus grand nombre »234. Ces actions très localisées se poursuivent dans des établissements scolaires et des lieux ouverts au public. Les deux films coproduits par La Poste, à vocation sensibilisatrice, Les arbitres (2009) et Allez l’arbitre (2012), ont fait l’objet d’une diffusion directement assumée par La Poste. Le premier a été distribué sous la forme de 10.000 kits avec DVD dans des établissements du second degré235. Le second a fait l’objet d’au moins 12 diffusions suivies de conférences en octobre 2012236. Cet engagement continuel se pare d’actions d’éclats, accompagnées comme nous l’avons montré de plans de communication complets destinés à médiatiser le soutien de La Poste envers les arbitres. En 2011, La Poste a aussi commandé une application pour smartphones et tablettes, nommée « Tous arbitres ». Il s’agit d’un jeu dont le principe est de prendre la place d’un arbitre professionnel de football en situation réelle : le joueur doit prendre des décisions en quelques secondes sur des situations de jeu particulièrement litigieuses (en vidéo), sachant qu’une mauvaise décision pourrait changer le cours du match. Le jeu est difficile, les temps de réflexion sont très courts et l’ensemble devient immersif237. Ce jeu à vocation sensibilisatrice a été téléchargé plus de 50.000 fois238. De même, depuis 2010, La Poste sponsorise au départ de chaque rencontre de Coupe de la Ligue retransmise en télévision un encart donnant aux téléspectateurs les caractéristiques de l’arbitre officiant pendant le match (âge, poids, passif…). Il reste 20 secondes à l’écran 239, porte le logo de La Poste et a vocation à présenter l’arbitre comme un acteur du sport à part entière [Voir annexe 8, P.234]. 233 Source : établi par l’auteur après une revue de la PQR et de la PQN françaises du 01/01/12 au 01/04/14. Les articles retenus sont ceux où les expressions « La Poste » et « arbitre » étaient présentes et directement liées. Logiciel utilisé : FACTIVA Dow Jones 234 Jean-Paul LÉANDRI in L’Est Républicain, « Remise des maillots ; Partenaire des sifflets », 13/12/13 235 Voir annexe 3, P.201 236 Marseille, Mondeville, Dijon, Lyon, St-Julien-les-Metz, Paris, Poitiers, Besançon, Valenciennes, Grand Quevilly, Toulouse et Bordeaux, entre le 17/10/12 et le 25/10/12. 237 Test établi par l’auteur sur un smartphone, après 2 heures de temps de jeu. 238 La Poste, Les 12èmes journées de l’arbitrage, Dossier de presse dévoilé le 23/10/13, p.8 239 Moyenne de temps établie par l’auteur pour l’ensemble des matchs de la Coupe de la Ligue retransmis en 2013 sur France Télévision, soit 19 rencontres. ~ 71 ~ Ainsi, cet ensemble complet de mobilisations concrètes, menées par de nombreux salariés de La Poste, lui confère une crédibilité inattaquable et inattaquée dans son utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle. Les parties prenantes la présentent ellesmêmes comme le « fidèle partenaire des arbitre de tous niveaux »240. De plus, cela permet à La Poste d’aller « au-delà de la visibilité »241, de développer fortement le versant relationnel de cette communication, allant directement à la rencontre des acteurs du sport français, très nombreux au niveau amateur et toujours favorables à un soutien extérieur, pour peu qu’il dure. 5. Derrière et au-delà de la communication se trouve le terrain Le sport possède une réalité concrète et un sens symbolique pour des millions de pratiquants et amateurs. Bien sûr, tous n’ont pas le même rapport à leur(s) sport(s) favoris, mais une constante a été mise en lumière par Eric Macintosh : un intérêt croissant pour un sport (ou une compétition) de la part d’un individu amène une attention croissante de sa part aux sponsors du sport concerné242. Le sponsor se retrouve alors dans une situation où il va être jugé, principalement sur le lien qu’il entretient avec ce sport : celui-ci doit paraître logique, voire naturel. Les 4 groupes que nous étudions ont tous adopté des engagements dans leur utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle : tous peuvent aujourd’hui faire état d’une implication concrète auprès des sports qu’ils affichent dans des supports de communication, que ce soit par l’organisation ou le soutien financier et matériel apporté à des compétitions, l’organisation de stages de sensibilisation ou d’initiation… Et tous étendent cette implication en interne. Au minimum, à l’instar de chez Orange, il faut « que les gens adhèrent », affirme S. Tardivel243. C’est aussi le cas au sein de La Poste, qui prend le juste parti de le déclarer dans la presse. Selon Didier Cantié, délégué régional, « les postiers se sont approprié ce partenariat car ils y retrouvent les valeurs de La Poste : le respect, la médiation, l'écoute, la confiance »244. Mais, de l’aveu même de J-R. Gaitey, La Poste n’a pas atteint le stade suivant qui serait de réussir à mobiliser les salariés : « on reconnaît qu’on a des difficultés à fédérer, mobiliser 240 Le Progrès, « Les jeunes arbitres encouragés », 25/11/12 Jean-Raphaël GAITEY, voir annexe 3, P.201 242 Eric MACINTOSH et al., “The role of Mega-sports event interest in sponsorship and ambush marketing attitudes”, in Sport Marketing Quarterly, Mars 2012, Vol.21, Issue 1, pp.43-52 243 Stéphane TARDIVEL, voir annexe 2, P184 244 La république du centre, « L’homme en noir vu sous un autre angle », 24/10/13 241 ~ 72 ~ l’interne autour de ça. Parce que l’arbitrage […] ce n’est pas sexy, c’est l’homme en noir, c’est l’homme […] qu’on critique… Et ce n’est pas un joueur qui montre des gestes fabuleux, qui est performant… »245. La Société Générale et Safran ont tous deux fait du sport un outil de mobilisation interne, ont su susciter l’intérêt. Cela leur a permis de conférer à l’usage du sport comme levier externe une crédibilité et une légitimité. Comme l’affirment T. Libaert et M-H. Westphalen, les salariés sont des vecteurs de l’image de l’entreprise à l’extérieur et leur parole est gage de crédibilité auprès d’une sphère élargie 246 . Mais, il a fallu beaucoup de temps à ces deux groupes, un temps dont La Poste n’a pas encore disposé, et il leur a fallu poser le sport comme étant important pour le groupe (dans les discours, dans les conventions internes…), ce que n’a pas encore fait La Poste. Compte tenu des affirmations du délégué régional cité plus haut, cela est accessible à La Poste, même si l’arbitre n’est ni « sexy » ni « fabuleux »247. Cette implication peut faire l’objet d’une communication en soi. Sosh (Orange) et la Société Générale utilise les réseaux sociaux pour communiquer leur engagement au quotidien. La crédibilité que fournit l’implication concrète dans un sport peut-être véhiculée, et les réseaux sociaux, par des coûts plus limités et une cible potentiellement large, sont un outil décisif dans cette optique : même les plus grands groupes français ne pouvant pas procéder en permanence à de l’achat d’espace, alors que des actions constantes sont menées et, aux yeux des plus passionnés, méritent d’être transmises. C’est une optique que ne peut bien sûr pas adopter La Poste, compte tenu du nondéveloppement actuel de ses réseaux sociaux. C’est aussi difficile pour Orange de faire état de son implication logistique dans certains évènements prestigieux, compte tenu du caractère très « professionnel » (entendu comme l’inverse de « grand public ») de ce soutien. Néanmoins, une présentation différente serait à travailler, peut-être dans l’idée de montrer au grand public l’expertise du groupe dans son cœur de métier : Orange a en effet mis en place un compte Pinterest intitulé « Orange et Roland Garros »248, encore peu animé mais remplis de visuels plus à même d’intéresser un large public. Dans tous les cas, qu’une communication institutionnelle soit spécifiquement développée autour de l’implication même ou non, le simple besoin de s’impliquer dans un sport confirme 245 Jean-Raphaël GAITEY, voir annexe 3, P.209 Thierry LIBAERT et Marie-Hélène WESTPHALEN, op.cit., p.226 247 Ceci relève d’ailleurs de l’interprétation de J-R. Gaitey, plus que d’un constat objectif. 248 https://www.pinterest.com/orangefrance/orange-et-roland-garros/ 246 ~ 73 ~ l’impératif de longue durée du sponsoring sportif, afin de maximiser les retombées en termes d’image. Chaque groupe a besoin de se faire accepter par les acteurs du sport qu’il a choisi comme levier. Comme le précise Jacques Defrance, le sport français s’est constitué en « champs », c'est-à-dire un espace social indépendant avec « un objet propre, une histoire originale, avec ses rythmes, ses développements […] et un fonctionnement interne »249. Et ce champ a pour particularité d’avoir longtemps rejeté certaines pratiques, dont les récupérations politiques, religieuses et commerciales du sport. Aussi, bien que la financiarisation soit avancée dans certains sports (football, rugby…), elle est inégale, faible dans les sports les moins professionnalisés et au niveau amateur, et suscite de farouches oppositions en conséquence. Les grands groupes français, qui sont aisément associés à ce processus, doivent donc s’insérer avec délicatesse dans le champ sportif, c'est-à-dire en prenant le plus temps possible, pour ne pas s’attirer les foudres de diverses instances sportives qui rendront inopérante voire contreproductive toute utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle. Nous pouvons donc conclure cette partie, après avoir mis en évidence le besoin pour les grands groupes français de répartir et coordonner leur communication institutionnelle sur de multiples supports, dont les réseaux sociaux, pour pouvoir assurer la diffusion des messages sur le temps long. Une diffusion elle-même permise par un engagement constant et pérenne auprès des acteurs du champ sportif, qu’il faut pouvoir transmettre à son tour aux cibles de la communication. Il convient de montrer, dans un dernier temps, que la durée n’est pas le seul pré-requis propre à l’utilisation du sport comme levier. Comme nous l’avons montré, la crédibilité se définit comme l’existence d’une cohérence entre l’entreprise et ses messages institutionnels. Mais, elle s’applique également à la nature même de ces messages : nous avons montré que les individus pouvaient avoir un lien très fort avec leur sport, la communication doit donc respecter voire conforter ce lien en délivrant des messages qui reprennent les imaginaires propres à chaque sport. Ainsi, il convient maintenant de s’attacher au contenu symbolique des messages qui sont délivrés par les 4 groupes que nous étudions. Il est en effet primordial dans leur stratégie de 249 Jacques DEFRANCE, « L’autonomisation du champ sportif. 1890-1970. », Sociologie et société, 1995, vol.27, n°1, pp.15-31, p.16 ~ 74 ~ faire apparaître et accepter leurs valeurs, afin que leur communication institutionnelle par le sport puisse réellement contribuer à leur image institutionnelle. ~ 75 ~ PARTIE 3 La dimension symbolique de l’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle Développer une communication institutionnelle au travers du sport ne revient pas seulement à donner aux fans de sport les résultats des compétitions qu’ils suivent. En fait, il se trouve une grande probabilité qu’ils aient déjà cette information, et/ou qu’ils aillent la chercher ailleurs, sur des plateformes spécialisées dans l’information en direct, devenues nombreuses sur internet. Les 4 groupes que nous étudions vont au-delà, développant un ensemble de messages caractérisés par leurs valeurs (I.). Ensuite, ces groupes essayent de rassembler les cibles auxquelles ils s’adressent. Afin de mieux réaliser le transfert d’image entre leur propre image institutionnelle et certains sports, les groupes que nous étudions ont parfois recours à des pratiques communicationnelles qui ont vocation à exalter le lien sportif qui pourrait unir les personnes les plus motivées. Dans le meilleur des cas, l’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle peut ainsi comprendre un esprit de groupe (II.). ~ 76 ~ I. Transmettre ses valeurs de manière concrète avec le sport comme levier 1. Orange/Sosh et la dominante émotionnelle Orange communique quelques résultats sportifs via Avec le XV et le 12ème Homme, que ce soit sur leur site respectif ou leurs pages Facebook, Twitter… Mais, ceux-ci ne représentent qu’une partie minime du contenu véhiculé. S. Tardivel l’explique par sa vision de ce qui motiverait des individus à apprécier le sport et plus particulièrement le football et le rugby, à savoir la recherche d’émotions. « Il n’y a que le sport et la musique qui provoquent des émotions très très fortes. Si vous êtes fan de sport […] quand on perd, on est triste, quand on gagne, on est heureux… c’est un coup de boost ! […] Un stade qui explose, et voilà ! »250. Ceci caractérise non seulement la manière dont les plateformes en ligne Avec le XV et le 12ème Homme rédigent leurs messages, mais aussi comment est déterminée leur stratégie de communication toute entière. Ces plateformes veulent montrer ce qui est « beau » dans le sport, dont ses valeurs, ce qui est émouvant et ce qui se passe en coulisse, puisque S. Tardivel fonde une seconde partie de leur intérêt sur leur capacité à « donner accès à l’inaccessible ». Prenons un premier exemple de contenu : le 1er février 2014, alors que des sites plus classiques comme l’Équipe se concentraient sur les résultats de la 23ème journée de Ligue 1, le 12ème Homme se concentrait sur un épisode qui ne concernait le sport que parce qu’un joueur de football était impliqué, et qui ne concernait pas la France, la scène se passant en Italie. Ce jour, la plateforme relayait une vidéo impliquant un joueur brésilien, Hernanes, pleurant à la sortie du dernier entraînement avec la Lazio de Rome, équipe qu’il était sur le point de quitter après 3 saisons et ½ sous contrat. Un supporter du club romain a filmé en amateur cette scène où les autres supporters lui disent au revoir et tentent de le réconforter. Cette scène n’aurait aucun intérêt, voire semblerait ridicule aux yeux d’une personne qui ne se déclarerait pas intéressée par le football ; en revanche, cette scène est forte pour toute personne se définissant comme supporter. La même logique est appliquée sur les réseaux sociaux, où Avec le XV et le 12ème Homme véhiculent beaucoup de contenu relatif au monde du sport, mais pas à la compétition stricto sensu. Par exemple, le 30 avril 2014, Avec le XV retweete deux appels de joueurs de rugby à lutter contre le racisme, deux fois l’information que le Stade Français a pu convaincre un joueur de rester au club et le message d’un joueur de l’ASM Clermont Auvergne, Benjamin 250 Stéphane TARDIVEL, voir annexe 2, P.169 ~ 77 ~ Kayser, qui remercie son public pour des messages de soutien reçus après une défaite [Voir annexe 9, P.235]. En fait, les plateformes sont même esthétiquement conçues dans l’idée de mettre en avant la notion d’émotion, de même que les slogans et signatures essayent de véhiculer ce sentiment fugace que connaît le supporter lorsqu’il vit un moment intense par le sport. Par exemple, le 12ème Homme, sur son site internet et sa page Facebook, affiche un large visuel représentant des supporters en liesse, vus de dos, avec la mention « Le 12ème homme, c’est vous ! »251 [Voir annexe 10, P.236]. Sosh procède de la même manière à travers Ride Sessions, donnant la priorité à des valeurs et autres éléments symboliques au point même de ne quasiment plus véhiculer de résultats sportifs, alors qu’Avec le XV et le 12ème Homme y consacrent quand même un peu d’espace sur leurs réseaux sociaux. Ride Sessions veut aussi montrer ce qui est « beau » dans les sports de glisse. Par exemple, que ce soit à travers le site internet ou les réseaux sociaux, Ride Sessions relaye en permanence des photographies et des vidéos faisant état des performances sportives spectaculaires252 accomplies par les athlètes soutenus par Sosh En termes de valeurs, cette communication véhicule consciemment la notion de liberté, valeur commune à tous les sports de glisse soutenus, en concordance avec les offres de services mobiles sans engagements de Sosh 253 . Par exemple, des vidéos présentent des spécialistes du skate ou du BMX se jouer du mobilier urbain pour réaliser des figures acrobatiques. Le 05 avril 2014, le compte Facebook de Ride Sessions postait une vidéo représentant Maxime Charveron, un athlète soutenu par Sosh, dans ce type d’acrobaties au cœur de Los Angeles (sur des rampes d’escalier, des murs…), un exemple parmi tant d’autres254. Et comme nous l’avons précisé, le sport n’est pas le seul véhicule de cette sensation de liberté que veut faire passer Sosh à travers ce volet de sa communication institutionnelle : en lien direct avec les sports de glisse sont relayés des contenus qui ont trait à la culture de ces sports et véhiculent les mêmes valeurs. Nous insisterons ensuite sur l’esprit communautaire 251 Site internet et page Facebook « Le 12ème Homme » consultés le 01/05/14. Sur Facebook, ce visuel est en place depuis septembre 2013. 252 Elles sont inhérentes aux sports en question, dans la mesure où leur but premier est de réaliser des acrobaties. 253 Selon le catalogue mis à jour au 01/05/14 254 La vidéo se nomme « Couchriding – Downtown Session » et n’est disponible que sur Facebook, sur le compte Ride Sessions en date du 05/04/14. Voir http://on.fb.me/PTupyA ~ 78 ~ que cela implique, nous mettons d’abord en lumière le fait que beaucoup de sports sont rattachés à des cultures ou des imaginaires qui sont plus larges que la simple activité physique. Par exemple, le 10 avril 2010, Ride Sessions relaye via son site internet un clip musical, affirmant que la musique n’est pas intéressante en soi, mais que la mise en scène correspond au lecteur de l’article car « fleure bon la liberté du road trip, des grands espaces et des vacances. Et si vous trouvez que les surfeurs se débrouillent bien, c’est normal… »255. Le clip présente un couple voyageant au gré de ses envies et surfant au coucher du soleil, il véhicule un idéal de liberté en lequel les cibles des messages de Sosh sont censées se reconnaître avant de ressentir une émotion. Ainsi, les messages transmis par Orange (et Sosh), au travers des différentes plateformes digitales dédiées au sport, ont vocation à transmettre une émotion par un contenu divertissant et varié qui n’a parfois d’autre rapport avec le sport que son rattachement à une culture commune avec celui-ci. Orange espère ainsi alimenter la « préférence de marque » auprès des passionnés de sport, Sosh espère représenter la notion de liberté concrètement incluse dans ses offres. 2. « Rien n’est plus beau que l’esprit d’équipe » par la Société Générale Dans l’entretien, C. Guillaumin déclare que « […] l’esprit d’équipe […] c’est vraiment ça qui marche »256. De fait, c’est la principale valeur transmise par l’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle qu’effectue la Société Générale. Sur les réseaux sociaux, à savoir les comptes Facebook et Twitter Par Amour du Rugby, la promotion de l’esprit d’équipe est effective à la fois dans les contenus et les discours. À ce titre, nous notons tout de suite que l’emblème de Par Amour du Rugby est un blason, sans logotype de la Société Générale mais avec le rappel de l’année où la banque s’est associée avec les instances du rugby français (1987) [Voir annexe 11, P.237]. Cela montre tout d’abord que la Société Générale a accepté de s’effacer un minimum derrière le sport qu’elle met en avant, appuyant ainsi le discours parfois sacerdotal de cet engagement mais aussi lui permettant de minimiser la présence visuelle de ce qui reste le logo 255 Ride Sessions, « Billy Joe & Norah Jones – Kentucky », sur ridesessions.com, 10/04/14 Voir http://www.ridesessions.com/2014/04/billy-joe-norah-jones-kentucky/ 256 Caroline GUILLAUMIN, voir annexe 1, P.142 ~ 79 ~ d’une banque, donc d’un acteur susceptible de se faire critiquer virulemment sur les réseaux sociaux. Un tel emblème installe consciemment la symbolique de l’esprit d’équipe que la Société Générale veut mettre en avant sur les réseaux sociaux. Un blason symbolise une équipe de rugby, donc son histoire, et par là ses victoires, ses défaites et autres grands moments que l’équipe à vécus. Cette symbolique est assise par les visuels qui sont affichés en tête de ces comptes Facebook et Twitter : ils présentent systématiquement257 des personnages en groupe, proches les uns des autres, par opposition à des personnages seuls. Par exemple, au 1 er mai 2014, les comptes Facebook et Twitter affichent le même visuel, soit 19 joueurs de rugby (deux équipes différentes), arborant une posture virile et fixant l’objectif, avec au premier plan la mention « Rien n’est plus beau que l’esprit d’équipe » [Voir annexe 12, P.237]. Cette volonté de présenter des groupes comme symbole physique de l’esprit d’équipe se traduit dans les contenus exposés. Par exemple, l’album photographique « Arrêt sur image Top 14 2013/2014 »258, qui sert à la page Facebook de Par Amour du Rugby à illustrer les résultats du Top 14, présente des phases de jeu provenant des matchs de la saison 2013/2014 du Top 14 : tous les joueurs représentés le sont en groupe, se faisant des passes, plaquant ensemble un adversaire (ou se faisant plaquer)… Nous pouvons aussi nous attacher au très représentatif cas de la communication qui est menée autour des Journées des ambassadeurs sur les réseaux sociaux. Les courts messages qui les présentent sur Facebook et Twitter s’effacent derrière des albums photographiques ou de courtes vidéos présentant les différents protagonistes en groupe, sur des photos de famille, des phases de jeu en équipe… [Voir annexe 13, P.238] Les quelques photographies qui font exception affichent des situations illustrant des valeurs dont dépend l’esprit d’équipe luimême, à savoir le partage, la solidarité, la transmission… [Voir annexe 13, P.238] Mais, comme nous l’avons auparavant précisé, le rugby a inspiré toute la communication institutionnelle de la Société Générale. Ainsi, en dehors des publicités purement commerciales, qui comportent tout de même la signature « Développons ensemble l’esprit d’équipe », les visuels et vidéos qui sont diffusés par de l’achat d’espace tirent nombre de leurs éléments 257 Depuis la création des comptes Facebook et Twitter de Par Amour du Rugby, en octobre 2010, au 01/05/14 Album uniquement disponible sur la page Facebook de « Par Amour du Rugby », dans la rubrique « Photos ». Voir http://on.fb.me/1kmtoaI 258 ~ 80 ~ connotatifs du rugby et tentent d’exprimer l’esprit d’équipe (ou une des valeurs associés : partage, solidarité, transmission…). Par exemple, à l’occasion du changement du changement de signature opéré en mars 2011, la Société Générale a dévoilé en collaboration avec l’agence Fred & Farid une série de publicités à vocation institutionnelle, intitulée « L’esprit d’équipe », dont la mise en scène, qui conclut toujours sur la mention « Rien n’est plus beau que l’esprit d’équipe », s’inspire totalement du rugby et reprend les codes adoptés sur les réseaux sociaux, principalement cette exaltation de l’esprit de groupe. Une version longue (1 minute), reprenant un court extrait de chaque publicité, a été diffusée en télévision (TF1, France 2, France 3…) dès mars 2011 259 . Nous pouvons en détailler 3 scènes (parmi 7). La 1ère présente des rugbymen, en plein match : il pleut, les visages sont tirés, les maillots sont sales, plusieurs joueurs sont au sol. Visiblement, la situation est difficile pour l’équipe, elle a besoin de réagir. Les joueurs se parlent, s’invectivent, puis se relèvent. Ils font face à leurs adversaires, déterminés, et rentrent dans la mêlée, ensemble. La 2ème scène présente un chef d’entreprise, dans son bureau, au centre d’une usine. Il est au téléphone, nerveux, il fait du bruit et de grands gestes. Il attire l’attention, les employés cessent le travail, quelle que soit leur fonction. Ils convergent vers le bureau du dirigeant, l’air inquiet. Ce dernier serre le poing, un soulagement se dessine sur tous les visages. Le dirigeant pointe du doigt ses employés, leur dédie la bonne nouvelle et la scène se clôt sur des applaudissements nourris. Enfin, la 4ème scène dépeint une ambiance urbaine chaotique (incendie, pluie, graphismes sombres…). Des personnes secourues attendent dehors, une couverture de survie sur les épaules. Elles sont saines et sauves. Les pompiers reviennent de leurs missions, aussi mal en point que les rugbymen. Mais ils ont réussi, ils se congratulent, se tapent dans le dos alors que le soleil se lève. Et les 4 autres scènes sur lesquelles nous devons passer sont du même acabit, présentant les personnes d’un même groupe faisant face ensemble à un même problème et se témoignant mutuellement leur solidarité. Cette symbolique de l’esprit d’équipe est depuis présente dans une partie des supports de communication institutionnelle de la Société Générale, dès lors que le groupe doit prouver à 259 Cette version est disponible sur la chaîne Youtube institutionnelle de la Société Générale, dans la rubrique « Publicité ». http://bit.ly/Ry82jA ~ 81 ~ ses clients, qu’ils soient particuliers ou professionnels, que la banque sera présente à leurs côtés pour les aider (financement, facilités bancaires…) dans la conduite de leurs divers projets. Le tout sans distinction de supports : affiches (notamment présentes dans les publirédactionnels), vidéos, site institutionnel… 3. L’association de Safran à l’idéal du marin compétiteur Safran ne véhicule pas que l’idée de performance à travers son utilisation de la voile comme levier de communication institutionnelle, du fait qu’elle n’associe pas seulement son image qu’à son bateau, mais aussi à des marins, principalement Marc Guillemot, et à des compétitions décrites par les parties prenantes comme de véritables épreuves humaines. Par exemple, en pleine édition 2008/2009 du Vendée Globe, le Parisien insistait sur la dureté de la compétition pour les marins qui devaient supporter une « fatigue abyssale causée par la coque en mouvement permanent et le bruit incessant […]. Avec trois à cinq heures de sommeil par jour en moyenne, ces marathoniens des mers tiennent pourtant le coup »260. De fait, Safran profite de son association à une figure mythifiée, celle du marin compétiteur, que R. Laureau prétend logique compte tenu des valeurs que Marc Guillemot et les salariés du groupe partageraient, à savoir « la détermination, le courage […] son esprit de solidarité »261. De fait, ce lien est susceptible de devenir logique au fur et à mesure du temps, si Safran maintient son action dans la voile assez longtemps. Ce mythe est alimenté par la presse régionale et nationale qui décrit des hommes durs (« Les marins en course […] n’aiment pas déballer leurs états d’âme »262 ) et cultivant un subtil équilibre entre la solitude en mer et le plaisir de côtoyer d’autres marins (« une concentration unique au monde de grands fauves solitaires qui acceptent […] un mélange de confrontation permanente et d'échanges de savoir-faire »263). Par association avec les marins qui en sont les participants, la course à la voile serait ainsi un bon « support porteur de valeurs pour créer de l’émotion […] épargné par les affaires de dopage »264. Le marin compétiteur est une figure consensuelle au sein de la société française. 260 Ava DJAMSHIDI, « Comment les skippers domptent la fatigue », in le Parisien, 22/01/09 Rosaline LAUREAU, voir annexe 4, P.214 262 Laurence SCHREINER et Serge MESSAGER, « En ligne aves les marins du Vendée Globe », in le Figaro, 03/01/09 263 Le Progrès, « Vendée Globe : L’usine qui ne connaît pas la crise », 28/12/08 264 Marc HERVEZ, « La voile, support de communication », in le Parisien, 28/01/13 261 ~ 82 ~ Marc Guillemot correspond à cet idéal, sachant qu’il « représente Safran […] quand il est sur le bateau »265. Dans sa manière de concourir et de parler à la presse, donc de communiquer lui-même pour Safran, on retrouve certains des éléments que nous venons de lister, au point que Libération identifie même Marc Guillemot au « profil type du grand marin : doux, maigre, pugnace, vertueux » et souligne qu’il participe à de dures épreuves « sans se plaindre de son sort »266. Par son exposition, Marc Guillemot est associé à des valeurs humaines, et Safran est toujours associé à Marc Guillemot. Lui-même et Safran essayent d’alimenter cette tendance, par exemple dans la description qui est faite de lui sur le site internet du Safran Sailing Team : « Au début de mes relations avec Safran, j’étais presque intimidé de travailler avec un si grand groupe. Mais j’ai vite constaté que nous partagions les mêmes valeurs humaines, et cela nous a permis d’établir des relations […] saines, simples et transparentes. […] Il y a beaucoup de gens passionnés chez Safran, comme dans le milieu de la voile : deux mondes de passion qui se rencontrent, ça marche ! »267. Ainsi, les descriptions que Marc Guillemot fait de Safran sont toujours très positives, évitant tout de même l’écueil de l’exagération, et ne manquent jamais de rappeler ce lien logique qui l’unirait au groupe. Les deux autres marins de l’équipe sont aussi décrits selon leurs valeurs humaines : nous apprenons par exemple que Morgan Lagravière serait un « homme de valeurs » qui aurait « gardé de son expérience de professeur de voile, le goût d’expliquer, d’accompagner et de transmettre. Des valeurs en phase avec celles de Safran »268. Tous ces éléments de langage, qui ont vocation à assurer le transfert d’image depuis l’idéal du marin compétiteur et de la voile vers Safran, sont répétés sur les supports de communication institutionnelle du groupe, dont les marins eux-mêmes, et repris par la PQR et la PQN. L’exemple le plus illustratif, concerne le traitement médiatique très favorable dont il a bénéficié lors de l’édition 2008/2009 du Vendée Globe après avoir participé au sauvetage d’un autre participant, Yann Eliès. 265 Rosaline LAUREAU, voir annexe 4, P.222 Jean-Louis LE TOUZET, « Ma casquette rose », in Libération, 23/01/09 267 Portrait de Marc Guillemot par Safran sur safran-sailingteam.com, rubrique « Sailing Team/Marc Guillemot/Marc et Safran » http://www.safran-sailingteam.com/sailing-team/marc-guillemot/marc-et-safran/ 268 Portrait de Morgan Lagravière par Safran sur safran-sailingteam.com, rubrique « Sailing Team/Morgan Lagravière » http://www.safran-sailingteam.com/sailing-team/morgan-lagraviere-167/ 266 ~ 83 ~ Le 18 décembre 2008, en pleine réparation sur une voile, Yann Eliès tombe de son bateau et se blesse durement au fémur. La marine australienne ne le récupérera que 3 jours plus tard, 3 jours pendant lesquels Yann Eliès avouera plus tard avoir connu une grande souffrance physique et mentale, mais pendant lesquels Marc Guillemot, sur demande des commissaires de course, s’est dérouté pour lui porter assistance. À cause des conditions climatiques, il ne put l’aborder mais put lui lancer des médicaments et le joindre par radio, lui apportant un réconfort moral. Cet épisode concentrera toute l’attention médiatique vouée à la course, pendant trois jours : les déclarations par radio de Marc Guillemot passeront sur toutes les radios d’information, les journaux télévisés, la PQN, la PQR... Les extraits diffusés mettent en scène un marin courageux pour qui la course n’a plus d’importance dès lors qu’un autre marin est en danger : « savoir qu’il y a un gars qui souffre à côté, c’est vraiment dur »269 et « je voulais juste [adresser] un message à sa famille, que je suis là et que je ne le laisserai pas tomber […] »270. Et ces extraits apportent une image particulièrement positive à Marc Guillemot et Safran, notamment lors de son retour à terre. Le 21 décembre 2008, il déclare : « C’est incroyable de vivre une aventure comme celle-là. J’ai vraiment l’impression d’être plus riche intérieurement. Je n’ai aucun regret d’avoir bâché la course »271. Dans cette déclaration, comme dans l’ensemble des supports de communication mis en place par Safran en parallèle de son implication dans la voile, réseaux sociaux compris, la performance est toujours tempérée par cet ensemble de valeurs humaines, qui place Safran comme le sponsor qui n’accepte pas de gagner à n’importe quel prix. Et c’est ce qui permet à Safran de voir sa principale égérie, celle qui est censée lui transférer ses valeurs, être considérée comme un « marin attachant, qui […] promène sur la vie et son métier un regard sain. [Il] connaît mieux que personne […] la solidarité des marins. Un exemple pour la terre »272. 269 Marc GUILLEMOT in RTL, « RTL + avec Marc Guillemot, le skipper de Safran, arrivé à proximité de Yann Eliès », 19/12/08 270 Marc GUILLEMOT in RTL, « Le skipper de Safran est arrivé à proximité du bateau du malheureux », 19/12/08 (enregistrement réalisé le 18/12/08 par France 3). 271 Marc GUILLEMOT in Martin COUTURIE, « Guillemot : ‘Eliès sauvé, c’est mon cadeau de Noël’ », in le Figaro, 22/12/08 272 Martin COUTURIE, Art.cité ~ 84 ~ En contrepoids du risque qui est de pâtir de mauvaises performances sportives ou d’écart de conduite, nous constatons avec le cas de Safran que des évènements dotés d’un caractère fortement tragique (dans tous les sens du terme) sont une véritable opportunité. Marc Guillemot fait bénéficier à Safran d’une image excellente depuis des années, à tel point que sa comparution devant un tribunal britannique en novembre 2012, pour une infraction mineure au code de navigation dans la Manche, n’a soulevé aucune critique de la part des rares médias qui se sont intéressés à ce cas273. 4. La Poste, une communication maîtrisée mais limitée quantitativement La Poste, dans son utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle, s’est offert une grande opportunité, celle de s’associer à l’image des arbitres, qui sont dans la société française une figure tout aussi consensuelle que les marins compétiteurs. Selon la dernière édition du baromètre financé par La Poste, 96% des interrogés déclarent que l’arbitre est « un acteur indispensable au jeu »274 et de nombreuses qualités lui sont associées à travers des scores sans appel : autorité, respect, confiance, engagement…275 La Poste a donc la possibilité d’associer son image à un ensemble de valeurs très positives. Cependant, un grand frein à cette entreprise de communication est l’absence pour La Poste de support de communication permanent et attractif. Nous avons montré que les réseaux sociaux n’étaient pas développés et que le site internet transmettait des articles trop courts et trop vides auxquels manquait la notion de divertissement propre à l’univers sportif. De même, sans pour autant prescrire des contenus sur-travaillés ou exagérés dans leur présentation, la forme des vidéos postées sur le site internet va à l’encontre des prescriptions des autres directeurs de communication qui affirment que la communication par le sport doit véhiculer des émotions276. 273 Source : établi par l’auteur après une revue de la PQR et de la PQN françaises du 01/10/12 au 31/12/12. Les articles retenus sont ceux où les expressions « Marc Guillemot » et « infraction » et/ou « justice britannique » et/ou « procès » étaient présentes et directement liées. Logiciel utilisé : FACTIVA Dow Jones. Safran n’est pas systématiquement mentionné dans les articles relevés et ne fait bien sûr aucune mention de cette affaire dans ses propres supports de communication. Si nous ajoutons à cela une communication prudente mais franche de Marc Guillemot, nous pouvons raisonnablement supposer que l’affaire est tombée dans un oubli relatif (voire total) et que l’image de Safran n’en a aucunement souffert. 274 La Poste avec TNS Sofres, Les Français et l’arbitrage, sondage réalisé en ligne auprès de 1002 individus âgés de 15 ans et plus, représentatifs de la population française, entre le 11/09/13 et le 15/09/13, p. 7 275 Ibid., p.6 276 Voir, par exemple, l’interview de l’arbitre professionnel de football Tony Chapron, postée sur Tousarbitres.fr le 28/03/14. http://bit.ly/1nPN9hs ~ 85 ~ À l’inverse d’Orange, Safran et Société Générale, La Poste ne peut véhiculer des messages sportifs de manière quotidienne et massive, compte tenu du faible attrait et de la très faible audience de ses comptes Twitter (94 abonnés) et Facebook (7.000 fans très peu actifs au regard du nombre de commentaires et partages) et de son site (env. 80 visites/jour)277. Par conséquent, l’émission de messages potentiellement contributeurs à son image institutionnelle repose entièrement sur les pratiques relationnelles, évènementielles et l’achat d’espace. Nous avons déjà exposé le large éventail d’engagements pris par La Poste tout au long de l’année au nom des arbitres de football, rugby, handball et basketball : le groupe tisse effectivement une relation avec les acteurs locaux de ces sports et atteste directement de ses valeurs auprès d’eux. Ensuite, cette émission passe par les publi-rédactionnels que le groupe achète chaque année. En 2010, Jean-Paul Bailly278 prend la parole dans le publi-rédactionnel publié dans le Journal du Dimanche et établit le parallèle entre les arbitres et La Poste : « […] si La Poste a choisi depuis 2007 de soutenir les arbitres, elle ne l’a pas fait par hasard. Au-delà des valeurs communes partagées, […] nous sommes, nous aussi, soucieux de l’intérêt général et nous cultivons l’esprit de service »279. Et ensuite, La Poste prend le temps à travers les 4 pages disponibles de décrire toutes les actions qu’elle mettait déjà en œuvre en 2010 : soutien à la formation universitaire des arbitres, aide matérielle à leur recrutement… ou même une initiative plus ponctuelle consistant à permettre à des spectateurs d’entendre les conversations entre un arbitre de rugby et ses adjoints, afin de comprendre la complexité d’une telle fonction. Depuis, le discours ne varie pas et continue de mettre en lumière les mêmes valeurs, à ceci près que La Poste cite maintenant des arbitres dans les publi-rédactionnels qu’elle rédige, afin de pouvoir véhiculer ses messages institutionnels par ces acteurs reconnus et limiter au maximum l’autopromotion. Les arbitres, étant les principaux intéressés par l’action de La Poste, jouent le rôle de caution : « Cette initiative marque la volonté de La Poste de soutenir l’arbitrage, et ce n’est pas un hasard […] Il y a des valeurs communes : le sens du service 277 Chiffres pris au 01/05/14. L’audience du site vaut pour tout le domaine tousarbitres.fr (Source : Mustat.com) Président du Groupe La Poste de 2002 à septembre 2013, alors remplacé par Philippe Wahl. 279 Jean-Paul BAILLY, in La Poste, La Poste joue les arbitres, Publi-rédactionnel publié le 17/10/10, in le Journal du Dimanche, p.1 278 ~ 86 ~ public, la proximité, l’intégrité… »280. La Poste peut à travers ce support faire connaître son engagement de manière détaillée : le point le plus problématique sera de savoir si ce support à été lu et si un support aussi officiel que le publi-rédactionnel n’aura pas entamé la crédibilité du message, malgré la longévité de la présence de La Poste dans l’arbitrage français. Nous notons que les éléments de langage constituant ces discours sont partagés, peut-être travaillés, en interne. Comme nous l’avons montré, les actions concrètes menées par La Poste font l’objet d’une couverture médiatique par la PQR, à la fois constante et positive : il est donc possible pour les cadres de La Poste qui sont présents à chaque remise de prix, stage de formation, Journée de l’arbitrage… de faire des déclarations à la presse et donc continuer de transmettre les valeurs que La Poste veut voir attacher à son image institutionnelle. Nous notons, à travers notre revue de presse281, que les cadres de La Poste se voient régulièrement donner la parole. Il leur est donc possible de communiquer pour La Poste en ce sens : « La Poste s'est engagée pour la promotion des arbitres car elle se sent proche des valeurs véhiculées par ces quatre grands sports, confiance, esprit d'équité, goût de la victoire et de l'effort, et respect de l'autre. L'arbitre est une pièce maîtresse du jeu. Comme les postiers, ils agissent au service de tous, sur tous les terrains »282. Nous avons ici un discours maîtrisé, retranscrit entièrement dans l’article : la presse permet à La Poste de communiquer en termes de valeurs, et de manière assez complète. C’est aussi dans la presse que La Poste communique dès lors qu’elle obtient de la visibilité pour les Journées de l’arbitrage, la coproduction de films, les conférences autour de ces films… Chaque évènement permet à la presse de revenir sur les actions menées tout au long de l’année : « avec La Poste, partenaire privilégié, en amont et en aval des JNA, c'est donc un véritable projet citoyen qui se met en place au niveau des formations départementales »283. 280 Sébastien MOREIRA, arbitre fédéral F2, in La Poste, Une même passion, Publi-rédactionnel publié lors de la 1ère quinzaine d’octobre 2012, in l’Équipe, p.4 281 Source : établi par l’auteur après une revue de la PQR et de la PQN françaises du 01/01/12 au 01/01/14. Les articles retenus sont ceux où les expressions « La Poste » et « arbitre » étaient présentes et directement liées. Logiciel utilisé : FACTIVA Dow Jones 282 Isabelle AMBRY, alors déléguée aux relations territoriales dans l’Aube, in l’Indépendant, « Première dans le département », 20/11/12 283 Le Petit Bleu du Lot-et-Garonne, « Détecter et susciter des vocations d’arbitre », 31/10/12 ~ 87 ~ Mais, La Poste a toujours besoin de ces pratiques évènementielles ou de l’achat d’espace pour activer ses droits et associer son image à son action sur le terrain. J-R. Gaitey « connaît les manques »…284 5. De l’importance des valeurs dans l’utilisation du sport comme levier Géraldine Michel affirme qu’une marque se différencie soit grâce à des éléments fonctionnels, soit grâce à des éléments symboliques, une 2ème catégorie dans laquelle elle inclut les valeurs 285 . Les responsables de communication interrogés identifient tous leur entreprise à une marque (ou ne font pas la différence) et ont mis en œuvre des stratégies de communication qui visent à conférer à ces marques des éléments symboliques, facteurs de différenciation. Ils ont choisi le sport pour ses valeurs et communiquent en conséquence. Il faut se souvenir que l’image d’une entreprise est dépendante d’une relation, celle que l’entreprise mène avec ses clients, ses salariés, ses partenaires… Le but est bien d’inspirer la confiance et la bienveillance dans cette relation. Or, nous avons montré, arguments sociologiques à l’appui, que les individus définissent en partie leurs rapports aux organisations (entre autres composants d’une société) en intériorisant et rejetant des valeurs. Aussi, les groupes étudiés tentent concrètement d’attirer et de séduire des cibles, en s’associant directement aux valeurs sous-tendant les sports que ces mêmes cibles sont susceptibles d’apprécier, ou au moins de reconnaître. À ce stade, nous pouvons enfin assurer qu’il n’est pas hasardeux, et qu’il est même nécessaire d’affirmer « qu’il y a toujours eu une valeur dans l’entreprise qui a été prépondérante qui est l’esprit d’équipe »286 ou que « les arbitres comme les postiers sont investis d’une mission de service public et agissent au service de tous, partout en France et toute l’année »287. De tels arguments sont susceptibles de contribuer à une bonne image institutionnelle. Les sports sont des illustrations concrètes en termes de valeurs pour des millions de personnes en France. En effet, ces valeurs, qu’elles soient exprimées visuellement, textuellement ou par une action sur le terrain, sont comprises pour elles-mêmes, chaque individu y associant une réalité concrète et positive288. Ainsi, dans les supports de communication que nous avons inclus dans 284 Jean-Raphaël GAITEY, voir annexe 3, P.208 Géraldine MICHEL, Au cœur de la marque, Paris : Dunod, 2004, p.9 286 Caroline GUILLAUMIN, voir annexe 1, P.135 287 Jean-Raphaël GAITEY, voir annexe 3, P.192 288 Les groupes que nous étudions n’ont évidemment pas vocation à illustrer des valeurs qui pourraient être négativement perçues au sein de la société. 