RESEAU DE RECHERCHE :
POLITIQUES ECONOMIQUES ET PAUVRETE
(PEP-PMMA)
PROPOSITION DE RECHERCHE
INVESTISSEMENTS AGRICOLES ET DYNAMIQUE
DE LA PAUVRETE EN MILIEU RURAL IVOIRIEN
Par :
Arsène KOUADIO Konan, Chef de Projet.
Vincent MONSAN
Mamadou GBONGUE,
Eric KOFFI
Université d’Abidjan Cocody (CIRES)
Abidjan, Côte d’Ivoire
décembre 2004
Adresse : Arsène KOUADIO Konan, CIRES
Boite Postale : 08 BP 1295 Abidjan 08
Téléphone : (225) 22 44 77 42 / 07 98 46 80
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Abstract :
L’objectif principal de cette étude est de montrer l’importance des politiques d’incitation à
l’investissement agricole dans la stratégie de réduction de la pauvreté rurale. Les données de cette
étude seront tirées des enquêtes CILSS - LSMS ("Côte d'Ivoire Living Standard Survey") et des
enquêtes ménages (ECVM) réalisées par l’Institut National de la Statistique (INS), respectivement de
1985 à 1988 et en 1993, en 1995 et en 1998. On utilisera un modèle de régressions de données de
panel avec « rotation ». Ce travail conduira à la toute première exploitation des données des enquêtes
CILSS-LSMS dans le pays dans une optique de panel en rapport avec les investissements agricoles et
la dynamique de la pauvreté en milieu rural ivoirien. La détermination du rapport entre
Investissements Agricoles et Dynamique de la Pauvreté devrait fournir une indication sur la manière
de conduire la politique agricole afin d’améliorer le bien-être des populations dans les zones rurales
ivoiriennes. L’étude montrera l’importance des données de panel dans le suivi et le traitement des
questions de pauvreté. Les résultats de cette étude serviront, en fin, d’indicateurs de contrôle dans
l’évaluation des politiques futures de lutte contre la pauvreté rurale et s’appuyant sur ce type de
données.
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1. Introduction
Depuis son indépendance, la Côte d'Ivoire a concentré son développement économique sur le secteur
agricole. Pays, peu pourvu de ressources minières, elle est parvenue grâce à la fertilité de son sol, à
asseoir sa croissance économique sur le secteur agricole. Ceci a été possible grâce à l’intervention de
l’Etat qui, dès les premières années de l’indépendance, a mis en place de nombreuses structures et
sociétés d’encadrement et de vulgarisation agricole. Les efforts déployés dans ce sens ont très vite
porté leurs fruits. Sur la période allant de 1960 à 1980, le pays a enregistré une croissance économique
remarquable. Sur cette période on a enregistré un taux de croissance moyen de 7% en terme réel (Côte
d’Ivoire, 1997). La conjoncture qui prévalait sur les marchés internationaux, le dynamisme de
l’agriculture ivoirienne et les efforts du gouvernement visant à doter le pays des infrastructures de base
pour son développement économique ont permis de procurer des revenus substantiels aux agriculteurs.
Cependant, la situation a commencé à se dégrader à partir de 1980. L’effondrement des cours des
principaux produits d’exportation (le café et le cacao), le choc pétrolier de 1979 et le fardeau de la
dette contractée dans les années 1970 ont plongé l’économie ivoirienne dans une crise profonde. Pour
faire face à cette situation, les autorités ont adopté plusieurs programmes successifs de redressement
économique et financier et d’ajustement structurel. Entre 1980 et 1993, la Côte d'Ivoire a conclut cinq
programmes d’ajustement structurel avec les institutions de Bretton Wood. Ces programmes visaient
tous les mêmes objectifs fondamentaux : le désengagement de l’Etat des secteurs productifs, la
restauration des équilibres intérieurs et extérieurs et l’amélioration de la compétitivité globale de
l’économie nationale (Tano et al 2001 ; Kouadio, 2001). Même si ces programmes ont permis de
rétablir certains équilibres budgétaires, ils n’ont pas enrayé la récession économique qui frappait le
pays.
