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d’extérieur, cela produit l’agent, l’acteur lui-même : production de soi, un soi qui
s’exhibe. Les catégories moyen et fin ne s’appliquent pas à l’action.
L’action ne relève pas d’une stratégie, d’un calcul : elle n’use pas d’instruments,
elle se manifeste, se rend visible. Le pouvoir devenant instrument n’est plus
propre au politique. On ne fait pas de la politique pour accéder à la justice ou
l’égalité, mais on agit, on se montre en rendant manifeste son amour pour la
vertu, dit Montesquieu, ou de l’égalité. Une société juste est une société où l’on
voit cet amour de la justice au travers ses institutions. L’action révèle ainsi les
acteurs mais aussi les principes qu’ils manifestent de par leur action publique.
Le problème de l’Etat souverain, celui du Léviathan est celui de la domination,
du comment l’établir la prolonger. L’Etat emploie ainsi toute une stratégie en vue
de cette fin. L’Etat est stratège, gestionnaire (le gouvernement), administrateur
ou organisateur. Tout est alors dans le calcul rationnel dans l’objectif de
maîtriser les situations.
L’action crée, institue un espace public, visible, elle met en relation des
acteurs alors que rien ne le prévoyait. L’appartenance ethnique,
confessionnelle, nationale… ne crée pas ce type de relation propre à l’action
politique. L’action n’est donc pas déterminée par une appartenance socio-
culturelle dans la mesure où elle est spontanée et libre. Elle crée la communauté
politique. Celui qui apparaît dans cet espace de par son action (opinions ou autres)
n’est pas constitué, défini par une identité générale, abstraite (celui-ci est a-
politique). Il est révélé (aux autres et à lui-même) par l’action : le citoyen n’est
pas un statut (nationalité, âge, …) mais une action.
Si le pouvoir traditionnellement cherche l’efficacité, la réussite, il est selon
Arendt, celui qui se manifeste. Faire disparaître ce champ de l’apparition,
l’espace public, neutraliser l’action comme dans un système totalitaire, c’est
neutraliser le politique, le pouvoir, l’action. Tout est fourvoyé.
Du pouvoir sur, on passe au pouvoir-en-commun, dans une action concertée au
sein d’une pluralité. Mais l’action signifie imprévisibilité et peut-être échec ;
comment donner à ce pouvoir la capacité de durer. Il y a là une fragilité,
précarité qui renvoie à la finitude humaine mais qui peut être remédiée par
l’institution, la faculté de faire des promesses. Sur la fragilité du pouvoir,
Arendt nous dit : « Partout où les hommes se rassemblent / l’espace apparence /