285 ~ 88 ~ notre recherche, la prévalence des différentes valeurs est telle que la nécessité économique/commerciale qui justifie l’émission de ces messages institutionnels est totalement absente des discours. Par conséquent, et au regard des supports utilisés par les 4 groupes étudiés, nous entrevoyons (ou ré-entrevoyons) des risques quant à l’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle. Le premier est de ne pas être crédible, un risque renforcé par l’émergence d’une sphère vigilante et très critique sur internet, dont les réseaux sociaux. Par exemple, une entreprise ne gagnera rien à se prétendre solidaire si son activité économique la trahit chaque jour. Mais plus précisément, eu égard à cette dernière partie, cette entreprise ne gagnera rien si la solidarité, en tant que valeur, ne se retrouve pas constamment dans sa communication institutionnelle. C’est un risque qu’encourt La Poste par manque de média en propre, alors que son action sur le terrain prouve concrètement l’engagement pris auprès des arbitres. Il faut que les valeurs intéressant l’entreprise dans un sport soient présentes dans ses discours dès lors qu’ils traitent de ce même sport : si le sport est une illustration concrète de ces valeurs, il est contreproductif, au moins d’un point de vue économique, de ne pas les transmettre dans les messages de nature sportive. Les 4 groupes étudiés en sont l’exemple : il existe aussi un risque, pour une stratégie de communication non adaptée ou insuffisamment provisionnée, de ne pas véhiculer les valeurs qui sont sa justification même. Ensuite, nous avons montré que chaque groupe a choisi ses sports en fonction de valeurs précises, en adéquation avec celles du groupe, avant de communiquer en conséquence. Un second risque est donc de ne pas identifier correctement les valeurs que les cibles pourraient reconnaître dans un sport. Par exemple, quelles auraient été les conséquences d’une communication institutionnelle par un groupe qui identifierait l’excellence individuelle comme valeur première du rugby ? Dans l’idéal d’une entreprise qui ne serait pas pressée outre mesure par le temps et ses finances, il est indispensable de consulter, voire de conduire, les études sociologiques et sémiologiques nécessaires à l’identification de tous les symboles et valeurs propre à chaque sport envisagé comme levier, ainsi que de la manière dont ces symboles et valeurs peuvent impacter la manière dont un passionné se définit. Cela permettra de communiquer en concordance avec l’image qu’ont la majorité des individus d’un sport, et de « prendre avec des pincettes » les éventuels éléments problématiques. ~ 89 ~ Par exemple, ceux qui ont choisi les sports de glisse savent qu’une sur-présence des partenaires dans l’organisation d’une épreuve sera très critiquée : c’est ainsi que Sosh laisse volontairement l’essentiel de l’organisation de l’épreuve qui porte son nom, la « Sosh Freestyle Cup », à ses fondateurs, les frères Benoît et Sylvain Moussilmani, dont la légitimité provient de leur vécu sur le circuit mondial de windsurf. Il convient pour chaque groupe de respecter les significations portées par des sports sur lequel ils n’ont aucun pouvoir réglementaire, donc de se rappeler constamment que le groupe est un acteur extérieur au sport, qu’il a toujours tout à prouver. Et c’est en respectant ces significations que le groupe pourra tenter de rassembler autour de lui les plus fervents amateurs d’un sport. ~ 90 ~ II. Atteindre son cœur de cible par un idéal communautaire 1. Orange et les supporters, Sosh et les riders Que ce soit au travers du rugby ou du football, Orange adresse en particulier ses messages à des supporters, c’est-à-dire à des personnes dont le rapport à un sport et/ou à une équipe atteint le stade passionnel, qui sont occasionnellement prêtes à se déplacer à travers le territoire, voire plusieurs pays, pour assister à des compétitions. À ce stade, l’attachement à un sport et/ou une équipe n’a peut-être plus rien de rationnel. Sur la plateforme (et ses réseaux sociaux) qu’Orange dédie au rugby, cela se traduit par l’exaltation d’un « esprit rugby ». Selon Pierre Villepreux et Vincent Lafon, « tous ceux qui ont joué au rugby ou s’y intéressent savent que ce jeu représente un mode de vie, porteur de valeurs fortes […] Le rugby est une instruction civique » comprenant le respect de son adversaire, de sa terre et des anciens, l’honneur, l’engagement et l’esprit d’équipe289. Ainsi, lorsqu’Avec le XV traite l’actualité du rugby français, ses articles (ou messages sur les réseaux sociaux) mettent en avant la dimension locale du rugby français, par exemple à travers des chroniques « Ma ville, mon club » qui soulignent l’importance de la participation de bénévoles et montrent les coulisses de chaque club. Ils mettent aussi en avant l’importance qu’occupe le public dans le rugby, moments difficiles inclus : les appels à encouragements sont permanents sur Facebook et Twitter, particulièrement à l’aube des matchs de l’Équipe de France de rugby, et permettent de générer beaucoup d’interaction, le plus souvent des réponses déchaînées. Et les community managers ne manquent pas de rappeler que les vrais amateurs de rugby ne désertent pas les travées lors des défaites : par exemple, le 22 février 2014, lors de la défaite de la France contre le Pays de Galle, Avec le XV concluait son message par « C’est dans ces moments-là que les Bleus ont besoin de vos soutiens ! ». Ainsi, si les contenus varient volontairement entre le site internet et les réseaux sociaux d’Avec le XV, ils ont le même but : rassembler ceux qui aiment le rugby plus pour ce qu’il représente que pour célébrer des victoires. Les réseaux sociaux sont ici pleinement employés pour rassembler derrière l’équipe nationale, ce qui se traduit par un engagement important des fans, postant par centaines sur Facebook leurs encouragements aux « bleus ». 289 Pierre VILLEPREUX et Vincent LAFON, L’esprit rugby : pour un autre leadership, Montreuil : Pearson Education France, 2007, pp.9-10 ~ 91 ~ La logique est la même lorsque le 12ème homme s’adresse aux supporters, avec lesquels il essaye d’interagir le plus possible, en leur demandant leurs pronostics avant un match, ou leurs réactions après celui-ci. Des concours réguliers sont organisés, permettant aux supporters de gagner des maillots et chaussures dédicacés, soit des objets communs (disponibles dans le commerce) qui acquièrent un réel sens grâce au paraphe de joueurs appréciés. Ces objets proviennent en grande partie des quelques joueurs de Ligue 1 avec qui Orange possède un contrat 290 , sélectionnés parmi « les plus digitaux » 291 , justement pour pouvoir générer une forme de relation entre le 12ème homme, des supporters et ces joueurs qui suscitent l’intérêt, voire la passion. Ces concours peuvent même permettre à certains supporters de réaliser leurs « rêves », à savoir côtoyer les joueurs contractualisés par Orange lors de séances d’entraînement, de mises au vert… C’est ce qui permettait à Orange de poster le 22 avril 2014, à la fois sur Twitter et Facebook, la vidéo d’un jeune supporter de l’Olympique de Marseille s’entraînant aux tirs au but avec le gardien titulaire de l’équipe [Voir annexe 15, P.241]. Ce sont les moments « inaccessibles » que désire promettre S. Tardivel, et qui semblent faire très envie aux abonnés des pages du 12ème homme. Cette plateforme essaye de rassembler les supporters les plus fervents en leur donnant la chance d’accéder à ce que personne ne peut vivre ou posséder en théorie : Orange prétend par exemple avoir offert plus de 9.000 maillots entre avril 2011 et avril 2014292. Ces messages et concours sont réguliers, ils peuvent aussi faire l’objet d’opérations plus larges, et la communication qui s’y associe alors véhicule l’esprit supporter. Par exemple, en mars 2012, Orange a lancé l’« Orange Supporters’ Cup », destinée à faire gagner aux participants un voyage, avec tickets d’entrée, au Championnat d’Europe de Football organisé en 2012 en Pologne et en Ukraine, auquel le groupe s’était contractuellement associé. Pour appuyer ce concours, des vidéos ont été conçues et diffusés sur internet via des publicités de type « pop-up », voire à la télévision (TF1, France 2…) ; deux retiennent notre attention, sachant qu’elles ont aussi été relayées sur les réseaux sociaux. Une première, « Rejoignez Orange Supporters' Cup » 293 , est chargée de faire connaître le concours sur 290 Liste disponible sur le12emehomme.com, rubrique « Team Orange ». Voir http://www.le12emehomme.com/teamorange 291 Stéphane TARDIVEL, voir annexe 2, P.177 292 Le 12ème homme, « Infographie 3 ans », dévoilée le 17/04/14 sur Facebook, Twitter et le site internet le12emehomme.com. Voir http://www.le12emehomme.com/news/infographie-3-ans 293 Orange, « Rejoignez Orange Supporters' Cup », sur Dailymotion, 21/03/12. Voir http://bit.ly/1feiW70 ~ 92 ~ internet : le clip arbore des éléments propres à l’imaginaire du supporter français : le stade « en fusion », le bus de voyage, les écharpes, les copains… La seconde, « Être supporter change avec Orange »294, présente le concours en télévision dans un cadre plus réaliste, et surtout très émotionnel : le supporter est valorisé dans son attachement à une équipe et dans tout ce qu’il pourrait accomplir en son nom. Être supporter ne serait pas un acte anodin ou ponctuel, mais une pratique internationale qui sous-tend l’existence d’un groupe, formé de gens passionnés (presque « possédés » – un des supporters travaille ses chants jusque dans sa baignoire) et impliqués (ils traversent toute l’Europe pour encourager leur équipe). Dans toute la communication d’Orange, le supporter (de football et de rugby) possède un statut valorisé, et l’adjectif « populaire » de ces sports prend son sens le plus positif, entendu comme le partage, l’exultation… Sosh applique aussi cette stratégie, avec les amateurs de glisse les plus fervents pour cible, à savoir ceux qui ont fait de ces sports un mode de vie. Le fait de ne pas mettre en avant que le sport mais aussi la culture qui y est associée est encore une fois le principe premier de l’exaltation d’un sentiment de communauté. Sosh, que ce soit sur le site internet Ride Sessions ou ses réseaux sociaux, relaye de la musique, des films, des artistes, des marques emblématiques, des fêtes… Tous ces contenus expriment un idéal commun, partagé par les amateurs de glisse les plus marqués, ceux qui tendent à former un groupe, avec ses codes, ses règles et ses figures. Nous pouvons prendre deux exemples de contenu qui véhiculent une culture à eux seuls. Le 1er est un court-métrage réalisé par un skateur soutenu par Sosh, Samuel Partaix, lors d’un voyage au Costa Rica295. Cette œuvre présente un skateur qui n’accomplit aucune réelle performance. Au contraire, il traverse un environnement varié (plaines rocheuses, banlieues…) mais toujours présenté de manière artistique, le tout sous couvert d’une musique électronique douce, mais angoissante. Ce court-métrage est décrit par son auteur comme une tranche de vie, essaye volontairement de dégager un esprit, le skateur se représentant dans une posture solitaire. En somme, n’ayant plus rien à voir avec le sport, ce court-métrage tente de faire ressentir quelque chose, mais seuls ceux qui se reconnaîtront dans les codes utilisés, ceux des sports de glisse, percevront un message ultra-personnalisé. 294 Orange, « Être supporter change avec Orange », sur la chaîne Dailymotion « OrangeSupportersCup », 27/04/12 Voir http://bit.ly/1edqrqA 295 Samuel PARTAIX, « Let yourself go », en collaboration avec Desillusion, 02/02/14 Voir http://www.desillusion-mag.com/letyourselfgo ~ 93 ~ Pour alimenter cet esprit de groupe, Sosh a aussi produit du contenu de marque, à l’exemple d’un voyage organisé en Californie (USA) du 10 mars au 4 avril 2014, pour 4 membres du team soutenu par Sosh. Baptisé « Couchriding », ce voyage avait vocation à être un « pèlerinage aux racines mêmes de la culture ride, dans le berceau du BMX, du skateboard et du surf, ces sports qui sont l’essence du ‘Californian Way Of Life’ » 296 . Les athlètes n’avaient aucun impératif de performance sportive, bien qu’ils se soient filmés lors de leurs acrobaties. Ils devaient se filmer en train de vivre et pratiquer leur sport dans des lieux qui font référence dans l’univers des sports de glisse, respectant au passage les grands classiques, presque clichés, de cet univers (dormir dans une caravane, se détendre face au soleil couchant…). Toutes les vidéos et photographies récoltées ont été exposées sur les réseaux sociaux, qui ont permis une couverture en temps réels de ce « road trip ». D’ailleurs, le projet se basait sur un appel à participation : via les réseaux sociaux, il était possible de proposer des lieux de pratique (des « spots ») où les athlètes pourraient s’exercer en Californie, des lieux où dormir… et ainsi gagner des produits de marques bien connues des amateurs de glisse (Vans, Electric…). Ainsi, Sosh développe à travers ses quelques productions de contenu de marque et sa communication sur les réseaux sociaux un idéal communautaire, essayant de rassembler les « riders » et de se poser en prescripteur auprès d’eux. Sosh et Orange développent leur utilisation du sport comme levier à travers l’émission de codes reconnus par leur cœur de cible. 2. Société Générale, de l’esprit d’équipe à l’esprit rugby Nous avons défini l’esprit rugby comme un ensemble de valeurs en traitant le cas d’Orange et Avec le XV. Pour comprendre la manière dont la Société Générale essaye de rassembler les passionnés autour de ses comptes Facebook et Twitter, il faut aussi noter que l’esprit rugby est un ensemble de codes visuels et textuels que la Société Générale respecte, afin d’atteindre l’objectif de création d’une communauté stable, mais aussi pour ne pas perdre en crédibilité. 296 Ride Sessions, « Couchriding : Le trip des riders Sosh en Californie ! », in ridesessions.com, 12/02/14 http://www.ridesessions.com/2014/02/couchriding-le-trip-des-riders-sosh-en-californie/ ~ 94 ~ Ces codes sont nombreux, et éparpillés dans les différents volets de la communication institutionnelle mise en place par la Société Générale autour du rugby. Nous les retrouvons tous rassemblés dans une initiative menée par le groupe en 2012 : c’était l’année du 25ème anniversaire du partenariat entre la Société Générale, aussi il était très important de marquer son caractère « extrêmement tenace »297. Comme nous l’avons déjà précisé, un visuel spécial a été créé pour l’occasion par l’agence Fred & Farid, avant d’être diffusé dans des publirédactionnels et sur internet, il convient maintenant d’analyser ce qu’il véhicule 298 [Voir annexe 14, P.240]. La photographie met en scène 14 joueurs de rugby dans un vestiaire. Ce sont tous d’anciens joueurs professionnels et membres de l’Équipe de France de rugby. La mise en scène a été conçue de manière à ce que le récepteur croie à un après-match : les joueurs discutent, les maillots sont sales et la buée, généralement causée par la sueur dans ce type de situations, est dense. D’ailleurs, l’horloge indique une heure qui ne laisse présager que la fin d’un match. Mais ça, seuls les amateurs de rugby le savent. Et c’est bien à eux que la Société Générale s’adresse ici. De nombreux éléments sont présents autour des rugbymen et portent ensemble une symbolique. Sont encadrés en bleu leurs effets vestimentaires: sacs en cuir, polos de couleur noble, chemises blanches... En jaune et en vert sont encadrés des éléments présents en désordre : ballons de rugby, maillots, chaussures à crampons, gourdes ainsi que le panier qui permet de les transporter [Voir annexe 14, P.240]. Enfin, d’autres références, plus discrètes, sont encadrées en rouge. À gauche se trouve un maillot de l’Équipe de France de rugby. À droite, quatre photographies sont encadrées : elles présentent des équipes complètes prenant une pose traditionnelle de début de saison299. Tous ces objets sont des éléments intrinsèquement sportifs, et le fait qu’ils soient ici pèle mêle renforcent l’idée d’un après-match. Ce sont des éléments qui rendent la scène naturelle, donnant une crédibilité à l’ensemble. D’un point de vue symbolique, cette photographie transpire volontairement l’esprit rugby. Dans l’imaginaire du rugby, le match est une épreuve physique, parfois traumatisante, et cette 297 Caroline GUILLAUMIN, voir annexe 1, P.142 Nous emprunterons à la sémiologie sa méthode en deux temps : description du dénotatif, puis analyse du connotatif. 299 Chaque saison, les équipes de rugby (comme celles de football, de handball…) sont photographiées au complet, les joueurs étant répartis sur plusieurs rangs, aux côtés de l’entraîneur. 298 ~ 95 ~ souffrance valorisée est ici présente dans la sueur répandue sur les fronts, les maillots sales et les quelques corps dénudés. Les joueurs ont visiblement lutté, mais rien ne laisse présager qu’ils s’en plaignent. Ils ont vécu un moment de cohésion. Les joueurs portent tous le même maillot, signe qu’ils font partie d’une même équipe. Et les gourdes et le panier sont là pour rappeler la symbolique du porteur d’eau : traditionnellement, les équipes désignaient l’un des leurs pour apporter l’eau à tous les autres joueurs. Ces gourdes symbolisent le partage, par l’exemple de l’eau, vitale au sportif. Ensuite, nous notons que l’esprit rugby est associé à une attitude concrète. Les vêtements, encadrés en bleu [Voir annexe 14, P.240], en sont la matérialisation. En effet, le style vestimentaire du rugby y est présent, à savoir celui d’un gentleman : des vêtements à col (chemise, polo…), des rayures… Ces joueurs, lorsqu’ils seront propres, seront élégants. Nous en arrivons donc à un mythe : le joueur de rugby idéal est fier, bien élevé… Le vêtement joue ici le rôle de code, un code que reprend la Société Générale en représentant ici un rugby plus élitiste que la réalité moins romanesque du rugby professionnel contemporain. Enfin, les photos rappellent un dernier élément de l’esprit rugby, à savoir le respect de la tradition. Volontairement anciennes, elles mettent en avant les « anciens », terme ô combien noble dans le lexique du rugby. La photographie s’inspire ici d’une culture quelque peu paternaliste, où l’ancien est le plus sage. Dans le monde du rugby français, nombreuses sont les anciennes gloires qui dispensent encore leurs conseils au sein des clubs et des fédérations, sans que cela ne soit contesté. Ce visuel est un condensé de tous les codes et significations que la Société Générale peut chercher à véhiculer au travers de Par Amour du Rugby et des opérations plus ponctuelles. Nous retrouvons par exemple la symbolique de la souffrance valorisée dans la campagne audiovisuelle diffusée en mars 2011 que nous avons déjà décrite : la pluie, la boue, les maillots sales, la fatigue, la douleur… qui ne dissuadent pourtant pas les sportifs de jouer. Nous retrouvons la figure des « anciens » dans les Journées de l’arbitrage où des professionnels transmettent leur technique et leurs valeurs aux plus jeunes ou aux non-initiés. Nous retrouvons la solidarité dans les photographies prises lors de ces Journées de l’arbitrage, notamment lorsque des jeunes joueurs se prennent par les épaules ou lorsque qu’un professionnel va rendre visible à un jeune malade dans un hôpital. Nous retrouvons ~ 96 ~ l’élégance supposée des rugbymen dans les innombrables photographies en noir et blanc que Par Amour du Rugby diffuse, imitant le style « Attitude rugby »300. Ainsi, que ce soit à travers les réseaux sociaux, de manière constante, ou les opérations ponctuelles, les passionnés de rugby qui sont touchés par les messages de la Société font face à un idéal. Le rugby est représenté dans une forme idéalisée, vierge de toute critique, voire romancée (pour ce qui est du visuel analysé, par exemple). Ainsi, il peut rassembler tous ceux qui partagent cette vision sans concession de ce qu’ils considèrent comme le plus beau des sports. C’est dans cet esprit que nous pouvons relever sur le compte Facebook de Par Amour du Rugby un nombre indéfinissable de commentaires opposant le vertueux rugby d’un côté, et le football de l’autre, décrié pour son individualisme, la prévalence de l’argent...301 Nous avons bien le cas d’une communauté qui exclut d’autres sports pour définir le sien et se rassembler autour. 3. Safran peut-il apporter un public régulier à son équipe ? « En 2008, nous étions derrière lui, nous l’avons soutenu et nous avons beaucoup apprécié sa 3ème place. Et nous espérons que cette année, il va réussir à faire au moins aussi bien »302. Dans les propos de Philippe Beurier, président de l’association « Challenge Voile Safran », tenus lors du banquet de l’édition 2012 de la régate interne au groupe, nous relevons le potentiel fédérateur d’une équipe de voile (et plus généralement d’une équipe sportive). Ce potentiel a plusieurs fois été concrétisé par Safran grâce à sa présence sur les réseaux sociaux, qui lui permet de proposer un espace de débat et de partage aux individus touchés par la grande médiatisation de certaines épreuves. Lors du Vendée Globe 2012/2013 303, pour le peu de temps qu’il a laissé à Marc Guillemot qui a perdu sa quille en moins de 24 heures, Safran a publié des messages réguliers afin d’appeler aux encouragements au profit de Marc Guillemot. De même, grâce à des vidéos et articles dédiés, Safran permettait aux intéressés 300 Attitude Rugby est un bimestriel français se consacrant au rugby, principalement à travers la photographie. Les clichés publiés (voire vendus) sont très travaillés, exclusivement en noir et blanc. 301 Ceci est une opinion exprimée avec récurrence dans les commentaires de la page Facebook « Par Amour du Rugby » et ne saurait être imputée à l’auteur. D’ailleurs, cette opinion pourrait être contestée par des faits qui ne sont pas exposés sur cette même page, le sentiment communautaire rendant difficile l’apport de la contradiction. 302 Philippe BEURIER, in Challenge Voile Safran, « La vidéo de l’édition 2012 », sur le site de l’association Challenge Voile Safran, octobre 2012. Voir http://bit.ly/1pxjohU 303 Les comptes Facebook et Twitter du Safran Sailing Team n’existaient pas lors de l’édition 2008/2009. ~ 97 ~ d’entrevoir les réelles conditions dans lesquelles Marc Guillemot allait concourir : visite du bateau et description du matériel, interviews du marin, position en temps réel… Les réseaux sociaux étaient ainsi configurés pour proposer, dans la limite des moyens techniques et financiers alloué au projet Safran Sailing Team, tous les éléments permettant à un amateur de suivre et encourager son équipe (son bateau) à distance. De même, la ligne éditoriale des pages de réseaux sociaux du Safran Sailing Team consacre un lien de proximité entre les abonnés et les marins, qui sont aussi incités à transmettre les vidéos qu’ils tournent sur leurs navires afin de faire vivre leurs courses, et qui sont nommés par leur diminutif par les community managers, ce que font les utilisateurs de ces réseaux en retour dans leurs commentaires304. Mais, la capacité de la communication de Safran à rassembler des amateurs de voile dépend en partie de ses performances. Par exemple, elle a été fortement impactée par les péripéties connues par Marc Guillemot. En effet, l’engagement sur la page a bondi le jour du départ (le 10 novembre 2012), atteignant un niveau (en termes de « j’aime », de partages et de commentaires sur Facebook – en termes de retweets sur Twitter) sans commune mesure avec la période de teasing qui a précédé la course. Cela indique l’importance des grands évènements dans la visibilité qu’acquiert l’action sur les réseaux sociaux de Safran : une fois la course prématurément stoppée, l’activité sur la page a retrouvé son niveau habituel et les encouragements à Marc Guillemot ont pratiquement disparu. Si nous considérons comme pertinente l’évaluation des actions de communication sur Facebook et Twitter en termes d’engagement305, nous relevons de nouveau le double risque que le sponsoring de Safran intègre, à savoir la dépendance de ses retombées à la participation du bateau Safran à des compétitions médiatisées et à un minimum de résultats. La dépendance aux bons résultats, si elle n’est pas démontrée comme totale, est corroborée par l’étude des retombées dans la presse : nous avons précédemment montré que Safran avait recueilli 3 fois moins de mentions de ses performances lors de l’édition 2012/2013 que lors de l’édition 2008/2009, avec une dominante plus neutre, voire négative eu égard aux problèmes techniques qu’a connu Safran en 2012/2013. 304 Sur les comptes Facebook et Twitter du Safran Sailing Team, Marc Guillemot devient « Marco » et Gwénolé Gahinet devient « Gwéno ». 305 Cela ne va pas de soi et quoi qu’il en soit, nous ne considérons pas cet indicateur comme suffisant. Cependant, nous nous trouvons limités dans la mesure de l’efficacité de la communication des 4 groupes étudiés sur les réseaux sociaux. Nous y reviendrons en conclusion. ~ 98 ~ La dépendance à la médiatisation des épreuves est aussi illustrée par notre revue de presse écrite. Prenons l’exemple de la Transat Jacques Vabre à laquelle Safran a participé en 2013, soit un évènement qui dresse un bilan médiatique moins important (tous indicateurs confondus) que le Vendée Globe306. Alors les réseaux sociaux tenus par Safran ont connu une activité comparable (en termes de messages postés et d’engagement) 307 , les retombées de presse écrite sont bien moindres : nous comptons 32 mentions pour 17 jours de course, dont seulement 3 de PQN, sachant que cette revue ne compte quasiment que des bilans de course, sans traitement personnalisé de la participation de Safran308. Aussi, la capacité de Safran à rassembler des individus autour de son statut d’armateur de course tend à être limitée de par l’architecture de sa communication institutionnelle. Si elle peut exprimer correctement les valeurs des marins compétiteurs sur ces réseaux sociaux, ils n’ont pas encore l’audience suffisamment constante pour générer un groupe au-delà de ceux qui ne se mobilisent que lors des grandes compétitions. Par comparaison avec la Société Générale et Orange/Sosh, nous mesurons non seulement l’importance de développer le versant évènementiel de l’utilisation du sport comme levier, ce que Safran semble réaliser avec efficacité en interne, mais nous relevons aussi l’importance de se situer sur des sports populaires et médiatisés en conséquence, faisant écho aux regrets exprimés par R. Laureau en entretien. 4. La Poste comme contre-exemple, malgré un réel potentiel « Vous ne trouverez aucun collaborateur qui soit contre ce partenariat, ils sont tous pour ! En revanche, […] ça ne déclenche pas un enthousiasme débordant »309 : si le constat semble simple quant à l’impact que génère en interne le partenariat entre La Poste et les arbitres de 4 sports majeurs, la réflexion équivalente est plus compliquée pour les cibles externes de la communication institutionnelle de La Poste. 306 Transat Jacques Vabre (organisateurs), Transat Jacques Vabre : La voile et le développement durable, décembre 2012. On note que la Transat Jacques Vabre ne dure qu’une vingtaine de jours pour les participants les moins rapides. 307 Quand bien même l’impact des messages n’est pas automatique, il faut garder à l’esprit que c’est Safran qui maîtrise l’émission de ses messages ici, et que le groupe a tout intérêt à maintenir une couverture constance de la course sur ses réseaux sociaux. 308 Source : établi par l’auteur après une revue de la PQR et de la PQN françaises du 07/11/13 au 25/11/13 (dates de la course). Les articles retenus sont ceux où les expressions « Transat Jacques Vabre » et « Safran » étaient présentes et directement liées. Les bilans de course sont inclus. Logiciel utilisé : FACTIVA Dow Jones 309 Rosaline LAUREAU, voir annexe 4, P.211 ~ 99 ~ Selon J-R. Gaitey, « la cible du partenariat, elle est mouvante et elle s’élargit »310, depuis les acteurs propres au sport jusqu’à son environnement (parents, éducateurs, journalistes…). Et aujourd’hui, La Poste aimerait atteindre le grand public et fédérer autour de la cause arbitrale. Cela implique, au vu de ce que nous étudié dans le cas de La Poste, de changer certaines pratiques, principalement la tenue actuelle des réseaux sociaux. Ces derniers possèdent un potentiel fédérateur, que nous avons par exemple constaté dans les cas de Ride Sessions, de Par Amour du Rugby... Ce potentiel ne dépend pas exclusivement du nombre de pratiquants, comme le démontre l’exemple du handisport autour duquel la Société Générale arrive à rassembler un public actif, sur Facebook et Twitter 311 . Il y a aujourd’hui 31.786 licenciés à la Fédération Française Handisport (FFH) 312 , pour plus de 55.727 arbitres dans les 4 disciplines que soutient La Poste313, tous deux représentent une communauté sportive réduite. Des entreprises s’adressent par les réseaux sociaux aux athlètes handisports et génèrent une actualité purement digitale autour d’eux, ce qui n’est pas le cas pour les arbitres. Pourtant, nous avons montré que l’implication de La Poste sur le terrain était réelle : sans organe capable de les relayer au-delà de leur cadre très localisé, puisque nous ne pouvons considérer ni son site internet, ni ses comptes de réseaux sociaux comme tel, les individus que La Poste peut rassembler autour des arbitres restent fragmentés. Et la portée des évènements que le groupe organise, ainsi que la durabilité de leurs retombées, s’en trouvent minorée, quoique dans des proportions difficilement mesurables. Néanmoins, conformément aux affirmations de J-R. Gaitey, qui a conscience de ces manques, La Poste fait évoluer des éléments de son utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle, dévoilant l’étendue des options de communication encore non développées. Le groupe dispose maintenant d’une chaîne Dailymotion pleinement active et plus à même d’être attractive, « Tous formidables »314, et sur cette chaîne sont rediffusées toutes les vidéos produites autour des arbitres et de leur actualité. C’est ce qui a permis à une websérie de 5 épisodes, en compagnie d’une campagne teasing aboutie et de sa diffusion dans 2.920 salles de cinéma, de trouver un public important 310 Jean-Raphaël GAITEY, voir annexe 3, P.198 https://twitter.com/TousHandisport ET https://www.facebook.com/TousHandisport 312 Chiffres donnés par la FFH, pour la saison 2012/2013. Nous pourrions ajouter les 50.000 licenciés déclarés par la Fédération Française des Sports Adaptés. 313 La Poste, Les 12èmes journées de l’arbitrage, Dossier de presse dévoilé le 23/10/13, p.9 314 http://www.dailymotion.com/sas/tousformidables 311 ~ 100 ~ en octobre-novembre 2013. Lors de cette opération qui s’inscrit toujours dans la logique de promotion des arbitres, La Poste a proposé un contenu d’un ordre radicalement différent : La Poste a décidé de faire rire, de divertir. C’est aussi un élément à prendre en compte lorsque nous notons que ces 5 épisodes totalisent plus de 117.000 vues, soit plus que toutes les autres séries produites par La Poste sur les arbitres. En effet, La Poste a ici produit un contenu inédit dans sa nature pour « dédramatiser notre rapport à l’arbitrage » et « illustrer les vertus arbitrales par la mise en scène de situations quotidiennes décalées »315. En effet, à travers 5 situations relativement communes travesties pour faire sourire, La Poste a essayé de démontrer qu’un arbitre était un « sportif »316, « un homme de confiance »317, « un médiateur »318, « un homme écouté »319 et un « fédérateur »320. L’initiative est très intéressante dans la mesure où elle est plus à même de rapprocher les arbitres des sportifs sur une plateforme digitale : les vidéos veulent en effet faire rire sur internet (dont les réseaux sociaux), là où pleuvent plus couramment les critiques (voire les insultes) contre les arbitres. Ce contenu digital se rapproche en ce sens de l’épisode « Couchriding » de Sosh ou des « 25 ans du rugby » de la Société Générale. Sachant que les réseaux sociaux et des plateformes comme Youtube laissent une place majeure au sport et au divertissement, produire plus régulièrement ce type de contenus et les véhiculer via des réseaux sociaux correctement et régulièrement développés pourrait amener La Poste à rassembler tout ceux qui apprécient les arbitres pour leur engagement et leurs qualités. Seulement, ce type de contenus est encore nouveau pour La Poste et nous avons vu que ses comptes de réseaux sociaux ne sont pas encore prêts. De plus, bien que l’arbitre soit valorisé dans notre société, rien ne nous indique qu’apporter une forme de divertissement et que respecter les codes symboliques propres à l’arbitrage, comme d’autres groupes étudiés le 315 La Poste, Les 12èmes journées de l’arbitrage, Dossier de presse dévoilé le 23/10/13, p.5 La Poste, Clip 1 : le sportif, sur la chaîne Dailymotion « Tous formidables », 15/10/13 Voir http://bit.ly/1q6Qsmv 317 La Poste, Clip 2 : un homme de confiance, sur la chaîne Dailymotion « Tous formidables », 15/10/13 Voir http://bit.ly/1fLPrMr 318 La Poste, Clip 3 : un médiateur, sur la chaîne Dailymotion « Tous formidables », 15/10/13 Voir http://bit.ly/1fJMHPf 319 La Poste, Clip 4 : un homme écouté, sur la chaîne Dailymotion « Tous formidables », 15/10/13 Voir http://bit.ly/1neiOZO 320 La Poste, Clip 5 : un fédérateur, sur la chaîne Dailymotion « Tous formidables », 15/10/13 Voir http://bit.ly/1lRE19E 316 ~ 101 ~ font pour les sports qu’ils soutiennent, permettra à La Poste de susciter un enthousiasme et de se poser en relai d’opinion sur les réseaux sociaux. Mais, nous notons que La Poste mène une action sur le terrain d’une régularité que les autres groupes n’ont pas atteint, preuve que le groupe a une crédibilité à faire valoir pour rassembler ceux que l’arbitrage intéresse et ainsi s’adresser aux plus grands passionnés d’arbitrage. Ceux-ci sont potentiellement nombreux et insérés dans les clubs sportifs français, ce qui augure un potentiel relationnel que La Poste doit encore concrétiser. 5. De la différence entre potentiel et performance réelle dans l’exaltation d’un esprit de groupe Nous avons examiné la capacité de chacun des groupes étudiés à rassembler les plus grands passionnés d’un même sport, en sachant cette étude technique sous-tendue par un fait sociologiquement établi : le sport rassemble les individus autour de valeurs, de codes et de figures, parfois jusqu’à la constitution de groupes autonomes. Mais, nous n’avons aucunement affirmé que le sport rassemblait tous les individus, ni qu’il était possible de rassembler tous les adeptes d’un même sport. C’est ainsi que les groupes étudiés tentent de véhiculer un idéal communautaire, c'est-à-dire une fiction dont l’influence sur l’individu doit être relativisée, sans comparaison possible avec celle qu’exerce une institution totale sur ses membres321. De ce point, et de l’étude des pratiques des 4 groupes de notre champ de recherche, nous en déduisons que l’esprit de groupe que les communicants peuvent espérer générer par le sport est un objectif très élevé et incertain. Envisager de l’atteindre nécessite de prendre en considération un ensemble de pré-requis, qui eux-mêmes, s’ils sont atteints ou non, différencient les groupes les plus impliqués dans leur utilisation du sport comme levier et les autres. À ce titre, une interrogation est soulevée eu égard à la présence de La Poste auprès des arbitres français. Cette fonction occupe-t-elle une place suffisamment appréciée parmi les nombreux autres acteurs du sport pour constituer un idéal aux yeux d’individus qui seraient de même des cibles intéressantes pour la communication institutionnelle de La Poste ? Bien que 321 Selon Erwin Goffman, une institution totale exerce sur l’homme « un traitement collectif conforme à un système d’organisation bureaucratique qui prend en charge tous ses besoin ». C’est donc une institution sociale très rare dans les sociétés occidentales. Source : Erwin GOFFMAN, Asiles, Paris : Editions de Minuit, 1968 (1961), p. 48 ~ 102 ~ valorisés, les arbitres seraient aussi « un peu incompris par les français »322 : bien qu’il puisse être louable de communiquer en leur nom, il n’est finalement pas avéré que les arbitres soient un bon levier de communication institutionnelle. Une meilleure utilisation par La Poste de ses droits sportifs pourrait nous prouver le contraire et faire écho au baromètre que le groupe finance. Ainsi, il faut que le sport choisi soit porteur d’un idéal suffisamment attrayant pour les cibles de la communication institutionnelle, mais il faut aussi que cet ensemble de valeurs, de représentations… soit suffisamment répandu et relayé. Et cela pourrait être une réelle interrogation pour Safran. La cohérence entre la voile et le groupe est maintenant assise, la voile porte un ensemble de valeurs très fortes que Safran sait relayer, mais une problématique de médiatisation est bien posée par R. Laureau. La voile manque d’une médiatisation constante en France, sachant qu’elle est inégale sur le territoire, centrée sur l’Ouest de la France et la capitale, et au niveau internationale. Or, Safran vise des étudiants de toutes régions, des partenaires industriels qui sont majoritairement internationaux et 40% de ses salariés le sont hors de France323. Pour les cas où le sport choisi par un groupe en fonction de cibles prédéfinies est médiatisé constamment et présente l’ensemble des éléments mobilisateurs précédemment énoncés, un potentiel peut être concrétisé. Nous avons vu qu’il est alors indispensable pour une entreprise de posséder des moyens de communication qui puissent rendre le rassemblement constant : aujourd’hui, les réseaux sociaux permettent d’émettre en temps constant les messages contenant les éléments symboliques en lesquels les passionnés d’un sport vont pouvoir se reconnaître et auxquels ils seront susceptibles de réagir, générant une interaction avec l’entreprise qui représente l’atout relationnel porté par le sport. Il convient alors pour chaque entreprise de respecter et intégrer dans un ensemble de messages réguliers les imaginaires propres à chaque sport. Ils sont un ensemble complexe et complet de symboles, de représentations, de discours, d’évènements… qui constituent ce que chaque sport a de plus attrayant aux yeux de ses adeptes. Subtils à retranscrire, ils ont pourtant la capacité à intéresser puis fédérer des cibles, à charge alors au groupe qui communique de s’associer harmonieusement au dit sport pour réaliser un transfert d’image fortement contributeur. C’est par exemple le cas de la Société Générale et de Sosh qui évitent toute 322 323 Jean-Raphaël GAITEY, voir annexe 3, P.212 Safran, Document de référence 2013, dévoilé le 31/03/14, p.3 ~ 103 ~ surexposition dans leurs sports respectifs, dont les relais d’opinion rejettent toute reprise commerciale trop apparente. L’ensemble est affaire de valeurs. Elles sont omniprésentes dans le sport et elles sont les caractéristiques d’une image institutionnelle qui pèse dans la capacité d’une entreprise à se différencier et réussir dans un environnement économique concurrentiel. Pour les 4 groupes que nous avons étudiés, les valeurs sont la matrice de tous les messages émis et évènements organisés, la crédibilité étant une clé pour qu’elles soient associées à ces groupes. Cette crédibilité est aussi fonction de leur capacité à communiquer régulièrement et correctement, respectant les codes propres à chaque sport, ceux-ci devant alors être correctement identifiés en amont de toute entreprise sérieuse, donc engageante sur le long terme et coûteuse, de communication institutionnelle au travers du sport. ~ 104 ~ CONCLUSION Nous nous demandions comment des groupes français, dotés des moyens financiers et humains suffisamment importants, pouvaient s’intégrer dans un (ou plusieurs) sport(s), puis comment cette intégration pouvait résulter en l’émission de messages institutionnels crédibles et fortement contributeurs à leur image. Nous répondons au regard de ce que nous avons identifié chez 4 groupes français, dont l’étendue des moyens, des techniques employées et des sports pénétrés les érige au rang d’exemples, qu’ils soient positifs ou non. Tout d’abord, afin que les messages émis par le groupe avec le sport comme levier puissent être considérés comme contributeurs à son image, il est nécessaire que ces mêmes messages répondent à un besoin stratégique. Ce qui peut ici sembler être une évidence est en réalité le résultat d’un long processus décisionnel qui vient à identifier le sport comme étant le bon relai entre une entreprise et ses cibles de communication. Or, ce n’est pas systématiquement le cas : le sport est certes très largement diffusé dans les sociétés occidentales, mais au point de recouvrir des réalités trop différentes pour être considéré comme un levier homogène, donc comme un levier à la portée de tous. Le sport est un levier de communication institutionnelle hétérogène et muable, « on ne peut pas plaire à tout le monde : à un moment donné, il faut avoir un parti pris ! »324. Ainsi, l’entreprise doit assurer une cohérence entre elle et le sport, entendue comme la non-dispersion entre plusieurs sports qui permettra à l’entreprise d’être lisible dans sa communication institutionnelle, soit un pré-requis pour espérer réussir l’association positive entre l’image d’un sport et l’image d’une entreprise. Ce constat est d’autant plus prégnant que les médias qui permettent aux entreprises de toucher leurs cibles sont de plus en plus fragmentés. C’est donc après avoir assuré l’existence du lien logique (à la fois dans sa présentation et sa réalité) entre un sport et l’entreprise (son activité et/ou ses valeurs et/ou son territoire…) que cette dernière va pouvoir mettre en place une stratégie de communication complète, loin de se contenter de la présence de son logo sur un maillot ou une panneautique. 324 Stéphane TARDIVEL, voir annexe 2, P.172 ~ 105 ~ Tous les supports inhérents à la communication institutionnelle, voire à la communication publicitaire, sont potentiellement pertinents. Mais un support tend à devenir indispensable : les réseaux sociaux sont devenus une base pour l’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle. Ils permettent aujourd’hui de rendre constante l’émission des différents messages liés au sport qui pourraient améliorer l’image de l’entreprise, sachant qu’ils peuvent aussi prolonger la durée de vie des opérations évènementielles et réduire leur dépendance aux retombées de presse. Ils permettent une interaction facile et informelle avec les cibles, dans une perspective relationnelle tout à fait en adéquation avec le potentiel fédérateur du sport et de ses équipes/athlètes les plus appréciés. Enfin, les réseaux sociaux offrent la possibilité d’un ciblage relativement précis Les réseaux sociaux donnent aux entreprises aussi la possibilité de réagir aux imprévus qui sont à la fois la beauté du sport et des risques potentiels pour les communicants. Car là est peut-être le résultat le plus important de ce mémoire : l’utilisation du sport comme levier par une entreprise ne doit jamais faire oublier aux cibles de la dite communication institutionnelle que le sport est une passion. Dans le cadre d’une recherche, nous avons sobrement défini le sport par ces acteurs et ses évènements, mais de nombreuses personnes le définissent avec des héros et des exploits. Les entreprises qui entendent améliorer leur image se tournent régulièrement vers le sport à juste titre, parce que leur communication institutionnelle est censée avoir en commun avec lui la promotion de valeurs. En dehors des autres pré-requis identifiés, l’enjeu est donc pour les entreprises communicantes de réussir à intégrer ces valeurs dans leurs messages, à la fois sans paraître faux, et sans rendre trop présentes d’éventuelles mentions commerciales qui pourraient être mal perçues par les adeptes d’un sport qui le considèrent comme un divertissement et lui attribue une éthique. Par ces seuls éléments, l’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle aurait comporté de bien gros avantages, permettant aux entreprises de communiquer en termes de valeurs, tout en intéressant leurs cibles. Si nous ne laissions parler que la sociologie la plus élémentaire, un tel raisonnement tiendrait. Seulement, nous avons révélé un impératif de cohérence : il doit aussi être entendu comme un impératif d’authenticité. Le lien entre une entreprise et le sport par lequel elle communique ne doit pas être effectif qu’en simples termes stratégiques ou en termes de valeurs. L’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle comporte un ~ 106 ~ risque majeur, celui de ne pas être crédible, donc d’engager des moyens financiers et humains dans une communication qui ne produira aucun résultat positif (dans le meilleur des cas). Il convient pour une entreprise d’envisager son intégration dans le sport à travers une échelle de temps qui sera assez longue pour permettre une réelle implication de l’entreprise dans l’évolution de ce même sport. Les 4 groupes que nous avons étudiés peuvent tous faire état d’actions concrètes menées dans les sports qu’ils soutiennent, ils sont entièrement crédibles. Seul Sosh, qui est une marque très jeune (2011), peut encore se voir contestée, mais, au vu de tous les actions mises en place, nous notons que ce n’est qu’une question de temps avant que cette marque ne soit complètement intégrée dans le champ des sports de glisse. Enfin, nous notons que chaque sport, en plus d’être un concentré de valeurs, est un « réservoir de symboles » 325 . En effet, chaque sport, après une longue période d’institutionnalisation, possède ses codes, ses figures, ses évènements-clé… qu’une entreprise qui communique à travers lui doit respecter, à la fois pour paraître crédible, mais aussi pour ne pas susciter le rejet des passionnés les plus fervents. Le sport, pour raisons d’efficacité, ne peut pas être considéré comme un simple prête-nom par les communicants. L’idée de rassembler les individus par le sport, quant à elle, tient en théorie. Dans la pratique, elle est soumise à toutes les conditions précédemment énoncées, plus des facteurs extérieurs au sport (réputation de l’entreprise, propension du champ sportif à accepter un acteur extérieur…) au point d’être un idéal que peu d‘entreprises communicantes ont atteint, et qui devrait faire l’objet d’une étude plus complète. Ainsi, une entreprise utilisera le sport comme un levier de communication institutionnelle efficace, donc émettra des messages qui contribueront à son image en exploitant un nombre très limité de sports, en s’impliquant concrètement et sincèrement dans ce(s) sport(s), en respectant et soulignant ses codes et valeurs. Le tout sera exécuté dans un souci de cohérence, de création (puis de préservation) de la crédibilité de l’entreprise, ce qui sous-entend enfin une réelle durabilité dans cette communication institutionnelle. Les réseaux sociaux seront pour cette entreprise un support de choix, mais insuffisant en soi, parce que devant être accompagnés de pratiques évènementielles divertissantes, d’interaction avec les cibles, d’achat d’espace… Le sport ne dispense pas les communicants d’avoir de l’imagination, requiert d’eux une grande coordination 325 Tribou GARY, in Patrick BOUCHET et Claude SOBRY (éd.), Management et marketing du sport : Du local au global, Villeneuve d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion, 2005, p.47 ~ 107 ~ dans les supports de communication, ainsi que la faculté à préserver le versant émotionnel du sport. Une question demeure. Nous avons montré que l’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle nécessitait du temps. Or, les communicants sont perpétuellement soumis dans les entreprises à des exercices de justification : une évaluation régulière et pertinente est nécessaire pour obtenir de dirigeants et/ou de salariés parfois sceptiques326 la continuation d’un projet qui n’apporte réellement à l’entreprise qu’après un nombre difficilement prévisible d’années. Peut-être de trop nombreuses années au regard de services financiers très mobilisés dans la gestion rigoureuse des dépenses de l’entreprise. Par exemple, S. Tardivel sait qu’il représente pour son entreprise un « centre de coût »327 dans un groupe qui doit réaliser des économies. L’évaluation est donc un aspect crucial dans l’utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle, mais qu’il nous était impossible de traiter, pour deux raisons. La première est que les études que mènent chacun des groupes étudiés sur leur image sont confidentielles, donc ne nous ont pas été accordées. Mais, une deuxième raison est plus problématique : il semble aujourd’hui très difficile d’identifier le lien entre la bonne image d’une entreprise et le fait qu’elle utilise le sport dans sa communication institutionnelle. Les responsables interrogés sont formels : « l’impact […] est extra-positif » 328 . Pourtant, tous marquent une incertitude lorsqu’est abordée la contribution réelle du sport à l’image de l’entreprise et marquent la difficulté de placer le sport dans les items des enquêtes de terrain. Prenons un exemple hypothétique : si la Société Générale relevait dans ses enquêtes une amélioration de son image, par une association croissante à celle-ci de valeurs que nous avons identifiées comme faisant partie de l’imaginaire du rugby, telle la solidarité, serait-il possible d’imputer directement ce progrès à l’action que la banque mène dans le rugby ? Et il est alors encore plus difficile de mesurer l’impact de cette communication institutionnelle sur les performances commerciales de l’entreprise. Toutes les entreprises que 326 Bien que nous ayons aussi montré que l’assentiment des salariés était un pré-requis à une correcte utilisation du sport comme levier de communication institutionnelle. Néanmoins, les investissements financiers requis, quand ils sont très élevés, peuvent être difficiles à justifier auprès de salariés qui n’auront pas été préalablement informés par une communication interne ad hoc. Ceci pour preuve supplémentaire que le sport doit être intégré dans une réflexion stratégique complète. 