Face à la persistance des difficultés le gouvernement a décidé, en 1994, de procéder à la dévaluation
du franc CFA pour renforcer les mesures prises dans le cadre du programme de stabilisation et de
relance économique de 1991. La dévaluation devait résorber les déséquilibres macro-économiques,
rétablir la compétitivité de l’économie et accroître les exportations.
A l’issue de cette mesure d’ajustement monétaire, l’économie ivoirienne a renoué avec la croissance.
D’un taux de croissance moyen négatif de -0.2% entre 1987 et 1992 et -0.6% en 1993, on est passé à
un taux positif de 1.7% en 1994 (Tano et al, 2001). La reprise économique s’est confirmée en 1995
avec un taux de croissance réel de 5% (Kouadio, 2001) et s’est poursuivi jusqu'en 1998 où l’on a
enregistré un net ralentissement de l’activité économique. Le taux de croissance qui était de 6.7% en
1996 et 6.3% en 1997 est passé à 5.8% en 1998 (PNUD/INS, 2000) et 1.6% en 1999 (Kouadio, 2001).
Cette situation de l’économie a évolué de pair avec la situation sociale. Les restrictions budgétaires et
la suppression des subventions des intrants agricoles qui ont résulté de l’application des mesures
d’ajustement structurel ont fortement affecté le secteur agricole. A titre d’exemple, le secteur primaire
de l’économie n’a enregistré qu’une croissance de 1% en 1990 et ce grâce au seul sous secteur des
produits vivriers, l’agriculture de rente ayant stagné suite à la baisse des prix aux producteurs (PNUD,
1991). La chute des prix des produits agricoles et le désengagement de l’Etat ont donc eu pour effet de
réduire les revenus des populations rurales, et l’aggravation de la paupérisation de la masse paysanne.
Alors qu’en 1985 seulement 15.2% de la population rurale vivaient sous le seuil de pauvreté, cette
proportion est passée à 42% en 1993, 46.1% en 1995 et 41.8% en 1998 (PNUD/INS, 2000 ; Côte
d'Ivoire, 2000). Outre les facteurs liés à la politique économique, cette situation est également
imputable aux facteurs démographiques.
Un diagnostic de la situation économique en milieu rural laisse apparaître une rupture de l’équilibre
homme-terre dans la quasi-totalité des régions forestières. La pression foncière qui en résulte se
traduit, dans beaucoup d’exploitations paysannes, par un raccourcissement de la jachère qui passe
ainsi de 10-15 ans à moins de 3 ans parfois (Côte d'Ivoire, 2000). La limitation de la jachère a pour
corolla ire la dégradation des sols et la baisse des rendements agricoles. Ce faisant, les revenus des
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paysans ivoiriens et, partant, leur bien être va de plus en plus dépendre des efforts qui seront déployés
en vue d’améliorer la productivité. Dans une telle situation, l’amélioration de la productivité semble
être la seule voie pour satisfaire les besoins alimentaires de la population, éliminer la pauvreté et
stimuler la croissance économique (Gillis et al, 1990).
Dans la zone des savanes la situation est rendue difficile par le problème d’accès à la terre.
L’accroissement de la production agricole brute sur la précarité foncière et la dépendance de certaines
catégories d’agriculteurs à l’égard des détenteurs traditionnels de la terre et du pouvoir local (Louis
Berger et al, 2000).
La recherche d’une meilleure productivité agricole en vue de la réduction de la pauvreté en milieu
rural ne passe-t-elle pas par l’incitation des agriculteurs à investissement dans leur domaine
d’activité ? Ce qui serait une alternative crédible aux politiques pratiquées jusqu’a présent dans la lutte
contre la pauvreté des populations rurales, malheureusement les plus nombreuses dans le pays.
