Volume 2 Issue 3
December 2015
INTERNATIONAL JOURNAL OF HUMANITIES AND
CULTURAL STUDIES ISSN 2356-5926
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connaîtra, par cela même, les pensées et passions des autres humains, dans les mêmes
occasions. 5 (Hobbes, 2000 : 66)
Mais cette similitude se limite aux seules passions qui sont presque identiques à tous les
hommes et ne concerne nullement les objets de ces passions. Hobbes s’en explique ainsi : « Je parle
de la similitude des passions, qui sont identiques chez tous les humains, désirs, peur, crainte, etc.,
non de la similitude des objets de ces mêmes passions, qui sont les choses désirées, craintes,
espérées, etc. »6 (Ibid.) Cette remarque tient son importance du fait que Hobbes dans sa science
morale et civile considère la « nature humaine », non comme une essence immuable, une substance
naturelle, mais comme un fond commun universellement observable en tous les hommes. Ce fond
commun n’est autre chose que l’ensemble des combinaisons affectives de l’esprit humain. Qu’est-ce
qui est donc important aux yeux de Hobbes, la similitude des affects ou la dissemblance des objets ?
(Philippe Crignon, 2009 : 90). La réponse à cette question dépend de l’importance que l’on peut
accorder, soit à l’anthropologie, soit alors à la politique. Mais il convient de noter que si
l’anthropologie se fonde sur la similitude des hommes, parce qu’il est question de « se lire » et se
connaître par la similitude des passions et des affects des autres, la politique, elle, se fonde sur la
diversité et la variabilité des mœurs. Hobbes écrit :
Par MŒURS, je n’entends pas ici la bonne conduite, comme la façon dont on doit se
saluer les uns les autres, ou comment il convient de s’essuyer la bouche ou de se curer
les dents en société, et tout ce qui concerne les bonnes manières ; au contraire,
j’entends ces qualités du genre humain qui concernent le fait de vivre ensemble dans la
paix et l’union. 7 (2000 : 186)
On voit bien que chez Hobbes les mœurs se rattachent à la civilité. Elles désignent l’aptitude à
vivre en paix et en harmonie avec les autres. L’anthropologie hobbesienne, fondée sur la science des
passions et des affects, conduit inévitablement à la question politique. L’état de guerre permanente,
chacun contre chacun, ne peut donc pas se déduire de la nature unique des hommes. Il est sans aucun
doute le fait de la pluralité des hommes. Similitude et dissemblance constituent en quelque sorte les
modalités principielles de la pluralité des hommes. Elles correspondent respectivement à
l’anthropologie et à la politique qui, elles-mêmes, renvoient à la question de l’état de nature, c’est-à-
dire à la condition naturelle des hommes avant leur entrée à l’état civil.
1.2. L’état de nature et la condition naturelle des hommes
L’état de nature est défini par Hobbes, non pas comme une réalité historique, mais comme une
hypothèse logique (Macpherson, 2004 : 44) qui permet de déduire théoriquement l’existence de l’Etat à
partir d’une anthropologie des affections de l’homme, notamment les désirs et les passions. Hobbes
n’emploie pas fréquemment le terme « état de nature », il préfère parler, comme au chapitre XIII du
Léviathan, de « la condition du genre humain à l’état de nature ». Le but dudit chapitre est de montrer
qu’en l’absence d’un pouvoir qui garantisse aux hommes la paix et la sécurité, il n’y a qu’un état de
guerre de tous contre tous. Cet état de guerre permanente est déduit des penchants naturels des
5 C’est l’auteur qui souligne.
6 C’est l’auteur qui souligne.
7 C’est l’auteur qui souligne.