327 Stéphane TARDIVEL, voir annexe 2, P.183 328 Caroline GUILLAUMIN, voir annexe 1. P.155 ~ 108 ~ nous avons étudiées vendent des biens et services, en tirent leurs revenus. Si l’objectif de communication institutionnelle se voit relié à un objectif d’amélioration de la position de marché, la mise en évidence des effets positifs du sport pour l’entreprise devient très indirecte. L’évaluation est un enjeu majeur en communication, d’autant plus dans le cadre de notre sujet qui a consacré l’importance des réseaux sociaux. L’évaluation de la communication qui y prend place se limite encore aujourd’hui à des indicateurs quantitatifs. Or, le sport, bien que phénomène de masse, est toujours compris de manière personnalisée par les pratiquants qui lui associent tous une utilité différente et intériorisent de manière hétérogène les imaginaires collectifs que le sport véhicule. Nous n’alimenterons pas l’utopie d’un indicateur qui permettrait de qualifier une relation personnelle entre une marque et des dizaines de milliers de fans. Mais, nous pouvons par exemple rappeler l’importance d’une collaboration entre plusieurs disciplines comme la communication, la sociologie et la sémiotique (qui a déjà beaucoup aidé le marketing) pour arriver à dresser des profils d’amateurs de sport toujours plus fins et cohérents, et à comprendre comment eux comprennent le sport, avec quelles conséquences sur leur comportement vis-à-vis d’une entreprise qui utiliserait le sport comme levier communicationnel et relationnel. Ces profils devront être adaptables. Le sport est un ensemble de pratiques sociales qui a beaucoup évolué au fil des deux derniers siècles. Aujourd’hui, des millions de personnes se rassemblent tous les jours, ne serait-ce qu’en Europe, pour partager leur passion. Mais, nous ne saurions donner tort à ces mêmes personnes lorsqu’elles voient dans leurs sports favoris une dimension économique qui prend de plus en plus de place. Sans aller jusqu’à affirmer que la popularité de certains sports est menacée, la manière dont ils seront perçus au-delà du cercle des passionnés peut changer et les communicants devront s’adapter. ~ 109 ~ ~ 110 ~ BIBLIOGRAPHIE NB : Les monographies sont placées en premier. Les catégories suivantes sont classées par ordre alphabétique : Articles de presse (P.111) – Articles de recherche (P.122) – Etudes et enquêtes d’opinion (P.123) – Films (P.124) – Publications institutionnelles (P.124) – Sites internet (et éventuels réseaux sociaux associés) (P.128) – Vidéos (et émissions de radio) (P.129). 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Au service de tous, 14/08/13 Ligue Nationale de Rugby, Orange, passionné de rugby, 14/08/13 Ligue Nationale de Rugby, Par Amour du Rugby, depuis 1987, 14/08/13 Mondial du vent, Dossier de presse 2013, établi par les organisateurs et dévoilé le 04/04/13 Orange, Orange s’associe à l’UEFA pour sponsoriser l’UEFA EURO 2012 dans 11 pays et signe ainsi son plus important contrat de sponsoring sportif à l’échelle paneuropéenne, communiqué de presse du 19/01/11 Orange, Orange au cœur de Roland Garros 2011, communiqué de presse du 05/05/11 Orange, Orange, en partenariat avec IBM et la FFT, lance les applications officielles Roland Garros 2011 pour iPhone et iPad, communiqué de presse du 23/05/11 ~ 125 ~ Orange, Orange sur la ligne de départ du Tour de France 2011, communiqué de presse du 01/07/11 Orange, Coup d’envoi de la Ligue 1 le 6 août avec Orange !, communiqué de presse du 05/08/11 Orange, Orange, partenaire officiel de l’équipe de France de rugby lance le clip ‘le Mix des supporters’ : Une immense chaîne d’encouragements vidéo pour soutenir le XV de France, communiqué de presse du 11/08/11 Orange, Bouge tes crampons – Saison 3, communiqué de presse du 16/08/11 Orange, Orange, partenaire du football africain, étend sa plateforme mobile Football fan club, communiqué de presse du 31/10/11 Orange, Orange part à la rencontre des étudiants avec l’Orange rugby campus, communiqué de presse du 18/11/11 Orange, Rugby passions, un dispositif digital au cœur du Tournoi des VI Nations 2012, communiqué de presse du 26/01/12 Orange, À moins de 100 jours du coup d’envoi de l’UEFA EURO 2012, Orange lance la Supporters’ Cup pour faire gagner des places et bien plus encore, communiqué de presse du 12/03/12 Orange, Orange sponsor officiel de l’UEFA EURO 2012, annonce un partenariat mobile avec Sony Mobile Communications, communiqué de presse du 03/04/12 Orange, Orange et l’UEFA lancent la seule application mobile officielle dédiée à l’EURO 2012, créée par Orange, communiqué de presse du 12/04/12 Orange, Le 12ème homme d’Orange vous présente celui qui va enflammer l’UEFA EURO 2012, communiqué de presse du 16/05/12 Orange, Rapport annuel 2011, dévoilé le 05/06/12 Orange, Vivez le meilleur de Roland Garros 2012 avec Orange, communiqué de presse du 22/05/12 Orange, À une semaine du coup de l’UEFA EURO 2012, Orange aide les fans à se préparer à l’évènement, communiqué de presse du 06/06/12 Orange, Orange, fournisseur technique officiel du Vendée Globe 2012/2013, communiqué de presse du 26/09/12 Orange, En route pour le Tour de France 2012 avec Orange, communiqué de presse du 28/06/12 Orange, La finale nationale de l’Orange football challenge au Parc des Princes en présence d’Éric Abidal, communiqué de presse du 26/10/12 ~ 126 ~ Orange, Le Stade Brestois 29 remporte la 3ème finale nationale de l’Orange football challenge 2012, communiqué de presse du 05/11/12 Orange, 100% des matchs de Ligue 1 à regarder en direct sur smartphone et tablette avec Orange, communiqué de presse du 15/01/13 Orange, Rapport annuel 2012, dévoilé le 17/05/2013 Orange, Les Internationaux de France de Roland Garros 2013 avec Orange, communiqué de presse du 23/05/13 Orange, Orange, partenaire de 4EVER, présente en 1ère mondiale une chaîne expérimentale Haute Définition live HEVC à Roland Garros, communiqué de presse du 31/05/13 Orange, Orange au cœur du Tour de France à l’occasion de la 100ème édition, communiqué de presse du 27/06/13 Orange, Succès commerciaux et accélération de la baisse des coûts permettent à Orange d’atteindre son objectif de cash flow opérationnel 2013 de 7 milliards €. Résultat net part du Groupe plus que doublé à 1,9 milliard €, communiqué de presse du 06/03/14 Safran, Cinquième édition du Challenge Voile Safran du 17 au 19 septembre 2010 à Lorient, communiqué de presse du 16/09/10 Safran, Document de référence 2012, dévoilé le 02/04/13 Safran, Challenge Voile Safran du 13 au 15 septembre 2013 à Concarneau, communiqué de presse du 05/09/13 Safran, Document de référence 2013, dévoilé le 31/03/14 Société Générale, Avec la Tribu du XV, Société Générale veut promouvoir les valeurs du rugby auprès des jeunes, communiqué de presse du 06/06/11 Société Générale, Ensemble !, Publi-rédactionnel publié en septembre 2012, in l’Équipe Société Générale, Soutenons les sportifs aux Mondiaux d’Athlétisme Paralympiques, Publirédactionnel publié le 17/07/13, in le Figaro Société Générale, Rapport d’activité et de développement durable 2012-2013 : Bâtir la banque de demain, dévoilé en novembre 2013 Société Générale, Rapport financier annuel 2013, dévoilé le 12/02/14 Sosh, Sosh devient partenaire de la glisse, communiqué de presse du 12/03/12 Sosh, Sosh Freestyle Cup 2013, Dossier de presse dévoilé le 11/03/13 Sosh, ‘La Folie Sosh’ s’empare du Val d’Isère du 20 au 22 mars, communiqué de presse du 12/03/13 ~ 127 ~ Sosh, Sosh et la glisse, Dossier de presse dévoilé 07/09/13 Sosh, Sosh Freestyle Cup 2014, Dossier de presse dévoilé le 10/03/14 Transat Jacques Vabre (organisateurs), Transat Jacques Vabre : La voile et le développement durable, décembre 2012 Vendée Globe (organisateurs), Fact Book 2012-2013 : Vendée Globe, fournisseur de légendes depuis 1989, juillet 2011 Vendée Globe (organisateurs), Vendée Globe : Bilan chiffré 2012/2013, avril 2013 Sites internet (et éventuels réseaux sociaux associés) : NB1 : Les sites internet suivants sont pris en compte pour l’ensemble des contenus mis en ligne entre le 1er janvier 2012 et le 1er mai 2014. NB2 : Les pages de réseaux sociaux suivantes sont prises en compte pour l’ensemble des contenus mis en ligne entre le 1er janvier 2011 et le 1er mai 2014. Challenge Voile Safran : http://www.challenge-voile.info/ La Poste, Tous Arbitres sur Facebook : https://www.facebook.com/tousarbitres La Poste, Tous Arbitres sur Twitter : https://twitter.com/TousArbitres La Poste, Tous Arbitres : http://www.tousarbitres.fr/ Orange, Le 12ème homme : http://www.le12emehomme.com/ Orange, Le 12ème homme sur Facebook : https://www.facebook.com/le12emehomme Orange, Le 12ème homme sur Instagram : http://instagram.com/le12emehomme Orange, Le 12ème homme sur Pinterest : http://www.pinterest.com/orangefrance/orange-et-le-football/ Orange, Le 12ème homme sur Twitter : https://twitter.com/le12emehomme Safran, Safran Sailing Team : http://www.safran-sailingteam.com/ Safran, Safran Sailing Team sur Facebook : https://www.facebook.com/SafranSailingTeam Safran, Safran Sailing Team sur Twitter : https://twitter.com/SafranSailing Société Générale, Avancer Ensemble sur lefigaro.fr : http://avancerensemble.lefigaro.fr/ Société Générale, Par Amour du Rugby sur Facebook : https://www.facebook.com/Paramourdurugby ~ 128 ~ Société Générale, Par Amour du Rugby sur Twitter : https://twitter.com/Paramourdurugby Société Générale, Tous Handisport sur Facebook : https://www.facebook.com/TousHandisport Société Générale, Tous Handisport sur Twitter : https://twitter.com/TousHandisport Sosh, Ride Sessions : http://www.ridesessions.com/ Sosh, Ride Sessions sur Facebook : https://www.facebook.com/ridesessions Sosh, Ride Sessions sur Twitter : https://twitter.com/Ride_Sessions Vidéos (et émissions de radio) : Challenge Voile Safran, « La vidéo de l’édition 2012 », sur le site de l’association Challenge Voile Safran, octobre 2012 Voir http://bit.ly/1pxjohU Challenge Voile Safran, « La vidéo de l’édition 2013 », sur le site Safran Sailing Team, 25/09/13 Voir http://bit.ly/1dobYx2 COIFFIER Thierry, BERVILLE et Julien Florian BRETEZ, « Des journées pour sensibiliser au rôle de l’arbitrage », in Le 13H (TF1), 24/10/13 DOUMENG Jérôme et COUVRAND Laurence, « Une journée nationale pour promouvoir le rôle (difficile !) de l’arbitre », in le 12/13 (France 3 Auvergne), 03/11/13 France Info (rédaction), « Vendée Globe : Marc Guillemot au secours de Yann Eliès », 19/12/08 L’Équipe Magazine, « Et vous, vous aurez pu être arbitre ? 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Vabre », sur Youtube, 13/09/11 Voir http://bit.ly/1fbUsHC Société Générale et LNR, « La bande annonce des Journées des Ambassadeurs 2013 », sur la chaîne Youtube « Société Générale et vous », 21/01/13 Voir http://bit.ly/MKtSNW Société Générale et LNR, « Journées des Ambassadeurs 2013 – Versailles », sur la chaîne Dailymotion « LNR officiel », 07/03/13 Voir http://bit.ly/1kSahaK Société Générale et LNR, « Journées des Ambassadeurs 2013 – Niort », sur la chaîne Dailymotion « LNR officiel », 21/03/13 Voir http://bit.ly/1i9lyGj Société Générale et LNR, « Journées des Ambassadeurs 2013 – Les enfants parlent rugby », sur la chaîne Dailymotion « LNR officiel », 07/08/13 Voir http://bit.ly/1g7gyS0 Société Générale et LNR, « La bande annonce des Journées des Ambassadeurs 2014 », sur la chaîne Dailymotion « LNR officiel », 22/01/14 Voir http://bit.ly/1qpntKE Société Générale et LNR, « Journées des Ambassadeurs 2014 – Nancy », sur la chaîne Dailymotion « LNR officiel », 09/02/14 Voir http://bit.ly/1iB763V ~ 131 ~ Société Générale et LNR, « Journées des Ambassadeurs 2014 – Saint-Etienne », sur la chaîne Dailymotion « LNR officiel », 05/03/14 Voir http://bit.ly/1iB79N4 Société Générale et LNR, « Journées des Ambassadeurs 2014 – Meaux-Chessy », sur la chaîne Dailymotion « LNR officiel », 18/03/14 Voir http://bit.ly/1mK4ARb Société Générale et LNR, « Journées des Ambassadeurs 2014 – Saintes », sur la chaîne Dailymotion « LNR officiel », 02/04/14 Voir http://bit.ly/RyaC97 Société Générale, « Coupe du Monde de rugby 2011 : Société Générale sera là ! », sur la chaîne Youtube « Société Générale et vous », 21/02/11 Voir http://bit.ly/1nyM5w1 Société Générale, « L’esprit d’équipe », mars 2011, publicité disponible sur la chaîne Youtube « Société Générale et vous », 17/03/11 Voir http://bit.ly/Ry82jA Société Générale, « Tribu du XV : La sélection du jury », sur la chaîne Dailymotion « Société Générale», 28/06/11 Voir http://bit.ly/1g9UEXK Société Générale, « 25 ans d’amour du rugby – Making Of », sur la chaîne Youtube « Société Générale et vous », 08/06/12 Voir http://bit.ly/1lcQK5X Société Générale, « Une descente de Géante ! Sur les skis de Marie Bochet », sur la chaîne Youtube « Société Générale et vous », 05/03/13 Voir http://bit.ly/1dupRYp Société Générale, « J-2 ans avant la Coupe du Monde de rugby 2015 », sur la chaîne Youtube « Société Générale et vous », 18/09/13 Voir http://bit.ly/1iml1iH Vendée Globe TV, « Marc Guillemot 3ème et Sam Davies 4ème », sur Youtube, 21/07/11 Voir http://bit.ly/1jxLzeC Ride Sessions, « Billy Joe & Norah Jones – Kentucky », sur ridesessions.com, 10/04/14 Voir http://bit.ly/1j6mUkS ~ 132 ~ ANNEXES Sommaire Annexe 0 Note de retranscription relative aux entretiens Annexe 1 Entretien avec Caroline Guillaumin, Directrice de la communication de la Société Générale Annexe 2 Entretien avec Stéphane Tardivel, directeur du sponsoring, des partenariats et de l’évènementiel, au sein de la direction de la communication d’Orange Annexe 3 Entretien avec Jean-Raphaël Gaitey, responsable des partenariats sportifs et de la communication « Sportifs de haut niveau », au sein de la direction de la communication du Groupe La Poste Annexe 4 Entretien avec Rosaline Laureau, chargé du sponsoring sportif chez Safran, chargée de la communication externe du projet Safran Sailing Team Annexe 5 Questionnaire vierge Annexe 6 Visuels Société Générale Campagne institutionnelle (mars 2011) Annexe 7 Les 25 ans du rugby (Société Générale) Campagne institutionnelle 2012 Annexe 8 Stat’arbitre (La Poste) Annexe 9 Extrait du compte Twitter « Avec le XV » (30/04/14) Annexe 10 Photographie de couverture du site « Le 12ème homme » (Orange) et de sa page Facebook (au 01/05/14) Annexe 11 Emblème de « Par Amour du Rugby » (Société Générale) Facebook et Twitter (au 01/05/14) Annexe 12 Photographie de couverture de « Par Amour du Rugby » (Société Générale) Facebook et Twitter (au 01/05/14) Annexe 13 Journées des Ambassadeurs (Société Générale) Saint-Etienne (26-27 février 2014) Annexe 14 Visuel complémentaire : analyse du visuel « Les 25 ans du rugby » (Société Générale) Annexe 15 Extrait du compte Twitter « Le 12ème homme » (22/04/14) ~ 133 ~ P.134 P.135 P.163 P.189 P.213 P.228 P.231 P.233 P.234 P.235 P.236 P.237 P.237 P.238 P.240 P.241 Annexe 0 Note de retranscription relative aux entretiens Il convient ici d’expliquer et de justifier quelle a été la manière de retranscrire les entretiens réalisés dans le cadre du travail de terrain. Ils ont été enregistrés à l’aide du microphone d’un téléphone portable, les interrogés ayant bien sûr été prévenus dès les premiers contacts. La démarche fut de procéder à une retranscription fidèle des propos des interlocuteurs rencontrés. Des hésitations, des exclamations, certains tics de langage ou des constructions de phrase peu orthodoxes sont donc présentes dans les retranscriptions. Cela est justifié par la volonté de ne pas perdre de précieuses nuances, ni les points qui méritent clairement un éclaircissement. Ainsi, plus généralement, le but était de ne pas introduire un biais supplémentaire à la méthode de l’entretien semi-directif. Une seule exception demeure dans cette démarche. Si les personnes rencontrées, toutes cadres supérieurs en grande entreprise, ont pu faire preuve de précision et montrer leur expertise, elles n’ont pas moins cédé à l’utilisation intempestive d’une expression fétiche. Le produit de la retranscription devant rester lisible, des « en fait », « c'est-à-dire » et autres « vraiment » ont été ignorés lorsqu’ils étaient présents plus d’une fois par phrase. Mais toujours sans modifier le sens des propos et la manière dont ils ont été tenus. Chaque entretien est un accompagné d’un descriptif général présentant l’interlocuteur, son attitude et des détails importants dans la compréhension de la retranscription. Ensuite, chaque retranscription commence et se termine par un paragraphe en italique. Il traduit le début non enregistré de chaque entretien, dont l’arrivée sur le lieu de l’entretien, et les échanges lors de leur fin. Chaque réplique commence par le nom de celui qui la prononce, sous forme de ses initiales en caractères gras. Exemple : G.B. pour Gauthier Bencheikh. Au sein des propos tenus sont présents des didascalies. Elles concernent par définition ce qui n’est pas sonore (gestuel le plus souvent) ou non perceptible à travers une retranscription écrite (le ton, les interruptions…). Elles sont tapées entre crochets et en italique. Exemples : [il s’interrompt], [en décrivant un cercle englobant avec ses mains]… Pour finir, chaque retranscription comporte un nombre significatif de notes de bas de page. Leur relative abondance se justifie par le fait que les interlocuteurs émettent de nombreuses références à l’univers du sport, dont beaucoup ont besoin d’être explicitées lors de la lecture même, dans un souci de bonne compréhension. De même, il arrive aux interlocuteurs de se tromper, d’exagérer ou de ne pas rentrer dans les détails d’un point qui leur semble évident (souvent relatif à leur propre entreprise). La note de bas de page fera alors la rectification et/ou la contextualisation. ~ 134 ~ Annexe 1 Entretien avec Caroline Guillaumin, Directrice de la communication de la Société Générale Cet entretien s’est déroulé le 09 janvier 2014, au siège du groupe où je fus bien reçu (Tours Société Générale – La Défense), et a duré 1h04. Cet entretien s’est effectué dans le bureau de Mme Guillaumin, mais sans retenue : l’échange a rapidement perdu son côté formel. Lors de cet entretien, Mme Guillaumin fut très participative et prolifique dans ses réponses, avec très peu d’hésitations. Les nombreux « … » présents dans la retranscription marquent une volonté visible de trouver la formulation et l’exemple justes, quitte à couper elle-même son propos. Ainsi, l’entretien fut très intense. Cet entretien possède aussi un caractère un peu désordonné : Mme Guillaumin répondait fréquemment à l’avance aux questions que je comptais poser plus tard dans l’entretien, donnant des détails sur nos sujets de discussion ultérieurs. Arrivés dans son bureau, Mme Guillaumin me questionne d’abord sur mon parcours scolaire. Cela me permet de lui situer le mémoire dans le cadre du cursus Sciences Po et d’introduire le sujet de mon mémoire, puis de l’entretien. Alors, Mme Guillaumin sans plus tarder commence à parler avant que je ne pose ma première question. Caroline Guillaumin : Je dirais qu’il y a souvent plusieurs éléments qui poussent une entreprise – après je reviendrai sur la Société Générale en particulier – à utiliser le sport comme forme de… Alors vous pouvez l’utiliser comme forme de sponsoring ou mécénat selon la façon dont vous le gérez, mais globalement je dirais que la première, elle est souvent d’associer la marque à des valeurs sportives. Typiquement, à la Société Générale, on a fait le choix, depuis… [hésitation] je crois que le partenariat avec le rugby… [hésitation] Gauthier Bencheïkh : 25 ans ? C.G. : 25 ans ! On a fêté nos 25 ans l’année dernière. Et c’est vrai qu’il y a toujours eu une valeur dans l’entreprise qui a été prépondérante qui est l’esprit d’équipe [elle insiste sur le terme]. Vous avez du mal quand vous parlez d’esprit d’équipe à ne pas parler de valeurs sportives à côté. Et donc, c’est vrai que, déjà à l’origine, la valeur esprit d’équipe était très forte dans l’entreprise. Et elle s’est vue d’ailleurs… [elle s’interrompt] Il se trouve que l’on fête nos 150 ans : quand vous regardez les 150 ans de l’entreprise, il y a un point qui est extrêmement intéressant, c’est la capacité de mobilisation des équipes en période de crise. G.B. : D’accord. ~ 135 ~ C.G. : Et ça, c’était toujours extrêmement fort ! On a des historiens qui travaillent sur l’histoire des 150 ans, c’est absolument passionnant ! Et vous voyez effectivement un élément qui est extrêmement fort qui est la capacité de mobilisation… Un peu comme le sursaut sportif que vous avez en période un peu difficile, l’équipe qui est face à un mur ou face à une situation compliquée. G.B. : Savoir réagir face à un choc ? C.G. : Voilà ! Comment vous la gérez. Ça, c’est la première chose. C’est… je veux que mon entreprise, sa marque – la Société Générale pour nous – elle soit associée à des valeurs sportives. Et c’est vrai que ça marche, généralement [elle insiste sur le terme]. Quand vous choisissez bien votre sport, alors… typiquement le rugby… [hésitation] G.B. : Pour vous, c’est un prolongement logique ? C.G. : C’est un prolongement totalement logique parce que le rugby, c’est typiquement les valeurs d’esprit d’équipe qui ressortent. Alors après, si vous allez un peu dans le détail, vous allez toujours trouver des choses qui ne vont pas dans tel ou tel sport. Mais, globalement, si vous prenez l’ensemble des sports collectifs, je dirais vraiment, le rugby est associé à l’esprit d’équipe. Et donc, c’est vrai qu’à l’origine, l’idée, elle était de se dire « voilà, j’associe complètement mon entreprise – et donc, mes valeurs – aux valeurs sportives et donc, j’y fais référence dans mes discours, j’y fais référence quand je motive mes équipes… G.B. : [J’ajoute] Dans vos plaquettes ? C.G. : [Elle approuve] …dans mes plaquettes, j’y fais référence un peu partout ». La deuxième chose qui… nous, maintenant est quelque chose d’extrêmement important, c’est qu’on s’en sert aussi comme un lien client. Pourquoi ? [m’interrogeant] G.B. : Vous mentionnez votre PLV329 ? C.G. : Oui, mais… Plus que ça, c’est que nous, on se sert aussi de… [cherchant le mot juste] …de nos accointances, on va dire, rugby… c'est-à-dire, par exemple, dans les régions, on a des accords avec les clubs locaux et souvent les agences – de la Société Générale – font des évènements et invitent certains clients, évidemment, et certains sportifs [insistant pour signifier que c’est important]. Et c’est vrai que pour le client, être invité en même temps que « Monsieur Machin »… Moi, je les connais pas… je ne suis pas une grande spécialiste. Être invité avec le type de Toulon quand vous êtes à Toulon, c’est quand même quelque chose qui attire ! Même commercialement, il faut savoir que ça marche super bien ! G.B. : Ça descend vraiment toute la chaîne, en fait ? 329 Publicité sur le Lieu de Vente. ~ 136 ~ C.G. : Ça descend toute la chaîne ! En fait, à l’origine, quand on a fait le partenariat… – moi, je n’étais pas là il y a 25 ans – quand le partenariat a été fait, on était purement et simplement sur de l’association de valeurs : « je suis dans le rugby, et donc ma valeur principale, c’est l’esprit d’équipe ». Nous, il y a depuis 4-5 ans… et même un peu plus, on va dire… on l’a descendue, cette relation rugby dans tout ce qu’on fait. Vous allez le voir dans les PLV, vous allez le voir dans des relations publiques… Pourquoi on prend Wilkinson ? Parce que Wilkinson330, on va l’inviter dans certaines de nos soirées, il va venir rencontrer certains de nos clients, il va faire… Voyez, au moment de la Coupe du Monde331, on avait fait venir l’Équipe de France… enfin une partie de l’Équipe de France, en bas, dans les tours332, pour signer des autographes. Ça été la folie furieuse ! On avait Marc Lièvremont333, on avait les principaux joueurs qui étaient là… Si vous voulez, y a des photos… vous vous dites « ce n’est pas possible, ce n’est pas des gens qui travaillent dans une entreprise ! ». Nous, on avait peur même, on s’est dit « est-ce que les gens vont venir ? ». Ça a été la folie : la queue jusqu’à dehors pour aller faire signer un petit bout… [mimant la signature d’un bout de papier]. Là, le lien qu’ont les gens au sport, il est super émotionnel ! Et donc, quelque part, vous arrivez à motiver les… [se reprend] …vos équipes, parce que vous leur fournissez aussi ce lien avec quelque chose qui est émotionnel. Et donc, si vous voulez… en communication interne et en RH, c’est quelque chose d’extrêmement fort d’être capable d’offrir à vos collaborateurs cette chance se dire « j’ai la possibilité de toucher Lièvremont », qui à l’époque, était quand même une star… G.B. : [J’approuve] Point de vue français, oui… C.G. : Très bien ! En France, on entendait parler que de lui, l’Équipe de France avait fait un super parcours… On était au top ! Et aujourd’hui, on utilise énormément cette… [hésitation] je dirais ce lien qu’ont les équipes mais aussi les clients envers le sport pour, quelque part, créer ce lien avec l’entreprise. C'est-à-dire que, à travers le sport, parce que moi je suis associé au sport – au rugby – eh bien, je fais une espèce de transfert émotionnel qui fait que, les équipes se disent « j’ai une super entreprise puisqu’elle est dans le rugby ! ». Et donc, quelque part, ce lien est plus fort. Et puis les clients, c’est exactement pareil ! Ils se disent « tiens, Société Générale, c’est la banque du rugby donc c’est une banque bien ! ». Parce que vous faites vraiment un transfert de valeur. G.B. : Ce que je trouve aussi très intéressant, c’est que dans vos discours, dans vos slogans, c’est « dans le rugby ». Le mot de liaison « dans » est, je trouve, très intéressant d’un point de vue implication… 330 Caroline Guillaumin mentionne Jonny Wilkinson, joueur anglais de rugby à XV (demi d’ouverture et buteur), reconnu comme l’un des meilleurs joueurs de la dernière décennie. La Société Générale a récemment signé avec lui un contrat pour exploiter son image, ce que Mme Guillaumin m’a indiqué avant le début de l’entretien. 331 La Coupe du Monde de rugby 2011. 332 Caroline Guillaumin parle de la tour Société Générale, située au quartier de la Défense. 333 Sélectionneur de l’Équipe de France de rugby entre 2007 et 2011, ancien joueur international. ~ 137 ~ C.G. : Oui ! Oui, parce que… en fait… [hésitation] …C’est pour ça que je vous parlais de l’évolution. C'est-à-dire que vraiment, au démarrage, je dirais il y a 25 ans, on était vraiment purement et simplement la notion de sport. Et là, on utilise beaucoup plus ce partenariat. C'est-à-dire que l’on va effectivement créer des moments magiques avec des équipes. Voyez, pour les 25 ans, on avait fait un concours vidéo d’enfants, qui aimaient le rugby, qui devaient devant la caméra dire pourquoi ils aimaient le rugby. On a eu des vidéos génialissimes et, en fait, ces enfants étaient ensuite amenés dans des stades pour aller voir les matchs de l’Équipe de France. Et ensuite, derrière, ils allaient voir l’Équipe de France, ils allaient aux entraînements… Enfin bon, les gosses, ils étaient comme des dingues ! Comme des dingues ! C’était en priorité pour les enfants de nos collaborateurs, mais bon ensuite on a ouvert à tout le monde. Et c’est vrai que là, vous rentrez dans un monde où vous tirez au maximum. Donc, les équipes de mécénat et de sponsoring… leur job, au quotidien, c’est de faire en sorte, non pas juste de signer un contrat et de dire « bon bah voilà, j’ai le contrat avec la fédération ou j’ai le contrat avec la Coupe du Monde, puis je m’arrête là ». C’est de se dire « comment je peux tirer le maximum de ce contrat pour que les équipes en local, en région puissent en bénéficier, pour que je puisse faire chose, typiquement, une signature d’autographes en bas pour les collaborateurs, faire la même dans mes autres sites ». On reçoit la… [hésitation] Comment elle s’appelle ?! [Elle reprend]…la conférence de presse d’annonce de l’Équipe de France pour la Coupe du Monde s’est tenue ici ! G.B. : D’accord… C.G. : Ça a été un deal qu’on a fait. Ça nous a donné une visibilité, vous imaginez, on avait tous les journalistes sportifs de la place ! G.B. : Devant la tour ? C.G. : Ils étaient tous là ! Ils sont tous venus dans l’auditorium, ils ont tous vu… On a fait nous… C’est moi qui ai fait l’intro pour les accueillir. Ça fait une répercussion d’image de marque qui est énorme, qui est absolument énorme ! Et donc, tout ça, si vous voulez, vous tirez, vous tirez vraiment… [hésitation] G.B. : Dans tous les sens ? C.G. : [Elle reprend] …le fil, dans tous les sens. Après, ça c’est quand vous avez un sport majeur qui est par exemple… G.B. : Le rugby ? C.G. : Oui, le rugby. G.B. : Puisque vous êtes sur le golf… ~ 138 ~ C.G. : [Elle m’interrompt] On est sur le golf. Alors, sur le golf, on n’est pas sur de l’image, on est purement sur du business. Pourquoi ? Parce que le golf, on s’en sert dans une partie de la population parce que, en France, typiquement, le golf, c’est quand même vraiment une population CSP+. Et donc, l’idée, elle est de faire des partenariats en termes d’adhérents. Par exemple, on a des accords avec la FFG, qui est la Fédération Française de Golf… G.B. : [J’interromps] Oui, vous êtes « la banque du golf »334. C.G. : On est « la banque du golf », c'est-à-dire qu’on fait des accords… Si vous êtes Société Générale et que vous faites du golf, vous avez des réductions. Donc, là, on est plus sur du marketing, en fait. On utilise les bases de données de la fédération pour cibler des offres. Eux utilisent nos bases de données pour cibler des offres. Enfin… on fait du marketing croisé. G.B. : C’est plus un partenariat ? C.G. : C’est un partenariat, On est purement et simplement du partenariat. Par contre, on ne l’utilise pas en vecteur d’image. Donc, vous avez vraiment des vecteurs de business. Donc ça, c’est purement et simplement le golf… Et ça marche bien parce que… Par exemple, on est un grand partenaire de l’Open… [hésitation] G.B. : D’Évian ? C.G. : Évian. À l’Open Évian, on a un programme dans lequel on invite les plus gros clients de la banque à venir jouer avec les grandes joueuses mondiales. Vous êtes purement et simplement sur du relation-publique et du relation-commerciale. Donc là, on a vraiment, si vous voulez, dans notre stratégie de sport, on a vraiment deux mondes. On a un monde de l’image et l’image, c’est vraiment le rugby. Parce que c’est une valeur sûre, forte, qui dégage effectivement l’esprit d’équipe. Et puis vous avez du purement business-partenariat-marketing qui est… bah… voilà, et du relation-publique, j’invite mes clients, ils sont contents. G.B. : Tous les aspects de la communication sont en jeu en somme ? C.G. : Tous ! Alors, après… Si on sort de la Société Générale, mais même avec la Société Générale d’ailleurs, les risques, c’est quoi quand vous êtes dans le sport ? Bah, c’est la défaite. Et là où nous, on l’a gérée un peu différemment, c’est qu’en particulier, on est souvent des partenaires d’évènements, par exemple, on est partenaire de la Coupe du Monde335. Donc nous, ce qui nous importe, c’est que la Coupe du Monde se passe bien. On est aussi partenaire de la Fédération Française de Rugby, mais quand on est partenaire de la Coupe du Monde, on soutient toutes les équipes. C'est-à-dire que, ce qui nous importe, c’est l’esprit d’équipe, au niveau mondial. En France, on va évidemment soutenir la France. 334 335 Comme spécifié sur le site internet de la FFG. Cf. http://www.ffgolf.org/La-federation/Partenaires De rugby depuis l’édition 2007 et au moins jusqu’à l’édition 2015. ~ 139 ~ G.B. : Mais, ça vous permet d’assurer une certaine visibilité à l’international. C.G. : Ah bah… énorme ! La Coupe du Monde de rugby, c’est un très gros coup qu’on a fait… Et, c’est en 2015, c’est à Londres qui est une place financière pour nous énorme et extrêmement importante, et dans laquelle, si vous voulez, on va avoir une visibilité absolument énorme ! Surtout que… bon quand même on est très connu en France, on est connu à l’international mais il y a des endroits où l’on n’est pas très connu. Donc là, on espère que cette Coupe du Monde va nous accroître notre visibilité à l’international, ce qui est important. Mais, quand je parlais de défaite, c’est que… si vous demandez à d’autres entreprises qui ont… [hésitation] en particulier d’autres sports… le vrai problème, le vrai risque que vous avez quand vous vous alliez à un sport ou à une équipe, c’est les risques de dérapage. Regardez ce qui s’était passé sur le handball, quand il y avait eu… [hésitation] G.B. : Le scandale des frères Karabatic336 ? C.G. : Voilà… Quand il y avait eu… bah, l’Équipe de France de foot… Ça, je n’aurais pas aimé avoir… Moi, j’étais chez SFR à l’époque, on était dans le foot. Bon, je dirais que, personnellement, c’est un sport dans lequel moi, je considère qu’on ne peut plus, sans beaucoup de risques, être présent. Je pense qu’il y a des dérives telles… Alors, je ne dis pas qu’il n’y a pas de dérives dans le rugby. Mais, c’est encore un sport qui a échappé aux dérives qu’a eu le foot. G.B. : Surtout, le rugby est encore entre guillemets moins professionnalisé que le football. Les joueurs de rugby ne sont habilités à être professionnels que depuis 1995. C.G. : Exactement ! L’argent est moins présent. G.B. : Il y a encore un côté local. C.G. : Oui, c’est vraiment un sport… alors, encore une fois, il ne faut pas dire que tout est blanc… Mais, c’est encore un sport qui n’a pas été terni par des évènements. Le foot, et en particulier le foot français, pour moi… ça ne représente aucune des valeurs auxquelles j’aimerais associer mon entreprise ! Aucune ! Moi, je comprends que des entreprises le fassent, mais… G.B. : Ça ne serait pas compatible avec vous… C.G. : Pas du tout ! Ah pas du tout ! Moi, je veux dire… des mecs qui font des signes, tels qu’ils les font sur les stades337. Des gens qui font ce qu’ils ont fait, après la Coupe du Monde, 336 Affaire traitée au niveau judiciaire d’un cas de paris sportifs illicites présumés sur le match de handball opposant le Montpellier AH au Cesson-Rennes MHB, le 03 mai 2012. Le cas est encore en attente de jugement. 337 Caroline Guillaumin fait peut-être référence au geste dit de la « quenelle » exécuté par le footballeur français Nicolas Anelka lors d’un match de Premier League le 28 décembre 2013. Le joueur a été suspendu 5 matchs en février 2014. ~ 140 ~ les grèves dans le bus338… On est tellement haut et puis l’argent qui est tellement distribué… Enfin, l’aspect sportif et en plus, je dirais que ce qui me gêne le plus, mais plus sur l’Équipe de France de foot que presque sur des équipes locales… Je pense que localement, il y a encore des équipes de foot qui ont des valeurs, qui ont des valeurs du collectif. Je pense que l’Équipe de France, le problème, c’est qu’elle n’a plus de valeur du collectif. Elle est très dans l’individuel. Donc voilà, il y a des sports… Après, je pense que les choix sont souvent… D’abord, ça ne marche que si vous avez un partenariat de longue durée. Changer de sport, par exemple, tous les 3 ans, ça n’a aucun intérêt. Nous, c’est 25 ans, vous prenez BNP 339, ils ont un partenariat dans le tennis qui est de… [hésitation] G.B. : 20 ans. Un peu plus peut-être… C.G. : [Elle reprend] …qui est de 20 ans, je crois qu’ils l’ont fêté l’année dernière, qui est extrêmement solide et dans lequel ils sont présents partout. Ils sont présents sur les terrains, ils sont présents avec les jeunes… Ça aussi, nous… on n’en a pas parlé mais notre partenariat, notre partenariat rugby, il est aussi chez les jeunes. C'est-à-dire que l’on soutient le rugby à 7… G.B. : Le rugby à 13 aussi ? C.G. : Non, on soutient le rugby à 7, ça j’en suis sûre, et on soutient dans certains endroits le rugby universitaire… et on le soutient à l’étranger aussi, c'est-à-dire que là où le rugby est présent, on est présent. Il y a des pays où le rugby, c’est quasiment… [m’interrogeant] G.B. : Oui, il y a un cadre géographique déterminé. C.G. : Il y a un cadre géographique qui fait que… bon, il y a des pays… le rugby, ils ne savent même pas ce que c’est. G.B. : Et justement, sachant qu’en France, le rugby est essentiellement concentré dans le Sud du pays, est-ce que vous mesurez des différences de retombées, par exemple dans le Nord de la France ? C.G. : Non, parce que… C’est intéressant, parce que moi, je le pensais. Et, par exemple, quand on fait des évènements et que l’on invite des clients, les clients, en fait, sont souvent intéressés partout. Alors oui, il y a une appétence plus forte dans le Sud, faut être honnête, il y a de vrais aficionados dans le Sud. Mais, globalement, on n’a pas cette distinction quand il s’agit d’aller voir un match, par exemple, d’aller voir un beau match. Et la valeur rugby, 338 En référence à la médiatique grève des joueurs de l’Équipe de France de football lors de la Coupe du Monde 2010 de football, qui refusèrent de descendre d’un bus pour s’entraîner. L’impact sur l’image de l’Équipe de France fut important et les faits sont encore régulièrement rappelés par la presse aujourd’hui. 339 La banque BNP Paribas. ~ 141 ~ même si ce n’est pas un sport du Nord, elle existe quand même. C'est-à-dire les gens se disent pas… [m’interrogeant] G.B. : Les gens ont quand même l’esprit d’équipe en tête ? C.G. : Ouais ! Ouais… G.B. : Et d’autres valeurs ? Parce que l’on parle beaucoup d’esprit d’équipe mais, est-ce que vous avez d’autres valeurs… ? C.G. : C’est vraiment l’esprit d’équipe qui ressort, en fait, sur… euh… [hésitation] G.B. : Sur le tout ? C.G. : Ah ouais… Moi, ce que… Ce que nous, on essaye de faire émerger, qui n’est pas dans le rugby, c’est quand même de travailler la notion de diversité. Et en particulier parce que l’on soutient pas mal aussi des équipes féminines, par exemple. Ou bien, on va dans un certain nombre de pays pour soutenir effectivement les équipes. C’est peut-être la limite, mais c’est vrai dans tous les sports, en fait. G.B. : Donc, il semble que vous ne pouvez pas tout faire avec le rugby, ça correspond à… C.G. : [Elle m’interrompt] Non mais, par contre, on s’est rendu compte que dans les périodes de crise qu’on a connues, le rugby a été quelque chose qui nous a permis de conserver quand même cette valeur forte dans l’esprit des gens. C'est-à-dire dans les baromètres, le fait de nous associer au rugby nous fait remonter nos baromètres d’image. Donc, en fait, on considère vraiment que l’investissement que l’on fait depuis 25 ans, il a vraiment une force extrêmement tenace. C’est quelque chose qui marche super bien ! Mais, après… en autres valeurs… je dirais que vraiment… [Se reprenant] …enfin, c’est déjà pas mal. C’est vraiment la valeur du collectif, l’esprit d’équipe, la résilience quelque fois, enfin, ça marche assez bien aussi. Mais, c’est vraiment ça qui marche ! G.B. : D’accord, donc vous l’abordez au tout début, mais ce que vous mettez en avant grâce au sport, plusieurs partenariats, mais surtout un gros, vous mettez en avant la marque ? C.G. : Oui. G.B. : L’entreprise ? C.G. : Oui… alors, moi, j’ai tendance à dire que la marque et l’entreprise, c’est la même chose. Je sais que dans les cours, on parle souvent de…340 [me souriant] Aujourd’hui, il n’y a plus de différenciation entre la marque et l’entreprise, en fait. Vous avez un tout, On est dans un monde où il y a un 360° donc, de toute manière, vous pouvez plus parler, vous savez… il y 340 Faisant explicitement référence à ma situation d’étudiant. ~ 142 ~ a eu des périodes où l’on faisait, on disait « il y a la marque commerciale, la marque corporate… ». Ça, c’est du pipeau : il y a une seule marque. Quand vous faites une pub commerciale, le leader d’op’, il la voit. Et donc, il va réagir exactement de la même façon que le client de base. Donc, je dirais que moi, ce qui m’importe, c’est que… et quand je parle des valeurs de la marque, c’est vraiment les valeurs de l’entreprise puisque c’est les mêmes, et que l’esprit d’équipe, en gros, ce que je dis, c’est que... il y a une notion quand même dont je n’ai pas parlé, qui est peut-être une valeur supplémentaire au rugby, c’est la proximité. Les valeurs de proximité, c’est vraiment quelque chose qui fait que les gens se disent « il y a un lien plus facile avec la personne qui me parle ». Et ça, on le voit en particulier en province. La force du rugby est encore plus importante… enfin c'est-à-dire que, dans certains endroits, le rugby, c’est quand même… [cherchant le mot juste] G.B. : La religion ? C.G. : La religion ! Et là, le fait d’être dans la banque du rugby, c’est quand même un plus. D’autant plus… on fait gagner des places… voilà, il y a un certain nombre de choses qui sont attenantes. G.B. : D’accord, vous mettez aussi en avant vos produits ? C.G. : Oui, alors on a les cartes Visa… les cartes affinitaires, vous savez, on a un certain nombre de cartes Visa et on a les cartes rugby qui sont celles qui marchent, il me semble, le mieux d’ailleurs, qui sont des cartes sur lesquelles… effectivement, vous gagnez je crois, un certain nombre de choses et vous avez