Cette étude est proposée en vue d’examiner la relation entre investissements agricoles et dynamique de
la pauvreté dans le contexte ivoirien.
2. Contexte et justification
La crise économique que la Côte d'Ivoire connaît depuis plus de deux décennies et les politiques
économiques adoptées pour l’enrayer se sont soldées, sur le plan social, par l’aggravation du chômage
et la détérioration des conditions de vie des ménages. Dans les zones rurales, la situation est
particulièrement préoccupante. Le fléchissement tendanciel des cours des principaux produits
agricoles d’exportation sur les marchés internationaux depuis les années 1980 a considérablement
affecté les revenus des opérateurs agricoles et accentué la pauvreté au sein des agriculteurs. Entre 1993
et 1998, l’étendue de l’extrême pauvreté a augmenté dans les zones rurales. Elle était de 21% en 1993,
22% en 1995 et 23% en 1998 (PNUD/INS, 2000 ). Ces chiffres montrent que pour permettre aux
extrêmes pauvres de sortir de leur situation, il faudrait que leur revenu moyen soit majoré, au moins,
de 21%, 22% et 23% du seuil de pauvreté de 101340, 144800 et 162800 f.cfa fixé par l’INS en 1993,
1995, et 1998 respectivement. Cela indique l’ampleur des efforts que la Côte d'Ivoire doit fournir pour
lutter contre la pauvreté dans les zones rurales, rejoignant ainsi les préoccupations de la communauté
internationale à travers la déclaration des objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et
l’élaboration et la mise en œuvre des documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DRSP).
La situation de guerre que connaît la Côte d’Ivoire depuis le 19 septembre 2002 a aggravé la pauvreté.
Selon les dernières estimations le taux de pauvreté avoisinerait les 40% en 2003 ainsi qu’une
aggravation de l’insécurité alimentaire dans le monde rural. Il y a donc un besoin urgent de mise en
œuvre de politiques de reconstruction post-conflit. Elle pourrait se reposer sur le secteur agricole en
vue de soutenir la majorité de la population, y compris celles des zones occupées (avec la réinsertion
des combattants). Aussi, le soutient de l’Etat, à l’effort d’investissement privé agricole sera
incontournable pour lever certaines contraintes à la prise de décision individuelle.
L’analyse de la pauvreté en Côte d'Ivoire a fait l’objet de plusieurs études. Ces études ont été, pour la
plupart, conduites à partir des données des différentes enquêtes de niveau de vie des ménages de 1985
à 1998.
Glewwe et de Tray (1988) donnent une vue générale des problèmes qui se posent et analysent l’impact
des politiques d’ajustement structurel sur les pauvres en Côte d'Ivoire. Entre autres conclusions, ils
indiquent que la plupart des pauvres sont très peu affectés par les mesures d’ajustement pour la simple
raison que la majorité d’entre eux est composée de paysans exerçant dans l’agriculture de subsistance,
peu connectée aux autres secteurs de l’économie. Cette étude indique clairement que la population
rurale est la plus touchée par le phénomène de la pauvreté. Cependant elle n’offre aucune indication
sur son évolution.
Grootaert (1996) a fourni une analyse de l’évolution de la situation macro-économique de la Côte
d'Ivoire pendant les années 80 et l’impact des politiques d’ajustement sur la pauvreté et la satisfaction
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des besoins essentiels des populations. A l’instar de Kanbur (1990), l’auteur s’est servi d’un indice
décomposable pour examiner l’effet des mesures de politique économique sur la variation de la
pauvreté. Avec les données des enquêtes Côte d’Ivoire Living Standard Study (CILSS), il montre que
l’incidence de la pauvreté n’a pas changé durant la période 1985-86. Par contre elle se serait fortement
accrue au cours de la période 1987-88.
