RUGBY & société comprendre PAR Christophe Schaeffer & louis-marie valin photos shutterstock LA DIVERSITÉ CONTRAINTE OU OPPORTUNITÉ ? RUGBY & société comprendre La diversité, somme de toutes les différences ? groupé pénétrant Avec Béatrice Barbusse, Abdelatif Benazzi, Danielle Bousquet, Jean-François Chanlat, Alexis Latty, Alain Marty, Pierre Meisel, Pierre Villepreux. Dans notre société, la diversité est partout, sur toutes les lèvres, dans tous les discours. Des plateaux de télévision aux programmes politiques, en passant par les causeries d’avant match, impossible d’évoquer l’idée de groupe ou de collectif sans que cette thématique ne surgisse en arrière-plan. À l’heure de la mondialisation et du métissage des cultures – et même si un mouvement généralisé de peur et de repli sur soi tend à dresser des murs un peu partout sur la planète –, les faits sont là : nous vivons au siècle de la confrontation des différences. Là où la défiance animale semble percevoir instinctivement la dissemblance comme une menace, voire un danger, ces pluralités culturelles, intellectuelles ou physiques pourraient, au contraire, être considérées comme une chance pour l’être humain. En partant du postulat que dans le rugby – sport collectif par excellence – la diversité des profils est le creuset de la performance, quels seraient les leviers à activer pour que ces différences soient source de créativité et d’innovation dans la société comme dans l’entreprise ? Entre sociologie, management et Ovalie, enquête sur le monde mystérieux de l’Autre. 8 Au sens général, la diversité est une notion qui se réfère à la différence, à la variété, à l’abondance de choses distinctes ou la dissemblance. Pour la définir, Pierre Meisel, skipper et fondateur du Team Jolokia dont l’objectif est de montrer que la diversité est source de richesse collective et de performance, n’y va pas par quatre chemins : « La diversité, c’est l’autre, l’autre avec un grand A ! Ce sont absolument tous les individus, chacun de nous avec sa différence propre. » Puis de préciser que son action « dépasse largement ces idées de catégories verticales dans lesquelles on classe les gens : homme/femme, junior/senior, noir/blanc, musulman/ chrétien, etc. ». Des propos corroborés par Béatrice Barbusse, enseignantechercheuse en sociologie, ancienne joueuse de handball de haut niveau et actuellement présidente du Conseil d’administration du Centre National pour le Développement du Sport (CNDS) : « La diversité, c’est la définition même du monde, de notre planète terre […] C’est le fait qu’il y ait des personnes qui ont des différences visibles et invisibles. » Si la diversité englobe donc toutes les différences entre individus, Jean-François Chanlat, sociologue et anthropologue, Professeur en sciences des organisations, va lui plus loin et parle d’un double rapport « à l’altérité d’une part, c’est-à-dire comprendre l’autre dans sa différence et, d’autre part, à la façon dont on fait quelque chose ensemble avec ces différences ». En somme, une double vision anthropologique et sociologique. La diversité serait alors plus qu’un simple constat objectif des distinctions entre êtres humains, mais sous-tendrait l’idée de les faire cohabiter et fonctionner ensemble au sein d’une société. Une définition qui pourrait également être celle du rugby tant ce sport fait la part belle à tous les types de profils. Si le professionnalisme tend aujourd’hui vers une homogénéisation des gabarits et une hyper-polyvalence des joueurs, rendant parfois difficile de différencier un arrière d’un avant, la diversité reste cependant le maîtremot. Le contre-amiral Alexis Latty, ancien directeur du rugby militaire, considère que « sur un terrain de rugby, la diversité physique, et les complémentarités ‘‘technicotactiques’’ qui en découlent, est indispensable au jeu ». Que l’on soit grand ou petit, lourd ou léger, rapide ou lent, il y a toujours un poste qui permet d’exprimer ses qualités. Le descendant de la soule (ancêtre présumé du rugby) se pose ainsi en véritable parangon du collectif et, par ricochet, de la diversité. Elle s’est enrichie, au fil du temps, d’apports sociaux et culturels, pour former ce qu’Abdelatif Benazzi, cet ancien grand troisième ligne du XV de France, né à Oujda, au Maroc, décrit comme un « pacte collectif qui se nourrit des différences ». 9