surtout une carte brandée FFR… et ça marche super bien. Parce que là, vous êtes dans une espèce de club en fait, autour du rugby. Donc ça, c’est exactement… c’est effectivement extrêmement fort également. G.B. : D’accord. Juste une question pour finir ce tout petit point : est-ce que le sport, donc le rugby par exemple, a une place dans votre communication financière ? C.G. : [Après quelques secondes de réflexion] Non, globalement… globalement pas. Je ne dis pas que l’on ne va pas s’en servir, que l’on ne va pas inviter des analystes ou autre… dans des matchs mais, en termes de lien, non. C’est vraiment le pan de la communication qui est peutêtre le plus isolé de ces mécénats et sponsorings, en fait. G.B. : Bien. Si l’on peut faire un petit retour sur vos objectifs – on les a bien abordés – mais… pour vous, c’est à la fois de la notoriété… et l’image ? C.G. : Ouais. On est même plus sur de l’image que de la notoriété. Parce que je dirais que la notoriété, on n’a pas forcément… enfin, quand on s’appelle Société Générale en France, moi je n’ai pas d’enjeu de notoriété. Si je suis au UK, par exemple, je vais avoir un enjeu de notoriété à travers le rugby… là oui ! Parce que je suis beaucoup moins connu, je suis ~ 143 ~ beaucoup plus petit, je n’ai pas de banque de détail, j’ai des banques d’investissement. Donc, clairement, pour moi, le rugby, ça va être un enjeu en 2015, ça va être mon enjeu de notoriété sur UK. En France, j’ai un enjeu purement d’image. C'est-à-dire effectivement m’associer à quelque chose de positif. Quand on est dans la banque aujourd'hui, ça fait des années que l’on souffre d’une image dégradée à cause des crises, à cause de l’affaire Kerviel, à cause d’un certain nombre de crises spécifiques, ou pas, du secteur bancaire. Et donc le fait de s’associer à quelque chose qui est vu… indubitablement comme positif… [hésitation] G.B. : Vous avez des études pour vous confirmer ça ? C.G. : On a des études qui montrent que c’est un aspect positif dans la marque. C’est quelque chose qui est vu comme positif et donc qui rajoute effectivement de l’image de marque en France, et je vous dis… notre enjeu maintenant, ça va être de l’utiliser en notoriété dans les pays où on n’est pas suffisamment présent. G.B. : Et, point de vue image… est-ce que cela vous sert aussi – je pense particulièrement au rugby mais vous pouvez me parler d’autres sports – à inspirer confiance ? Point de vue valeur : vous parliez de proximité peut-être ? C.G. : Oui… on peut le mettre sur la thématique de la confiance. Mais, là-dessus, je dirais… je n’ai pas d’étude spécifique, par contre, qui montre que ça fait le bridge. Parce que la confiance est quand même quelque chose d’extrêmement… comment dire… [quelques secondes] complexe ! Si vous voulez, quand vous avez une crise de confiance dans votre entreprise, je ne pense que le fait que vous soyez partenaire de la Fédération Française de Rugby va changer grand-chose. C'est-à-dire que les éléments, les triggers qui font que vous n’avez plus confiance, vous ne les remettez pas parce que… vous allez les retrouvez parce que l’on va vous dire qu’elle est solide la banque, qu’il n’y a pas de problème dans la crise… Voilà, c’est ça qui va faire que vraiment, vous allez les retrouver. Je dirais vraiment que… je n’irais pas forcément jusqu’à la confiance. On pourrait… on peut se dire que ça peut aider… mais en cas de perte de confiance, vous ne retrouvez pas la confiance parce que vous êtes dans le rugby. G.B. : Ça sert juste éventuellement à entretenir. C.G. : Ça consolide. Si vous êtes une banque solide, et qu’en plus, vous êtes associé à des valeurs effectivement… telles que celles du rugby, on se dit « voilà, il y a peut-être une espèce de vision solide ». Il y a un sport dont je n’ai pas parlé, et qui pour nous est extrêmement fort, en particulier depuis 2-3 ans, c’est l’handisport. On est un des partenaires principaux de la Fédération Française Handisport… avec EDF d’ailleurs. Et ça, c’est quelque chose qui… sur lequel il y a énormément d’émotion dans le groupe. C'est-à-dire, il y a une grande force… c’est assez [hésitation] …on a la chance d’avoir trois éléments, entre le rugby, ~ 144 ~ le golf et l’handisport, qui se complètent, en fait. Et le handisport apporte une part d’émotion extrêmement forte. Pourquoi ? Parce que l’on soutient à la fois la fédération et certaines des… G.B. : …Structures ? C.G. : Non, des athlètes. On a des athlètes de ski en particulier. On a des athlètes d’escrime. Et c’est des gens qu’on utilise beaucoup dans nos conventions, qui viennent nous parler de leur parcours, qui viennent nous parler de leur handicap, qui viennent nous expliquer comment ils ont surmonté en fait leur handicap et comment ils sont devenus des athlètes de très haut niveau. Et j’avoue qu’il y a une ferveur autour de ces athlètes… Elles sont suivies, sur les réseaux sociaux, les gens sont à fond derrière eux… Et c’est vrai qu’on les soutient, on soutient les compétitions… On était aux championnats du monde à Lyon, on sera à Sotchi. Bon voilà, il y a vraiment une espèce de ferveur, qui est presque encore plus émotionnelle que ne peut l’être la ferveur autour du rugby. Le rugby, faut vraiment que vous soyez… vous aimez ça. Tout le monde est plus ou moins derrière quand il y a l’Équipe de France-machin… Quand c’est le Top 14, il faut vraiment que vous soyez quand même un peu derrière. La fédération handisport… il y a une vraie énergie et on s’en sert aussi en sensibilisation pas mal pendant les périodes… on a quelque fois des semaines de citoyenneté et on a souvent des athlètes qui viennent parler justement de ce que c’est que le handicap, et ça sert beaucoup la mission handicap à l’intérieur du groupe. Vous savez que toutes les entreprises ont une mission handicap et quand on veut sensibiliser nos équipes à l’intégration des handicapés dans l’entreprise, on utilise les athlètes handisports, en fait. G.B. : Vous menez des conventions ? C.G. : Ils viennent dans les conventions, ils viennent expliquer aux équipes… G.B. : Beaucoup de fois dans l’année ? Je veux dire… c’est régulier ? C.G. : Là, par exemple… oh, comment s’appelle-t-elle ? Je l’adore cette fille ! L’athlète de ski… qui est championne olympique… [hésitation – elle regarde une affiche dans son bureau] C’est Marie Bochet341, je l’ai sur ma porte [en riant]. Marie, elle a été, je crois, dans peut-être 15 conventions dans les 3 derniers mois. Elle est invitée partout. G.B. : Depuis janvier, vous voulez dire ? C.G. : Non, depuis… depuis novembre. Je ne sais pas, je dirais octobre-novembre. Elle est allée dans la grande convention de la Société Générale, elle a rencontré Frédéric Oudéa, elle est reçue partout… parce qu’il y a une énorme admiration du groupe envers elle ! D’abord, elle est formidable… elle est assez exceptionnelle. Après, ce sont des athlètes exceptionnels ! 341 Marie Bochet (née en 1994) a remporté en réalité 7 titres lors de ses participations aux championnats du monde de ski alpin handisport et deux coupes du monde dans la même discipline. ~ 145 ~ C'est-à-dire que là, on a elle, on en a une autre qui est super… elle est quoi… je ne me souviens plus… Mais, c’est vrai que leur parcours est tellement exceptionnel que, là c’est… on est vraiment presque dans de la RH. C'est-à-dire que c’est aussi un moyen de motivation des équipes, un moyen aussi de faire comprendre aux équipes comment on gère des difficultés, des moments difficiles. Et puis, il y a un côté, effectivement, émotionnel d’avoir ces gens qui sont, encore une fois, des gens exceptionnels qui viennent vous parler. Donc, voilà, handisport… côté émotion et vraiment ferveur derrière, le rugby avec les valeurs collectives et puis le golf, plus sur la partie business. G.B. : D’accord. Et donc, depuis 25 ans… il est possible que la Société Générale ait sponsorisé du sport encore avant… C.G. : [Elle m’interrompt] Ah oui ! On a été un peu partout. On vous fera passer – je ne l’ai pas avec moi – mais on est en train d’écrire un livre sur les partenariats sportifs depuis 150 ans. G.B. : J’avoue que ça me plairait beaucoup. C.G. : Je vais demander à Raphaël342 de vous l’envoyer. Je crois qu’on l’a, il est en cours de relecture, il n’est pas terminé, mais on vous enverra le draft. G.B. : C’est super… Donc, depuis cette période, est-ce que vous avez recomposé l’image de votre entreprise, je veux dire ses éléments concrets, les points de vente, le site internet, le logo peut-être… C.G. : Vous voulez dire… ? G.B. : À travers le sport ? C.G. : Est-ce qu’il y a eu un impact du sport sur… ? G.B. : Sur l’apparence physique, j’ai envie de dire, de votre entreprise ? C.G. : Ah… Non, pas directement. On habille nos agences quand il y a des évènements, c'està-dire… une Coupe du Monde, bah l’agence est habillée à la Coupe du Monde, elle a des affiches Coupe du Monde et autres. Mais, le sport n’a pas d’impact sur l’apparence des sites… Alors… peut-être un truc, mais je ne suis jamais sûre. Quand vous êtes entré à la Société Générale, vous avez vu qu’il y a une espèce de grande… une œuvre d’art, en fait. G.B. : Oui, je l’ai vue. C.G. : Et nous, on l’appelle le « ballon de rugby ». 342 Personne travaillant apparemment pour la Société Générale, sans plus de détails. ~ 146 ~ G.B. : Est-ce que c’en est un ? C.G. : Eh bien je n’en sais rien, en fait. Je ne sais pas… L’artiste, c’est… [délai de réflexion] … Tom Carr, qui est un artiste assez connu et qui a fait effectivement ce… Et je me demande quand même et je vérifierai, je vous enverrai un petit mail. Je me demande si, en fait, il n’a pas été fait justement, cette œuvre d’art, qui est quand même imposante et qui est quand même au milieu du siège… n’a pas été faite justement en l’honneur du rugby343. G.B. : J’essayerai de trouver. C.G. : Voilà. Prenez-la en photo… [elle s’interrompt] …ah bah non, vous ne pouvez pas la prendre en photo, on vous l’enverra parce qu’ils n’autorisent pas les photos… G.B. : Je comprends. Donc… j’allais vous poser la question, mais on a entre guillemets déjà survolé le sujet, vous êtes dans le mécénat et le sponsoring… C.G. : Oui. G.B. : Donc… vous sponsorisez le rugby, le golf, le handisport… est-ce que vous avez d’autres partenariats qui m’auraient échappé ? C.G. : Oui, alors qui ne sont pas sportifs, mais on est dans deux mécénats, qui sont l’art contemporain, on a une collection extraordinaire, vous en avez une partie là, vous voyez, vous avez un Warhol derrière vous. Vous en avez un peu partout à l’étage quand vous vous promenez, vous avez des œuvres d’art en fait, vous en avez partout des œuvres d’art, toute la collection est dans les murs. G.B. : Je feuilletais d’ailleurs un livre, assez épais…344 C.G. : Oui, sur les œuvres d’art. C’est peut-être celui de… sur la collection d’art ? G.B. : Le nom m’échappe. C.G. : Donc, fonds d’art contemporain dans lequel on a une stratégie qui est d’ouverture : on prête nos œuvres dans les musées, on a des enfants qui viennent, pratiquement une fois par semaine, des écoles avoisinantes qui viennent visiter la collection d’art, avec leurs écoles… Voilà, on a plein de choses qui sont faites autour de l’art contemporain. On travaille avec des étudiants, d’ailleurs avec Sciences Po Paris qui vient travailler l’affichage, en fait, des œuvres… Et puis, on a la musique. On est mécène musical de musique classique, depuis… je dirais presque 20 ans également. Et là, on a une activité qui est de soutien de grandes 343 L’œuvre de Tom Carr a été commandée par la Société Générale en 1995. Nommée Seed & Helix, elle présente une ossature de métal rouge vide, de forme ovale, ressemblant à un ballon de rugby dressé verticalement. 344 Je feuilletais dans la salle d’attente un livre dédié aux œuvres d’un peintre iranien en exil, Rouzkhosh Ghass. ~ 147 ~ formations, de petites formations, d’artistes et de projets. Ce que l’on fait également, c’est des évènements, des concerts avec les salariés, donc ça c’est un concert qui a été fait à Pleyel l’année dernière… enfin, en 2013 [en me montrant une affiche représentant un orchestre complet], dans lequel vous avez l’orchestre des Siècles, qui est un grand orchestre français, vous avez la moitié des musiciens qui sont de l’orchestre et l’autre, ce sont des Société Générale, qui sont des musiciens qui ont entre un an et 20 ans de musique… Et donc, ils ont travaillé pendant un an pour faire ce concert. G.B. : D’accord. Et les messages qui sont écrits dessus, ils viennent d’eux ? C.G. : Non, ça, c’est tous les gens de l’orchestre qui m’ont signé le… qui ont signé pour me remercier, en fait, parce que c’était une initiative d’ici. G.B. : Comment articulez-vous donc l’art et la musique classique avec le sport ? Est-ce qu’il y a un lien ? Une complémentarité ? C.G. : Oui, en fait, on mixe… c’est assez marrant ! Parce qu’à l’origine, non, c’étaient trois tracks différents. Là, c’est dans la même équipe… et donc, l’équipe travaille avec du… j’ai envie de dire presque, avec du cross-selling, c'est-à-dire que, je prends un exemple, on va faire… je ne sais pas, moi… on va faire une inauguration dans une agence, où ils veulent faire une réception pour des clients, on va leur prêter un peu d’art contemporain – par exemple on va leur prêter 4 œuvres – et on va faire venir une de nos formations musicales qui va jouer. On mixe pas mal ! Alors, avec le rugby, c’est plus sur les réseaux sociaux qu’on mixe les communautés, en fait. C'est-à-dire que l’on fait en sorte que la communauté rugby soit au courant de ce qui se passe dans la musique… voilà ! On essaye de créer des bridges, après, c’est quand même, en termes de partenariat, c’est des partenariats séparés ! G.B. : D’accord… C.G. : [Avant que je repose une question] Par contre, on atteint des cibles… En fait, on a une cible commune entre guillemets aux 3, sur laquelle on travaille de plus en plus, c’est les jeunes et les étudiants. C'est-à-dire que, pour le coup, que ce soit le rugby, que ce soit l’art contemporain ou la musique, on travaille beaucoup avec des jeunes, ou des étudiants… on a des concours de musique classique qu’on a montés depuis deux ans, dans lesquels vous pouvez gagner un violon ou un violoncelle. Et c’est devant un jury très prestigieux, donc… Mais, c’est vrai qu’on a un focus autour des jeunes et des étudiants. Et puis ensuite, on a un focus autour de l’excellence dans tout ce que l’on fait, c'est-à-dire… avoir quand même, que ce soit de l’art contemporain, c’est quand même des œuvres absolument magnifiques, mais on a beaucoup de jeunes talents aussi, en art contemporain. On a des jeunes, des émergents. On va chercher des émergents en Chine, en Russie., en Roumanie… ~ 148 ~ G.B. : Et pour avoir un ordre d’idée… l’argent, les fonds que vous consacrez au mécénat artistique et à votre communication par le sport ? C.G. : C’est beaucoup plus petit ! Tout ce qui est mécénat musical et mécénat artistique, on va dire que c’est de l’ordre de… Alors, les chiffres ne sont pas publics, donc vous ne les marquerez pas mais, mais, je vous les donne pour que vous ayez un ordre d’idée : le mécénat artistique, ça doit être un budget qui doit être entre [X] €345. Le mécénat musical doit être entre [X’] €346. Le mécénat sportif doit être, avec la Coupe du monde, autour des [X’’] €347 ! G.B. : D’accord. C.G. : Voilà ! Donc, vous voyez, le sujet du sport, c’est que très vite, ça coûte très très cher ! Et si vous rajoutez en plus la nécessité de faire des campagnes de communication autour… bah, vous montez encore plus ! Parce que là, je n’inclus même pas la pub que je peux faire sur tel ou tel évènement. G.B. : Ok. Parce que, justement, j’allais poser une autre question… mais on peut passer à cette question d’abord, j’allais vous demander si vous communiquiez sur le rugby… ça a l’air évident comme question, mais… C.G. : Oui, on communique… oui, mais pas toujours, parce qu’il y a des sports sur lesquels on ne communique pas. Comme je vous le disais, le golf, je ne communique pas dessus. Le rugby, on communique surtout au moment des grands évènements, donc on va communiquer beaucoup lors de la Coupe du Monde, on communique au moment du Top 14… On a les Talents d’Or, des choses comme ça… On communique au moment des Coupes du Monde ou autres : quand il y a des évènements, on communique ! En dehors de ces phases là, pas tellement. G.B. : Le sport ne vous fait pas communiquer plus en soi ? C.G. : Si, parce qu’en fait, ce sont des budgets additionnels par rapport à notre business. G.B. : D’accord. C.G. : Nous, on n’a pas fait le choix qu’a fait par exemple la GMF : la GMF, sa communication business, elle est intégrée dans le sport. C'est-à-dire que vous avez la pub où vous avez les sportifs qui poussent la voiture… Eux, ils ont intégré le rugby dans leur communication… [hésitation] G.B. : Grand public ? 345 Comme mentionné au dessus, ce montant est confidentiel. Idem. 347 Idem. 346 ~ 149 ~ C.G. : Business ! Grand public, oui. Nous, on ne l’a pas fait, on a séparé. Je ne dis pas que ça ne va pas évoluer, mais pour l’instant, on l’a séparé. Donc, là, si vous voulez, c’est vrai que… [elle s’interrompt] …mais par exemple, typiquement, on va beaucoup plus communiquer en 2014 et en 2015 sur le rugby, vous allez beaucoup plus nous voir. Pourquoi ? Parce que 2014, c’est les 150 ans de l’entreprise, et donc on va se servir aussi du rugby pour parler de nos valeurs collectives. Et puis 2015, c’est la Coupe du Monde de rugby, donc là, on va quand même beaucoup communiquer sur le rugby. Après, sur les autres partenariats… Golf, on ne communique quasiment pas, en communication externe, je veux dire… en pub ! Mécénat et musique, on communique un petit peu, on fait un peu de publicité dite corporate, on en a fait un peu l’année dernière, on va vous en envoyer… bah, voilà… c’est vraiment anecdotique ! On en a un petit peu mais c’est histoire de juste dire « voilà ; on est présent dans la musique et l’art contemporain ». G.B. : Et juste une question : là, c’est peut-être une question de vocabulaire, mais… pour le lien qu’entretient la Société Générale avec le sport, particulièrement le rugby, pour vous, c’est du partenariat ? On est au-delà du sponsoring ? C.G. : Ah oui ! G.B. : Oui ? C.G. : La relation, par exemple, qu’il y a entre le président de la FFR et mon patron, elle est extrêmement forte ! Je veux dire… Et puis pour la FFR, si vous leur dites « Société Générale », pour eux c’est un partenaire qui ne partira jamais ! Et nous, on est… [elle se reprend] Bon, je ne dis pas, il ne faut jamais dire jamais. Mais, pour nous… quand on fait la renégociation du partenariat, on ne se dit pas « bon, bah est-ce qu’on sort ou est-ce qu’on reste ? ». On dit « est-ce qu’on paye moins cher ou est-ce qu’on paye plus cher ? ». G.B. : Mais, vous voulez rester ? C.G. : Bien sûr ! Quand vous avez 25 ans d’un partenariat comme ça, le fait de sortir… [hésitation] G.B. : Vous capitalisez ? C.G. : Bah, ça serait débile ! En termes de com’, ça serait débile ! Donc, vous ne pouvez pas sortir. Quand vous êtes dans un petit sport, ou un truc anecdotique, vous pouvez toujours vous poser la question, mais pas quand vous êtes dans un tel sport. G.B. : C’est vraiment du long terme… C.G. : C’est du long terme. Ça fait partie de l’histoire de l’entreprise. Moi, j’ai envie de dire… le partenariat fait partie de l’histoire de l’entreprise. ~ 150 ~ G.B. : Et vous avez parlé des liens de la fédération de rugby vers la Société Générale, mais est-ce que la fédération de rugby, ou le Top 14, ont en somme besoin de vous ? C.G. : Oui, parce qu’ils ont besoin de partenaires. Financièrement, oui. Après… j’ai envie de dire, si ce n’est pas nous, ça serait quelqu’un d’autre. Mais, je pense… Après, je ne peux pas parler pour les instances, mais quand on discute avec les instances du rugby, par exemple, il y a encore un côté très émotionnel dans la relation. C'est-à-dire qu’ils considèrent que l’on est leur partenaire ! Donc, je pense que si demain on venait les voir, on dit « on décide de partir »… ça serait un énorme choc ! Ça serait même… ça serait difficilement envisageable, je pense même. Donc, oui, oui, quand ils viennent… je ne sais pas, il y a 3 mois, on avait l’ensemble des fédérations de rugby au niveau européen qui se sont réunis ici [en décrivant un cercle englobant avec ses mains], le soir ! On leur a fait… ils ont eu un dîner, on a fait une grande photo dans le hall avec eux… G.B. : Ces photos, elles sont affichées ? C.G. : Non. Ils les ont gardées… enfin, c’est pour eux mais… on communique sur tout ça… G.B. : En somme, cette photo, par exemple, c’est pour l’esprit ? C.G. : Ah oui, bien sûr, c’est juste pour nous… Là, ce n’est pas de la com’ ! Non, là ce n’est pas de la com’ ! C’est vraiment… Voilà, ça nous fait plaisir d’être avec eux. G.B. : D’accord. Et si l’on parlait juste un petit peu cible, à travers ce mécénat sportif, sachant que le sport, point de vue social, ça touche tout le monde… C.G. : Oui ? G.B. : De toute les catégories sociales… Qui est-ce que vous visez à travers le sport ou à travers quel sport ? C.G. : Quand on prend le rugby… Bon, quand on prend le golf, on l’a dit, on est vraiment sur du CSP+. Donc là, on a une cible assez… détourée, de cadres, cadres sup’… Voilà, là, là si vous voulez, en gros, vous êtes sur de la banque privée. La banque privée, c’est du CSP+ et le sport comme le golf, ça correspond parfaitement à ça. Là, vous avez un détourage… rugby, ce n’est pas le cas ! Rugby, vous touchez des populations aisées, des populations plutôt… non aisées, vous touchez tous les patrons du CAC40. Parce que, paradoxalement, c’est un des sports qui est le plus regardé par les patrons et les CSP+. Mais, vous avez toutes les populations. Nous, on n’a pas… comme on est plus sur de l’image que sur une cible commerciale, on n’a pas de cible commerciale avec le rugby. Le rugby, pour nous, ça apporte une bienveillance envers l’entreprise. C’est vraiment ça ! Donc, quelque soit la population qui est ciblée… on n’a pas de cible ! Quand on fait notre pub, on fait une pub qui est très ~ 151 ~ marquée… qui est très tout public. Si on devait faire une pub sur le golf, on ferait une pub plus banque privée, feutrée… G.B. : Et pas sur n’importe quels canaux, j’imagine… C.G. : Non ! Bah non ! Parce que la banque privée, typiquement, on ne l’a met pas sur tous les canaux. Mais par contre, sur le rugby, on est sur l’Équipe ! On est… Généralement, on prend l’Équipe, on prend l’Olympique de Marseille, l’OM… [elle se reprend]. Non ce n’est pas l’OM, comment il s’appelle ?! G.B. : Le club de football ou de rugby ? C.G. : Non, non, non ! Le canard ! G.B. : Le… ? Pardon [alors en totale incompréhension] ? C.G. : Le journal ! G.B. : La Provence ? C.G. : Non. G.B. : Le Midi Libre ? C.G. : Non… Bon, ça me revenir. Ce n’est pas grave. Mais bref ! On est dans des journaux très grand public. C'est-à-dire que l’on ne va pas mettre dans Le Nouvel Obs’ une pub sur le rugby… on est vraiment dans du grand public, on va mettre Le Parisien… On va mettre… Voilà, du grand public ! Parce que, pour le coup, c’est un sport qui va parler à tout le monde. Et cela n’empêche pas que l’Équipe, vous allez avoir le mec dans on bistrot qui va le lire et vous allez avoir le patron du CAC40 qui va le lire. C’est extrêmement intéressant ! G.B. : Donc, en soi, un attrait du sport, si je comprends bien, c’est pouvoir toucher tout le monde. C.G. : Bah oui ! Dans ce sport là, oui ! G.B. : Et, point de vue sport, est-ce que, dans votre image, vous êtes représentés par… je ne sais pas si je peux utiliser le terme égérie mais… par des figures, des sportifs professionnels ? C.G. : Bah justement, généralement non… Généralement non, c'est-à-dire que… Alors, dans le… [se reprend] Si, dans le golf, on a soutenu certains joueurs. Donc ça, c’était plus dans la banque privée. Dans le handisport, ce que je vous disais, on a des égéries… enfin, on soutient certaines sportives, en particulier des femmes…. donc là, oui ! Dans le rugby, d’habitude, non. Mais, il se trouve que pour la Coupe du Monde de rugby, on a fait des contrats avec trois joueurs… ~ 152 ~ G.B. : Jonny Wilkinson ? C.G. : Jonny Wilkinson, avec deux autres qui sont en cours de signature donc je ne peux pas en parler. Là, de façon totalement, je dirais, ponctuelle, pour les deux ans qui viennent on a des égéries, entre guillemets. Alors, je ne suis pas sûre qu’on les utilisera en pub. Mais, on les utilisera en représentation, on les utilisera en interne, pour nos clients… G.B. : J’allais justement vous poser la question du support : pas de publicité là-dessus ? C.G. : Non, à priori non, mais ça… là, je dois dire que, comme l’agence de com’ est en train de travailler sur le sujet, ils vont peut-être sortir une pub avec Jonny Wilkinson… et ça sera très bien, mais, pour l’instant, ça n’est pas à l’ordre du jour en tout cas. G.B. : D’accord. Et, est-ce que là aussi, vous avez une cible précise, à travers ces figures ? C.G. : Oui, c’est quand même… Enfin, on est beaucoup dans du RP-client. Là, quand même, quand vous avez Jonny Wilkinson, je peux vous dire que vous faites venir quand même beaucoup de clients… G.B. : Dieu vivant du rugby, en soi… C.G. : Ah oui, oui, oui ! C’est clair ! Donc, c’est vraiment quelque chose d’assez fort. G.B. : D’accord… Pour finir sur l’ensemble de vos techniques – je pense que l’on a quasiment fait le tour – quel est le lien entre le sport et votre publicité ? C.G. : Bah justement, ce que je disais, on n’a pas… on n’intègre pas le sport dans nos pubs, c'est-à-dire que… encore une fois, à la différence de la GMF qui a l’équipe qui joue dans les pubs, nous, on a séparé les deux mondes. On a des pubs rugby, on a des pubs autour du sport, on a des pubs autour de l’handisport… Par contre, on ne l’intègre pas dans nos publicités. C’est un choix, encore fois – moi, je suis assez ouverte là-dessus – j’ai dit « ça peut changer », mais aujourd’hui, on n’a pas ressenti la nécessité. G.B. : Quelles sont les motivations de ce choix, en fait ? De cette séparation ? C.G. : Parce que moi, je considère que l’on est quand même attendu en pub, sur un certain nombre de choses… et l’argent est quand même un sujet sérieux, vous ne pouvez pas tout mixer, si vous voulez. Et je pense que pour l’instant, on a une image à reconstruire, une image de sérieux, de solidité et que… il me semble que les gens nous attendent plus sur des pubs qui parlent de nos produits, de la banque, de ce qu’elle fait, de la relation… Et le fait d’y mettre et d’y mixer trop des éléments extérieurs peut, quelque part, brouiller le message. Et donc moi, je suis plutôt à me dire dire « je ne brouille pas le message dans un premier temps et on verra ». Et si pendant la Coupe du Monde de rugby, on intègre des joueurs, c’est une autre chose. Mais là, pour l’instant, je suis plutôt pour ne pas brouiller les messages. ~ 153 ~ G.B. : D’accord. Donc là, je pense que l’on a peut-être fini le tour de votre communication externe, à moins que vous n’ayez autre chose… [Caroline Guillaumin confirme de la tête] Lorsque vous communiquez à travers le sport, est-ce que vous ressentez un objectif de distinction vis-à-vis d’autres entreprises qui communiquent par le sport, vis-à-vis peut-être de concurrents ? C.G. : Alors… ce qui est important, c’est qu’on ne soit pas 15000 sur les mêmes sports, en fait. Ça, c’est quand même quelque chose ! C’est vrai que le rang de partenariat est toujours très important, parce que… Vous voyez, sur le rugby, on est beaucoup : la grande difficulté, elle est…comment est-ce que l’on émerge par rapport à Orange, qui est très présent, par rapport à… la GMF, qui est très présente… Et donc, il faut être malin aussi, dans la façon dont tu l’utilise ! Par exemple, GMF a été très malin dans la façon d’utiliser, parce qu’il est plus petit partenaire que nous, mais le fait d’avoir mis, effectivement, l’Équipe de France dans ses pubs le rend très visible. Après, c’est un choix que l’on fait… Donc, l’émergence, elle se fait d’abord par la continuité du partenariat… deuxièmement, en étant présent sur plusieurs domaines donc à la fois client, à la fois dans les PLV, à la fois dans la pub, à la fois en communication interne. Et c’est ça qui va faire la différence. C’est la continuité des investissements qui faire aussi l’importance. Par exemple, nous, comme on a vécu pas mal de crises, les investissements publicitaires autour du rugby ont baissé et donc là, un des enjeux que j’ai dans les deux ans qui viennent, c’est vraiment de les remonter et de faire que l’on reprenne quand même une place importante. G.B. : Vous pensez augmenter vos budgets de communication sport ? C.G. : On va certainement le faire. En tout cas, de toute manière, c’est prévu pour 2015, pour la Coupe du Monde. En 2014, on va voir si on arrive à faire passer un petit peu d’augmentation. G.B. : D’accord. Donc là, on va peut-être parler histoire, j’ai envie de dire… Apparemment, votre entreprise communique sur le sport depuis plus longtemps que ces 25 ans mais, par exemple, si l’on reprend le cas des 25 ans du rugby, comment votre entreprise a-t-elle pu établir à un instant T – un instant T, c’est réducteur, je l’admets – que le sport était le bon support de communication ? C’était dans le cadre d’une crise ? Un besoin de réalignement ? Une transformation ? Ou au contraire une confirmation ? C.G. : [Après quelques secondes] En fait, c’est l’engouement interne qui fait qu’on s’est dit que c’était le bon choix. C'est-à-dire que ce n’est pas forcément le monde extérieur qui nous a renvoyé ce message. Ce n’est pas une crise ni une transformation. Mais, c’est au fur et à mesure des années, le fait d’avoir autant de demandes… on a des centaines de demandes pour des partenariats locaux, pour avoir telle ou telle vedette qui vient dans tel ou tel évènement… ~ 154 ~ G.B. : De la part de qui ? C.G. : Des demandes des acteurs locaux, typiquement d’un directeur d’agence qui, effectivement, demande au niveau corporate, c'est-à-dire dans les équipes de mécénat. Donc, le fait d’avoir autant de demandes, et d’avoir autant de feedbacks aussi, de retours positifs sur le partenariat fait que ça nous a conforté effectivement dans ce moment là. Je pense qu’au moment des crises financières, le fait que ça ait fait effectivement encore… laissé une marge positive à l’image dans les moments difficiles, ça aussi, ça a été quelque chose de déterminant. Aujourd’hui, si vous demandez au réseau France… les gens, ils sont dans les agences, il n’y en a pas un qui va vous dire qu’il faut arrêter le partenariat ! G.B. : D’accord. C.G. : Parce que lui le vit au quotidien et il voit bien que l’impact que ça a sur nos clients est extra-positif ! G.B. : Ok. Lorsque votre entreprise a décidé de communiquer par le rugby – puisque ça a l’air d’être une date charnière – est-ce qu’il y avait une volonté de s’adresser à un nouveau public ? Peut-être avec de nouveaux produits ? C.G. : Non… je pense qu’au contraire, avec le rugby, on est plutôt sur une stabilisation de notre audience, en fait. On ne va pas… ce n’est pas avec le rugby que vous allez chercher… voyez, par exemple, typiquement, l’un des, peut-être, des éléments qui est un peu problématique avec le rugby, c’est que les femmes, typiquement… Bon, à part dans des matchs de grande envergure, ce n’est pas forcément le sport qui les attire le plus. D’accord ? G.B. : Et donc, est-ce que vous avez… un moindre impact sur les femmes via cette communication ? C.G. : Non, on ne l’a pas calculé ! Là, j’ai envie de dire, c’est quand même du feeling. Il suffit de regarder autour de nous, c’est tout… Mais, non, ce n’est pas une crainte ! C’est un… [hésitation] G.B. : Un choix ? C.G. : Un choix ! Et, à la fois, quand on fait du handisport, on a, par exemple, beaucoup de femmes qui sont extrêmement intéressé par le handisport ! Donc, quelque part, on arrive… c’est pour ça que je vous disais que c’est très complémentaire, les sports sur lesquels on est. Donc non, on n’a pas de… [elle s’interrompt] …on ne se pose pas forcément la question d’aller chercher des nouveaux publics. En tout cas, le sport, on ne l’utilise pas comme ça. On est un peu plus là-dessus quand on fait musique et quand on fait du… de l’art contemporain, parce que là, on va chercher de facto les jeunes, on va chercher des populations qui sont extrêmement intéressées par ces publics là. Sur le sport, non… On sait qu’on ratisse quand ~ 155 ~ même assez large, avec le sport… Donc, je veux dire, on ne se pose pas la question de cette façon là, en tout cas. G.B. : D’accord… Et vous aviez parlé du football, au départ… Comment vous différenciez les sports que vous soutenez des autres ? De ceux que vous ne soutenez pas, de ceux que vous ne voudriez même pas soutenir ? C.G. : Oui… Enfin… Attention, ça, ça n’engage que moi sur le football. Par exemple, mon patron aime le foot ! C’est un fana de foot… G.B. : Mais, au niveau de l’entreprise ? C.G. : Au niveau de l’entreprise, c’est juste que… on ne les soutient pas. Ça veut dire que dans notre communication interne ou autre… autant dans un intranet, si vous voulez, si l’Équipe de France a fait un très beau match, on va en parler. Sur notre réseau social d’entreprise, on va en parler. On va le commenter, on va avoir des community managers qui vont envoyer les résultats, des choses comme ça. Sur tous les autres sports, on n’en parle pas. À part quand il s’agit de handisport… Mais, c’est juste qu’après, on laisse les gens… Mais, typiquement, là, on rentre dans les 150 ans, on a des grandes olympiades au niveau mondial qui ont été faites. G.B. : Des olympiades ? C.G. : Des olympiades, c’est typiquement… on a 5 sports, les équipes… Il va y avoir des équipes au niveau interne qui vont rentrer en compétition pour une finale qui aura lieu en juin. En fait, en parallèle de ça, le but du jeu, c’est de récolter des sous pour des associations, en fait. Donc, c’est vraiment un aspect très solidarité. G.B. : Et la récolte des fonds, ça se passera comment ? Via souscription ? C.G. : C’est avec Alvarum348 et tous ces sites, vous savez, où vous pouvez… Voilà, en fait, c’est l’interne et l’externe qui vont… Pour une équipe, vous allez souscrire, en fait, 10€, 20€, 50€… et donc, on va récolter des fonds pour les associations. Et là, les 5 sports qui ont été choisis… on a pris le rugby à 7, mais on a pris le foot également, parce qu’on sait que dans beaucoup de pays… bah les gens, ils font du foot, quoi ! Et donc, il n’était pas question de ne pas le mettre. On va pris le vélo, on a pris la course à pied, on a pris du ping-pong. Voilà, on a pris des sports de ce type là. Et, là il n’y a pas de souci. par contre, c’est vrai que, par exemple, sur le rugby, pour la finale, on fera venir soit Wilkinson, soit quelqu’un d’autre… pour venir soutenir les équipes. 348 Plateforme de collecte de dons en ligne pour des œuvres de charité, via participation à des épreuves sportives. ~ 156 ~ G.B. : D’accord. On va maintenant parler du point de vue interne. Vous avez dit que, visiblement, vos salariés étaient assez enthousiastes… C.G. : Ah oui ! G.B. : Point de vue rugby ? C.G. : Oui. G.B. : Point de vue sport, d’ailleurs ? C.G. : Oui. Eh bien, de façon générale, les gens sont assez sportifs, je crois. Enfin, il me semble, parce que… quand on a, par exemple, une course… il y a une course qui est organisée en soutien aux maladies mentales, aux handicaps mentaux… qui est organisée à La Défense. La Société Générale, on est, dans toutes les organisations du CAC40, celle qui… fournissons le plus de coureurs. G.B. : Vous avez l’idée du nombre ? C.G. : Je crois que l’année dernière, on était 300. 300 coureurs ! G.B. : C’est beaucoup. C.G. : Et donc… le PDG a couru également, et une partie du comité exécutif. Donc, on est très actif, et quand il s’agit évidemment de soutenir les équipes, en particulier la Coupe du Monde, et autres… Là, il y a un enthousiasme derrière. Il nous est arrivé de mettre des écrans également, pour soutenir… Voilà, pour soutenir ! On fait des séances de dédicace également, donc ça, ça marche super bien. Quand on a des maillots à fournir, ou à faire gagner sur les intranets, c’est la folie. Enfin, voilà, oui, il y a un enthousiasme ! Il y a une vraie volonté, et c’est vrai que, par exemple, au moment de la Coupe du Monde, on avait habillé l’ensemble du siège avec des photos Coupe du Monde qui étaient absolument magnifiques. Donc, voilà, il y a vraiment un engouement, c’est vraiment un outil de motivation des équipes. G.B. : D’accord. Donc, en somme, le sport sert votre management et votre communication interne ? C.G. : Oui. Et, par exemple, Frédéric Oudéa, qui est le PDG du groupe, utilise énormément les analogies sportives dans ses discours. Il va parler de foot, il va parler du rugby, il va parler du collectif, il va parler… Voilà ! Mais, ça, c’est vraiment parce que lui, c’est un sportif. Et donc… c’est peut-être ça aussi qui induit cette culture du sport, je veux dire. C’est vrai que là, depuis 4 ans, on a à la tête quelqu’un qui est un sportif, en fait. G.B. : Vous savez justement si vos salariés sont plus susceptibles d’être membre d’associations sportives ou d’être sportif ? ~ 157 ~ C.G. : On a ici une grande association sportive, qui s’appelle l’UASG, qui est l’Union des Associations Sportives de la Société Générale 349 . Et alors, je ne sais pas combien on a d’adhérents, mais on a plusieurs centaines de gens qui sont effectivement membres de l’association. On a d’anciens sportifs de haut niveau qui sont également dans l’entreprise, on a des anciens… On avait Marconnet 350 , qui était chez nous… qui est toujours chez nous d’ailleurs. On a plusieurs rugbymen de haut niveau qui sont chez nous. On a aussi des sportifs, on a un grand athlète… athlétique… enfin, d’athlétisme… on vous enverra les noms. On a plusieurs sportifs qui travaillent chez nous. Donc oui, il y a peut-être… G.B. : [Je l’interromps] À quel poste ? C.G. : Oh bah là, ils rentrent à des postes, soit de cadre, soit de directeur d’agence… Après, ça dépend de leur background. On fait quand même… on utilise beaucoup la valorisation des acquis, c'est-à-dire le fait d’avoir été sportif est aussi un atout pour rentrer dans notre entreprise. Comme le fait EDF. EDF est très actif là-dessus. G.B. : Ça veut dire que le sport a une place dans vos processus de recrutement ? C.G. : Oui… enfin, non. On va dire que… pas dans le mainstream, c'est-à-dire que quand vous êtes recruté, on ne vous demande pas si vous êtes sportif, mais si vous êtes un sportif de haut niveau, on se débrouille pour que vous ayez un entretien, par exemple… Il faut dire que, en particulier quand vous êtes dans les sports qu’on soutient, on va se débrouiller pour vous voir. G.B. : Comment le sport est-il incorporé dans vos processus de management ? Vous en avez un peu parlé via des petits points… C.G. : Alors, encore une fois, on l’utilise beaucoup en analogies sportives sur le collectif et autres. On l’utilise… on fait venir souvent des coachs sportifs dans des conventions, par exemple. On l’avait fait avec – ça, c’était exceptionnel – on avait Lièvremont et toute son équipe qui est venu nous parler il y a deux ans. C’était juste après la Coupe du Monde, c’était hallucinant ! G.B. : Et le but de ces conventions, justement ? C.G. : C’est plus… Bah d’abord, ce sont des conventions de cadres, de managers, donc l’idée, elle est plus de motiver les équipes, et de parler des objectifs… voilà. Et donc, quand vous faites venir un sportif, vous vous retrouvez dans « comment il a fait pour mener son équipe à la victoire ? Comment il les a remotivés dans des moments de déprime ?»