Une étude plus récente a tenté de déterminer le profil et les déterminants de la pauvreté en Côte
d'Ivoire (PNUD/INS, 2000). Cette étude a montré, à partir des résultats des enquêtes permanentes
auprès des ménages de 1985-88, 1993, 1995 et 1998, que la pauvreté s’est fortement aggravée en Côte
d'Ivoire. Dans l’ensemble, il apparaît que, même si la pauvreté augmente plus vite dans les villes, elle
reste encore un phénomène rural. L’étude a aussi montré que la probabilité d’être pauvre est plus
grande chez les opérateurs agricoles (salariés agricoles et exploitants).
Toutes les études qui précèdent ont en commun le fait qu’elles ne s’intéressent pas de manière
spécifique au monde rural qui compte pour 57% de la population totale (INS, 2000).
Demont (1998) a mis en évidence l’existence d’une relation entre l’accès aux facteurs de production et
l’inégalité sociale à Dikodougou (Nord de la Côte d’Ivoire). Ses résultats montrent que 80% des
exploitants de son échantillon ne possèdent que 29% du capital. Les résultats de cette étude montrent
que l’inégalité est plus grande au niveau de l’accès au travail salarié, au capital vivant (grand et petit
bétail), au capital fixe (équipement) et au capital variable (intrants agricoles) comparativement à
l’accès aux facteurs comme le travail familial. L’auteur conclut que l’accès inégal à ces facteurs
contribue à accroître l’écart entre les classes sociales soit à une aggravation des inégalités de revenu.
Une question pendante à toute analyse de la pauvreté est de savoir qui bénéficie du développement
(Ashenfelter, Deaton et Solon, 1986). En d’autres termes, quelles sont, au cours du processus de
développement, les trajectoires des niveaux de vie individuelle ? Au cours du processus les pauvres
restent-ils toujours pauvres et les riches toujours riches ?
Aucune des études citées plus haut ne permet de répondre à ces questions. D’une part, parce
qu’aucune d’elles n’aborde la question de la dynamique de la pauvreté notamment celle du monde
rural, et d’autre part, parce qu’elles utilisent des données transversales. De telles données n’indiquent
au mieux que la proportion de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté dans le temps.
Appréhender l’évolution de la situation individuelle des ménages par rapport à la ligne de pauvreté
n’est possible que si on suit les mêmes individus ou unités statistiques dans le temps.
A notre connaissance, il n’existe pas d’étude sur le rapport entre Investissements Agricoles et
Dynamique de la pauvreté en Côte d'Ivoire. Un tel travail est nécessaire pour éclairer les décideurs
dans l’élaboration de stratégies efficaces de lutte contre la pauvreté rurale dans le pays.
Owens et Hoddinott (1998) utilisent des données de panel du Zimbabwe pour examiner l’arbitrage
entre l’assistance et l’investissement dans le développement sur le bien être des populations rurales.
Entre autres, ils procèdent à l’estimation des déterminants du revenu agricole net et des transferts
privés d’une part et, la relation entre l’accroissement du revenu et l’accumulation du capital d’autre
part. En procédant à des simulations, ils montrent qu’une reallocation des transferts sous forme de
capital pour la production agricole réduit significativement l’incidence et la sévérité de la pauvreté.
L’amélioration de l’accès à la vulgarisation agricole et l’accroissement du stock de capital réduirait
l’incidence de la pauvreté de 11%. Sur la base de ces simulations, ils trouvent qu’une amélioration du
revenu par l’entremise d’une transformation de l’aide en capital est suffisante pour garantir la ration
alimentaire requise par personne aux ménages bénéficiaires pendant six mois.
Dercon et Krishnan (1998) ont testé la robustesse des changements dans la mesure de la pauvreté à
l’aide de données de panel collectées en milieu rural éthiopien en 1989, 1994 et 1995. Leur étude a
permis de montrer, entre autres, que les ménages qui ont un capital humain et physique important, un
meilleur accès aux routes et aux centres urbains connaissent un niveau de pauvreté moindre que ceux
qui en sont dépourvus. Ils ont notamment démontré que l’incidence, la profondeur et la sévérité de la
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