... Et voilà, c’est ça : 349 350 En réalité, l’Union Athlétique Société Générale, club omnisport créé en 1947. Sylvain Marconnet, ancien joueur professionnel de rugby, de 1995 à 2012, et ancien international français. ~ 158 ~ on utilise les analogies sportives pour voir comment est-ce que ça peut marcher dans notre entreprise. G.B. : Ok. Visiblement du coaching… Est-ce que vous organisez des stages aussi autour du sport ? C.G. : Non. On ne l’a pas… Je pense que certaines directions doivent le faire. Mais, en tout cas, ce n’est pas coordonné. Je ne sais pas trop ce qui se passe. Il y en a certainement, parce que moi j’ai appris que certains, effectivement, avaient fait un certain nombre de stages. Mais, je ne sais pas vous dire s’il y a vraiment… il n’y a as eu d’action coordonnée là-dessus. Les gens font un peu ce qu’ils veulent dans ce domaine là. S’ils trouvent que c’est bien, ils le font. G.B. : Et point de vue communication interne, pour finir avec ça, le sport est présent sur quels supports ? Tous ? C.G. : Pratiquement tous. C'est-à-dire que… Sur l’intranet, vous avez des rubriques autour du sport constamment, on a un Facebook avec… [hésitation] G.B. : Avec des références sportives. Je l’ai consultée… C.G. : Ah bah il y a le Facebook « Par amour du rugby ». Donc ça, on doit avoir 100000 fans… 100000 fans à peu près. Donc là, on entretient effectivement l’information autour de ce qu’il se passe dans le rugby. On a la même chose sur le réseau social d’entreprise. Et puis souvent, quand on envoie… on a des livrets, des journaux internes qui font référence à des équipes… Voilà, c’est à peu près tout, c’est très dispersé. G.B. : C’est transversal ? C.G. : Ouais ! G.B. : Ok. Donc, pour finir… quelle évaluation menez-vous de votre communication par le sport ? Est-ce que vous menez des enquêtes qualitatives ? Quantitatives ? C.G. : Alors, on fait d’abord pas mal de baromètres, qui nous permettent de savoir comment est perçue notre communication autour du sport. De façon générale, on a… nous on considère que l’on ne tire pas encore assez partie de notre communication sportive. C'est-à-dire que le constat qu’on fait, c’est que l’on devrait plus accentuer, peut-être mettre plus d’argent autour du sport, en communication externe. En communication interne, on fait les choses plutôt de façon efficace. Communication externe, on se trouve un tout petit peu entre deux eaux, c'està-dire qu’on considère qu’on n’est pas encore assez présent. On ne valorise pas suffisamment encore notre partenariat sportif, et en particulier… rugby, dans…. voilà, en France, en particulier. Donc, il y a un gros travail qui est fait justement au moment des 150 ans pour se dire « comment est-ce que l’on valorise un petit peu plus ? ». Mais à, voilà, ça va être à la fois ~ 159 ~ par des investissements supplémentaires, à la fois peut-être en intégrant et en réfléchissant à comment intégrer certaines égéries dans notre communication. Voilà, c’est toute la stratégie qu’on a sur l’année 2014 et 2015. G.B. : Et ça fait déjà partie d’une réflexion en soi ? C.G. : Oui, oui, ça fait partie d’une réflexion. G.B. : D’accord. Et est-ce que les résultats des enquêtes que vous menez… je pense que vous l’avez dit, mais est-ce qu’ils sont positifs en somme ? C.G. : Ah oui ! Ah oui, oui ! Je veux dire, là, il n’y a aucun doute ! Là, vraiment, il n’y a même pas… Les résultats de ce que nous apporte le sport, et en particulier le rugby, à l’image est positif. Après, comme je dis, ça ne suffit pas à remplacer, je dirais, un manque de confiance… ou une crise majeure qui pourrait ternir notre image. Ça, ce n’est pas possible. Par contre, ça permet de la remonter plus rapidement. Là, typiquement, c’est vrai que… au moment des 25 ans du rugby, on avait fait une belle campagne et ça, on avait des retours très positifs. Et là, on compte beaucoup sur 2014-2015 pour effectivement, je dirais, consolider en fait l’image du groupe. G.B. : D’accord. Donc, d’un point de vue image, pour vous, c’est… C.G. : C’est positif ! G.B. : Ok. Et vous venez juste de dire que vous pourriez peut-être plus exploiter, plus valoriser ce que vous faites à travers le sport [Caroline Guillaumin acquiesce]. Est-ce que vous avez identifié, éventuellement, d’autres manques ? Des points que vous pensiez améliorer ? C.G. : Non. Sur l’exploitation, on va dire, du sport, non. Parce que là, je pense qu’on a vraiment… on est, depuis 4-5 ans, on est vraiment… je dirais, on tire parti au maximum de tout ce que l’on fait dans le partenariat sportif. Mais, on est vraiment… c’est juste un point qui est exploiter mieux la communication externe. Peut-être en faire plus, en fait. Sur ce sujet là. G.B. : Ok, très bien. Et… une question peut-être un peu plus technique : est-ce que cela influe, d’une quelconque manière, sur votre position de marché ? Vos résultats commerciaux ? C.G. : Ça, c’est très difficile à savoir ! Alors moi, j’aurais tendance à dire… [quelques secondes de réflexion] Intuitivement, j’aurais tendance à dire qu’à la marge, oui, sur du retail, c'est-à-dire sur des agences. Mais alors, faire le lien exact entre le fait que l‘on soit la banque du rugby et le fait que nos clients viennent chez nous… G.B. : C’est dur à faire ? ~ 160 ~ C.G. : Ah oui ! Faudrait qu’on fasse une étude spécifique, ce que l’on n’a jamais fait. G.B. : D’accord C.G. : Parce que… Parce que, encore une fois, on a tellement d’autres enjeux que, aujourd’hui en tout cas, on ne se pose pas la question. On sait que ça a un impact positif sur la marque et donc, quelque part, on peut tirer la conclusion que ça a certainement un effet… G.B. : Vraiment de manière très indirecte ? C’est ça que vous voulez… C.G. : Très indirecte. C’est très indirect. G.B. : D’accord. En somme, je n’ai plus vraiment de questions, j’ai juste 2-3 petites questions finales. C.G. : Oui ? G.B. : Je voulais savoir quelle est, selon vous, la meilleure manière de communiquer par le sport ? C.G. : [Intense réflexion]… G.B. : S’il y en a une. C.G. : Moi, je dirais, c’est de bien faire attention à ce que le sport choisi soit en ligne avec les valeurs de l’entreprise et vice-versa. C'est-à-dire que… Si vous avez un décalage fort, c’est un vrai problème ! Je vais prendre pour nous, on s’est posé la question à un moment donné, de mettre le golf plus… plus en avant. Et moi, je l’ai refusé. Pourquoi ? Parce qu’on avait comme stratégie de marque de sortir cette image glaciale, cette image high-level, CSP+, très arrogante… à quelque chose de plus chaleureux. Or, le golf reste quelque chose d’assez élitiste, quoi qu’on dise. Et si vous alliez votre marque à un sport élitiste… bah vous restez élitiste ! Donc, il faut faire très attention, je dirais, à lier les valeurs de votre stratégie avec les valeurs du sport. Ça, c’est la première chose. Deuxièmement, vous ne pouvez pas communiquer véritablement de façon active si vous n’avez pas un vrai impact à l’interne. Il faut vraiment l’impact interne avec l’impact externe. Et puis, troisièmement, ça se prépare dans la durée, c'est-à-dire qu’un partenariat, une communication autour du sport, elle ne peut pas se faire de façon ponctuelle. On ne vous croira pas ! Vous ne serez pas… vous voyez, le partenariat handisport, je pense que ça fait 10 ans qu’on l’a. Eh bien, ce n’est que maintenant que l’on commence à communiquer dessus ! Parce qu’il fallait ce lien avec la fédération, ce lien avec les athlètes… Et là, aujourd’hui, je peux vous dire que quand ils parlent de la Société Générale, ils en parlent super positivement ! Parce qu’ils disent « voilà, ils sont là depuis longtemps, ils sont là avec nous ». La fédération ~ 161 ~ de rugby, pareil ! Le golf, pareil ! Parce qu’on est là depuis longtemps. Et c’est ça qui fait la différence. G.B. : Et combien… bon, j’imagine que vos services de communication n’ont pas que le sport en tête, mais combien de personnes s’occupent du sport dans votre entreprise ? À la fois les équipes qui sont dédiées, mais aussi les personnes qui n’ont que des travaux ponctuels ? C.G. : Je ne peux pas vous dire à l’échelle de l’entreprise. On est 150000, je ne saurais pas vous dire… Mais, à l’échelle de la France, on va dire que… [hésitation] À la louche, avec les gens qui ne sont pas full-time, on va dire peut-être une vingtaine de personnes, sur la France. G.B. : Ok, très bien. Et une dernière question… Ça contredit un peu ce que vous m’avez dit depuis le début, mais si votre entreprise devait abandonner le sport, et là il faudrait savoir pourquoi, vers quoi votre entreprise se tournerait-elle ? C.G. : Je pense qu’on consoliderait… Enfin, on a trois points de focalisation qui sont le sport, l’art contemporain et la musique. Et, je pense que si on devait en abandonner un, ce serait pour consolider les deux autres. G.B. : D’accord. C.G. : Mais, à mon avis, on ne serait pas prêt à rentrer sur un autre sport. G.B. : D’accord, mais comme vous l’avez dit, ça serait pour vous entre guillemets débile de sortir… C.G. : Ah oui, franchement. Là aujourd’hui, oui ! L’entretien se finit sur un échange non enregistré sur ma venue à Paris, mon cursus, des encouragements… et Mme Guillaumin me raccompagne aimablement. ~ 162 ~ Annexe 2 Entretien avec Stéphane Tardivel, directeur du sponsoring, des partenariats et de l’évènementiel, au sein de la direction de la communication d’Orange Cet entretien m’a été accordé le 09 janvier 2014 à l’Orange Village (Arcueil - 94), et a duré 57 minutes. Cet entretien s’est effectué dans le bureau de M. Tardivel. J’ai eu quelques difficultés à amorcer l’entretien, en proie à quelques petites confusions sur des points de détails ayant trait aux activités de communication d’Orange dans le sport, et manquant d’assurance. C’est M. Tardivel qui a posé les choses au début, en prenant le temps de la description à chaque réponse pour me permettre par la suite d’entraîner l’entretien. C’est ainsi que l’entretien a perdu en formalité après une dizaine de minutes, sans perdre en professionnalisme ni en précision. M. Tardivel a été prolifique dans ses réponses, mais respectant une forme d’ordre logique. Il s’avère qu’il aimait beaucoup le sport, ce qui se retrouve dans ses réponses et dans son intérêt non dissimulé pour la discussion que nous avons menée. Une secrétaire me conduit dans le bureau de M. Tardivel, alors en pleine écriture. Le bureau est décoré de nombreuses références au sport : maillot dédicacés, couvertures de presse, magazines sportifs (So Foot…), affiches… J’explique alors à M. Tardivel l’objet de ma venue, celui de l’entretien et j’introduis mes premières questions, en commençant par un panorama des liens qu’Orange entretient avec le sport. Gauthier Bencheïkh : Avant de venir, j’ai pris du temps pour dresser une sorte de panorama de tout ce que vous faites. Stéphane Tardivel : Voyons voir si la stratégie est lisible [en souriant]. G.B. : Justement, en soi, elle l’est. Mais moi, je viens pour… avoir le rapport entre ce que je peux voir de l’extérieur et vous ce que vous voulez. C’est ça qui est très intéressant pour moi. Je peux voir ce que vous faites, mais je peux difficilement deviner vos intentions. J’ai certes lu de la presse interne, c’est très intéressant… Donc, j’ai noté vos partenariats avec la Ligue 1, la Ligue 2351, le Top 14, la CAN352, la CHAN aussi353… S.T. : Alors, la Ligue 1 et la Ligue 2, c’est un peu particulier… 351 Ligue 1 et Ligue 2 de football. Coupe d’Afrique des Nations. 353 Championnat d’Afrique des Nations, fonctionnant sur le même principe que la CAN, mais les sélections nationales ne peuvent y faire jouer que des joueurs f aisant partie d’un club du continent africain. 352 ~ 163 ~ G.B. : Vous êtes diffuseur, mais aussi partenaire ? S.T. : Ah non, non, non. Nous, en tout cas, à la direction de la communication, on n’est pas partenaire de la Ligue. Il y a un partenariat de la direction marketing sur les droits de diffusion des matchs en direct sur mobile, que ça soit sur tablette ou sur mobile. G.B. : Je connais l’offre. S.T. : Moi, je suis en charge du sponsoring, et c’est avec les clubs de Ligue 1, chaque club de Ligue 1. Je n’ai aucun contrat avec la Ligue. Le contrat avec la Ligue, il est uniquement sur les droits marketing de diffusion des matchs de Ligue 1. G.B. : Ok. S.T. : Mais, cela dit, il y a un contrat, mais il n’est pas du tout chez moi. G.B. : D’accord. Et, avec tous ces partenariats… parce qu’ils sont assez variés, mine de rien… J’avais aussi noté l’Euro de football 354 , j’avais fait un tour assez large, Roland Garros… S.T. : Alors, l’Euro de football, tout ça… On va ouvrir une boîte un peu compliquée. L’Euro de football, c’est au corporate, c'est-à-dire que nous, on a activé, on s’est fait l’écho de se qui pouvait s’y passer en Pologne, mais c’était un partenariat corporate, j’entends groupe. Pour… c’est le groupe qui a fait l’acquisition de ces droits pour tous les pays, après à charge à chaque pays d’activer ces droits comme il l’entendait. Mais, ce n’est pas la France qui a fait ce partenariat. G.B. : D’accord. S.T. : Du coup, moi, ça ne s’inscrit pas dans ma stratégie… [hésitation] G.B. : Française ? S.T. : Ouais… moyen et long terme, c’est plus un gros évènement ponctuel où tout d’un coup… Alors nous, ça tombait bien puisqu’on est dans le foot depuis 12 ans, donc ça a du sens. C'est-à-dire que, vu notre activité sur le foot en France… voilà, ce n’était pas… Nous, on a fait le minimum syndical parce que, pour ne rien vous cacher, l’Équipe de France, c’est SFR. On ne voulait pas brouiller les messages non plus. Je veux dire, on y reviendra peut-être après, on est tellement surpuissant dans le foot, par rapport à notre stratégie depuis des années, notamment avec Zidane et autres… C'est-à-dire que quand on regarde les indicateurs d’association des marques avec le sport – on suit avec TNS, CSA et notre agence Havas – on 354 Plus précisément, le Championnat d’Europe de Football organisé en 2012 par l’UEFA et localisé à la fois en Pologne et en Ukraine. ~ 164 ~ se rend compte que l’on nous associe plus à l’Équipe de France de foot que SFR. Alors qu’on n’a jamais été partenaire de l’Équipe de France de foot. G.B. : Est-ce que vous avez réussi à expliquer ça ? S.T. : Alors, on l’explique d’une partie, c’est parce qu’on est tellement présent dans le foot, je pense que les gens nous associent naturellement à tout ce qui peut parler de foot. Ce sont des gens qui ne savent pas, se disent « bah derrière, il y a forcément Orange ». Le truc, c’est qu’on est très légitime ! Dans les marques les plus associées au sport en France, on est troisième, derrière Nike et Adidas. G.B. : Nike et Adidas, eux, sont des marques de sport S.T. : Effectivement, ils sont très loin devant. Effectivement, on n’est pas des pure players, et du coup, on nous associe… C'est-à-dire qu’Orange, il y a encore… Moi, ça fait 5 ans que je suis à ce poste là, et Orange, il y a encore… [il s’interrompt] On va peut-être revenir au début. Le sponsoring, pour moi, est l’arme ultime pour développer la notoriété d’une marque. G.B. : D’accord. C’est bien de pouvoir cerner vos perspectives comme ça. S.T. : Mais, ça c’est… Ça, nous, vous imaginez bien que nous, la notoriété, on n’en a plus besoin. C’est des scores soviétiques. Pourquoi on continue de faire du sponsoring ? Parce qu’on est plus sur la préférence de la marque, c'est-à-dire pour les valeurs que peuvent avoir certains sports et pour développer la préférence de marque. C'est-à-dire qu’on travaille sur une niche, le football, le rugby… qui restent quand même des niches. Par contre, ce que l’on fait, effectivement, on avait développé une stratégie… globale sur le foot et rugby, et ce qu’on se dit à l’heure actuelle « bah, vous aimez le foot, nous aussi, on va partager cette passion ensemble et on va vous donner l’accès à l’inaccessible ». Ça, c’est la promesse. On le dit comme ça, ou en tout cas, c’est la promesse et ça guide toutes nos actions dans le foot et dans le rugby. G.B. : D’accord. S.T. : Donc, nous, l’objectif majeur, c’est la préférence de marque. G.B. : L’image en soi… S.T. : L’image, exactement [il acquiesce]. G.B. : Donc, justement, vous avez parlé d’image de marque. En soi, lorsque vous communiquez par le sport, que ce soit via du sponsoring, des partenariats – pour l’instant, on va essayer de grouper ça – qu’est-ce que vous mettez en avant ? Vous mettez en avant une marque ? Est-ce que vous mettez en avant l’entreprise, si vous faites la différence entre les deux ? Tout le monde ne la fait pas… ~ 165 ~ S.T. : La marque. G.B. : La marque ? S.T. : Oui. Bah, c’est la marque parce que nous, par exemple, sur le foot ou sur le rugby, c’est clairement la marque. Et pour vous dire qu’on ne met pas l’entreprise, parce que là, on vient de lancer Sosh… enfin, on vient… c’est une marque très jeune, vous voyez ? G.B. : J’ai [en désignant mon téléphone portable] ! S.T. : Ok. On a décidé d’associer un territoire de sponsoring qui est le territoire de glisse. Sports de glisse, qui étaient avant sur Orange, mais on se rendait compte que ça n’avait pas de sens. Par rapport aux indicateurs qu’on pouvait suivre, il n’y pas avait une légitimité qui se construisait auprès de la cible, qui était vraiment les 15-24. Et donc, on avait plutôt… Orange devient une marque quand même assez statutaire, et je pense qu’auprès des jeunes, ça ne fonctionnait pas, en tout cas, ça ne prenait pas. Donc, du coup, on a décidé ce qu’on a appelé vulgairement de « soshiser » la glisse, et donc, on a dédié le territoire des sports de glisse, que ce soit sur la neige ou sur le bitume, à Sosh, donc, une autre marque… En tout cas, c’est très clairement défini, c'est-à-dire qu’effectivement, Orange, en tout cas quand on parle de sport, Orange, c’est foot-rugby. Après… on a deux évènements majeurs qui sont Roland-Garros et le Tour de France… bon voilà… G.B. : Par contre, vous citez football-rugby, et glisse d’un autre côté… Mais, j’ai vu que vous étiez partenaire technique officiel du Vendée-Globe 355 , vous l’aviez été pour la dernière édition… S.T. : C’est corporate. G.B. : Corporate aussi ? Comme l’Euro de football ? Et donc, Roland-Garros… S.T. : Il y a certaines choses qui sont… On peut aussi faire du sponsoring pour des intérêts, des relations avec les collectivités locales, par exemple. Le Vendée-Globe, ça rentre pour moi dans cette catégorie là. C'est-à-dire qu’on n’a pas de … on a été dans la voile, pendant très longtemps, on a même eu un bateau Orange. Mais, à un moment donné, il a fallu choisir par des… des besoins de rationalisation de nos budgets, notamment. Et puis surtout, moi ce que j’ai vu en arrivant, c’est que la stratégie n’était pas très lisible, on n’était partout. Et quand vous êtes partout, vous n’êtes nulle part. G.B. : Vous êtes arrivé quand ? S.T. : Je suis arrivé il y a 5 ans à ce poste là, mais ça fait 8 ans que je suis là. 355 Tour du monde à la voile en solitaire, sans escale et sans assistance, uniquement sur des monocoques. ~ 166 ~ G.B. : D’accord. S.T. : Et donc… et en fait, on se rend compte que la Société par exemple, la Société Générale, c’est très clair. Société Générale, c’est le rugby. La BNP, c’est le tennis. Orange ? G.B. : Trop vague ? S.T. : C’est le rugby… [comme s’il allait énumérer] Bah, c’est tout. Donc, du coup là, on commence à être beaucoup plus clair, en tout cas, dans les études, ça ressort beaucoup plus nettement qu’on est associé au foot et au rugby. On nous associe moins à des trucs sur lesquels on n’est même pas. G.B. : Et, en somme une question simple… qui amène peut-être une réponse compliquée, en dehors du fait d’être plus lisible, pourquoi voulez-vous vous concentrer sur le football et le rugby ? Toujours une question d’image ? S.T. : Ouais, une question d’image, parce qu’on se rend compte que sur ces cibles là, notamment… [il s’interrompt] Alors, quand je suis arrivé, j’ai aussi mis des indicateurs en place, c'est-à-dire… C’est que ça coûte quand même beaucoup d’argent, donc il y a cette partie de préférence de marque, il y a aussi la partie du maillage géographique. On a 9 directions Orange en France, donc il est important pour le patron du Sud-est d’être partenaire de l’OM356, d’une part pour ses relations avec les collectivités locales, pour ses relations dans le business – Agence-Entreprise357 ou Orange Business Service – d’être partenaire du plus gros club de foot de la région. G.B. : Donc, en soi… lorsque vous parlez d’aspect corporate… vous voulez dire commercial presque ? S.T. : Carrément, ouais ! Ah oui, oui, oui, carrément ! C'est-à-dire que, après, vous… nous, d’abord, c’est la préférence de marque et après, bien évidemment, quand on est dans notre position à Orange, faut s’arranger pour que ces engagements, notamment financiers forts, aient un rayonnement sur tout ce qu’on peut faire. Donc, que ça soit la com’ interne, et qu’effectivement, ça puisse servir à un commercial, et que le commercial de la région, eh ben que ça lui permette au moins de faire des relations publiques. De se dire « bah voilà, je t’invite à l’OM ». Voilà, c’est de pouvoir tisser une espèce de… [hésitation] G.B. : De réseau ? 356 Olympique de Marseille, club de football de, actuellement en Ligue 1. L’Agence-Entreprise (AE), relai d’Orange auprès des entreprises pour la fourniture de télécommunications et de services divers (cyber-sécurité…). Orange Business Service est la marque dédiée aux professionnels et entreprises chez Orange, commercialisée par l’AE. 357 ~ 167 ~ S.T. : De réseau… à tous les niveaux. De faire gagner des places, que ça soit en com’ interne, que ça soit dans les boutiques, on va développer des offres spécifiques. Il y a plein de choses. G.B. : Et, en somme, via le sport, vous faites la promotion de toutes vos marques ? Sosh, Orange… ? S.T. : Sosh et Orange. G.B. : Ok. Est-ce que vous utilisez éventuellement le sport pour faire la promotion de certains produits ? S.T. : Non. Non, non. Là, on est vraiment... on revient à votre première question, sur la marque. G.B. : Toujours sur la marque ? S.T. : Ouais. C'est-à-dire que, après, si c’est un produit, ça va être sur un évènement en particulier. Par exemple, dans la stratégie du foot, le produit, ça va être l’appli Ligue 1. C’est ce qu’on développe autour. Voilà… on a ces droits là. Donc, dès que l’on va parler de foot, on va s’arranger pour parler de l’appli Ligue 1 et de dire qu’on est les seuls à avoir tous les matchs en direct de Ligue 1 sur mobile et sur tablette. G.B. : D’accord. Et, est-ce que ce sont des produits entre guillemets qui produits pour être vendus ou ce sont aussi des supports de communication ? Par exemple, cette application… S.T. : Bah bien sûr ! C’est un support de communication. G.B. : D’accord. Et donc, question suivante – on l’a un peu abordée – en somme, vous n’avez plus vraiment besoin de notoriété, ce qui est presque évident… S.T. : [Il m’interrompt] Sauf sur Sosh ! G.B. : Sauf sur Sosh ? S.T. : Sosh, on est en construction autour. G.B. : Et donc, est-ce que les sports de glisse vous aident à améliorer votre notoriété… la notoriété de Sosh ? Je veux dire, de manière suffisante par rapport au public que vous visez ? S.T. : Bah, très franchement, il faudrait dépenser beaucoup plus d’argent. Mais, on n’en a pas les moyens. C’est des vrais choix… on ne peut pas à l’heure actuelle… Faire qu’il y a aussi des intérêts économiques à l’heure actuelle, avec une guerre des prix qui est quand même ultra-violente. Donc, c’est plus… À un moment donné, Orange pouvait aussi se permettre… enfin, Itinéris devenu Orange, pouvait se permettre de dépenser autant d’argent, c’est que c’était un marché en conquête, c’était du délire. C'est-à-dire que ça engendrait du cash… Moi, ~ 168 ~ je n’étais pas là à l’époque, mais c’était incroyable, c’est un marché qui a explosé sur 5 ans de façon délirante. Donc, ils pouvaient bien évidemment aller sur la F1, sur la voile… G.B. : Et là, en somme, c’était de la notoriété pour le marché naissant des mobiles ? S.T. : Exactement. Après, on créait du… Moi, quand on est aussi sur le foot et rugby, on est aussi dans une notion de désir. Ce n’est pas galvaudé que de dire… d’amour ! G.B. : D’émotion ? S.T. : D’émotion, carrément ! Il n’y a que le sport et la musique qui provoquent des émotions très très fortes. Si vous êtes fan de sport, de foot… quand il y a un but, quand il y a une victoire… quand on perd, on est triste, quand on gagne, on est heureux… c’est un coup de boost ! Et la musique, c’est pareil, vous êtes à un concert, quand les lumières s’éteignent, tout le monde crie, vous avez les poils comme ça [il désigne son avant-bras avec sa main] ! C’est des émotions super fortes ! Le sport, c’est pareil. Le sport, c’est voilà… c’est le PSG qui est mené 2-1 par le Réal au Parc et il y a Matuidi qui marque à la dernière minute, c’est énorme358 ! Un stade qui explose, et voilà ! G.B. : Pour être allé au Parc cet été, je comprends de quoi vous parlez. S.T. : Et encore, avant c’était… Alors moi, je suis parisien de naissance et j’y allais, c’était sans commune… c’est encore bien l’ambiance, mais c’est sans commune mesure avec ce que c’était avant ! G.B. : Et donc, vous avez parlé d’émotion, j’en reviens à un point peut-être central : quelles valeurs est-ce que vous mettez en avant lorsque vous communiquez par le sport ? S.T. : Alors… les valeurs que l’on met en avant lorsque l’on communique par le sport… [quelques secondes de réflexion] J’ai envie de vous que, par exemple, quand on… ce qui nous intéresse quand on s’associe au rugby, c’est les valeurs de combativité, quelque part. C'est-àdire qu’on ne va pas le dire, mais les valeurs sont tellement fortes dans le rugby, que le fait de s’associer à… [Il s’interrompt] En fait, on est dans le foot parce que le foot reste quand même le sport le plus populaire. On en dit ce qu’on en veut, on regarde les études, effectivement, il y a eu un désamour par rapport à des conneries de certains joueurs. Mais après, l’amour… [il s’interrompt] …alors nous, on est sur les clubs, pas sur l’Équipe de France, et la force du club, du maillot, c’est super fort. Et ça reste un sport ultra populaire, et on est encore dans le jeu. Bon, il y a un esprit de compétition, c’est sûr, et certaines des valeurs qui sont un peu… de business, mais en tout cas, pour le rugby, on est vraiment… il y a plein de valeurs dans le rugby. Il y a la convivialité, il y a la combativité, il y a plein de choses, mais moi, ce qui 358 En réalité, il s’agit du match de Ligue des Champions opposant le Paris Saint-Germain au FC Barcelone, le 02 avril 2013. Blaise Matuidi égalise pour le PSG à la 94 ème minute. Score final : 2-2. ~ 169 ~ m’intéresse le plus dans le rugby, et notamment par rapport à ce qu’on peut communiquer en interne à l’entreprise, c’est des valeurs de combativité. G.B. : Et somme, étant donné que vous dites… S.T. : [Il m’interrompt] Et on a besoin de ça, parce qu’on est dans un… de pouvoir identifier l’entreprise à un sport en particulier, ça permet aussi d’embarquer en interne les collaborateurs. Par exemple, quand on est sur le Tournoi des Six Nations, quand on fait des concours, pour faire gagner des places ou pour venir, généralement on le fait aussi en valeur de… de partage, c'est-à-dire que le mec qui gagne, il doit choisir 5 collègues pour y aller avec eux. Et donc… là, on doit être à plus de 100000 collaborateurs encore, sur le dernier Tournoi des Six Nations, on avait plus de 20000 participants ! C’est vous dire à quel point… G.B. : À cette échelle, c’est impressionnant. S.T. : Ah bah, c’est énorme ! G.B. : Mais, il y a un point qui… S.T. : [Il m’interrompt] Mais, les valeurs qu’on a… [hésitation] G.B. : Si vous voulez, on peut procéder sport par sport. S.T. : Oui. G.B. : Le football ? S.T. : Le football, ce n’est pas… Encore une fois, quand je vous dis qu’on est associé au football… Moi, je suis arrivé… je n’ai pas fait un bilan mais… Je suis arrivé, Orange avait déjà fait énormément de choses avec Zidane, ils étaient partenaires du foot, il y avait eu la Ligue 1 Orange, en naming… G.B. : Oui ? S.T. : Orange était légitime. Moi, ce qui m’intéressait de voir, c’était « est-ce que c’est positif par rapport… ». C'est-à-dire que l’on suit des indicateurs de préférence de marque au niveau global. C'est-à-dire que la marque, c’est super important, en tout cas pour Orange. Et après c’est… voilà, on a plusieurs questions, qui sont posées par le groupe d’ailleurs. Moi, j’ai mis en place ce baromètre sur les gens qui aiment le sport et les gens qui sont intéressés par le foot et les fans de foot. Et on s’est rendu compte très vite que plus ça allait, plus on prenait, on prenait entre 10 et 20 point en moyenne sur chaque item de préférence de marque. Plus les gens aimaient le foot, plus ils nous préféraient. Après, j’en ai mis un autre en place qui était la considération, et la considération, là, il y a vraiment une notion d’acte d’achat, la considération, c’est « si vous deviez choisir un opérateur, lequel choisiriez-vous ? ». Et là, ~ 170 ~ c’est pareil, on s’est rendu compte que plus les gens s’impliquaient dans le foot, plus ils nous considèrent, donc… c’est ultra-positif ! Et ça, on le mesure deux fois par an. Donc, on se maintient. Il y a même certains items sur lesquels on progresse… En tout cas, je ne dirais pas qu’on est sur le foot pour des valeurs en particulier… G.B. : En fait, vous jouez plus sur les représentations des clients, en somme ? S.T. : Ce n’est pas forcément nos clients. G.B. : Ou du panel plutôt ? S.T. : Ouais, c’est du panel. Ce n’est pas que client. G.B. : D’accord. Juste un point que vous avez mentionné, je trouve ça très intéressant : pour le rugby, lorsque vous disiez « la combativité, c’est naturel dans le rugby »… en somme, vous n’avez pas besoin de mentionner ces valeurs pour effectuer une analogie entre rugby et vous ? S.T. : Ouais, on va dire que… toutes les valeurs qui nous intéressent dans le rugby. Les valeurs du foot, c’est le plaisir du jeu. Nous, on est dans le jeu, c'est-à-dire qu’on ne va pas rentrer dans les guerres de chapelle. Voilà… en plus, c’est plus compliqué dans le rugby, parce que le rugby, on a quand même tous les clubs… tous les clubs, c’est cette notion de chapelle. La rivalité entre Bayonne-Biarritz, des choses comme ça. Et on a aussi l’Équipe de France qui va fédérer tout ce monde là. Donc, à un point donné, sur les Six Nations, sur les test-matchs, on a tous les gens qui sont fans de rugby qu’on fédère autour d’une ambition collective nationale. On ne va pas non plus délirer mais… Sur le foot, c’est plus compliqué, parce qu’on a que les clubs, du coup, nous on est… C’est pour ça qu’on a appelé notre plateforme autour du sponsoring qui s’appelle « Le douzième homme »359. C'est-à-dire qu’on a créé une plateforme sur les réseaux sociaux. Il y a deux ans, on s’est rendu compte qu’effectivement, c’était une opportunité en or de pouvoir… par ce que c’est ça en fait… je suis désolé, ça va partir un peu dans tous les sens… G.B. : Je vous en prie [en encourageant]. S.T. : C’est qu’en sponsoring, les droits sont très chers. Les droits de pouvoir s’associer au Paris Saint-Germain, ça a un prix. Donc, vous avez le droit… vous avez des packages, vous avez de la visibilité dans le stade, vous avez le droit d’associer votre marque à cette marque, d’associer Orange au Paris Saint-Germain sur une offre commerciale, sur une publicité, sur n’importe quoi. Donc, ça a un prix. Quand vous… [il perd le fil et reprend] C’est qu’après, ça vous laisse peu d’opportunités et peu de budget pour activer ces droits. Activer ces droits, j’entends, à l’époque où il n’y avait pas le digital, il fallait acheter de la pub pour le faire 359 http://www.le12emehomme.com/ ~ 171 ~ savoir, donc ça coûte très cher. Là, le digital, c’est une opportunité en or. C'est-à-dire que, vous pouvez aller sur Facebook, sur Twitter, créer une communauté et échanger, discuter… C'est-à-dire que, du jour au lendemain… enfin, pas du jour au lendemain, on s’est retrouvé à une position où on délivrait un message, du top-down, on balançait notre message, on n’avait aucun retour, on mesurait 2-3 choses. Là maintenant, il y a une espèce d’interaction permanente, c'est-à-dire qu’on fait une opération, on voit si ça marche, si ça marche pas, si ça plaît, si ça plaît pas… On sait à peu près ce qui plaît aux gens, ce qu’ils aiment bien, ce que l’on partage… Donc, ça c’est absolument génial et là nous, on a créé ce « Douzième homme ». Donc, c’est vraiment le positionnement, le « Douzième homme », c’est à dire qu’on est fan de foot ! On aime le foot, on aime les beaux gestes, on aime… C'est-à-dire qu’à un moment donné, quand on a créé… c'est-à-dire qu’Orange est associé au foot, quand on a créé notre réseau social du Douzième pour se faire l’écho des droits qu’on avait dans le foot, le Douzième, on s’est dit « on a un peu personnifié cette plateforme ». Le « Douzième homme », c’est un garçon ? C’est femme ? Il a quel âge ? Il aime quelle équipe ? Il écoute quelle musique ? Pour lui donner un peu de l’aspérité, c'est-à-dire… Le « Douzième homme », il écoute RMC ou il lit So Foot ? Vous voyez, pour lui donner un petit peu son… pas sa ligne éditoriale mais en tout cas sa personnalité. On ne peut pas plaire à tout le monde : à un moment donné, il faut avoir un parti pris ! G.B. : Ça rentre dans votre volonté de recentrer un petit peu les choses. S.T. : Ouais, carrément ! G.B. : D’accord. Juste une chose : est-ce que le sport, par exemple le rugby, d’une quelconque manière, vous aide à inspirer confiance ? Est-ce que ça, ça rentre en ligne de compte ? S.T. : À qui ? G.B. : À vos différentes cibles selon les sports, par exemple les jeunes pour la glisse… S.T. : Inspirer confiance ? Confiance en nous ? G.B. : Oui. S.T. : Ah ouais, carrément ! Bah, c’est une des questions d’ailleurs… ce que je vous disais, les items de préférence de marque, est-ce que c’est une marque en laquelle vous avez confiance ? Donc ça… on prend entre 15 et 20 points. G.B. : Grâce au sport ? S.T. : Ouais, bah en tout cas… Je ne sais pas si c’est… [hésitation] G.B. : C’est dur de mesurer le lien, je comprends… ~ 172 ~ S.T. : Eh bah, c’est super dur ! C’est vous dire… Qui est arrivé avant ? La poule ou l’œuf ? Voilà… est-ce que c’est parce qu’ils aiment le rugby qu’ils nous préfèrent ? C’est… Voilà, c’est toujours… En tous cas, on sait qu’on ne se trompe pas en étant sur ce sujet là. G.B. : Est-ce que vous avez recomposé l’image d’Orange à travers le sport, je veux dire ses aspects physiques ? Par exemple, l’esthétique de certains points de vente ? Les sites internet ? Les logos ? S.T. : C'est-à-dire ? Mettre le logo des clubs ?... [ma question n’était pas claire] G.B. : Excusez-moi, je vais essayer de reformuler. Est-ce que vous avez, dans certains aspects physiques de votre entreprise, le logo par exemple, ou l’agencement de certains magasins, utilisé le sport comme repère ? S.T. : Oui, ça arrive. Notamment… [Il s’interrompt] C’est marrant, parce que c’est un sujet que je vais avoir avec les directeurs de com’ d’Orange… pour l’optimiser, parce que moi, je n’en suis pas complètement satisfait, je pense qu’on passe à côté de beaucoup de choses. Par exemple dans les très grandes boutiques, qui sont un peu nos flagships, bien souvent, il peut y avoir… Mais, ce n’est pas industrialisé, j’entends. C'est-à-dire qu’on ne se dit pas « bah dans toutes les boutiques du Nord, de Lille, il y a une vitrauphanie à l’entrée de la boutique en mettant le logo Orange composite, partenaire officiel du LOSC360... ». G.B. : C’est de l’adaptation locale… S.T. : Moi, je voudrais bien que ça arrive. G.B. : Vous voulez plus d’adaptation locale en somme ? S.T. : Carrément ! Mais, c’est dur après, parce que faut bien… mettre les limites de la boutique. Parce que Paris, ça devient plus compliqué : par exemple, on est partenaire du Stade Français, du Racing361, du PSG… PSG, ça va, c’est l’équipe de foot. Mais, entre Racing et Stade Français… on se dit « on met les boutiques du 92 aux couleurs du Racing ? » ou… Voilà, les frontières ne sont quand même pas si évidentes. G.B. : Il y a peut-être des risques en somme. S.T. : Ouais. G.B. : Donc… vos liens avec le football et le rugby, vous avez dit que ce n’étaient pas des partenariats si j’ai bien… [alors en proie au doute] S.T. : Si, enfin… 360 361 Le Lille Olympique Sporting Club, club de football de, actuellement en Ligue 1. Le Racing Métro 92, autre club de rugby de la capitale avec le Stade Français, en Top 14. ~ 173 ~ G.B. : J’aimerais voir la différence entre partenariat et sponsoring S.T. : Bah, c’est la même chose. Nous, c’est pour faire la différence chez nous, on fait aussi du culturel. Pour la France, quand on parle de sponsoring, c’est du sport, et quand on parle de partenariat, c’est hors sport. Mais, au fond, c’est la même chose. Après, les partenariats peuvent avoir différents types. C'est-à-dire que vous pouvez faire un barter-deal, c’est de l’échange de visibilité, c'est-à-dire un partenaire dans le monde du cinéma… « tu me donnes 150 places pour l’avant-première, des exclu’, une bande annonce exclusive pour notre site internet, et nous on va te mettre en avant ». Comme ça, il n’y a pas de cash, pas d’argent. Généralement, un partenariat, il y a quand même de l’argent, il y a des contreparties, bien évidemment, tout est contractuel. Mais… ouais, c’est juste un intitulé… G.B. : Ok, donc… [vérifiant mon questionnaire] …les cibles, on les a toutes vues, sauf pour Sosh. Est-ce que vous pouvez juste me répéter qui vous visez à travers votre communication par les sports de glisse ? S.T. : Les 15-24. Les fans de glisse. G.B. : Et, quelles valeurs par rapport à ça ? S.T. : Quelles valeurs ? C'est-à-dire ? G.B. : Quelles valeurs essayez-vous de mettre en avant ? S.T. : Pour nous, la glisse, on n’y va pas pour le sport, on y va pour le mode de vie. C'est-àdire que, on sait très bien que la plupart des gens qui sont intéressés par la glisse ne le pratiquent même pas, c’est juste ce que ça représente. C’est des notions de liberté, d’indépendance, les grands espaces, un peu rebelle au niveau skateboard, même si maintenant, c’est effectivement beaucoup moins que ça l’a été par le passé mais… Ouais, ouais, c’est ça, c’est des notions de liberté, et puis surtout, pour nous, la glisse, c’est des sports qui sont tout le temps à se déplacer, c’est… G.B. : International ? S.T. : Non, pas international. Moi… je suis uniquement local. Mais peu importe, on a un team de riders de glisse qui voyage dans le monde. L’année dernière, on a fait un voyage en Australie. G.B. : Vous sponsorisez une équipe de… S.T. : Des riders, ouais. On a des… Même dans le foot et rugby. Foot et rugby, on ne les paye pas, c’est des échanges, en fait. Ils ne s’engagent pas avec Orange, ils s’engagent avec les plateformes, le « Douzième homme » et « Avec le XV », on leur fournit des téléphones et des lignes téléphoniques, et des tablettes. Et, en échange, ils nous donnent des droits d’image pour ~ 174 ~ les exploiter sur nos plateformes. Et puis, ils parlent de nos services sur leurs réseaux sociaux. C’est la même chose sur la glisse. G.B. : Donc ça, c’est une manière pour eux de porter votre image… [il acquiesce] De quelles autres manières les sports que vous sponsorisez, les équipes que vous sponsorisez portent votre image ? Des bannières ? S.T. : Alors, il y a de la visibilité dans le stade… donc ça, c’est sur les LED, foot et rugby. Il y a de la visibilité dans les coursives. On peut faire des actions… [il s’interrompt] Ça dépend comment le contrat est négocié mais généralement, on a des actions de marketing direct avec leur base d’abonnés, on peut parler d’une offre, on peut utiliser les joueurs pour faire des opérations évènementielles sur la région. G.B. : Vous les invitez par exemple à des réunions avec des fans ? S.T. : Oui, bah ça dépend, après c’est à nous de le définir. Mais, ça se fait. Nous, on fait plein de choses comme ça. Voilà, on fait… On les sollicite pour savoir quel est leur rêve, on fait gagner un rêve… « Mon rêve, c’est de vivre un entraînement du LOSC »… Bah voilà, on va essayer de le mettre en place. G.B. : Et vous faite ça pour vos clients, en somme ? S.T. : Pas que ! G.B. : Pas que ? Vous allez au-delà ? S.T. : Les très très gros lots, c’est que pour nos clients. Mais après, on a aussi des trucs… comme je vous disais tout à l’heure, la séduction, c’est aussi de montrer à ceux qui ne sont pas chez nous que, voilà, on sponsorise un truc qu’ils admirent, on crée cette notion de désir… On sait bien évidemment que c’est le prix qui, pour le choix d’un opérateur, est le premier vecteur mais après, on veut leur donner l’envie de venir chez nous aussi. Voilà… pourquoi plein de gens ont plus envie d’aller chercher un Mac ou un produit Apple alors que c’est plus cher ? C’est parce qu’il y a cette notion, le marketing est très bien fait et ils ont envie d’y aller. Alors qu’il y a des choses beaucoup moins chères qui sont peut-être… C’est le marketing. G.B. : D’accord. Et pas d’autres supports d’image ? Par rapport aux équipes que vous sponsorisez ? S.T. : Ah bah si, après, dès qu’on fait une opération… avec le PSG, par exemple, ils vont poster sur leur Facebook… Ils commencent à avoir un bon paquet de fans. G.B. : Eux, ces derniers temps, ça a beaucoup augmenté… ~ 175 ~ S.T. : On utilise tous leurs… Bien évidemment, depuis la dernière renégo’ de contrat, il y a eu toute une partie digitale qu’il n’y avait pas avant. Donc voilà, c’est des choses… Et puis après, on a des places pour faire vivre un petit peu… comme je vous disais tout à l’heure. On a des prestations sur chaque match, pour animer en relations publiques nos différentes entités business, faire des jeux concours… G.B. : Et pour finir avec les sports de glisse, vous êtes par exemple affichés sur les athlètes, des bannières… ? S.T. : Non, alors… on est sur certains, par exemple sur Matthias Dandois 362, qui est champion du monde de BMX-flat. Il y a un petit logo Sosh sur son BMX, a près, ce qui m’intéresse plus, c’est ce qu’il fait lui sur ses réseaux sociaux, quand il parle de nous, quand il parle de nos offres, quand il va sur nos évènements, il dit « voilà, je suis avec Sosh.fr ». C’est plus ça, en fait… G.B. : C’est contractualisé aussi, ça ? S.T. : Ah, carrément ! G.B. : Justement, vous avez parlé du champion du monde de flat 363, est-ce que vous êtes représentés par d’autres figures ? Je veux dire par là des sportifs de haut niveau, avec qui vous avez vraiment des contrats ? S.T. : On l’a beaucoup fait, on le fait beaucoup moins. On a encore Sébastien Chabal 364, on a un petit contrat avec lui. Mais, c’est des petits contrats, ce n’est plus ce que ça a été avec Zinedine Zidane, où il y avait carrément des films publicitaires. Ça, on ne le fait plus. On a encore Fabien Galthié… voilà, Fabien Galthié365, c’est des petits contrats, c'est-à-dire qu’on a 4 ou 5 interventions… notamment en relations publiques ou encore en interne sur des séminaires de motivation où Fabien Galthié vient intervenir. Là, on a des rugbymen qui viennent sur nos évènements. Quand on a les Six Nations, on a un salon pour recevoir nos invités au Stade de France et on anime avec des anciens joueurs, des joueurs en activité qui viennent pour donner leur pronostic. Donc an tout… Généralement, la cible, l’AgenceEntreprise ou OBS qui vient avec des clients. Donc, les gars boivent un coup, et puis tout d’un coup, il y a d’anciens joueurs ou légendes qui viennent donner leurs… en disant « bah voilà, on va se faire taper aujourd’hui... », c’est plutôt… [Il s’interrompt] En plus, c’est bien dans l’esprit rugby, ça déconne. Donc, ils vivent un moment exceptionnel. Vraiment. 362 Matthias Dandois, né en 1989, est triple champion du monde (2008, 2009, 2011) de sa discipline. Le flat consiste à réaliser des figures acrobatiques sur sol plat avec un BMX, et non des courses. 364 Ancien international français, encore joueur (mais proche du retrait), emblématique pour sa carrure physique et sa barbe, qui ont fait l’objet d’une grande attention médiatique. 365 Ancien joueur français de rugby (1987-2003), capitaine de sélection, aujourd’hui devenu entraîneur au sein du Top 14 français, et consultant pour France 2. 363 ~ 176 ~ G.B. : Du point de vue d’un amateur de sport, j’imagine… S.T. : Ah, carrément ! G.B. : Et comment vous choisissez ces sportifs ? Je vois, il y a Chabal… [je remarque alors son poster dans le bureau] Comment vous choisissez les sportifs qui, entre guillemets, vous restent ? S.T. : On le voit avec mes équipes. Ils sont forces de proposition et puis, on valide. Là, on a des anciens, on a des jeunes joueurs… Voilà, ce que j’essaye de leur dire, c’est garder… de ne pas exploser le team joueur puisque vu qu’il n’y a pas de cash – en tout cas, j’entends foot et rugby – ce n’est pas qu’il y en a non plus des tonnes… et de prendre ceux qui sont les plus digitaux. Donc, bah voilà, on essaye d’avoir un joueur qui est au PSG, un joueur qui est à Nantes, un joueur à l’OM, un joueur au moins à Lyon… pour respecter un peu… G.B. : Vous avez un joueur dans chaque équipe de Ligue 1 ? S.T. : Pas dans chaque, non. G.B. : Est-ce que je peux avoir des noms, s’il vous plaît ? S.T. : On a Matuidi366, on a Mandanda367, on en a pas mal… Oh, il y en a beaucoup, ouais. Allez voir sur le « Douzième homme », ils y sont tous. G.B. : Ok, je vous remercie. S.T. : En fait, il y a deux plateformes qu’il faut que vous alliez voir, je pense : « Avec le XV » - en chiffres romains, le quinze – et le « Douzième homme ». G.B. : Merci. S.T. : On est sur Facebook, Twitter et on a des sites en propre. G.B. : D’accord. Vous aviez dit que vous aviez moins de sportifs qu’avant, ça fait partie de la rationalisation des budgets [il acquiesce à ces mots] ou est-ce qu’il y a… ? D’accord. Et, estce que… apparemment, il y a pas mal de communication interne par rapport à vos figures, mais est-ce qu’ils expriment encore votre image en externe ? S.T. : Non, on les utilise assez peu, c’est pour ça que je vous dis que c’est des petits contrats. C'est-à-dire que les contrats qu’on a avec le rugby et le foot, c’est notamment pour animer nos 366 367 Blaise Matuidi, né en 1987, milieu de terrain au Paris Saint-Germain et international français. Steve Mandanda, né en 1985, gardien de but à l’Olympique de Marseille et international français. ~ 177 ~ plateformes digitales, principalement. Après, de temps en temps, vu que Chabal, on lui [donne]368 encore un peu de cash, si on voulait faire une pub avec lui, on pourrait le faire. G.B. : D’accord. Est-ce qu’ils sont présents sur… Sur quels supports sont-ils présents ? S.T. : Sur nos réseaux sociaux. G.B. : Réseaux sociaux, occasions privilégiés. C’est tout ? S.T. : Ouais. Et puis, en com’ interne, on utilise leur image. G.B. : Et, pour finir avec vos figures, que je vous demande comment vous les choisissez, y-at-il des impératifs de tenue, de valeurs… ? S.T. : Bien sûr. Ça aussi, c’est contractuel. S’il y a dérapage comme on a pu le voir… par certains joueurs de foot… Voilà, ils s’auto… ils s‘auto-excluent, quelque part. C’est un contrat avec eux. G.B. : Et ces impératifs d’image, quels sont-ils ? Je veux dire, une certaine présence ? S.T. : Après, c’est très carré… Mais, après, avec Blaise Matuidi par exemple, on a un cadre, et on dépasse très largement le cadre du contrat. Parce que le mec est super, il est intelligent, et… il sait que c’est aussi bon pour son image parce qu’à chaque fois, on a quand même une force de frappe assez forte. On approche des 500000 fans sur Facebook, avec des taux d’engagement très fort, donc n’est pas… On est légitime sur le sujet maintenant, donc il est malin. Bien évidemment, on met un minimum, mais c’est très difficile de dire « bah, une opération par trimestre ou… ». Donc, c’est plus global que ça, pour pouvoir utiliser son image dans le cadre de nos plateformes digitales, pour pouvoir l’utiliser sur 2-3 évènements, des évènements dans la vraie vie, dans le dur mais… Ouais, ouais, on cadre tout ! Après, effectivement, contractuellement aussi, s’il y a des dérapages, c’est « au revoir ! ». G.B. : Justement, point de vue dérapage, vous, ce que voulez point de vue figure, sans rentrer dans des catégories, vous voulez plutôt des « gentils garçons » ou… S.T. : [Il m’interrompt] Non, pas que. G.B. : Des « gentlemen » [continuant mon énumération] ? S.T. : Bah, un minimum, oui. On est Orange, on n’est pas Red Bull… ou Free, même ! G.B. : Donc, le sportif-type que vous essayez de sponsoriser, ça va être ? Si vous pouviez le décrire… 368 Inaudible. ~ 178 ~ S.T. : Bah, Blaise Matuidi par exemple, c’est parfait, lui ! C’est un mec qui joue, qui bosse, qui a une bonne attitude sur le terrain. C'est-à-dire qu’à un moment donné, mes équipes sont venues me voir en parlant de Jérémy Ménez369. Je leur ai fait « moi, je ne suis pas d’accord » [sur un ton catégorique]. G.B. : Je comprends... Et, pour finir sur vos techniques, est-ce que vous réalisez de la publicité à travers le sport ? S.T. : C’est rare. G.B. : Vous incorporez le sport dans vos publicités [voulant reformuler] ? S.T. : Ça arrive, ça arrive, mais c’est de plus en plus rare. C’est très rare. G.B. : Est-ce que je peux vous demander pourquoi ? S.T. : Parce qu’on a d’autres priorités qui sont très produits370. Et c’est pareil, même dans le budget média, on a beaucoup réduit. On n’a plus le loisir de pouvoir, comme le fait la Société Générale par exemple, où eux ils ont intégré dans leur plateforme de com’ le rugby. Le rugby est partie prenante. Comme la GMF, c’est pareil. Nous, ce n’est pas le cas, nous, on reste quand même sur le produit… Cela dit, je vous dis ça, on a briefé nos agences, je les revois la semaine prochaine, pour qu’ils comprennent bien les droits qu’on a. Voir s’ils peuvent… De temps en temps, ça peut être une partie de notre communication globale sur une période commerciale. C'est-à-dire qu’on a un thème, après, si moi c’est logique qu’on soit dedans, on sera dedans. Et ça sert plus sur un truc produit comme l’appli Ligue 1 que sur de l’image pur et dur. G.B. : D’accord. Et une question : est-ce que, lorsque vous communiquez à travers le sport, vous ressentez un besoin de vous distinguer ? Je veux dire, il y a de plus en plus d’entreprises qui communiquent à travers le sport, parce que le sport, notamment, a l’avantage de toucher tout le monde, entre autres… est-ce que, lorsque vous communiquez par le sport, vous essayez de communiquer différemment, par rapport à d’autres entreprises, d’autres concurrents ? S.T. : Ah, c’est tout le débat… Bon, ce n’est pas un débat, mais… par exemple, avec la Société Générale, on est sur le même sujet, sur le rugby… Donc, je reviens à ce que je vous disais tout à l’heure, à un moment donné, c’est comment on communique, notamment à travers nos plateformes digitales… à partir du moment où vous avez défini quelle allait être votre ligne éditoriale et votre parti pris, comme je vous disais, c’est ça… comment on résume notre plateforme, c’est « vous aimez le rugby, nous aussi, on va partager cette passion et on 369 Jérémy Ménez, né en 1987, attaquant au Paris Saint-Germain et international français. Il est régulièrement décrié, par les amateurs et la presse, pour son arrogance, son individualisme… ce dont il se défend. 370 Au sens des produits en vente chez Orange. ~ 179 ~ va vous donner accès à l’inaccessible ». Il est là, le cœur de notre truc, c’est « qu’est-ce qu’Orange va vous apporter de plus que n’importe qui dans le rugby ? Qu’est ce qu’on va vous apporter de plus que le Midi Olympique371 ? Qu’est ce qu’on va vous apporter de plus que la fanpage de votre club ? ». Il faut qu’on apporte un truc en plus, sinon les gens ne vont pas venir. Ça ne va pas les intéresser. G.B. : C’est votre manière de vous distinguer ? S.T. : Exactement ! Et puis après, en termes d‘image, on a un partenariat avec So Foot372 parce qu’on trouve ça intéressant, ce petit côté pertinent, ils traitent le foot différemment de tout ce qu’il peut y avoir sur le marché à l’heure actuelle. Donc nous, ça nous fait marrer. Ça a un côté un peu… G.B. : C’est très drôle, parfois. S.T. : Ah, c’est super bien vu ! Franck Annese373, c’est un mec qui est brillant. Le mec est très bon. Parce que sinon, tout ce qui se fait, ça n’a pas beaucoup évolué depuis Téléfoot 374. Il y a même Jean-Michel Larqué 375 sur Canal+ maintenant, c’est pour vous dire… [d’un ton ironique] G.B. : [Je ris] En somme, depuis combien de temps Orange communique-t-il – ou elle – par le sport ? S.T. : Depuis que ça a été créé. Ils ont commencé le sponsoring même avant, ils avaient commencé dans le foot quand la marque n’existait pas encore. C’était encore Itinéris 376. Il y a une époque, il y avait Itinéris, Wanadoo377 et France Télécom qui faisaient du sponsoring. On avait parfois même les trois qui faisaient du sponsoring sur le même club, ils ne le savaient pas [il rit] ! G.B. : D’accord. Donc, là c’est difficile dans parler, car à l’époque, ce n’était pas une entreprise aussi unifiée que maintenant, mais dans quel contexte l’entreprise, le futur Orange, a-t-elle sérieusement envisagé d’utiliser le sport ? Une transformation ? Peut-être les transformations à venir ? Un réalignement ? 371 Journal bihebdomadaire français spécialisé dans le rugby et uniquement dédié à ce sport. Il est connu sur internet comme Rugbyrama.fr. 372 Journal mensuel français spécialisé dans le football et uniquement dédié à ce sport. Il est connu pour son satyrisme et sa manière décalée, souvent ironique, de traiter l’information footballistique. 373 L’un des cofondateurs de So Foot, en 2003. 374 Téléfoot est une émission de télévision dédiée au football sur TF1, créée en 1977, qui fut un temps considéré comme l’un des médias principaux de l’information footballistique. 375 Un présentateur sportif historique de TF1, ancien joueur de l’AS Saint-Etienne. 376 Lancé en 1992 par France Télécom pour être son opérateur de téléphonie mobile, Itinéris fusionne avec d’autres entités en 2001 pour être intégré à Orange, racheté un an plus tôt. 377 France Télécom lance son fournisseur d’accès internet en 1995 : Wanadoo sera intégré à Orange en 2003 et disparaîtra définitivement en 2006. ~ 180 ~ S.T. : Ils ont commencé à le faire pour construire la notoriété de la marque Orange… Parce que c’est un booster évident… quand vous êtes sur le sport le plus populaire de France… Je ne sais pas si c’est… 120 millions de contacts à l’année sur le championnat quand vous êtes visibles sur les terrains ou sur les maillots. Il y a plein de nouvelles marques, vous remarquerez, que des grosses marques maintenant… se payent toujours un maillot… Alors après, je pense qu’il faut plus un parti pris, mais ce qu’avait fait Orange à l’époque, ils n’étaient que sur le maillot de Lens378. Ils avaient cette équipe… Mais, c’est un vecteur… pour construire la notoriété d’une marque, le sponsoring sportif, c’est très efficace. Et surtout, ils étaient partis, ils avaient le bateau Orange… c'est-à-dire qu’ils étaient présents tout le temps. On ne pouvait pas les louper. G.B. : Donc, en somme, ce n’était pas tant s’adresser à un nouveau public que s’adresser au même public, mais avec une nouvelle entité, un nouveau nom ? S.T. : Ouais, c’est ça ! C’est pour travailler la notoriété de cette marque. G.B. : Mais, pas de nouveau public en soi ? S.T. : Non. G.B. : D’accord. S.T. : Ça faisait surtout partie d’un plan de communication globale. Ce qu’il ne faut pas oublier aussi, c’est que le sponsoring à l’heure actuelle, c’est sur la préférence de marque, mais c’est surtout, et avant tout, au service de la stratégie de communication du groupe Orange. Donc, on va servir les mêmes objectifs, les mêmes intérêts. C'est-à-dire que quand je vois le plan de communication globale, notamment sur les contenus, notamment sur la VOD379, quand on continue à être partenaire du cinéma, c’est aussi pour servir les intérêts du marketing, vous comprenez ? [J’acquiesce] Ce n’est pas juste pour être partenaire de la sortie d’un film et faire gagner dix places. Il y a d’autres négociations par ailleurs, qui sont aussi importantes, et sur le foot, il y a cette notion effectivement d’innovation à travers… l’appli Ligue 1. Et sur le rugby, effectivement, on est plus sur des valeurs, parce qu’on n’a pas de contenu, on n’a pas de choses comme ça. Là, on est plus, effectivement… c’est très important pour les relations avec les collectivités locales, le rugby, très très important ! Et puis voilà, pour ne rien vous cacher, il y a toujours des appels d’offre à droite-à gauche… vous vous rendez compte que le mec qui est au conseil d’administration du club de rugby est aussi au conseil régional et voilà… G.B. : D’accord, c’est le côté réseau. 378 379 Le Racing Club de Lens, club de football du Pas-de-Calais. Stéphane Tardivel mentionne ici le service de Vidéo à la demande que propose Orange à ses abonnés. ~ 181 ~ S.T. : C’est du lobbying, c’est des réseaux, ouais. G.B. : Côté lobbying, d’accord... Est-ce que la transaction a été visible du public lorsque vous avez utilisé le sport pour amener Orange ? [M. Tardivel reste dubitatif] Je ne sais pas si je suis clair… S.T. : Non [il ris]. G.B. : Je m’en doutais… [quelques secondes] Lorsque Wanadoo, Itinéris et France Télécom sont devenus Orange [il comprend alors], est-ce que la transition a été visible par le consommateur ? S.T. : La stratégie sportive ? Sponsoring ? G.B. : Sponsoring et communication. S.T. : Non, parce que c’était tellement dilué dans tout ce qu’il y avait autour… C'est-à-dire que moi, j’étais au partenariat quand je suis arrivé à ce moment là, c’était tellement énorme par ailleurs comme communication… Nous, ça été plus une grosse période de rationalisation, dire d’aller voir le club « bah voilà, t’avais trois contrats, t’en as plus qu’un maintenant et tu vas gagner beaucoup moins d’argent, par contre on va continuer à travailler ensemble ». Effectivement, c’est qu’après, la visibilité dans tous les stades, c’est Orange. Il n’y a plus un Toblerone Wanadoo derrière ou un cube… une esperluette380 quelque part, c’était du Orange partout, donc plus de sens, plus de visibilité avec une marque unique. G.B. : D’accord. On a bien parlé de la communication en soi, en somme, on peut parler un petit peu de l’après, l’évaluation… Quelle évaluation menez-vous de votre communication par le sport ? Vous utilisez des études qualitatives ? Quantitatives ? S.T. : Bah, je vous disais, on a… on fait tout, on fait quanti’, quali’… C'est-à-dire que, déjà, tout ce qu’on fait… [hésitation] La stratégie de sponsoring, on regarde, on a un baromètre sport qu’on fait avec CSA et Havas, on le fait deux fois par an… c’est une étude internet, 2000 personnes, donc un beau panel et on… [il doit consulter son agenda] …et on se calque sur les indicateurs de préférence de marque, de la marque Orange. Donc, on arrive à montrer qu’effectivement, tout ce qu’on fait en tout cas dans le foot et rugby, ça a une incidence sur la préférence de marque et sur la considération. Sur les items de confiance, d’innovation… G.B. : Qu’est-ce que vous avez comme autres items ? S.T. : C’est le seul. C’est difficile… vous pouvez difficilement mesurer, à partir du moment où… là, on n’est pas comme Coca-Cola, qui est sponsor, qui va vendre des Cocas dans les stades. Nous, voilà, on est… c’est juste de la préférence de marque. On est convaincu du bien380 L’ancien emblème de France Télécom ~ 182 ~ fondé de cette stratégie sur les indicateurs de préférence de marque, on mesure qu’on prend entre 15 et 20 points, c’est énorme ! Sur les fans de foot. Après, on fait +10 même sur les gens qui s’intéressent au sport. G.B. : D’accord. Et en somme, les résultats sont positifs si j’ai bien compris ? S.T. : Très positifs, ouais ! Bah heureusement, parce que sinon…Mais c’est ce que je disais aux équipes lorsque je suis arrivé, j’ai dit « si vous ne mesurez pas ce que vous faites avec les investissements qu’il y a, un jour, quelqu’un va dire ‘’on arrête tout !’’, vous n’allez pas pouvoir montrer que ça a un intérêt ». G.B. : D’accord. En somme, sachant que vous avez dit que la notoriété n’était pas l’objectif principal, donc en termes d’images, c’est positif… S.T. : Très positif, ouais. G.B. : D’accord. Par contre… vous en avez mentionnés tout à l’heure, est-ce que dans toute cette communication par le sport, vous avez réussi à mettre en évidence des manques ? Des points qui devraient être améliorés ? S.T. : Bah, on pourrait toujours faire plus, mais après, il faut aussi être cohérent par rapport à… au marché actuel. Il y a eu un nouvel entrant qui est arrivé qui s’appelle « Free », qui a lancé le low-cost sur le mobile, donc voilà… notre part de marché, on a toujours la même part de marché, par contre, la valeur du marché s’est écroulée. Donc nous, on a envie de maintenir un EBITDA381 sur lequel on s’est engagé auprès des investisseurs et du marché en général… financier, sur les places. Donc, il faut faire des économies ! Et moi, je suis un centre de coûts, comme communication, donc, il faut faire des économies… Donc moi, j’adorerais qu’on dépense plus, qu’on ait plus de médias pour faire plus savoir ce qu’on fait dans le rugby, mais ce n’est pas possible, faut être… G.B. : D’accord. Mais, en somme, si vous le pouviez d’un point de vue financier, vous communiqueriez encore plus par le sport ? S.T. : Bah oui ! Parce que, pour l’instant, depuis 5 ans, on a vachement amélioré le ratio « droits versus activation ». C'est-à-dire que les droits sont tellement chers, normalement, il faudrait, pour un euro de droits, il faudrait trois euros d’activation. Le ratio est complètement inversé avec le sport, c’est le contraire. Donc moi, ce que j’ai fait, c’est que jusqu’à présent, c’était 10% d’activation par rapport aux droits, là, je suis monté à 22%. C'est-à-dire que je réduits les droits pour augmenter l’activation et optimiser les choses, pour qu’on nous voie plus et que ça soit plus cohérent… notamment grâce au digital. 381 Bénéfices avant intérêts, impôts et amortissements (BAIIA en français). ~ 183 ~ G.B. : D’accord. Mais… vos budgets vont rester stables, point de vue communication par le sport ? S.T. : Ah bah moi, depuis 5 ans, c’est une baisse continue, mais… parce qu’on a validé une stratégie il y a deux ans maintenant… avec la directrice générale d’Orange France, avec Stéphane Richard382… Une stratégie de territoires et une stratégie de moyens… après, on va tout remettre sur la table et on va en discuter. G.B. : Et la prochaine grosse discussion à ce titre ? S.T. : Bientôt [souriant, hochant la tête]. G.B. : Ensuite… est-ce que la communication par le sport a une influence sur vos positions de marché ? Vos résultats commerciaux ? Selon vous… S.T. : Je ne sais pas. Je ne peux pas vous dire… G.B. : Bien. Vous avez mentionné rapidement tout à l’heure le côté interne – là, on est sur la fin. Est-ce que le sport fait partie de votre communication interne ? S.T. : Oui ! G.B. : Via quels moyens ? S.T. : Intranet… principalement, parce qu’on ne fait pas de papier dans la communication, donc c’est intranet. G.B. : Via des news ? Des concours ? S.T. : Ouais, des concours principalement. Et puis après, justement, on pousse les dircom’ en région pour en parler, des partenariats. Donc, à eux, à leur main de pouvoir en parler, d’organiser les choses… avec le bassin d’emploi, c’est en région. G.B. : Et lorsque vous utilisez le sport dans votre communication interne, quel est votre objectif ? Vous parliez par exemple tout à l’heure de combativité… S.T. : Bah… que les gens adhèrent. Que les gens adhèrent. C'est-à-dire qu’on ne le dit pas, toutes ces choses là. Je pense que c’est juste… on est tellement attaqué de toute part, toujours pointé du doigt… C’est toujours compliqué pour nous… de montrer qu’on est très engagé avec le rugby, qui est quand même un sport de combat… ou d’unité, c’est quand même le collectif qui prime plutôt que l’individualité. C’est quand même… c’est important de montrer… Déjà, c’est important de bien montrer, de bien expliquer pourquoi on y est. Ça, on le fait. Après, je pense que peu de gens vont sur intranet tous les jours mais après… ceux qui 382 Le PDG d’Orange depuis février 2011. ~ 184 ~ sont fans de rugby, il y en a beaucoup, puissent aussi bénéficier de la stratégie du groupe. En tout cas, qu’ils aient l’opportunité de pouvoir essayer d’y participer après… on pourrait remplir le stade de France nous, il n’y a pas de problèmes. G.B. : D’accord. Est-il aussi incorporé dans vos techniques de management ? S.T. : Je n’irais pas jusque là. G.B. : Non ? S.T. : Non. Non, non. Ça, c’est autre chose, c’est les RH. Ce n’est pas parce que Bruno Mettling383 est fan du RCT384 que… Souvent… on peut souvent faire des parallèles quand même. C'est-à-dire que la motivation d’un groupe de gens qui sont différents dans l’entreprise, c’est un peu pareil. Souvent d’ailleurs, il y a des sportifs qui interviennent sur des séminaires divers et variés, en commercial ou autres… Ils viennent parler de leur expérience, justement, de motivation d’un groupe. G.B. : Et qui assiste à ces séminaires ? S.T. : Je ne sais pas… C’est marrant, on se voit là, j’ai reçu deux demandes d’entités différentes pour avoir un sportif pour participer à leurs séminaires. Donc là [regardant ses mails], c’est l’Agence-Entreprise et puis l’autre, c’est OBS. Donc, ça peut être 300 commerciaux… G.B. : D’accord. Et pour finir avec le côté interne de votre entreprise, est-ce que vous avez des données sur le rapport entre vos salariés et le sport ? Est-ce qu’ils sont plus susceptibles d’être membres d’associations sportives ? Est-ce que vous avez une association sportive interne ? S.T. : Oui, il y en a une mais après… ça c’est plus à la com’ interne chez moi qui le gère, c'est-à-dire qui gère le sport différemment. Ils organisent des appels à projet tous les ans, ça s’appelle « Orange Passion » : chacun présente son projet, soit dans la culture, ou dans le sport, et la com’ interne finance une partie de ce projet. Donc, c’est plus comme ça, en fait. Après, il y a eu, historiquement… l’USPTT ou je ne sais pas quoi, une équipe de foot Orange quelque part, mais… ce n’est pas mon rôle. G.B. : En somme, pour l’entreprise, ça a quand même une existence et une fonction ? 383 384 Directeur des Ressources Humaines depuis 2010. Racing Club Toulonnais, club de rugby présent en Top 14. ~ 185 ~ S.T. : Je pense que ce n’est pas une fonction, c’est juste des gens qui se sont mis ensemble pour faire du sport. Comme certains qui vont jouer à l’Urban385 quelque part… parce que ça se développe. G.B. : Ok. Est-ce que le sport fait partie de votre comité d’entreprise ? Via des lots, que saisje… S.T. : Non. Le comité d’entreprise peut participer financièrement aux activités sportives des salariés et leurs familles. Une fois par an, il participe, il rembourse une partie des frais d’inscription dans des clubs de sport. G.B. : D’accord. Des places ? Ce genre de choses… S.T. : Ça, ils peuvent en vendre, mais c’est autre chose. Ils doivent le faire d’ailleurs, mais… G.B. : Ok. En fait, on arrive au bout. J’ai juste deux petites questions finales à vous poser. Quelle est selon vous la meilleure manière de communiquer par le sport ? S.T. : [En pleine réflexion, il croise les mains] G.B. : Vaste sujet ? S.T. : Après, vous prenez des cas d’école, c'est-à-dire que… Red Bull le fait très bien. Red Bull, c’est une marque qui communique très bien à travers le sport. Ils sont positionnés sur des sports extrêmes. Ils se sont donnés les moyens, ils ont une stratégie qui est très très claire, ils le font très très bien. Mais par contre, ils ont les moyens, quoi ! Ils mettent un blé… Je ne vous parle même pas du gars qui a sauté… la plus longue chute libre de l’Histoire386, depuis l’espace. Mais ce qu’ils font dans la glisse, dans les sports extrêmes, que ça soit le plongeon, que ça soit… c’est très bien fait. Donc, le meilleur moyen… j’ai envie de vous dire, c’est déjà de savoir où on va, de bien connaître les valeurs de son entreprise et de choisir quelque chose qui soit cohérent. Red Bull… voilà, « Red Bull vous donne des ailes »387, ils sont toujours sur des sports un peu extrêmes, un peu… Même dans la musique, ce qu’ils font, c’est quand même très très bien fait. Après, la meilleure manière… je ne sais pas ce que vous entendez exactement par cette question mais… G.B. : Peut-être des pré-requis indispensables ? Pour reformuler, les choses qu’on ne doit pas manquer en communiquant par le sport. S.T. : Je pense que maintenant… 385 Football joué à 5 contre 5 sur terrain synthétique, différent du Futsal. Le 14 octobre 2012, Félix Baumgartner saute de 39.000 mètres d’altitude, via une capsule tirée par un ballon d’hélium, et bat le record du saut le plus haut, devenant le premier à dépasser le mur du son en chute libre. 387 Le slogan français de Red Bull, pour ses boissons énergétiques. 386 ~ 186 ~ G.B. : [Je le coupe] Sachant que beaucoup d’entreprises communiquent par le sport et que certaines échouent, preuve qu’il y a quand même quelque chose à maîtriser. S.T. : Vous avez des exemples, pour vous, des entreprises qui ont échoué ? G.B. : [Quelques secondes de réflexion] J’en ai plusieurs en tête. En somme, est-ce que SFR retire de bonnes choses de son sponsoring de l’Équipe de France ? J’ai pas mal songé à ce cas… S.T. : Je suis assez d’accord [il acquiesce]… c’est compliqué. Surtout qu’ils ne font rien d’autre dans le foot, c’est que ça. Du coup, ils ne sont associés qu’à ça, c’est là où ç a devient dangereux, c’est un parti pris… Des fois, ça peut être une partie de poker aussi, c'està-dire qu’il y a certaines marques qui s’associent à un seul club. Si le club part en sucette ou il y a une histoire de corruption… ça peut être catastrophique… de dopage… Ou alors de s’associer à un seul athlète, comme Nike avec, tout d’un coup, Tiger Woods qui fait la une des journaux, tabloïds…388 Je pense qu’il faut être cohérent quand vous êtes dans le sport. À mon avis, il faut raconter une histoire, il ne faut pas y aller pour faire un coup, ça ne sert à rien. C'est-à-dire que nous, ce qu’on fait depuis 12 ans, ce que la Société Générale fait dans le rugby depuis 25 ans, ce que fait la GMF depuis 20 ans dans le rugby, c’est cohérent. Il faut raconter une histoire… il ne faut pas mélanger les métiers, quand vous êtes associés à un sport, pour ses bons côtés, ses mauvais côtés, il y a des limites à fixer. Mais je pense que raconter une histoire, c’est super important. Si vous êtes juste sur un coup… Red Bull, c’est ce qu’ils font, ils racontent des histoires, c'est-à-dire qu’ils sont sur les sports extrêmes, ils y sont, ils ont développé leurs évènements en propre, avec leur marque. Quand ils sont dans le foot, ils rachètent des équipes en 3ème division et ils leurs donnent la marque. Les Red Bull de New York, ils les ont créés de toute pièce. Salzbourg, c’est pareil. S’ils venaient en France un jour sur un club de foot, à mon avis, ils pourraient aller sur un club qui est en 2 ème-3ème division et avec un objectif de les monter… Alors, je ne sais pas… mais je crois que c’est important d’être cohérent et d’être dans la durée. Moi souvent, c’est ce que je dis quand on a des opportunités… de se mettre, de se dire « tiens, je vais aller sur la Coupe du Monde de rugby et après je ne fais plus rien », ça n’a pas de sens. Vous avez un coup de projecteur tout d’un coup et vous n’y êtes plus… G.B. : D’accord. Je comprends ce que vous me dites. S.T. : Et surtout, maintenant, il y a un truc à prendre en compte, c’est tous les réseaux sociaux. Il faut y faire attention, il faut surveiller comment ça se passe… Mais, il faut y être ! Et après, les gens vous suivront et, à partir du moment où vous êtes cohérent et légitime par rapport au sport sur lequel vous êtes présent… 388 Fin 2009 éclate un scandale public qui voit l’américain Tiger Woods, leader mondial du golf masculin avouer son infidélité. Nike reste son équipementier, alors que d’autres sponsors le quitteront, tel Tag Heuer, Accenture... ~ 187 ~ G.B. : D’accord. Et toute dernière question, si pour une raison ou pour une autre – qu’on pourrait peut-être imaginer d’ailleurs – si Orange devait abandonner le sport, vers quoi se tournerait l’entreprise ? S.T. : Je ne sais pas. Je ne peux pas vous répondre. G.B. : Et qu’est-ce qui pourrait amener Orange à, brutalement ou non, communiquer de moins en moins par le sport voire plus du tout ? S.T. : Des raisons financières. Mais, on n’en est pas là. L’entretien se finit par un petit dialogue non enregistré sur le sport en général, mon expérience Erasmus… et M. Tardivel me raccompagne aimablement. ~ 188 ~ Annexe 3 Entretien avec Jean-Raphaël Gaitey, responsable des partenariats sportifs et de la communication « Sportifs de haut niveau », au sein de la direction de la communication du Groupe La Poste Cet entretien s’est déroulé le 16 janvier 2014 au siège du groupe (Paris 15ème – Boulevard de Vaugirard), et a duré 1h14. J’y ai été reçu par M. Arnaud Cren-Larvor, stagiaire auprès de M. Gaitey. Cet entretien s’est déroulé dans une salle de réunion, et M. Cren-Larvor avait semble-t-il été invité à participer à notre entretien. Il fut finalement discret, laissant à M. Gaitey le soin de répondre à toutes les questions, apportant parfois quelques précisions. L’entretien fut courtois et un peu plus long que prévu, si l’on inclut les questions que m’ont posé mes interlocuteurs à la fin de l’entretien (sur mon cursus, sur mes précédents entretiens…). Cela n’a pas empêché M. Gaitey de s’expliquer en détail du début jusqu’à la fin. Il m’a d’ailleurs été fourni à la fin un corpus de documents sur la communication de La Poste. Nous nous plaçons dans une salle de réunion vide, mes interlocuteurs se placent tous deux face à moi et me laissent la parole. J’introduis donc mon mémoire et le resitue dans le cadre du cursus Sciences Po ; j’explique, sur demande de Jean-Raphaël Gaitey, ce qui m’a amené à choisir un tel sujet de mémoire. J’en arrive à l’objectif de l’entretien, sur lequel ils ne demandent pas de précision, et je pose ma première question. Gauthier Bencheïkh : Avant de venir, j’ai tenté de réaliser un petit panorama de tout ce que vous faites. La première chose qui m’est venue, c’était votre partenariat avec les arbitres en France389. Je pense que l’on va pas mal en parler… [ils acquiescent]. Ma première question, après cette petite introduction, c’est de savoir ce que vous mettez en avant grâce au sport. Estce que c’est la marque « La Poste » ? Est-ce que c’est l’entreprise ? Jean-Raphaël Gaitey : Alors, en fait, effectivement, l’entreprise s’est engagée en 2007 aux côtés des arbitres, c’est la seule action majeure… enfin, c’est l’action majeure, on va dire, du Groupe La Poste dans l’univers du sport. Il y a, on va dire de manière anecdotique maintenant… La Banque Postale, une filiale à 100%, était partenaire-titre de la Route du 389 La Poste possède en réalité quatre partenariats différents, avec les arbitres de football, de rugby, de basketball et de handball (professionnels et amateurs). Ils sont effectifs au travers du partenariat entre La Poste et les quatre fédérations et ligues professionnelles françaises de football (FFF et LFP), de rugby (FFR et LNR), de basket-ball (FFBB et LNB) et handball (FFH et LNH) qui gèrent chacune leur arbitrage. ~ 189 ~ Rhum390 en 2006 et 2010. Je dis anecdotique parce que… en fait, c’est assez loin. Mais, ce n’était pas anecdotique à la fois sur le plan financier et en termes de visibilité, puisque partenaire-titre, ça offre, on va dire, beaucoup de visibilité. Donc effectivement, on est partenaire des arbitres depuis maintenant plus de 7 ans. Ce que l’on a voulu faire, en fait, à travers cette action, qui est à la frontière entre… non pas du mécénat mais c’est une action de marketing sportif, de sponsoring sportif un peu atypique parce qu’on va surtout y chercher du sens, mettre en lumière des valeurs. Des valeurs auxquelles on croît et dont on est proche avec les arbitres. Et on va aussi mettre en avant la marque La Poste, parce que ce n’est pas parce que l’entreprise qui est passé du statut d’établissement public à une société anonyme, ce n’est pas parce que c’était un établissement public il y a encore… 3-4 ans, qu’elle n’avait pas d’objectif de communication, de visibilité, de valorisation, de promotion de sa marque première qui est la marque jaune La Poste, que vous voyez ici [il me montre l’oiseau bleu sur fond jaune sur un dépliant]. Puisqu’en fait… Même si, ici, on est à la direction de la communication corporate du groupe, on travaille pour cette marque jaune, alors qu’on est au groupe avec une marque bleue391. Cette marque là, elle est arrivée juste après la création… ou en même temps que la création de la société La Poste SA392… Groupe La Poste, en fait, que l’on retrouve un peu sur des cartes de visites, par exemple [il me donne sa carte]… ou bien pour tous les gens qui font partie du groupe, et non pas du métier La Poste. G.B. : D’accord. Et en somme… vous faites la différence entre vos marques [il acquiesce], vous mettez en avant la marque La Poste jaune, entre guillemets, la marque grand public, si je comprends bien. J-R. G. : Absolument. Bah… l’une des marques grand public puisque il y en a d’autres. G.B. : Justement, la question qui me vient à l’esprit, c’est pourquoi cette marque, et pourquoi pas les autres ? Déjà, pourquoi pas les autres marques grand public, par exemple ? J-R. G. : Par ce que c’est quand même avec cette marque là qu’on arrive à faire… on va dire entre 50% et 75% du chiffre d’affaire… encore, du groupe. Je dis « encore » parce que c’est essentiellement le courrier, courrier et colis. G.B. : Le courrier, c’est 50-60% de votre chiffre d’affaire, j’ai vu un diagramme récemment…393 J-R. G. : Entre 50% et 60%, effectivement, environ 11 milliards € sur à peine 21 milliards, globalement. Mais, on va dire que ColiPoste… [il se reprend] Elle est également sous la 390 Une course transatlantique à la voile, en solitaire, à laquelle participent plusieurs classes d’embarcations. Elle se court de Saint-Malo (Bretagne) à Point-à-Pitre (Guadeloupe), et a lieu tous les 4 ans. 391 Le même oiseau bleu, sans fond jaune. Voir http://legroupe.laposte.fr/ 392 Société Anonyme 393 En 2012, le courrier représentait 49.7% du chiffre d’affaires de la poste par activité, contre 25.6% pour la catégorie Colis-Express (Source : le Groupe La Poste), pour un total de 21.65 milliards € ~ 190 ~ marque ombrelle jaune… et c’est une marque grand public aussi mais moins connue, ColiPoste, et pourtant, à travers le colis, on a encore un petit quart du chiffre d’affaire. G.B. : D’accord. J-R. G. : C’est pour ça que je dis entre 50% et 75% selon ce qu’on englobe dedans. Donc, c’est quand même la marque grand public qui est connue, ou reconnue par environ 95% de la population. G.B. : Et en somme, lorsque vous mettez en avant la marque La Poste grand public par le sport, vous n’avez plus d’objectif de notoriété… J’imagine que tout le monde vous connaît, ça doit être mesuré chez vous … J-R. G. : Oui, oui, c’est mesuré effectivement, on a mis en place des indicateurs et on relève régulièrement, on va dire 2 à 3 fois par an, afin de mesurer ce que le sport nous apporte en termes de visibilité. On mesure la durée de visibilité, le nombre d’apparitions… et puis on extrait un équivalent d’achat d’espace publicitaire, on fait comme beaucoup de marques qui cherchent aussi de la visibilité. C’est ce qu’on arrive, en fait, le plus facilement à mesurer, à travers une action de sponsoring. G.B. : Ok, je vois bien, mais est-ce que vous avez un objectif de notoriété ? J-R. G. : [Hésitation] G.B. : Ou est-ce que vous faites la différence entre notoriété et visibilité ? J-R. G. : C’est lié. La visibilité apportera de la notoriété. En tout cas, ce qu’on cherche, ce n’est pas de la notoriété de marque, c’est la notoriété du partenariat « La Poste, partenaire des arbitres »394. G.B. : D’accord. J-R. G. : [Il rebondit] La marque est effectivement très connue, même si on est rentré en 2011 sur 100% de notre activité mise en concurrence. On a toujours besoin, toutes les marques ont besoin je pense, d’être nourries en termes de visibilité. Donc, on a cherché ça mais on cherche surtout à donner de la notoriété, de la visibilité au programme « Tous arbitres »395 que l’on a mis en place avec les arbitres… pour faire savoir en fait nos actions en faveur de l’arbitrage. G.B. : D’accord. J-R. G. : J’ai pour habitude de dire que, sur ce type de partenariat qui est encore une fois très typique, ce n’est pas de la visibilité pure, on ne s’appelle pas Fly Emirates ou on ne va pas se 394 395 Une formulation type de présentation du lien entre la Poste et les arbitres. Le nom actuel du partenariat entre la Poste et les arbitres. ~ 191 ~ coller sur le maillot du Paris Saint-Germain396, « on va juste chercher de la visibilité et on va faire la même chose dans plusieurs pays européens ». Ce n’est pas notre objectif. Nous, notre objectif, c’est vraiment de nourrir la marque, de souligner sa personnalité… G.B. : De réaliser un transfert d’image ? J-R. G. : Ouais, exactement ! On a des valeurs et on a trouvé que celles des arbitres étaient quasiment les mêmes. En plus de ça, il y a un certain nombre d’éléments… communs. La territorialité, les arbitres couvrent l’ensemble du territoire, du début de la saison, c'est-à-dire août-septembre jusqu’à fin mai-juin, tous les week-ends, voire même plusieurs fois par weekend, plusieurs fois par semaine, avec les 48.000 arbitres que l’on couvre, à travers ces 4 sports397, parce qu’on n’est pas uniquement sur le haut niveau mais on est également sur les arbitres amateurs. Il se trouve que les arbitres sont investis d’une mission de service public, les postiers aussi. Voilà… il y a une couverture géographique, une couverture territoriale et temporelle, la notion de service qui nous lient… ce qui fait qu’on a pour habitude de dire que « les arbitres comme les postiers sont investis d’une mission de service public et agissent au service de tous, partout en France et toute l’année ». Donc, c’est une petite phrase qui symbolise et qui résume le programme. G.B. : Est-ce que vous réalisez d’autres liens entre l’arbitrage et La Poste ? À part la territorialité, le service public… est-ce que vous avez d’autres liens ? J-R. G. : Bah, la notion de responsabilité, la notion d’engagement, la notion de vouloir bien faire, en tout cas de mettre en place des moyens pour bien faire. Les arbitres, c’est bien juger, prendre la bonne décision au bon moment. Nous, c’est d’être le trait d’union entre un expéditeur et un destinataire, les arbitres sont le trait d’union entre deux équipes, deux joueurs… G.B. : D’accord. Et est-ce qu’il y a dans l’arbitrage que vous sponsorisez des valeurs qui ne sont peut-être pas présentes chez La Poste, mais que vous aimeriez acquérir pour l’image de La Poste ? J-R. G. : Je comprends un petit peu… À l’inverse, il y a des valeurs qu’on a et qu’on aimerait faire resurgir chez nous, la notion de performance, la notion de résultat, la notion d’efficacité… On a du mal à le faire ressortir chez l’arbitre. On a du mal à la faire comprendre au public… qu’un arbitre s’entraîne… [il précise] …de haut niveau, s’entraîne plusieurs fois par semaine, a une approche technique et tactique, et voire psychologique de son match… qu’il recherche l’efficacité, la performance… On aimerait le faire ressortir pour montrer que La Poste, c’est aussi ça. 396 397 La compagnie aérienne émiratie est actuellement le sponsor-maillot principal du Paris Saint-Germain. Les quatre sports mentionnés plus hauts : handball, rugby, basket et football. ~ 192 ~ G.B. : D’accord. et pour finir avec l’idée de marque, pourquoi vous ne mettez pas en avant la marque du groupe via le sport, via l’arbitrage ? J-R. G. : Pour deux raisons, c'est-à-dire… Même, peut-être trois raisons, le groupe La Poste existait sous une marque jaune, la marque jaune avec non pas La Poste mais le groupe La Poste. La notion de groupe existait déjà, mais avec un logotype jaune, ovoïde jaune et oiseau bleu, et la distinction est donc arrivée au moment de la création de la SA, pour société anonyme, en… je crois que c’est mars 2010, vous me confirmerez ça à travers votre recherche398. Ça, c’est le premier point. Donc, en fait, en 2007, avec l’arbitrage, on faisait implicitement la promotion du groupe, avec cet ovoïde jaune, puisque sur la manche des arbitres de foot, par exemple, il y a juste l’ovoïde, il n’y a pas la notion « La Poste », il n’y a pas de texte, ni La Poste, ni le Groupe La Poste… Pour des raisons d’optimisation de la visibilité : si on met un texte en plus, on perd en lisibilité, en visibilité… G.B. : Ça alourdit. J-R. G. : Ça alourdit, ça réduit la taille du logo et du coup, c’est moins efficace. Pourquoi estce qu’on n’a pas mis la notion de groupe en avant… parce que, pour des raisons juridiques. Quand on est arrivé en 2007, la Fédération Française de Foot avait deux partenaires bancaires, la Caisse d’Epargne sur la Coupe de France, le Crédit Agricole pour l’Équipe de France. La Fédération Française de Rugby et la Ligue Nationale de Rugby travaillent avec la GMF sur le secteur assurance et la Société Générale sur la banque… Et donc, dans ce cadre là, on ne pouvait pas mettre en avant la notion de Groupe qui inclut chez nous aussi La Banque Postale399. Voilà, il y avait une notion de concurrence et d’exclusivité sectorielle qui nous empêchait de… promouvoir la notion de groupe. G.B. : D’accord. J-R. G. : Donc, on a exclut volontairement du cadre juridique de nos contrats avec nos partenaires sportifs la notion de groupe, en se situant uniquement sur nos métiers courriers, colis et réseau de distribution, qui chez nous s’appelle « L’enseigne ». Les 17.000 points de vente et de contact sont dans un métier qui s’appelle « L’enseigne »… [hésitation] Je pense que c’est les raisons essentielles, et puis au-delà de ça, la notion de groupe, en fait, a été… [Il se reprend] …la notion de groupe sera jamais mise autant en avant que la marque jaune qui est grand public. G.B. : D’accord. 398 En effet, La Poste est une société anonyme (à capitaux publics) depuis le 1 er mars 2010. Les activités bancaires représentaient 24.1% du chiffre d’affaires de La Poste en 2012 (source : le Groupe La Poste). 399 ~ 193 ~ J-R. G. : La marque bleue, c’est plus une marque corporate, institutionnelle qui est là pour parler à nos partenaires financiers, institutionnels, Etat, ministères, à nos partenaires aussi à l’étranger… Elle n’a pas de notion… je veux dire la vocation à être portée à la connaissance du grand grand grand public. G.B. : En somme, pour des objectifs corporate, vous ne seriez pas prêts à faire la promotion du Groupe La Poste par du sport ? J-R. G. : Je n’ai pas dit ça. G.B. : Ou pas à court terme ? J-R. G. : Peut-être pas à court terme, parce qu’après, il y a des notions de capacités financières qui doivent être dégagées pour faire la promotion d’une marque, si on veut qu’elle soit visible. On pourrait éventuellement faire la promotion, valoriser le groupe bleu à travers le sport, mais à travers des actions moins visibles, plus centrées sur l’interne, pour fédérer l’interne, mobiliser l’interne. Là, ça aurait une vraie capacité, mais on ne rentrerait pas dans une démarche de communication grand public, sur des sports très populaires. G.B. : D’accord. Est-ce que vous mettez en avant des produits par le sport ? Des services ? J-R. G. : Non. Non, on est sur une action qui est juste corporate, orientée sur les valeurs et sur la marque, mais ni sur des produits, ni sur des services. C’est une espèce de forme d’engagement auprès de nos partenaires, aussi. G.B. : Une dernière question à ce sujet, un peu à part : est-ce que le sport a une place quelconque dans votre communication financière ? J-R. G. : Alors, on parle dans le rapport annuel, on parle de sport. On parle un petit peu de notre partenariat avec les arbitres, mais un petit peu, ce n’est pas non plus… On n’en fait pas une page. Un petit paragraphe qui illustre un petit peu nos engagements sportifs et sociétaux, puisqu’en fait, à travers l’arbitrage, on vient soutenir une fonction importante du sport, utile et nécessaire, on va dire. G.B. : D’accord. Donc… point de vue objectifs, je pense qu’on a bien passé ça en revue. Donc vous, en somme, c’est l’image de marque, arrêtez-moi si je me trompe [il acquiesce]. Les valeurs, je pense qu’on les a vues aussi… J-R. G. : Pas tout à fait. Pour préciser, c’est proximité, respect, engagement… Arnaud Cren-Larvor : Équité. J-R. G. : Équité, transparence… A. C-R. : Performance. ~ 194 ~ J-R. G. : Performance. Alors, il y a à la fois des valeurs et à la fois des notions. Proximité, ce n’est pas une valeur, c’est une notion. G.B. : Une question à ce sujet : est-ce que le sport vous aide à inspirer confiance ? Est-ce que parrainer les arbitres, pour vous, a aussi un objectif d’inspirer confiance à vos clients ? À vos publics ? J-R. G. : Alors, on pense que la marque La Poste… il y a beaucoup de français qui ont confiance dans cette marque parce qu’elle est là depuis 1500, on va dire400, qu’on confie ses objets, on confie son courrier... Parfois, on dit des choses importantes et sérieuses dans ces courriers et ces colis. Et à travers le sport, on a voulu dire la même chose, c’est à dire que sans arbitre, pas de sport. Et on doit tous avoir confiance dans l’arbitre pour… parce que c’est lui qui est le dépositaire des règles, le garant de l’esprit du jeu, le garant de l’équité. Donc, il y a la même notion et on doit avoir confiance, tous. Tout ça, ça doit être des valeurs qui vont nourrir la confiance. G.B. : D’accord. Depuis quand sponsorisez-vous les arbitres déjà ? 7 ans ? J-R. G. : Janvier 2007. G.B. : 2007, donc 7 ans. Est-ce que vous avez sponsorisé, parrainé du sport avant cette date ? J-R. G. : Alors, dans l’histoire de La Poste, oui. En retraçant très rapidement l’histoire, c’est une entreprise qui s’est engagée au titre de la voile, sur une course qui s’appelait… [il cherche] Un tour du monde en équipage et par étapes… ça va me revenir401. On a engagé un bateau sur deux éditions, ça ne s’est pas forcément bien passé. L’équipage était composé de postiers, donc on était un peu le Petit Poucet de la compétition. Mais, c’est un équipage qui a vécu… au Chili – je vous raconte ça de manière un peu lointaine et je n’en ai pas vraiment les détails – mais, il semblerait qu’arrivé au Chili, ou au Pérou, l’équipage ait été… [hésitation] G.B. : Arraisonné ? J-R. G. : Non. Ils étaient dans un appartement, ils se sont faits voler des affaires, ils ont visiblement eu un comportement violent, ces équipiers français, avec les voleurs et ils se sont faits arrêter par la police locale, emprisonner plusieurs semaines. Et c’est devenu une espèce d’affaire d’Etat entre la France et… je crois que c’est le Chili402. Et ça a laissé des traces, en 400 Alors que l’activité postière lui est antérieure, La Poste a été créée en 1576, à travers les premiers offices de messagers royaux (Source : le Groupe La Poste). 401 Il s’agit de la Volvo Ocean Race. Ainsi nommée depuis 2002, elle était connue avant comme la Whitbread Round the World Race. La Poste a participé aux éditions 1989-1990 (Skipper : Daniel Mallé) et 1993-1994 (Skipper : Eric Tabarly). Elle se déroule bien en équipage et par étapes, même si ces conditions ont varié. 402 Il s’agit en réalité de l’Uruguay, mais les faits sont authentiques. Lors de l’édition 1993-1994, pendant l’escale en Uruguay, 4 marins ont été arrêtés et détenus pour avoir battu un cambrioleur dans leur logement (Source : LAVEN Kate et GILMOUR Rod, « Top 10 Volvo Ocean Race moments », dans The Telegraph, 09 mars 2012). ~ 195 ~ interne surtout. Vous êtes trop jeune pour vous en souvenir, je suis un peu plus vieux, je ne m’en souviens pas non plus. Si on ne me l’avait pas raconté, je ne le saurais pas. Mais… ça a laissé des traces en internes. Ce bateau, il a été reconduit, je crois, une édition plus tard avec Eric Tabarly, mais sans grand succès403. Ensuite, l’entreprise est devenue partenaire du VTT, au début des années… [Il s’interrompt] Alors, ils ont eu également un cheval, mais on va dire que ça relevait davantage de la danseuse du président404. Vous savez ce qu’est la danseuse du président… [j’acquiesce] C’est l’époque où le sport est, on va dire, l’affaire affective des grands managers. Aujourd’hui, depuis les années fin 1990s-2000s, on est plus dans une ère où le sponsoring est un levier de communication… G.B. : Rationalisé ? J-R. G. : Rationalisé, oui, objectif. C’est par des indicateurs… Et pour preuve d’ailleurs, cette action de sponsoring sportif avec les arbitres, initiée par Jean-Paul Bailly405 en 2007, et le directeur de la communication, il est aujourd’hui poursuivi alors que le directeur de la communication n’est plus là406, et que le président est parti, il a été remplacé par Philippe Wahl. On est vraiment dans une action de communication. Je reviens juste sur l’histoire du sport et de La Poste. Il y a eu ce cheval qui devait faire les Jeux Olympiques, qui ne les a pas faits [levant les yeux au ciel]. Il y a eu ensuite le VTT dans les années fin-1990s-2000s. Il y avait à l’époque, c’était le grand boom du VTT en France, on a eu plusieurs sportifs de haut niveau qui était vététistes, notamment Laurence Leboucher 407 , multiple championne du monde de cyclo-cross et autres… Il y a avait également à l’époque un grand show VTT à Bercy, c’était diffusé en télévision408. Et puis ensuite, l’entreprise est devenue partenaire du comité d’organisation de la Coupe du Monde 1998, en France, partenaire de l’Équipe de France jusqu’en 2002, me semble-t-il, puis ensuite, partenaire de la Coupe de la Ligue jusqu’en 2004409. Et de 2004 à 2007, plus rien. G.B. : D’accord. En somme, mis à part un petit intermède entre 2004 et 2007, Il y a eu une forme de continuité ? 403 En réalité, c’est lors de cette édition 1993-1994, avec Eric Tabarly comme leader, que ces évènements ont eu lieu. La Poste n’a plus re-participé à l’épreuve par la suite. 404 Par souci de clarté, on note que la « danseuse du président » est une expression péjorative. Elle désigne une activité de mécénat/sponsoring décidée unilatéralement par le dirigeant (ou les plus hautes instances) d’une organisation, et dont l’intérêt stratégique (communication, commercial…) n’est pas avéré, si ce n’est nul. La presse en dénonce régulièrement le coût, voire d’éventuels conflits d’intérêts. 405 Président du Groupe La Poste de 2002 à septembre 2013. 406 Vincent Relave de 2002 à novembre 2013. Depuis, George Lefebvre, déjà membre de l’équipe de direction, est directeur de la communication par intérim. 407 D’abord cycliste sur route, Laurence Leboucher fut championne du monde de cyclo-cross en 2002 et 2004 (sans compter un palmarès fourni) et arrêta sa carrière en 2008. 408 Le Super-VTT Indoor, au Palais Omnisport de Paris-Bercy. 409 Tournoi de football à élimination directe, qui ne rassemble que les clubs français professionnels. ~ 196 ~ J-R. G. : [Il acquiesce] Continuité de présence dans l’univers du sport, mais sur des supports qui étaient… Globalement, on a compris, entre 1998 et 2004, qu’il fallait être sur un sport très populaire. On l’a été sur des supports assez différents, Equipe de France, organisation d’un évènement international ou Coupe de la Ligue qui est un évènement particulier puisque c’est une compétition de clubs professionnels, mais diffusée, sur un sport très populaire. G.B. : D’accord. Et, pour la période récente, 10-20 ans maximum, est-ce que l’image de votre entreprise a été d’une manière recomposée à travers le sport ? Je parle plus particulièrement des aspects physiques, le logotype, éventuellement une partie du site internet, l’agencement de vos points de vente… est-ce qu’il y a des parties visibles, physiques qui ont été sous influence du sport ? J-R. G. : Je ne pense pas. Je n’en sais rien, je ne connais pas l’histoire de la création du logo. Tu as des informations [se tournant vers Arnaud Cren-Larvor] ? A. C-R. : Non, enfin… il y a des sites qui ont été rajoutés par la suite. Le site « tousarbitres.fr », c’est des choses qui ont été rajoutées lors du partenariat avec les arbitres, mais le logo, non, je ne pense pas. J-R. G. : L’idée du logo, il y a un dénominateur commun, c’est l’oiseau, l’oiseau bleu. Après, ce qu’on y met autour… Vous ferez quelques recherches sur le logo, c’est… Je ne connais pas l’histoire du logo, il a été dévoilé, me semble-t-il, en 2006, sous cette forme là…410 [Quelques secondes] Non, dans un logo, on veut lui donner de la visibilité, de l’impact et puis… une forme de dynamisme. Je ne pense pas qu’il y ait un rapport entre sport et… [me faisant comprendre qu’il concluait son propos]. G.B. : D’accord. C’était pour savoir s’il y avait eu une influence à ce niveau là, mais ce n’est pas forcé. Donc, on va venir plus précisément à ce que vous faites. Pour ce qui est de votre sponsoring des arbitres… je viens d’utiliser le mot « sponsoring », mais j’aimerais savoir ce que cela représente pour vous, à savoir du sponsoring ? Un partenariat ? Suivant les entreprises, on ne fait pas toujours la différence entre sponsoring et partenariat. Est-ce que vous pourriez m’éclairer ? J-R. G. : Nous, on la fait vraiment la différence, au moins dans le vocabulaire. J’ai employé le terme « sponsoring » depuis le début parce que c’est un terme communément utilisé. En revanche, vous verrez sur ma carte de visite, c’est « Partenariat sportif » et pas « sponsoring ». Donc, on est plus dans la notion de partenariat et d’échange, et c’est peut-être encore plus vrai sur ce partenariat avec les arbitres où c’est plus une forme de parrainage. Ce que je veux dire, c’est qu’on est sur un échange où on se dit que nous, on va en retirer, et je 410 Le logo actuel, oiseau bleu sur ovoïde jaune, date de 2005. La forme de l’oiseau lui-même date de 1978 et a été imaginée par Guy Georget (Source : « Histoire de la marque PTT et du logo La Poste », par L’Adresse, musée de La Poste, mai 2011). ~ 197 ~ l’espère, au bout de notre expérience avec les arbitres, on va en retirer des fruits, en termes d’image, en termes de visibilité. En revanche, on veut aussi apporter une contribution à l’évolution de l’arbitrage. On veut aussi faire en sorte que… d’apporter en fait un autre regard sur cette fonction, qui est maltraitée, critiquée, violentée, verbalement ou physiquement dans les médias, par les journalistes ou pire, par les joueurs sur les terrains. et pas que les vieux joueurs, les séniors mais également par les jeunes. Mais critiquée parce que méconnue. Donc, on veut essayer de faire en sorte de mieux la faire connaître, de la valoriser, de l’expliquer, d’expliquer les coulisses pour que les français, au sens large, en la comprenant mieux, en la connaissant mieux, la comprennent et du coup, aient un autre regard. C’est un peu notre ambition en fait, c’est l’ambition qu’on s’est fixée autour de ce partenariat. C’est de valoriser, de les accompagner concrètement dans l’exercice de leur fonction, de les promouvoir et de faire en sorte de les humaniser. G.B. : D’accord. Il y a deux questions qui me viennent à l’esprit. La première : vous avez parlé des « français au sens large ». Les français au sens large, c’est votre cible par ce partenariat ? J-R. G. : La cible du partenariat, elle est mouvante et elle s’élargit, en fait. On a commencé en 2007, l’idée, c’était de se concentrer sur les acteurs du sport : les dirigeants, les joueurs… Mais, par cercles concentriques, on s’est intéressé à l’environnement du sport : les parents, les éducateurs naturellement… Et on est passé de l’institution aux familles et aux fans, et naturellement les journalistes. Et puis maintenant, on essaye d’élargir le plus possible. G.B. : Et le cercle, à l’heure actuelle, il en est arrivé où ? J-R. G. : Le cercle, il est… Il en est qu’on l’a élargi et on essaye le plus possible d’atteindre le grand public. Et pour ça, il faut sortir du monde sportif, il faut utiliser les leviers que sont les médias, les médias sociaux. Donc, ce que je veux dire par là, c’est qu’il faut aussi des moyens financiers pour développer l’écho médiatique. G.B. : D’accord. Et donc, quels canaux utilisez-vous pour faire la promotion de ce partenariat ? On a parlé du partenariat en soi, on peut revenir à l’activation… Quels médias utilisez-vous pour à la fois valoriser les arbitres comme vous le dites et votre image par ailleurs ? J-R. G. : Alors… Ce qui est bien dans le sponsoring sportif, dans les partenariats… et ça c’est méconnu, en fait… c’est qu’on n’est pas des spécialistes des médias, on n’est pas des spécialistes de la promo, on n’est pas des spécialistes des RP411, mais en même temps, on touche à tout et on active tout, on essaye de tout activer. C'est-à-dire qu’à travers ce partenariat, on va effectivement faire venir les médias, et on a utilisé, pour être très précis et 411 Relations Publiques. ~ 198 ~ concret par rapport à votre question, de la publicité classique, en print et même en télé. On a développé un petit spot en 20 secondes mettant en scène 4 arbitres élites… c’était sur 20092010, je crois, où on a eu un bon plan de communication télé, avec France Télévision… On a rédigé des publi-rédactionnels, des double-pages, en fait, insérées dans l’Équipe et… dans quoi ? [Il réfléchit rapidement] On a fait le Midi Olympique, France Foot412, on a fait le JDD à deux reprises, deux années consécutives… Donc, voilà pour les médias un peu classiques. Naturellement, internet, de plus en plus, internet et les médias sociaux, au sens large puisqu’en 2013, on a développé une mini-websérie, de 5 petits films. 5 petits films qui mettent en scène les qualités des arbitres, les qualités que vous et moi aussi, on développe dans la vie courante, sur un ton un peu décalé. Pas humoristique, mais décalé, juste pour faire sourire et ne pas faire rire, parce que les arbitres ont du mal à rire, ils ont du mal… à rire d’eux-mêmes. Et puis c’est une cause, en fait. Ça, on l’a fait buzzer sur internet, via une chaîne Dailymotion créée pour la circonstance, qui du coup héberge également l’ensemble de nos partenariats, pas seulement sportifs mais également en direction de la solidarité ou du domaine artistique. Donc, pour ça, on a valorisé nos trois programmes, « Tous arbitres », « Tous solidaires » et « Tous artistes »… On a ainsi développé l’internet dédié dès 2008, avec tousarbitres.fr413, une page Facebook et puis, pour aller toucher les jeunes, on a développé également une application iPhone, Android, Facebook, tablette, internet autour de l’arbitrage dans le football, avec une partie quizz. C’est un Serious Game en fait, on propose un parcours du niveau départemental, un vrai parcours du niveau départemental au niveau international. Au début, c’est des questions simples et puis, plus ça vient, plus les questions sont compliquées et à la fin, on pose des questions en anglais, puisqu’un arbitre international doit maîtriser l’anglais. Et puis, il est fait de vidéos, assez courtes, je crois qu’il y a 500 vidéos, issues de matchs réels de Ligue 1 et Ligue 2, prêté par la Ligue de Football Professionnelle. On a choisi avec la Direction Technique de l’Arbitrage de la FFF des petites vidéos qui mettent en scène des actions ou des fautes, et où on propose au joueur de prendre la vraie décision, la bonne décision. Est-ce que je siffle ? Est-ce que je ne siffle pas ? Est-ce que je mets un carton jaune ? Ou rouge ? Est-ce que je siffle un pénalty ? Est-ce que j’expulse ? G.B. : Et le but de ces vidéos, en somme, c’est de placer la personne devant le fait accompli ? La complexité d’être arbitre ? J-R. G. : C’est de faire toucher du doigt, effectivement, que d’être arbitre, c’est compliqué parce qu’il faut prendre une décision très rapidement, sous peine de ne plus être crédible. Et c’est surtout de glisser le joueur dans la peau de l’arbitre. G.B. : Vous avez fait la promotion de ces vidéos ? 412 413 Appellation familière de l’hebdomadaire français France Football, créé en 1946. http://www.tousarbitres.fr/ ~ 199 ~ J-R. G. : Ces vidéos, elles sont intégrées dans une application, une application iPhone que vous pouvez télécharger, elle s’appelle « Tous arbitres ». On en a fait la promotion un petit peu, en 2011 me semble-t-il, et aujourd’hui, on a environ 70000 ou 80000 téléchargements. G.B. : D’accord. Une autre question : sur quelle durée envisagez-vous votre partenariat avec les arbitres ? J-R. G. : C’est difficile à dire… Ecoutez, on aller jusque… au moins jusqu’en juin 2016. Après, je ne sais pas, mais on arrive déjà à une période où là, ça fait 7 ans, on sera à 9.5 années de partenariat. On a l’habitude de dire que pour qu’une action de sponsoring sportif soit efficace, il faut qu’elle s’ancre dans le temps, qu’elle soit récurrente. C’est vraiment le cas, on aura, je pense, marqué d’une empreinte, une empreinte postale, les 4 sports avec 9 années de partenariat. Après… je ne sais pas si je serai là, je ne sais pas si Arnaud sera là, je ne sais pas si le président sera là… Peut-être qu’on aura plus de moyens, moins de moyens. Peut-être qu’on aura d’autres objectifs, peut-être des objectifs internationaux, parce qu’on est quand même présent, non seulement en France, mais finalement dans bon nombre de pays de l’Est, ou en Europe du Sud. Donc, peut-être qu’il s’agira de partir sur une équipe cycliste, la Formule 1 électrique qui va voir le jour, peut-être des marathons… Peut-être qu’il s’agira de fédérer l’interne de manière très forte, peut-être avec des actions non pas de parrainage, mais des actions… dans l’univers du sport, mais orientée vers l’interne. Je n’en sais rien. G.B. : D’accord. J-R. G. : Il faudra s’adapter, on est juste un moyen, un moyen mis à disposition du management pour promouvoir les marques, les produits et… on a des objectifs. Ce n’est pas figé ! G.B. : Ok. Je commence à percevoir ce que vous attendez des arbitres en termes d’image. Puis-je vous demander si vous savez ce que les arbitres attendent de vous ? En somme, est-ce qu’ils ont besoin de vous ? J-R. G. : Je pense que les arbitres ont eu un premier partenaire en 2001 avec les magasins BUT. L’arrivée de la marque BUT a été très décriée, notamment par la ministre des sports à l’époque, Marie-George Buffet 414 , et par les institutions, autres que sportives, puisque les institutions sportives avaient choisi de nouer ce partenariat. Et on s’était aperçu qu’au fil du temps, ils ont vite compris que les partenaires de l’arbitrage, BUT et puis La Poste, étaient là pour apporter un soutien total et une reconnaissance. Aujourd’hui, les arbitres aiment porter la marque, parce qu’ils ont un sponsor, un partenaire comme les ont les équipes de club. 414 Marie-George Buffet, élue du Parti Communiste Français (PCF), a été Ministre de la jeunesse et des sports de 1997 à 2002, au sein du gouvernement de Lionel Jospin. ~ 200 ~ Zlatan 415 , il a Fly Emirates, il en a d’autres. Tous ceux qui évoluent dans le sport professionnel ont des partenaires, et ils sont du coup reconnus et accompagnés. Donc, je pense qu’ils attendent de nous un soutien, des moyens pour développer les formations, innover dans les moyens de formation, les rénover, apporter des outils technologiques, apporter des moyens pour multiplier le nombre de stages… Apporter des moyens pour changer leur image, parce qu’ils en souffrent ! Ils ne sont pas masos, mais ils adorent leur métier, ils adorent leur fonction, ils le font par passion d’ailleurs. Ils sont tous engagés, le haut niveau et le bas niveau, les amateurs, ils sont tous engagés. Ils adorent ce qu’ils font, mais ils souffrent quand même des critiques et de la violence. Donc, ils veulent un réconfort et des moyens pour développer cette image… G.B. : Et vous leur accordez ? J-R. G. : [Il finit sa réponse] …et développer des moyens également pour faciliter le recrutement de jeunes arbitres. [Il me répond] Non, on ne leur accorde pas. Ça ne marche pas forcément comme ça. Nous, on donne des moyens aux fédérations pour faire ce qu’elles veulent, elles font ce qu’elles veulent de cet argent. G.B. : Et ensuite, les fédérations s’occupent de l’arbitrage. J-R. G. : Exactement, pas d’ingérence ! En revanche, au-delà de ces sommes d’argent, les droits marketing ni plus ni moins, on octroie aux fédérations… [Il reparle des droits] …qui sont convenus avec elles, contractuellement. On débloque des moyens supplémentaires pour mener des actions d’activation. Activation à double sens, c'est-à-dire que c’est, par exemple, promouvoir... On a parlé par exemple de l’application Android, ça c’est un moyen supplémentaire de faire connaître l’arbitrage à l’extérieur. En 2008, on a promu ce film, qui a été tourné pendant l’Euro 2008, en Suisse et en Autriche [il me montre un DVD]. Diffusé sur Canal+, on en a fait 22 avant-premières, en invitant 6000 personnes et derrière, on en a fait un outil pédagogique, offert à tous les clubs, offert également à 10.000 collèges et lycées lors de la semaine des médias à l’école. Et quand je dis « outil pédagogique », c'est-à-dire qu’on a travaillé avec des psychologues et des éducateurs, pour proposer des thèmes et des questions aux éducateurs et entraîneurs des clubs pour développer les discussions après le visionnage de ce film. G.B. : D’accord. J-R. G. : Voilà. Donc, on va au-delà de la visibilité et pour nous, ça fait partie des actions de communication pour mieux faire comprendre l’arbitrage, déjà au premier cercle concentrique dont on parlait tout à l’heure, les joueurs ou les jeunes joueurs, même les jeunes qui jouent de 415 Zlatan Ibrahimović, joueur international suédois né en 1981, évoluant au Paris Saint-Germain, bénéficiant actuellement d’une médiatisation importante en Ligue 1. ~ 201 ~ temps en temps et qui sont aussi derrière leur poste de télévision avec leurs parents, et qui peuvent crier contre l’arbitre. G.B. : D’accord. Juste une question sur un point que vous avez mentionné : vous vous souvenez pourquoi l’arrivée de BUT avait été décriée en 2001 ? J-R. G. : C’est l’arrivée de BUT effectivement, mais en même temps, c’était l’arrivée d’un premier partenaire pour les arbitres. C’est l’homme en noir, le symbole de celui qu’on ne peut pas payer, qu’on ne peut pas acheter, qui justement l’était à ce moment là. C’est la neutralité qui était sponsorisée, en fait. G.B. : D’accord, ce qui peut être vu comme antinomique [ils acquiescent]. Est-ce que vous avez d’autres partenariats que l’arbitrage ? J-R. G. : Non. On a d’autres partenariats sportifs, tous les partenariats qui peuvent être noués en région, parce que ça… c’est des partenariats qui sont au niveau national416. Mais, tous ceux qui peuvent être noués au niveau régional, on essaye de les orienter le plus possible autour de ces partenariats avec l’arbitrage. Mais après, rien n’empêche une direction régionale 417, si elle en a les moyens, de… sponsoriser… je ne sais pas, une athlète handisport, un rameur, un cycliste… C’est très rare. On a fait en sorte de concentrer l’ensemble de nos moyens, même les moyens locaux, sur la cause arbitrale. G.B. : D’accord. J-R. G. : Il y a juste une action complémentaire, qui est maintenant un peu anecdotique aussi : on avait en 2008, quand je suis arrivé ici, 13 sportifs de haut niveau, donc salariées et sportives de haut niveau. Des gens comme Yohann Diniz, en 50 km marche athlétique, Bouabdellah Tahri, en 3000 m steeple, Laurence Leboucher, multiple championne de VTT… Aujourd’hui, on n’en a plus que 5, donc c’est pour ça aussi… on s’occupe un peu de la communication autour de ces sportifs de haut niveau, et en diminuant. C’est un statut qui n’est plus forcément adapté aux entreprises, je pense. G.B. : Bien. Et vous parlez de sportifs de haut niveau, ça allait être le sujet de ma nouvelle question : est-ce que La Poste est d’une manière ou d’une autre, représentée par des sportifs de haut niveau, des figures ? J-R. G. : La Poste à travers l’arbitrage, oui. Tous les ans, en fait, au moment de l’organisation des « Journées de l’arbitrage » qui ont lieu fin octobre, en principe, on a pour habitude de collaborer avec 4 sportifs de haut niveau, au parcours exemplaire… que l’on juge exemplaire, qui ont une bonne image, qui ont un petit peu de notoriété pour se faire le porte-parole du 416 417 En parlant des partenariats entre La Poste et les 4 corps arbitraux. La Poste possède 22 délégations régionales. ~ 202 ~ programme et de nos actions auprès des médias et auprès du plus grand nombre. Donc, cette année, on a collaboré avec Grégory Coupet418, Vincent Clerc419 pour le rugby, puisqu’il était blessé une bonne partie de la saison, Edwige Lawson-Wade, qui a arrêté sa carrière avec l’Équipe de France de basket sur l’Euro 2013 en France et puis Valérie Nicolas, qui était une très bonne gardienne de l’Équipe de France de handball, qui était championne du monde, championne olympique…420 G.B. : Un athlète par sport ? J-R. G. : Une figure par sport, oui. L’idée est de montrer aux médias que notre engagement est multisports… aux médias et au grand public, en fait. G.B. : Donc… J-R. G. : [Il m’interrompt et s’en excuse] Là aussi, un petit exemple, ça date de 2010, c’est la couverture du dossier de presse de 2010 [en me montrant une pochette cartonnée]. À l’époque, on travaillait avec Christophe Dominici 421 , Olivier Girault 422 , Yannick Souvré 423 pour le basket, et on avait déjà un partenariat avec Grégory Coupet. G.B. : Ok. Et à travers ces figures, que mettez-vous en avant ? Les mêmes valeurs qu’au travers de l’arbitrage ? J-R. G. : Ils ont eu un parcours exemplaire, ils défendent ces valeurs, ils défendent les arbitres effectivement. Ils adhèrent à la cause arbitrale donc, oui, ils sont dans la même tendance. G.B. : Ok. Et pour finir sur vos techniques, est-ce que vous avez recours à la publicité ? J-R. G. : Oui. Je vous avais dit tout à l’heure qu’on avait développé un spot publicitaire en 2010, me semble-t-il. On a acheté de l’espace publicitaire pour ce spot de 20 secondes, sur les chaînes de télévision. Quand on parle d’un publi-rédactionnel, dans l’Équipe ou dans Midi Olympique, le JDD, France Foot… bah, c’est un publi-rédactionnel, c’est une opération spéciale, qui est faite essentiellement d’éditoriaux. Et tout ça, c’est un achat d’espace. Au pied de page, vous verrez « communiqué », ou en haut. Et autour des Journées de l’arbitrage, on achète assez régulièrement des pages de publicité pour promouvoir cet évènement majeur de notre plan d’action. 418 Ancien gardien de but, international français, et multiple champion de France avec l’Olympique Lyonnais. International français en rugby, ailier du Stade Toulousain, triple vainqueur du Top 14. 420 Elle fut championne du monde de handball en 2003, mais jamais championne olympique. 421 Ancien international français de rugby, ayant arrêté sa carrière en 2008, en tant qu’ailier. 422 Ancien joueur de handball (1990-2008), international français, champion d’Europe, du Monde et olympique. 423 Basketteuse professionnelle de 1984 à 2003, multiple championne de France. 419 ~ 203 ~ G.B. : D’accord. Et par rapport à ces publicité, leur contenu est toujours… j’allais dire du corporate, mais non… la promotion des valeurs de l’arbitrage ? Il n’y a pas de produit derrière ? J-R. G. : Non. Non, non ! Là, le spot publicitaire, c’était… [Il réfléchit] On mettait en scène 4 arbitres qui mettaient en avant des valeurs, les valeurs des arbitres, sur les Journées de l’arbitrage. On utilise souvent ce visuel avec nos 4 ambassadeurs et on fait… l’idée d’annoncer ces Journées de l’arbitrage. On ne cache pas des produits ou des services, on ne cache pas de timbre dans le… Par contre, ce qu’on arrive à faire de temps en temps, par ce que l’idée, c’est quand même d’essayer de rapprocher le plus possible le partenariat de nos métiers. Et ça d’ailleurs, ça concourt à la mémorisation du partenariat. On essaye de travailler des visuels avec des timbres dentelés. Par exemple, l’année dernière me semble-t-il, je veux dire en 2012, les ambassadeurs tenaient un timbre géant « Tous arbitres ». L’idée était de montrer que c’est La Poste, avec son timbre, qui est là. On peut jouer un peu… soit un tampon, un tampon « Tous arbitres », pour bien montrer que c’est… [il tamponne la table] G.B. : Un tampon postal ? J-R. G. : Tampon postal avec la date, le lieu éventuellement… ça permet de donner du cachet, avec ce cachet ou avec un timbre un peu spécifique. G.B. : D’accord. On a passé en revue votre communication par le sport. On va partir d’un constat : il y a de plus en plus d’entreprise qui communiquent par le sport, le sport permet de toucher beaucoup de monde, véhicule, au travers des différents sports, pas mal de valeurs positives. Etant donné que beaucoup communiquent par le sport, est-ce que vous, maintenant, vous ressentez un objectif, un besoin de distinction lorsque vous communiquez par le sport ? Est-ce que vous communiquez par le sport autrement que d’autres, par exemple ? J-R. G. : Ce principe d’être partenaire des arbitres, c’est un moyen atypique de communication dans le sport, c’est sûr. Là, il n’y a pas d’autres marques françaises investies dans l’univers du sport de cette manière là. C’est vraiment un moyen singulier. Donc oui, c’est une place un peu enviée… par d’autres marques. G.B. : Vous savez que si vous arrêtez de sponsoriser les arbitres, quelqu’un vous succédera dans la foulée ? J-R. G. : Alors, peut-être… En même temps, il faut être courageux, il faut avoir des dirigeants qui soient courageux et sensibles à la cause. Il faut aussi des quelques moyens financiers. Donc, il y a quand même quelques conditions pour que… les fédérations trouvent un partenaire, il y a quand même quelques conditions à remplir. Il y aura vraisemblablement un successeur, je l’espère pour eux, pour les arbitres, pour les fédérations. Mais nous, pour l’instant on y est [d’un ton très affirmé]. ~ 204 ~ G.B. : C’était juste une question [rire général]. Et vous avez parlé de moyens financiers, estce qu’il est possible d’avoir un ordre d’idée de ce que vous consacrez à la communication par le sport et l’arbitrage ? J-R. G. : [Il réfléchit] C’est compliqué, de te donner un chiffre. C’est un chiffre qui varie d’année en année, mais on est entre 7 et 10 millions €, en fonction de l’année. Tout compris, ça intègre les actions nationales, locales, les médias… Je donne un chiffre… G.B. : Ça varie. J-R. G. : Ouais, et je dis « 7-10 », maintenant, c’est même peut-être 5-10. G.B. : Bien. En somme, vous êtes dans l’arbitrage depuis 2007, après un temps mort de 3 ans. Dans quel contexte La Poste a-t-elle ré-envisagé de communiquer par le sport ? Est-ce que c’est lié par exemple à la progressive privatisation, programmée de longue date ? Est-ce que ça a trait à d’autres transformations ? J-R. G. : Alors… je n’étais pas là. À l’époque, j’étais dans une agence-conseil en marketing sportif qui s’appelle « Carat Sport », qui accompagnait BUT sur le lancement de son programme en 2001, avec les arbitres et qui accompagnait La Poste également dans ce même programme. Je pense savoir que ce qui a décidé à la fois Vincent Relave et Jean-Paul Bailly, l’ancien président de La Poste, à venir sur ce territoire sportif, c’est, à mon avis, deux choses. La première, c’est que ce partenariat là correspondait bien à l’accompagnement d’une plateforme de marque et d’une stratégie, un plan stratégique décidé entre 2008 et 2012. Ça, c’est le premier point, c’est un accompagnement… le sport, comme un levier, un moyen, pour accompagner une stratégie. Le deuxième point, c’est que je pense que l’entreprise s’est fortement transformée ces 10 dernières années. On a transformé un certain nombre de bureaux de poste en agences postales communales ou en relais de poste, et à travers ce partenariat, on montre qu’on est toujours aussi présent sur le territoire. Et on accompagne également les élus, qui sont une cible importante pour nous, des partenaires importants, les collectivités locales. On les accompagne sur un sujet qui peut nous rassembler, un autre sujet qui peut nous rassembler. G.B. : D’accord. Vous m’arrêtez si je me trompe, c’est lié aux transformations de l’entreprise, et notamment au mouvement vers la privatisation… J-R. G. : Privatisation ? Il n’y a pas de privatisation. G.B. : Je parle d’un mouvement progressif. J-R. G. : Le statut, c’est une société anonyme, mais les capitaux sont 100% publics, l’Etat et la Caisse des dépôts. La Caisse des dépôts, c’est ni plus ni moins que l’Etat. Donc, transformation progressive, peut-être, privatisation, pas forcément. À l’époque, en 2007, ~ 205 ~ quand la décision a été prise de devenir partenaire des arbitres, je pense qu’on ne pensait pas à une privatisation. G.B. : D’accord, pas à ce moment là. J-R. G. : Si on doit parler de privatisation… mais, en tout cas de changement de statut… et d’apport financier supplémentaire pour rénover nos bureaux de poste ou bien se déployer à l’étranger. G.B. : Est-ce qu’il y avait à ce moment là une volonté de s’adresser à un nouveau public ? J-R. G. : Non, mais comme je le disais, de se ré-adresser aux élus et aux collectivités locales sous une autre forme. Je pense que ce sont des partenaires importants pour nous. Ils l’étaient, ils le sont encore… Du coup, on devient partenaire de l’ensemble des clubs de ces 4 sports, foot, rugby, handball et basket. Partenaire sans convention, mais tous les arbitres de ces clubs là portent nos couleurs. Donc, on est dans tous ces clubs. G.B. : Ok. Lorsque vous avez commencé à sponsoriser l’arbitrage en 2007, lorsque votre communication a un peu changé, est-ce qu’il y a eu une période de transition visible du public ? Est-ce que le fait de sponsoriser l’arbitrage vous a fait changer de manière importante votre communication ? Ou est-ce que vous avez conservé des éléments de la période précédente ? J-R. G. : Quoi, par exemple ? Qu’est-ce qu’on aurait pu conserver ? G.B. : Justement, c’est ma question… Je voulais savoir si le fait d’avoir sponsorisé l’arbitrage vous avait conduit à modifier assez votre communication pour ne plus reprendre certains éléments de communication : des valeurs, des messages… J-R. G. : Non… Non, pas vraiment, en fait. Il y a une communication évènementielle à travers le sport qui est une communication un peu institutionnelle, puisque ce n’est pas du tout orienté sur les produits ou les services, la marque jaune. C’est sur un sujet sérieux, c’est une cause. Il se trouve que l’entreprise est une institution, une grande maison, installée, dans laquelle on a confiance aussi….et qui aura peut-être besoin de se dépoussiérer, en tout cas d’avoir une communication un peu plus punchy, plus dynamique, peut-être sur un ton un peu plus décalé, pour gagner aussi en proximité et toucher des publics plus jeunes. Il n’y a pas vraiment d’interférence entre la communication sport et la communication… [il se reprend] …enfin, d’interférence et même de passerelle… Même si c’est la même agence de pub qui travaille sur les deux sujets, quand on développe une annonce sur l’arbitrage, c’est Havas BETC qui peut y travailler, comme elle travaille sur la communication corporate. Mais non, il n’y a pas… On a gardé ce qu’on est, on a gardé les signes distinctifs et puis quand il s’agit de ~ 206 ~ faire une campagne corporate pour la marque jaune ou pour le groupe, on ne vient pas se référer à l’arbitrage… Pas de passerelle ! G.B. : Je comprends bien la différence maintenant. Et est-ce que… J-R. G. : [Il m’interrompt] Mais vous avez raison : on aurait pu aussi se servir du sport, si ce n’avait pas été l’arbitrage, pour infléchir une communication par trop institutionnelle et du coup, lui donner un caractère un peu plus… un peu différent. G.B. : D’accord. Et est-ce que communiquer par le sport vous a conduit à vous engager sur de nouveaux médias ? Sachant que les réseaux sociaux ont explosé après… J-R. G. : Non, pour des raisons de… Enfin, oui et non. On essaye à travers le sport de toucher de nouvelles cibles, des cibles plus jeunes, et le grand public, après être parti du microcosme sportif. Donc, on va sur de nouveaux médias comme la websérie et donc on va être sur Youtube, sur Dailymotion ou en salle de cinéma, puisque l’un des spots de la websérie a été diffusé en salle de cinéma. Mais, en même temps, je dirais que non, parce que pour alimenter ces actions là, il faut quand même des moyens financiers. Et on n’en a pas assez pour vraiment investir, au titre du partenariat, les média sociaux, que ce soit Facebook, Twitter… Il faut des moyens, et il faut aussi de l’actualité. G.B. : Bien. Alors… j’ai juste quelques dernières questions. Tout d’abord, l’évaluation que vous menez de votre communication par le sport. Comment mesurez-vous vos résultats en matière de communication ? Est-ce que vous utilisez des études qualitatives ? Quantitatives ? J-R. G. : Quanti. G.B. : Pas de quali ? J-R. G. : Pas de quali. Trop cher. Trop cher par rapport à l’enveloppe dont on dispose. Mais, vous avez raison, il faudrait, dans l’idéal, mesurer l’impact de l’action du sport sur notre trait d’image. G.B. : Et donc, en somme, avec les études que vous utilisez, est-ce que les résultats sont positifs ? J-R. G. : Ah oui ! Oui, oui. Les études montrent que la notoriété du partenariat, de notre action à travers le sport, elle est croissante et a explosé entre 2007 et 2013. C’est très satisfaisant. C’est très visible, c’est très marquant. Les gens la connaissent. Les français la connaissent et notamment ceux qui passionnés de sport et de football en particulier. G.B. : Mais, vous n’arrivez pas à déterminer si c’est valorisant en soi ? J-R. G. : C’est connu. On sait qu’on est visible et on sait qu’en plus, c’est mémorisant. ~ 207 ~ G.B. : Et, pas d’autres résultats ? D’autres types d’études ? J-R. G. : [Quelques secondes] Alors, non… Tous les ans, on développe également un baromètre autour de l’arbitrage pour étudier et analyser un petit peu la perception des français, la perception de l’arbitrage par les français. On regarde l’évolution, la confiance, les items qui remontent le plus. C’est un baromètre qui nous permet de faire des relations-presse auprès des journalistes, mais qui n’évolue pas énormément : les français ont toujours beaucoup confiance en les arbitres, ils trouvent qu’ils ont une fonction difficile, nécessaire mais difficile, mais très peu d’entre eux s’essaieraient à l’arbitrage. G.B. : Est-ce qu’à travers cette évaluation, vous avez réussi à mettre en évidence des manques ? Des points qui devraient être améliorés ? J-R. G. : Dans quoi ? G.B. : Dans votre communication par le sport, la manière de présenter votre partenariat… J-R. G. : À travers les études ? G.B. : À travers les études, et plus généralement, l’évaluation que vous menez de votre communication. J-R. G. : Globalement, on connaît les manques, en fait. On sait là où on doit apporter des optimisations, où se développer. On doit être encore plus présent sur les médias sociaux, parce que c’est là qu’on va aller… choper, entre guillemets, de nouvelles cibles, les jeunes, à moindre frais, à moindre coût, par rapport à des actions évènementielles qui vont développer à la fois de l’énergie et des moyens budgétaires, mais qui, finalement, vont toucher peu de personnes. Donc, les médias sociaux et puis… J’allais dire, il faut qu’on soit plus performant sur la promotion de nos actions. Aujourd’hui, le partenariat est connu, mais les gens ne savent pas ce qu’on a fait depuis 7 ans pour les arbitres. Tous les ans – on n’en a pas vraiment parlé – on essaye d’apporter un truc supplémentaire. En 2008, c’était ce film [en me remontrant le DVD]. En 2010, on a coédité un livre préfacé par Michel Serres. En 2011, on a développé une application dont on a parlée. En 2012, on a coproduit un documentaire de 52 minutes sur les arbitres amateurs. Et en 2013, on a développé cette websérie. Voilà, donc tous les ans, on essaye, par un moyen ou un autre, de travailler l’image de l’arbitrage, sur un mode particulier, ou sur un support particulier. G.B. : J’ai une question à part, qui a particulièrement trait au fait que vous sponsorisiez les arbitres. Il y a quelques jours, une décision est tombée au niveau de la FIFA, il n’y aura pas d’arbitre de football français à la Coupe du Monde…424 424 Le 15 janvier 2014, la FIFA (Fédération Internationale des Football Associations) a annoncé la liste des trios d’arbitres retenus pour la Coupe du Monde 2014 (au Brésil). Aucun trio français n’a été retenu, chose qui n’était ~ 208 ~ J-R. G. : Hier. G.B. : Hier, oui. Est-ce que cette décision a suscité quelque chose chez La Poste ? Je sais que j’arrive peut-être un peu tôt pour ça, mais est-ce qu’il y a une réaction ? Une conséquence ? J-R. G. : Non, il y a une réflexion… pas une réflexion mais une réaction qui est normale et légitime, je pense, c’est de déception, parce qu’on est sportif dans l’âme et qu’on aime le sport, on aime les arbitres, on est déçu qu’ils ne soient pas représentés sur un évènement international. C’est dommage pour nous, même si la marque La Poste n’aura pas de visibilité sur cet évènement… Mais bon, avoir une locomotive française, ça permet aussi à de jeunes arbitres de s’identifier, de se motiver et de voir là où ils peuvent aller. Donc, c’est plus dommage pour l’arbitrage au sens large, et pour l’arbitrage dans le football, que pour nous. Nous, on va faire le dos rond comme les week-ends, ou les lendemains de week-ends, où les arbitres sont critiqués parce qu’ils ont, soi-disant, commis une faute d’arbitrage. Et depuis 7 ans, on a appris à courber l’échine. G.B. : D’accord. Pour finir, c’est mon dernier grand point, le côté interne de votre entreprise. Est-ce que le sport, a fortiori l’arbitrage, fait partie de votre communication interne ? J-R. G. : On essaye le plus possible d’utiliser le partenariat pour l’interne… parce que ça peut être animer l’interne, mais on a des difficultés, on reconnaît qu’on a des difficultés à fédérer, mobiliser l’interne autour de ça. Parce que l’arbitrage, je pense que vous en avez fait l’analyse au préalable, ce n’est pas sexy, c’est l’homme en noir, c’est l’homme qui est critiqué, qu’on injurie, qu’on critique… Et ce n’est pas un joueur qui montre des gestes fabuleux, qui est performant… On est sur deux planètes, sur deux choses différentes. Et le symbole arbitral, l’arbitrage ne nous permet pas de fédérer l’interne. Donc, on mène des actions d’animation, pour faire connaître le partenariat en interne, auprès des salariés, on leur propose des places de matchs, on a plus de 6.000 places qui sont diffusées sur le territoire toute l’année. Ça leur permet de découvrir un peu les arbitres et l’arbitrage, et puis de passer un bon moment au stade. On leur propose des petits quizz pour découvrir le partenariat et leur permettre d’assister à des matchs dans des conditions très privilégiées, accompagner des arbitres sur une finale, par exemple… Voilà, on a des types d’animation, on va dire, plutôt ludiques pour l’instant. On ne s’interdit pas de développer peut-être des interventions formatées d’arbitres, lors de conventions. G.B. : Ce n’est pas encore le cas ? J-R. G. : Pas totalement. Ce n’est pas standardisé. On a déjà fait des tests, mais ce n’est pas standardisé, et on ne s’interdit pas de faire intervenir de manière régulière un arbitre top pas arrivée depuis l’édition de 1974. Le débat cours au sujet de ce qui semble déjà être considéré comme un échec : erreurs fréquentes, mauvaise direction nationale… Les interprétations sont variées et la FFF réfléchit. ~ 209 ~ niveau, qui arbitre au niveau international par exemple, sur une convention, pour faire le parallèle entre arbitrage, collectif et management. G.B. : J’allais en venir au management. Si je comprends bien, le sport n’est pas encore intégré, ou n’est pas tout simplement, dans vos techniques de management ? J-R. G. : Pas à travers l’arbitrage. Peut-être que… j’en suis même sûr : on a des métiers, des managers qui font intervenir des sportifs sur des sujets spécifiques, le leadership, le travail en équipe, le bien-être au travail… Mais de manière sporadique et diffuse, sans faire le lien avec l’arbitrage. Des gens comme Raphael Ibañez425 interviennent régulièrement, comme Sébastien Loeb 426 , Alain Bernard 427 … Ce sont des choses ponctuelles, auprès de managers ou de commerciaux, comme toute entreprise le fait depuis plusieurs années. G.B. : Mais, ce n’est pas une stratégie coordonnée ? J-R. G. : Non. C’est à la main et à la liberté des communicants ou des décideurs qui souhaitent faire intervenir ces personnalités. G.B. : D’accord. Et, à ce propos, vous avez dit que vous aviez un peu de difficultés à susciter l’enthousiasme, est-ce que vous avez une idée ou des données sur le rapport qu’entretiennent vos salariés avec le sport ? Par exemple, est-ce que vous savez s’ils sont plus susceptibles d’être membre d’une association sportive ? Y a-t-il un fort intérêt pour le sport au sein de votre entreprise ? J-R. G. : C’est une entreprise faite de jeunes personnes, qui aiment le sport mais on n’a pas les données précises. En revanche, on essaye de développer le plus possible la pratique du sport par nos salariés. Via les aides sociales, les salariés, et chaque membre de la famille du salarié, peut bénéficier d’un remboursement à hauteur de 60€ sur une licence, par an. Je vais prendre l’exemple de ma famille, nous sommes 4, on a plusieurs licences dans la famille, on a un remboursement à hauteur de 4 fois 60€, par an. G.B. : Ça fait partie de l’action du comité d’entreprise ? J-R. G. : Il n’y a pas de comité d’entreprise, c’est les affaires sociales, on a une direction nationale des affaires sociales qui gère une offre culturelle et sportive. G.B. : D’accord. Je vous remercie, j’ai deux petites questions finales. Quelle est selon vous la meilleure manière de communiquer à travers le sport ? S’il y en a une ? Ou des pré-requis ? 425 Ancien joueur de rugby, international français et capitaine de sélection, aujourd’hui manager en Top 14. Pilote de rallye français, qui s’est illustré dans la catégorie WRC avec 9 titres mondiaux consécutifs (20042012) et de multiples records (nombre de titres, de courses remportées…). 427 Ancien nageur français entre 2000 et 2012, champion olympique du 100 m nage libre en 2008, spécialiste des courtes distances. 426 ~ 210 ~ J-R. G. : Il n’y a pas de meilleure manière, c’est à chaque entreprise et à chaque problématique, de com’ ou de marketing, de saisonnalité, d’objectif d’image ou commerciale… Il n’y a pas de meilleure façon, par contre, quelques règles. C’est, si on investit dans l’univers du sport, si on investit sur des droits, il faut savoir qu’il faut dégager des budgets d’animation, de le faire savoir en publicité, pour accompagner l’action. Si aujourd’hui, on décidait de devenir partenaire… du team France pour la prochaine America’s Cup428, sans dégager des moyens d’activation, sans dégager des moyens de pub pour le faire savoir, ça n’aurait aucun sens. C’est un pour un, un euro d’investi pour minimum un ou deux euros d’activation. C’est la règle de base. Et après, il faut que ce soit réfléchi de manière objective, que ce ne soit pas une décision… [cherchant le terme juste] G.B. : Sentimentale ? J-R. G. : Sentimentale, oui, et qu’il y ait une adhésion du personnel. Ou en tout cas de créer les conditions pour qu’il y ait une adhésion du personnel. G.B. : Ce qui n’est pas encore le cas chez vous, si j’ai bien compris ? Je ne suis pas sûr… J-R. G. : Il y a une adhésion, mais il n’y a pas de mobilisation, il n’y a pas de ferveur. On est un petit peu… pas frustré, mais… on ne peut pas l’être, frustré, c’est compréhensible… On a le sentiment… [Il se reprend] Vous ne trouverez aucun collaborateur qui soit contre ce partenariat, ils sont tous pour ! En revanche, ça ne génère pas, ça ne déclenche pas un enthousiasme débordant, c’est ce que je veux dire. Et quand on veut aller sur de la performance, un engagement une conquête commerciale ou une dynamique, il faut plus de ferveur, d’enthousiasme impulsée par un partenariat. C’est la raison pour laquelle, je finirai peut-être par ça… je pense que ce partenariat est vraiment bon pour l’entreprise en termes d’image, auprès de certaines cibles : institutionnel, élus, interne… Mais, il n’est pas suffisant pour développer un esprit de conquête. G.B. : Je vois. Et ma toute dernière question : si La Poste devait abandonner le sport, et l’arbitrage, vers quoi se tournerait-elle ? J-R. G. : Alors, je ne sais pas vers quoi elle se tournerait, parce que c’est une décision qui passerait entre les mains du dircom’, du COMEX 429, du DG430 et du président, parce que même si c’est objectivé, ce type de décisions, il y a quand même une part d’affection et de « se sentir bien avec l’univers sportif dans lequel on irait ». En revanche, moi, j’aurais quelques préconisations, au départ assez larges. Ça pourrait être d’aller dans l’univers du cyclisme, c’est un peu facile parce que le facteur, c’est le vélo, mais c’est un sport très 428 Une épreuve à la voile, qui se déroule tous les 4 ans. Elle oppose le bateau tenant du titre à un bateau challenger, qui a auparavant dû gagner la Coupe Louis Vuitton pour pouvoir prétendre à la course elle-même. 429 Commission exécutive. 430 Direction Générale. ~ 211 ~ populaire, qui comporte quelques risques de dopage, mais dans lequel on peut retrouver la notion de performance, de proximité, une internationalisation. Donc ça, c’est le premier sport dans lequel j’irais, j’investirais… j’investiguerais plutôt que je m’investirais. J’investiguerais les modes opératoires : est-ce que c’est une équipe ? Est-ce que c’est une course ? À voir en fonction des opportunités… L’univers de l’olympisme me paraîtrait pertinent, même s’il faut dégager beaucoup de budget pour faire savoir. On achète les anneaux olympiques, et derrière, il n’y a rien d’autre. Il faut tout construire, une équipe olympique, des actions internes, des actions externes. Mais, je pense que l’olympisme est très puissant en termes de valeurs, pluridisciplinaire. Dans l’Équipe de France, vous allez trouver des athlètes qui sont jeunes, moins jeunes, présents dans toutes les régions et nous, notre implantation régionale est importante, encore… Potentiellement une candidature pour Paris 2024, ça peut aussi s’inscrire là dedans. Et puis après, est-ce qu’on doit aller sur le running ? Ça pourrait être aussi une option, le running ou les défis, promouvoir un certain nombre de défis, le dépassement de soi et ça, ça pourrait avoir aussi des répercussions en interne. Aujourd’hui, on engage déjà plusieurs équipages sur le rallye « Aïcha des Gazelles », dédié aux femmes, où l’on voit le rôle de la femme dans l’entreprise. Elles y apprennent beaucoup de choses, notamment le dépassement de soi. Bon, c’est dommage que ce soit peut-être réservé aux femmes... La notion de dépassement de soi, la notion d’équipe… Le personnel pourrait travailler à travers des défis : la traversée de l’Atlantique avec plusieurs bateaux composés de postiers ou postières, avec à leur tête des grands skippers, de manière totalement sécurisée, je pense que ça pourrais être fabuleux pour l’entreprise en interne G.B. : En somme, vous ne voyez pas votre entreprise abandonner le sport en général ? J-R. G. : Ce serait une erreur que de l’abandonner. C’est tellement fédérateur, ça offre tellement de visibilité, ça donne tellement d’empathie avec le grand public… ce serait dommage. Et puis, ce serait sans doute un peu incompris par les français et les postiers, parce que c’est une entreprise qui a quand même de forts liens avec le sport. On est à l’origine de la création de la fédération des ASPTT… Voilà, on est une grande entreprise française, impliquée dans la société française. Pourquoi arrêter l’application dans le sport, ça serait dommage. Pas impossible, mais dommage. On a bien cessé toute activité de com’ entre 2004 et 2007… L’entretien se finit par une courte conversation non enregistrée sur mon mémoire. M. Gaitey me raccompagne jusque dans le hall du siège, et nous parlons des sports que nous pratiquons au quotidien. ~ 212 ~ Annexe 4 Entretien avec Rosaline Laureau, chargé du sponsoring sportif chez Safran, chargée de la communication externe du projet Safran Sailing Team Cet entretien s’est déroulé le 17 janvier 2014, par téléphone. Malgré des contraintes techniques évidentes (l‘enregistrement de l’entretien est possible mais délicat par téléphone) et un manque de proximité physique avec l’interlocuteur, cet entretien n’a pas moins répondu aux attentes que les autres, déjà en termes de durée : 52 minutes, certes le plus court, mais d’une durée comparable. De même, la retranscription apporte une masse d’information comparable aux autres entretiens. Mme Laureau s’est en effet appliquée à tenir des propos fournis, ajoutés à une réelle connaissance des technologies développées et commercialisées par son entreprise. Elle fit fréquemment le lien avec la communication mise en place par Safran. L’entretien fut formel (toujours du fait du moyen d’échange), mais Mme Laureau s’est entièrement impliquée. J’ai avancé mes questions de manière plus posée que lors des autres entretiens : les réponses de Mme Laureau demandaient en effet souvent de courtes transitions. Rosaline Laureau m’appelle sur mon téléphone portable et me demande ce qu’elle peut faire pour moi. Je résume l’avancement de mon mémoire en quelques mots, situe l’entretien dans son cadre et explique son objectif. Pour finir, j’exprime mon intérêt pour la présence de Safran dans la voile et Mme Laureau parle alors la première. Rosaline Laureau : En fait, je ne sais pas si vous avez eu l’occasion d’aller sur notre site « Safran-sailingteam.com », mais 7 mois après la création du groupe Safran431, qui avant ne s’appelait pas Safran, ça s’appelait Snecma et Sagem 432 , avant de fusionner. D’accord ? [J’acquiesce] Et donc, nous cherchions un projet qui pouvait fédérer les salariés de ces deux sociétés. Gauthier Bencheïkh : D’accord. R.L. : Donc, c’était plus un projet interne pour fédérer les salariés. Ça, c’était l’objectif premier du sponsoring nautique. Alors, l’aventure a commencé en 2005, avec la fusion de Sagem et de Snecma, et il y a aussi le fait qu’on cherchait ce qu’on pouvait sponsoriser, faire en termes de voile. En fait, la voile a des valeurs que nous partagions. Et en plus, nous 431 432 La fusion fut effective le 11 mai 2005. D’abord sigles, SAGEM et SNECMA sont devenus des acronymes. ~ 213 ~ pouvions aussi mettre notre savoir-faire et nos techniques, nos méthodes dans ce projet. Donc, c’était vraiment… c’est vraiment le support idéal pour faire ça. G.B. : Dès 2006, vous vous étiez lancés dans la construction d’un bateau, je me trompe433 ? R.L. : Voilà ! En 2005, le groupe a fusionné, on a fait des pré-études et cetera. Il fallait que le skipper se qualifie, donc que l’on participe à une course, on a loué un bateau en premier lieu, puisque le bateau n’était pas prêt. Mais en 2006, le bateau sortant du chantier, on a entamé une première Transat Jacques Vabre434. Il y a donc des valeurs communes qui sont partagées entre le skipper de Safran, qui est Marc Guillemot, et l’ensemble des salariés du groupe, la détermination, le courage dont Marc Guillemot a fait preuve au cours de ses compétitions. Son esprit de solidarité aussi, lorsqu’il est allé se dérouter, je ne sais pas si vous êtes au courant… G.B. : Oui, pour aller chercher un skipper. R.L. : Oui, en 2008… il est allé réconforter Yann Eliès435. Il y a aussi des… des retours de savoir-faire et de transfert de technologie sur ce bateau. G.B. : Et lorsque vous sponsorisez la voile, et notamment Marc Guillemot… lorsque vous communiquez par le sport et la voile, qu’est-ce que vous mettez en avant ? Est-ce que vous mettez en avant l’entreprise Safran ? La marque ? R.L. : En fait, on met en avant, effectivement, la notoriété du groupe, la marque Safran, à travers des valeurs que l’on partage dans le milieu de la voile. G.B. : Mais vous ne faites pas la différence entre la marque et l’entreprise ? R.L. : C’est-à-dire ? G.B. : Eh bien, certaines entreprises différencient la marque et l’entreprise, et donc séparent leur communication. R.L. : D’accord. En fait, la voile, c’est assez particulier. Comme pour le cyclisme, on cite le nom du sponsor. Dans le cyclisme, on cite Cochonou436, dans la voile, on cite Safran. Il est 433 Un monocoque de 60 pieds, nommé Safran, construit avec l’aide du Chantier Naval de Larros. Cette course fut courue par Safran en novembre 2007. La Transat Jacques Vabre est une course transatlantique biannuelle, en duo, partant du Havre. Les catégories d’embarcation varient selon les éditions. 435 Lors du Vendée-Globe 2008-2009 (tour du monde à la voile en solitaire), Yann Eliès se casse le fémur lors d’une réparation de son propre bateau. Marc Guillemot se déroute sur demande des organisateurs de la course. Il a pu suffisamment s’approcher de Yann Eliès pour pouvoir communiquer avec lui par radio (mais pas assez pour le secourir du fait de conditions météorologiques incompatibles). Il lui a alors apporté un soutien psychologique important lors des 3 jours nécessaires à la marine australienne pour venir le secourir. 436 Cette entreprise agroalimentaire industrielle est fournisseur officiel du Tour de France cycliste, mais ne possède pas d’équipe cycliste à proprement dit. 434 ~ 214 ~ vrai que c’est aussi pour ça que c’est un support qui est intéressant, on va parler de Safran… Voyez, c’est… Votre question est étonnante, parce que moi, je ne différencie pas la marque et la société. C’est Safran ! Vous pouvez être plus précis dans votre question ? G.B. : [Ayant du mal à répondre] Je comprends ce que vous voulez dire : j’ai rencontré d’autres personnes qui ne faisaient pas la différence. C’est une question que je pose pour mieux comprendre. Donc, vous mettez Safran en avant. Mais étant donné que Safran comporte des filiales437, la Snecma existe encore… R.L. : [Elle m’interrompt] Ah oui, mais là, de plus en plus, si vous avez suivi l’actualité depuis 2008, justement, avec la création du groupe Safran, nous mettons en avant Safran et en dessous le nom de la filiale. G.B. : Ok, mais est-ce que vous faites la promotion de vos filiales, que ce soit pour la notoriété ou pour des valeurs, à travers la voile aussi ? R.L. : En fait, on parle du groupe Safran. Pour nous, Safran, c’est toutes ses filiales, on regroupe. G.B. : D’accord, donc vous mettez Safran en avant, j’ai bien compris. Est-ce que vous mettez éventuellement des produits en avant, ou plutôt des technologies ? R.L. : Oui, oui, oui ! Pas mal de technologies… G.B. : Est-ce que je pourrais avoir un exemple ? R.L. : Alors, au niveau technologique, il y en a eu beaucoup… Si vous allez sur notre site internet, vous le verrez. Parce qu’effectivement, la grande originalité de ce projet Safran438, c’est la forte implication d’environ 200 ingénieurs du groupe, d’accord ? G.B. : D’accord. R.L. : D’accord. Ils ont travaillé dans la conception et la construction du bateau. Il y a eu vraiment un apport de savoir-faire et des technologies aéronautiques, la défense et la sécurité. On va prendre un exemple : des études de la coque. La coque, ça a été modélisée, via un système de calcul pour voir… par exemple, comme un système de crash-test. On a une filiale, la « Safran Engineering Services », qui a fait des études de crash-test pour la coque contre une baleine, de la coque contre un OFNI439, ça peut être des containers qui tombent l’eau… Vous 437 Snecma, Turbomeca, Herakles, Aircelle… Ici, le bateau construit par Safran mentionné plus haut. Dans le reste de la retranscription, le bateau sera mentionné en italique. 439 Objet Flottant Non Identifié, potentiellement dangereux pour la coque d’un navire. 438 ~ 215 ~ voyez ? Ça, ce sont des études d’ingénieurs. On a aussi des safrans 440 … les safrans sont des safrans tissés 3D441. G.B. : D’accord. R.L. : Ce qui est assez amusant, c’est que c’était la première fois qu’on faisait des safrans en tissé 3D, on s’est rendu compte que c’était solide, c’était léger. Et cette… cette découverte nous a permis de faire nos aubes d’avion en tissé 3D. Donc, par ce biais là aussi, on peut faire de la recherche et développement, à partir du bateau, en testant des choses sur le bateau. On va ensuite appliquer dans nos moteurs d’avions. Il y a cet exemple, il y a aussi la caméra à détection infrarouge. C'est-à-dire que c’est une caméra qui peut voir à quelques mètres s’il y a un ONFI, ce qui évite que le bateau se prenne un tronc d’arbre… et ça dans des milieux très très froids, que ce soit le Nord ou le Sud… ça, c’était une technologie qui était sur le bateau. Tout le câblage du bateau est issu du câblage que nous utilisons dans les avions, c’est un câblage qui est très fiable et très léger. L’important pour un bateau, c’est que plus il léger, plus il va vite. Donc, nous avons mis les mêmes câblages que nous utilisons pour les Airbus ou les Boeing. Il y a beaucoup de choses, il y a beaucoup de technologies qui ont été mises sur ce bateau, je peux vous en citer plein mais… Je vous invite à aller sur le site internet pour aller voir justement lesquelles. Là, ce n’est pas exhaustif… G.B. : Je comprends bien. Le but était juste d’avoir un exemple, je vous remercie, je visualise beaucoup mieux. Une autre question que j’ai à vous poser sur ce que vous mettez en avant, est-ce que le sport et la voile ont une place dans votre communication financière ? R.L. : Ah mais il est évident que dans notre rapport annuel, dans certains documents officiels, effectivement, on ait les résultats du bateau, les podiums. Aussi, pour nos actionnaires, c’est important. On communique vers eux, pour des analystes financiers. Lorsqu’on fait des départs de course, on invite nos clients. C’est vrai que Safran, à l’heure actuelle… le bateau, non seulement il est reconnu dans le monde de la voile parce qu’il a tiré vers le haut les autres sponsors au niveau technologie, au niveau construction, conception… Il y a 8 ans, lorsqu’on a construit ce bateau, tout le monde nous disait « Mais, vous êtes fous ?! On ne fait pas un bateau comme ça. Il est trop léger, il est trop ceci, il est trop cela ! ». Nous, étant donné qu’on a des ingénieurs qui peuvent dire si c’est fiable, ils peuvent faire des calculs et tout. On s’est dit « bon, on va se lancer là dedans », et puis on a fait confiance à un jeune architecte qui maintenant est très connu, on peut dire quand même grâce à nous. Il fait des bateaux pour l’America’s Cup, Guillaume Verdier ! On a osé, on a pris le risque, comme on prend un risque industriel, vous voyez ? Et ça, je pense que c’est important pour nos actionnaires et les personnes avec qui on travaille sachent qu’on ose se lancer dans des projets. 440 Le safran désigne originellement la partie immergée d’un gouvernail de bateau. Mme Laureau mentionne les fibres de carbones qui constituent le safran et qui sont assemblées d’une manière particulière et exclusive à l’entreprise Safran (Source : safran-groupe.com). 441 ~ 216 ~ Au départ, on n’a aucune connaissance du nautisme mais bon, on ose, on fait des paris et on met les compétences, les experts… Et voilà, ça marche ! On est troisième au Vendée-Globe 2008-2009, on bat le record de la traversée de l’Atlantique-Nord en juillet, on est deuxième sur la dernière Transat Jacques Vabre… Et puis, il y a d’autres sponsors qui veulent construire des bateaux Safran ! On a maintenant trois sisterships issus de Safran 442 … Donc oui, effectivement, on communique là-dessus. vis-à-vis de nos partenaires. G.B. : En somme, ça vous permet d’afficher la qualité technologique de Safran, même auprès de vos actionnaires financiers ? R.L. : Tout à fait ! Et puis de montrer qu’on peut être novateur, qu’on aille jusqu’au bout de nos projets. Et ce sont des risques qui sont calculés, bien sûr… G.B. : Ok. Maintenant, comme j’ai compris ce que vous mettiez en avant, quels objectifs avez-vous lorsque vous communiquez ? On l’a un peu abordé, c’est de la notoriété et des valeurs ? R.L. : Tout à fait ! G.B. : À propos de la notoriété, est-ce que, dès 2006, puisque vous avez commencé ça très tôt, la voile a été un moyen de faire connaître le nouveau groupe Safran ? R.L. : Ah, c’était l’objectif ! L’objectif, c’est toujours… accroître la notoriété du groupe Safran. Et donc, 2013 a été une année aussi très importante, parce que nous avions besoin de communiquer au niveau recrutement. Et donc, nous avons utilisé ce support qui est le bateau pour faire du recrutement, pour faire de la communication auprès des étudiants, les étudiants ingénieurs. Et donc, nous avons par exemple organisé un Serious Game, avec « Virtual Regatta »443, où nous avons pu toucher environ 8500 étudiants. Ce qu’il faut savoir, c’est que… comment dire ? [Quelques secondes] Nous utilisons les bateaux pour la marque employeur. G.B. : D’accord. Et vous aviez parlé de valeurs. Je ne sais pas si on les avait toutes mentionnées… De quelles valeurs faites-vous la promotion à travers la voile ? R.L. : Oh, il y en a effectivement… Les valeurs, c’est l’esprit d’équipe, la solidarité, comme je vous ai dit, innovation… C’est vrai qu’il y en a pas mal. Qu’est-ce que je peux vous dire ? Esprit d’équipe, solidarité, innovation… Je pourrais compléter… Transmission du savoir, performance… 442 Sistership ou bateau-jumeau en français, soit le même navire (en dehors d’adaptations mineures). Un jeu vidéo en ligne, de type simulation de course à la voile et de régate, dévoilé par un studio français en 2006 et approuvé par la Fédération Française de Voile. 443 ~ 217 ~ G.B. : En outre, quand on a sous les yeux le palmarès de Marc Guillemot, sous sponsoring Safran, on comprend l’idée de performance. Une dernière question par rapport à vos objectifs : est-ce que communiquer par la voile vous aide à inspirer confiance ? Confiance en votre entreprise, confiance en vos technologies ? R.L. : Ah bah, j’espère ! G.B. : C’est un objectif, je veux dire ? R.L. : En fait, au départ, la grande originalité, je vous disais, du projet, c’était de fédérer les salariés du groupe, d’accord ? [J’acquiesce] C’est un objectif qu’on a atteint largement puisque maintenant, le sponsoring nautique est complètement acquis au niveau des salariés. Il s’avère que compte tenu des résultats que Marc a obtenu, les différents podiums, il y a beaucoup de gens de l’extérieur qui se sont intéressés à notre bateau. Parce que c’est un bateau qui est fiable [en insistant sur « fiable »] ! Bon, à part le dernier Vendée-Globe où on a perdu notre quille, c’est un bateau qui, depuis 8 ans, a toujours fini ses courses, d’accord ? Ça, c’est de la fiabilité. Et c’est vrai que quand on est en plus constructeur de moteurs, on veut être fiable. Mais, il n’y a pas que ça, je pense qu’aussi, ce projet est une vitrine technologique de Safran. C’est son savoir-faire. G.B. : Bien. J’ai une autre question à vous poser, qui concerne plus Safran en soi : est-ce que, depuis que Safran parraine la voile, le sport a eu une influence sur l’image de Safran, en termes physiques ? Je veux dire : est-ce que le sport a eu par exemple une influence sur le design du logo de Safran ? Sur l’agencement de son site internet ? R.L. : Non. Il y a des sites Safran institutionnels, corporates, et il y a le « Safransailingteam.com ». Si vous avez pu regarder les deux, ils n’ont rien à voir, au niveau design et tout… Donc, non, je ne pense pas… En fait, ce qu’il faut retenir, c’est que grâce à la voile, grâce au Vendée-Globe et à certaines course comme la Transat Jacques Vabre ou la Route du Rhum, qui sont des grandes courses… effectivement, ce sont des courses qui sont très médiatisées, d’accord ? [J’acquiesce] Et pour nous, parce que nous avons des stands pour les départs de ces courses, c’est l’occasion de véhiculer nos valeurs, celles que je vous disais, l’innovation, l’esprit de compétition, solidarité et cætera… En fait, nous nous sommes rendu compte depuis 8 ans, autrement on ne continuerait pas, que grâce à ce projet, on gagne en notoriété, parce que Safran, en fait, qui connaît Safran ? C’est un groupe qui est très jeune, le nom Safran, il est né en 2005. Qui connaissait Safran il y a quelques années ? Là, je pense que les retombées qu’il y a eu, du fait qu’au niveau technologique… on a apporté nos technologies, nos savoir-faire dans la construction des bateaux, et que maintenant, notre bateau est une référence dans la classe IMOCA444. Ça, ça fait parler, donc quand je vous dis que l’année du Vendée-Globe, on a profité du Vendée-Globe pour faire une grosse opération 444 La catégorie dans laquelle évolue le bateau Safran, des monocoques de 60 pieds. ~ 218 ~ pour recruter… parce qu’actuellement, 30% de nos salariés sont de nouvelles recrues. Vous imaginez… en 3 ans, un tiers des salariés du groupe sont des nouvelles recrues. G.B. : C’est jeune. R.L. : [Me comprenant mal] Jeune… nouveaux embauchés, en fait. Jeunes, pas jeunes, il y a un peu de tout, parce qu’on ne prend pas que des… des étudiants. Donc, c’est vrai qu’il y a un tiers de jeunes diplômés dans notre cadre et nous, ce que l’on souhaite, par encore la marque employeur, c’est de maintenir ce cap de recrutement. Et je pense que justement, ça a eu un fort impact sur la vision des personnes qui ont postulé. G.B. : D’accord. Je voudrais vous demander une petite précision, si vous le permettez. Le lien entre Safran et la voile, dans votre entreprise, vous appelez ça comment ? Un partenariat ? Du sponsoring ? R.L. : Sponsoring ! G.B. : Parce que ça a un rapport avec le sport ou faites-vous la différence avec le partenariat autrement ? R.L. : En fait, autrement, nous avons une fondation, on fait du mécénat, vous voyez ? [J’acquiesce] Donc, c’est tellement différent. G.B. : Je comprends… Si j’ai bien compris, vous avez choisi la voile non seulement parce que ça vous permettait de mettre en avant vos technologies mais aussi parce que les valeurs correspondaient à celles de vos entreprises ? R.L. : Voilà ! G.B. : Une autre question à ce sujet : où est présent le logo Safran lorsque l’on parle de votre bateau ? Il est présent sur la voile, sur la coque… R.L. : Oui. Voile, coque… Toutes les voiles et aussi sur le cockpit du bateau. Ils y a plusieurs logos. Bon, ce n’est pas un sapin de Noël non plus ! Mais, nous avons positionné le logo de telle sorte que lorsqu’on fait des reportages, soit hélicoptère, soit zodiac, on puisse voir la marque de Safran. À l’intérieur même du bateau, dans la cabine, lorsque notre skipper nous envoie des vidéos qu’il fait lui-même, nous faisons en sorte qu’il y ait le logo Safran qui apparaisse, soit derrière lui… G.B. : D’accord. Et est-ce que… R.L. : [Mme Laureau m’interrompt] Effectivement, il y a pas mal de logos sur le bateau, mais de façon toujours très évidente. Ce n’est pas non plus ce que je vous disais, ce n’est pas un sapin de Noël. ~ 219 ~ G.B. : Et au-delà du bateau en lui-même, est-ce que l’image du groupe Safran est présente ailleurs que sur le bateau ? R.L. : C'est-à-dire ? G.B. : Par exemple, si vous avez un stand à terre lors des départs ? Est-ce que… R.L. : Oui ! À chaque grande course, nous avons un stand de 50 m², sur lequel nous communiquons au niveau corporate, pour expliquer… pour expliquer Safran, « Aerospace, Défense, Sécurité »445. Donc, pour expliquer ce que l’on fait. Pour la marque employeur, pour dire qu’on recrute, et bien sûr, notre présence sur le bateau, on explique les technologies qu’on met à bord, on parle du bateau, on met des photos… Donc, il y a 3 points qui reviennent tout le temps sur notre stand, la présentation de Safran niveau corporate, Safran recrute et Safran dans le sponsoring nautique. G.B. : Je vois. Et à travers ce sponsoring de la voile, quelle est votre cible, en termes de communication ? R.L. : Bah, les futures recrues, bien sûr, nos actionnaires, nos partenaires, et les salariés du groupe. G.B. : Pas le grand public, par exemple ? R.L. : Si, bien sûr, le grand public, mais le grand public… par le biais du recrutement. Parce qu’il est vrai que lorsque l’on tient un stand sur une course, il y a le grand public, et on lui explique ce qu’est notre groupe. Mais nous, nous somme plus en business to business qu’en grande consommation. On vend des moteurs d’avion, des trains d’atterrissage… Ça serait plus pour accroître notre notoriété pour que les gens sachent ce que c’est Safran. Mais autrement, ce n’est pas vraiment notre cible. G.B. : Je comprends. La question suivante qui me vient à l’esprit, c’est de savoir, tout simplement, comment est-ce que vous faites la promotion de ce sponsoring ? R.L. : Alors, on le fait par le biais du site « Sailing team », on le fait par le biais de Facebook, on a bientôt 9000 fans qui nous suivent, on le fait par Twitter. Là, on va faire une conférence de presse à la fin du mois pour annoncer nos nouveaux projets. On le fait bien sûr par notre présence lors des départs de course, dont les stands. Nous tournons aussi avec une équipe dans les écoles, nous faisons avec nos skippers des conférences auprès des étudiants. Voilà, en gros, comment nous communiquons. 445 La signature de Safran. ~ 220 ~ G.B. : D’accord. Et en somme, d’un point de vue budget, quelle est la part que vous consacrez à la voile en soi, c'est-à-dire le sponsoring, la conception des bateaux, et de l’autre côté, l’activation du contenu que vous produisez ? R.L. : Vous voulez connaître le prix, c’est ça ? G.B. : Si c’est possible. R.L. : Nous avons un budget de communication global et le sponsoring nautique représente 5% de ce budget là. G.B. : D’accord. Est-ce qu’il est possible d’avoir un ordre d’idée de ces 5% ? R.L. : [Hésitation] C'est-à-dire combien nous coûte en termes de communication le sponsoring nautique ? G.B. : Voilà, si c’est possible. R.L. : [Hésitation] Bon, alors, si c’est possible… il faut que je vous donne des chiffres ronds, il faut compter entre 400.000€ et 500.000€ par an446. G.B. : D’accord, je vous remercie. Et un autre dernier détail qui m’intéresse à ce sujet, c’est la répartition entre la voile en soi d’un côté et, de l’autre, l’activation de ce que vous faites. Vous sponsorisez un bateau, quelle est la part de ces 5% que vous consacrez à l’activation ? R.L. : Eh bien nous sommes non seulement sponsors mais aussi armateurs, le bateau nous appartient. Donc, je pense que l’on n’est pas concerné par votre question. G.B. : Très bien. Ensuite, je voudrais en venir au cas de Marc Guillemot. Guillemot est votre skipper, mais est-ce que Guillemot représente Safran ? R.L. : Il représente le skipper de Safran, mais il ne représente pas Safran, non. G.B. : Est-ce que vous pouvez m’expliquer ? R.L. : [Hésitation] Comment dire ? [Mme Laureau murmure, puis se reprend] La voile, c’est vrai que… Déjà, vous savez bien que la voile, ce n’est pas un sport qui est considéré comme un sport par le grand public. C’est plus l’aventure humaine, c’est l’humain. C’est encore ces valeurs là : l’esprit d’équipe, solidarité, machin et tout, compétition… Et c’est vrai que dans les différentes études, on ne considère pas la voile comme un sport. Quand vous 446 Selon Le Figaro, le bateau Safran coûterait quant à lui 3.5 millions €, plus 1.2 million € nécessaire chaque année pour l’entretien, la préparation et la rétribution de l’équipage (Source : DERREUMAUX Olivia, « Vendée-Globe : Safran cherche une explication aux déboires », dans Le Figaro, le 14/11/2012 + LEFEVRE Sandrine, « Investir dans la course, ça rapporte », dans Le Parisien, 13/11/12). ~ 221 ~ faites des sondages, les gens vous disent « bah non, ce n’est pas un sport ! ». C’est plus un état d’esprit, une valeur… Je ne sais pas si on vous a déjà dit ça ? G.B. : Je comprends ce que vous me dites. R.L. : Voilà. Et donc, dire que Marc Guillemot représente Safran… Oui, quand il est sur le bateau ! G.B. : Il n’a aucune action en dehors ? Des séminaires en interne ? R.L. : Non. G.B. : D’accord. Et comment Marc Guillemot a-t-il été choisi ? R.L. : En fait, on a fait un appel à candidature auprès de plusieurs skippers. Et en fonction de leur projet, qui a été étudié, on a retenu Marc Guillemot. Lui avait un projet novateur, est un bon skipper. Voilà… nous, ce qu’on recherchait avant tout, c’était de pouvoir mettre en avant notre savoir-faire en technologique, pouvoir être armateur et… apporter notre savoir-faire. C’est le projet que nous avons retenu. G.B. : Et est-ce que Marc Guillemot est présent sur d’autres supports que votre bateau ? R.L. : Il est le skipper officiel du bateau IMOCA, en 60 pieds, et lorsque le bateau est en chantier, il s’entraîne, il fait quelques petites courses sur son bateau, un 7 et demi. G.B. : Je vois. Et une autre question : est-ce que vous avez recours à la publicité ? R.L. : Alors nous, la dernière fois que nous avons inséré des publicités dans des magazines tels que le… [elle se reprend] Non, ce n’était pas le Figaro, c’était l’Équipe, Le Parisien, Libération. C’est lorsque Marc, cet été, a battu le record en solitaire de la traversée de l’Atlantique-Nord. G.B. : Et auparavant, vous y aviez déjà eu recours ? R.L. : Non. G.B. : C’est la seule fois ? R.L. : Oui. G.B. : Je vous remercie. Et là, par ces publicités, vous cibliez qui ? R.L. : En fait, c’était juste pour encore accroître notre notoriété, en disant « bah voilà, on a battu un record ! Nous sommes des compétiteurs, combatifs, on a osé faire cette traversée ! ». On avait besoin de montrer la fiabilité, de raconter une belle success story après le Vendée-Globe où, malheureusement, au bout de deux heures, on avait perdu notre quille. ~ 222 ~ C’est aussi pour rassurer, en disant « on a peut-être perdu notre quille au départ du VendéeGlobe, mais on est de nouveau dans la course et voilà le résultat, on a battu le record ! ». G.B. : D’accord. Une dernière question que j’ai à propos de vos techniques : est-ce que, lorsque vous communiquez dans votre action voile, vous ressentez un objectif de distinction par rapport à d’autres entreprises ? Par rapport à d’autres concurrents ? R.L. : Non, parce qu’à vrai dire, nous sommes vraiment un sponsor à part, à partir du moment où nous sommes sponsors et armateurs, alors que les autres sponsors, tels que Cheminées Poujoulat ou La Vache Qui Rit, Groupe Bel… Eux, ils donnent un budget à un skipper, ce skipper a un bateau et ils disent « voilà, on vous donne de l’argent et vous gagnez des courses ! ». Tandis que nous, on met plus notre nez dedans, « tiens, on construit un bateau, vous en êtes le skipper. D’après vous, est-ce que ce que l’on va faire vous semble raisonnable, cohérent… ? ». On se fait aider par des architectes, par nos ingénieurs et tout. Il y a vraiment une équipe autour du skipper, le skipper skippe notre bateau, alors que dans la plupart des cas, le skipper skippe son propre bateau, il en est propriétaire. G.B. : Donc, si je comprends bien, vous vous distinguez par le fait que vous avez votre bateau ? C’est déjà une distinction en soi ? R.L. : Que l’on a construit, oui. On l’a conçu, vous voyez ? G.B. : Ok. Je voudrais revenir un petit instant sur la création du groupe en 2005 et le moment où vous avez communiqué par le sport. Vous m’aviez dit que vous communiquiez vous votre notoriété… est-ce que cette stratégie de communication a été mise en place pour communiquer à un nouveau public ? Un nouveau public business to business par exemple… ou est-ce que c’étaient déjà les anciennes cibles de la Sagem et de la Snecma ? R.L. : En fait, c’était pour accroître la notoriété du nouveau groupe, tout en rassemblant autour d’un projet fédérateur ses milliers de collaborateurs. Au départ, c’était un projet interne. Il y avait deux cultures différentes, Sagem et Snecma, il fallait fédérer les collaborateurs autour d’un projet. Et effectivement, nous avons fait appel à des ingénieurs autant Sagem que Snecma. G.B. : Donc, il n’y a pas eu de transition entre le côté Snecma-Sagem et Safran après ? Il y a eu une reprise de zéro ? R.L. : Oui, tout à fait ! Pour nous, en 2005, Safran naissait, et le sponsoring aussi. G.B. : Ok. Je voudrais donc revenir sur ce côté interne, sur lequel vous avez insisté. Le sport fait visiblement partie de votre communication interne [elle acquiesce]. Je voudrais savoir par quels moyens, par quels outils vous faisiez la promotion de la voile à l’intérieur de votre entreprise ? ~ 223 ~ R.L. : Intranet, internet, des jeux internes, des quizz, les concours… G.B. : Des jeux concours ? Avec des lots à la fin ? R.L. : Avec des lots, bien sûr, oui. Un jeu, s’il n’y a pas de lot, personne ne joue [elle rit]. Et donc, avec la possibilité pour les salariés de participer au départ d’une course, de passer un week-end sur place… G.B. : D’accord. Avec quel résultat ? Est-ce que ça marche ? R.L. : Ah oui, complètement ! Ah oui, oui, complètement ! En fait, on a fait carton plein, on a fédéré les salariés autour de ce projet. Et je pense que la voile, c’est quand même assez fabuleux, parce que c’est une aventure humaine avant tout. G.B. : Bien. J’ai parlé de votre communication interne, est-ce que le sport est incorporé dans vos techniques de management ? R.L. : Oui, tout à fait ! G.B. : Comment, si je puis me permettre ? R.L. : En fait, il y a plusieurs sujets. Quand on fait des séminaires, Marc est invité pour qu’il exprime, par exemple, comment mener son équipe à la victoire. C’est du management, comment manager une équipe... une cellule de crise, quand il y a un problème sur le bateau, comment faire en sorte que les équipes suivent. G.B. : D’accord. D’autres moyens que les séminaires ? R.L. : D’autres moyens, non. Il est invité à des tables rondes… tout ça en interne. On a des conférences en interne quand il visite les sociétés, on lui pose des questions… Il y a beaucoup d’échange effectivement, au niveau coaching et management : « comment on peut appliquer son expérience pendant le travail ? ». G.B. : Vous avez dit que cela marchait d’un point de vue interne, est-ce que vous avez des donnés sur le rapport entre vos salariés et le sport ? Est-ce que vous savez si vos salariés sont plus intéressés par le sport que la moyenne ? S’ils sont plus susceptibles d’être membres d’associations sportives, voire même s’ils font de la voile ? R.L. : Je vais vous donner un exemple. En fait, le groupe Safran a un challenge voile, c’est le plus grand challenge corporate qui existe en France, au niveau participation447. On est obligé d’arrêter les inscriptions parce qu’il y a trop de demandes. Tous les ans, vers la mi447 Une précision : ce serait le plus gros challenge d’entreprise de voile en France. On note qu’environ 800 employés y avaient participé en 2013 (110 bateaux), ce qui classe cette régate comme la plus grosse édition organisée par et pour une entreprise lors de cette année. ~ 224 ~ septembre, il y a un « Challenge Voile Safran », il réunit les salariés des filiales du groupe et là, il y a 110 bateaux sur l’eau, qui représente environ 900 personnes448. G.B. : Et ça se passe où ? R.L. : L’année dernière, c’était à Concarneau. L’année d’avant, c’était Lorient, La Trinité-sur-Mer… Là où on trouve 110 bateaux à louer… Et les salariés payent leur participation, ce n’est même pas une invitation du groupe Safran, c’est une organisation qui organise ça au sein de Safran, mais qui est une organisation à part entière. Donc effectivement, il y a un engouement énorme pour la voile. G.B. : Ok. J’ai une dernière partie de questions, elle a trait à l’évaluation de votre communication. Je voulais savoir comment vous meniez l’évaluation de votre communication par la voile ? Est-ce que vous menez des enquêtes qualitatives ? Quantitatives ? R.L. : Je peux dire qu’on a un très bon retour d’investissement et ça, on peut le calculer par rapport aux retombées médiatiques. À chaque fin de course, par exemple, on demande à la société Kantar, qui est une agence de presse449, de nous faire un calcul, en disant combien il y a eu de passages télé, combien de passage dans les journaux, sur internet… Et en fonction de ça, il y a une grille. Par exemple, si on a trois lignes dans l’Équipe, si on avait passé une publicité de trois lignes dans l’Équipe, combien on aurait dû payer ? Et c’est comme ça qu’on quantifie les retombées médiatiques de notre visibilité dans des courses. Et jusqu’à présent, on a un très bon retour d’investissement. G.B. : C’est ce que j’allais vous demander : les résultats sont positifs ? R.L. : Très positifs ! G.B. : Et en termes de notoriété, de valeurs ? R.L. : On n’a pas quantifié, parce que dans les enquêtes que l’on fait, on n’a pas encore mis cet item là, « le sponsoring sportif, connaissez-vous… ? ». Mais, on va le faire prochainement. G.B. : En somme, si j’ai bien compris, vous mesurez l’impact du sponsoring sur votre notoriété, mais est-ce que vous mesurez l’impact de votre sponsoring sur l’image de Safran ? R.L. : Bah, c’est difficile… Il faudrait faire des sondages auprès de nos clients et de nos partenaires. Ce n’est pas évident de faire ça… mais, il est vrai que comme la plupart des personnes que l’on rencontre nous parlent du sponsoring, du bateau et de ses résultats. Donc, je pense que l’objectif est remporté, c'est-à-dire que notre environnement affaires et financier 448 449 Voir n°447. Entre autres : plans de communication, études, sondages… ~ 225 ~ sait qu’on a un bateau. Mais autrement, il faudrait faire une enquête, un sondage, et ça, on ne l’a pas fait par rapport au sponsoring nautique. G.B. : D’accord. Et pour finir avec ce bilan, est-ce que depuis que vous faites de la voile, depuis 2006, depuis donc qu’il y a une stratégie de communication autour de ça, est-ce que vous avez identifié des manques ? Des points qui devraient être améliorés ? R.L. : Par rapport au milieu de la voile, c’est ça ? G.B. : Oui. R.L. : Si je vous dis que ce n’est pas assez médiatisé, c’est une bonne réponse ? G.B. : C’est votre réponse, je ne juge pas. R.L. : Non, non ! Je veux dire : est-ce que c’est ça la question ? Quels sont les points d’amélioration par rapport au sponsoring nautique ? G.B. : Oui, c’est ça ! R.L. : Effectivement, nous, ce que l’on regrette, c’est que ça ne soit pas assez médiatisé. Ce n’est pas du foot, quoi ! Il n’y a pas de mondial de la voile… En fait, ce qui est médiatisé, c’est le Vendée-Globe, point barre ! C’est vrai qu’on parle très peu, très peu de voile en télé et en print. G.B. : D’accord. Pas d’autre point ? R.L. : Non, non… je vais vous donner un exemple. Je reviens sur une de vos questions, l’année dernière, nous avons sponsorisé la course « Croisière EDHEC »450, vous connaissez [j’acquiesce] ? Et lorsque nous sommes arrivés, nous avions notre stand, on était très content parce qu’on avait réalisé un Serious Game juste avant, les étudiants savaient répondre aux questions, disaient « oui, moi j’ai participé à votre jeu ! ». Je vous dis : on a touché 8500 étudiants. « J’ai participé à votre jeu, et je sais que Safran travaille dans…. ». Pour nous, c’était un pari gagné, c'est-à-dire qu’on a pu faire découvrir aux étudiants, avec ce jeu, les activités de Safran. Donc nous, on va continuer sur cette dynamique de la marque employeur, utiliser le bateau pour la marque employeur et voilà. Donc, il y a quand même une cible qui est captée. G.B. : Bien. J’ai une dernière question par rapport à votre évaluation : du fait que vos résultats sont positifs, ayant ça à l’esprit, comment vos budgets communicationcommunication sport vont évoluer dans les prochaines années ? 450 Régate étudiante organisée depuis 1969, réunissant environ 3000 participants au printemps. Marc Guillemot en est lui aussi le parrain. ~ 226 ~ R.L. : Ecoutez… [Elle rit] Malheureusement, dans toutes les sociétés, le budget communication est plus en tendance à la baisse qu’à la hausse. Je ne peux rien vous dire, je n’en sais rien. Plus j’avance, moins j’ai de budget. Mais bon, c’est une tendance générale qui n’est pas forcément liée au sponsoring nautique. G.B. : Ok, je vous remercie. J’ai encore deux petites questions finales. Quelle est selon Safran la meilleure manière de communiquer par le sport ? R.L. : C’est de gagner des courses ! Je ne vois pas d’autre chose. G.B. : D’accord. Et ma dernière question : est-ce qu’il y aurait une raison qui pourrait pousser Safran à abandonner le sponsoring nautique ? R.L. : Non, pour l’instant, on est plus sur une dynamique de continuité, de viser le Vendée-Globe 2016. Je ne vois donc pas quelles seraient les raisons. C’est un très bon support pour nous, on peut mettre en avant notre savoir-faire technologique, il y a des valeurs vraiment que l’on partage. Non, pour l’instant, non. Nous finissons cet entretien sur mes remerciements sincères et ses encouragements pour la suite de mon travail. Puis, nous raccrochons. ~ 227 ~ Annexe 5 Questionnaire vierge Ici est présenté, tel qu’il a été utilisé lors des entretiens, le questionnaire vierge de toute réponse. Son objectif était de comprendre, avec l’aide des responsables de communication de chaque groupe, « Quels objectifs poussent votre entreprise à communiquer à travers le sport et comment y arrivez-vous ? ». 1ère Partie : Comment communiquez-vous par le sport ? Que mettez-vous en avant grâce au sport ? Une marque ? Comment faites-vous le lien entre cette marque et le sport ? Une de vos marques ? Pourquoi pas les autres ? L’entreprise ? Des produits ? Lesquels ? Pourquoi pas les autres ? Le sport a-t-il une place dans votre communication financière ? - Quels objectifs sont liés à votre communication par le sport ? - Notoriété ? En quoi le sport vous aide-t-il à vous différencier ? Perception ? Comment les cibles peuvent-elles se dire « j’aime votre entreprise » après avoir été touchées par votre communication ? Quelles valeurs ? Réputation ? En quoi le sport vous aide-t-il à inspirer confiance ? Avez-vous recomposé l’image de votre entreprise à travers le sport ? (Si non, pourquoi ?) Dans les points de vente ? Sur votre site internet ? Votre logo ? Votre signature ? Votre charte graphique/sonore ? Utilisez-vous le mécénat/sponsoring ? (Si non, pourquoi ?) Qui sponsorisez-vous ? Comment avez-vous choisi ces organismes (club, association, fédération…) ? Comment portent-ils votre image (maillot, bannières fixes…) ? Qui visez-vous ? Communiquez-vous sur ce sponsoring/mécénat ? Sur quelle durée envisagez-vous cet acte de communication ? Avez-vous prévu une stratégie de retrait ? - ~ 228 ~ Avez-vous recours au partenariat ? (Si non, pourquoi ?) - Qui sont vos partenaires ? Comment avez-vous choisi ces organismes (club, association, fédération…) ? Pourquoi avez-vous dépassé le stade du simple sponsoring ? Qu’attendent de vous vos partenaires ? Ont-ils besoin de vous ? Communiquez-vous sur ce partenariat ? Que tirez-vous de ce partenariat ? Exposition et notoriété ? Crédibilité aux yeux d’un public précis ? Êtes-vous représenté par des figures ? (Si non, pourquoi ?) Avec qui collaborez-vous ? Comment avez-vous choisi ce sportif ? Sur quels critères ? Comment incarne-t-il votre image / vos produits / vos qualités ? Quelle est l’étendue de ses obligations ? Qui visez-vous à travers ce sportif connu ? Sur quels supports est-il présent ? Pourquoi pas les autres ? Cette figure en appellera-t-elle d’autres ? - Avez-vous recours à la publicité ? (Si non, pourquoi ?) - Sur quels supports communiquez-vous ? Comment ces supports sont-ils articulés ? Procédez-vous à de l’achat média ? Comment concevez-vous vos publicités ? Que véhiculez-vous ? Une image ou un produit ? Comment associez-vous le sport à cet objectif ? Quels sont les symboles, valeurs… sportifs que vous mettez en avant ? Ressentez-vous un objectif de distinction vis-à-vis d’autres entreprises/concurrents qui communiquent par le sport ? (Choisir d’autres épreuves, d’autres sportifs…) 2ème partie : Comment votre entreprise a-t-elle pu établir à un moment donné que le sport était le bon support de communication ? Dans quel contexte votre entreprise a-t-elle sérieusement envisagé d’utiliser le sport ? Un réalignement ? Une transformation ? Y avait-il volonté de s’adresser à un nouveau public ? Avec de nouveaux produits ? Ou sur un nouveau segment/secteur ? Etait-ce une manière de consolider votre position auprès d’un public ? Etait-ce une manière de prendre de l’avance ? Ou de rattraper du retard ? Comment se sont déroulées les réflexions ? Les avez-vous conduites seuls ? Le (ou les) sport que vous avez choisi était-il différent des autres sports ? En quoi ? ~ 229 ~ 3ème partie : Comment votre entreprise s’est-elle adaptée à un nouveau mode de communication ? Y a-t-il eu une période de transition visible par le public ? Avez-vous repris des éléments de vos anciennes communications ? Ou pratiqué une rupture ? Avez-vous eu recours à de nouveaux médias ? Auriez-vous eu recours à ces médias avant de parler sport ? Y avait-il des risques pour votre image de marque ? Comment les avez-vous anticipés et gérés ? 4ème partie : Quelle évaluation menez-vous de votre communication par le sport ? Comment mesurez-vous vos résultats en matière de communication ? Menez-vous des enquêtes qualitatives ? Menez-vous des enquêtes quantitatives ? Les résultats sont-ils positifs ? Que vous apporte le sport lorsque vous considérez les résultats de ces études ? Image, notoriété, réputation ? Êtes-vous arrivés à mettre en évidence des manques, des points devant être améliorés ? Cela influe-t-il sur votre position de marché ? Vos résultats commerciaux ? Allez-vous faire varier la place que tient le sport dans votre communication produit et/ou image ? - Êtes-vous prêt à augmenter vos budgets relatifs à la communication par le sport ? Allez-vous vous songer à d’autres sports ? D’autres figures, supports, évènements… ? 5ème partie : Le sport pèse-t-il dans la vie de votre entreprise ? Est-ce que le sport fait partie de votre communication interne ? Quels outils ? Quels moyens ? Quels résultats ? Le sport est-il incorporé dans vos techniques de management ? Via du coaching ? Des stages ? Des valeurs ? Quel est le rapport entre vos employés et le sport ? Sont-ils plus susceptibles d’être membres d’associations sportives ? Le sport a-t-il une place quelconque dans vos processus de recrutement ? Votre CE ? Questions finales Quelle est la meilleure manière de communiquer via le sport ? Si elle devait abandonner le sport, vers quoi votre entreprise se tournerait-elle ? ~ 230 ~ Annexe 6 Visuels Société Générale Campagne institutionnelle (mars 2011) Supports : Presse quotidienne nationale, presse quotidienne régionale (58 titres), site institutionnel de la Société Générale, affichage urbain, Publicité sur le Lieu de Vente. Cette campagne s’est accompagnée de publicités institutionnelles en télévision451. Objectif : Rendre visible et symboliser le changement de signature et de slogan, donc d’image, de la Société Générale, en mars 2011. Conception : Agence Fred & Farid (Paris) 451 Par exemple : Société Générale, « L’esprit d’équipe », mars 2011, publicité disponible sur la chaîne Youtube « Société Générale et vous », 17/03/11 Voir http://bit.ly/Ry82jA ~ 231 ~ ~ 232 ~ Annexe 7 Les 25 ans du rugby (Société Générale) Campagne institutionnelle 2012 Supports : Presse sportive (via des publi-rédactionnels dans l’Équipe et le Midi Olympique en juin 2012), publicités de type « pop-up » sur les sites de l’Équipe, du Rugbynistère…, site institutionnel de la Société Générale, Publicité sur le Lieu de Vente. Objectif : Célébrer les 25 ans du partenariat entre la Société Générale et les hautes instances du rugby français. Conception : Agence Fred & Farid (Paris) ~ 233 ~ Annexe 8 Stat’arbitre (La Poste) Principe : Lors de la retransmission en direct d’un match de la Coupe de la Ligue de football, un encart donnant les « caractéristiques » de l’arbitre principal officiant pendant la rencontre apparaît pendant le protocole d’avant match. Objectif : La Poste donne de la visibilité à son partenariat avec les arbitres du football amateur et professionnel français. Son logotype est présent en bas à droite de l’encart (ainsi que sur les manches des arbitres). L’encart reste présent environ 20 secondes à l’écran452. 452 Moyenne de temps établie par l’auteur pour l’ensemble des matchs de la Coupe de la Ligue retransmis en 2013 sur France Télévision, soit 19 rencontres. ~ 234 ~ Annexe 9 Extrait du compte Twitter « Avec le XV » (30/04/14) ~ 235 ~ Annexe 10 Photographie de couverture du site « Le 12ème homme » (Orange) et de sa page Facebook (au 01/05/14) ~ 236 ~ Annexe 11 Emblème de « Par Amour du Rugby » (Société Générale) Facebook et Twitter (au 01/05/14) Annexe 12 Photographie de couverture de « Par Amour du Rugby » (Société Générale) Facebook et Twitter (au 01/05/14) ~ 237 ~ Annexe 13 Journées des Ambassadeurs (Société Générale) Saint-Etienne (26-27 février 2014) Photographies fournies par la Société Générale, et postées sur Facebook (« Par Amour du Rugby ») le 04/03/14 Légende : Discours d'avant match, cohésion ! Légende : Photo souvenir avec les collaborateurs Société Générale de la ville. ~ 238 ~ Légende : Ally Strokosch un peu plus grand que la moyenne ! Légende : Les journées des ambassadeurs : De la boue, de la sueur, du bonheur et de la bonne humeur ! ~ 239 ~ Annexe 14 Visuel complémentaire : analyse du visuel « Les 25 ans du rugby » (Société Générale) L’analyse se situe aux pages 95 et 96. Ce visuel a été travaillé par l’auteur. L’original se situe en annexe 7 (P.233). De gauche à droite devant : Emile Ntamack, Christophe Lamaison, Fabien Pelous, Serge Betsen, Sylvain Marconnet, Christophe Dominici. De gauche à droite derrière : Philippe Sella, Abdel Benazzi, Raphaël Ibanez, Serge Blanco, Olivier Roumat, Olivier Magne, Lionel Nallet, Christian Califano. ~ 240 ~ Annexe 15 Extrait du compte Twitter « Le 12ème homme » (22/04/14) NB : Le nom du jeune supporter a été raccourci par l’auteur. ~ 241 ~