La Compagnie Queue ni Tête 5, rue de la Jonquière 75017 PARIS Contacter Laureline Collavizza Tel : 06 23 79 01 16 [email protected] Pantagruel, d’après François Rabelais P antagruel était dans une vieille légende un petit démon marin qui répand la soif, Rabelais en fait un géant bienveillant. Reprenant la structure du roman populaire médiéval, Alcofribas, le narrateur des faits et prouesses épouvantables de Pantagruel, conte sa petite enfance; puis son éducation à travers la France où son père l’envoie profiter de l’éducation humaniste; sa rencontre avec son alter ego Panurge; ses exploits intellectuels; ses faits d’armes contre les Dipsodes qui ont envahi l’Utopie, son pays natal; et sa victoire sur le roi Anarche, les trois cent géants et le monstrueux Loup-Garou. C ’est à un carnaval de la langue que nous convie Rabelais. La dynamique carnavalesque fait cohabiter les contraires, inverse les valeurs dans un joyeux chaos. L’écriture rabelaisienne fonctionne sur ce mélange : des époques, des références, du savant et du populaire, du bas et du haut corporel. Il s’agit de tout renverser pour mieux comprendre le monde à l’endroit, de tout anéantir pour mieux renaître. Fidèle à la dimension populaire du projet de Rabelais, je souhaite créer un spectacle accessible à tous, dans lequel chacun peut se projeter dans la fable et s’interroger sur l’actualité des problématiques soulevées par ce roman écrit en 1536. Pantagruel, ce géant, au sens littéral comme au figuré, qui assoiffe tout le monde, nous invite à goûter les joies de l’excès. Invités au banquet, spectateurs et comédiens goûteront ensemble à la renaissance d’une culture, aux énigmes langagières, à l’utopie d’une parole libre jusqu’à ce que le merveilleux les dépasse et les engloutisse dans les entrailles de notre héros. Entraînés par un narrateur qui construit un lien concret entre le public et les personnages, les spectateurs deviennent acteurs. Ils symbolisent successivement le peuple, l’assistance du procès, les juges d’un grand débat ou encore les convives du banquet. Considérant qu’une position active éveille le regard et anime la réflexion, je veux créer un véritable moment d’échange. En utilisant le masque, la marionnette et la vidéo, je cherche à révéler et à actualiser le grotesque de l’œuvre, c’est-à-dire son caractère subversif à l’égard des codes établis. Les interrogations liées à la culture, au mélange des classes, à l’éducation, à la religion, à la justice ou encore à la guerre font directement écho à notre société dont les fondements même sont en train d’être bouleversés. La question fondamentale, à travers les expériences que traversent les héros rabelaisiens, est celle de la liberté du sujet. Présentation de la compagnie L énergie communes. L a compagnie a monté électronique, audiovisuel et théâtre sont réunis pour faire vivre le texte. En mai 2008, La Compagnie a créé Les Présidentes de Werner Schwab au Conservatoire National SupéLaureline Collavizza a choisi de faire appel à un groupe de Punk-Rock, interprétant en direct des morceaux composés pour le spectacle. En adaptant pour le théâtre le roman Pantagruel, nous mobiliserons de nouvelles disciplines telles que le masque, la marionnette, la magie et la vidéo. Mise en scène Laureline Collavizza Assistant à la mise en scène Arthur Navellou Dramaturgie David Guilet Avec Nicolas Audouze, Jade Collet, Agathe Herry, Fabien Martin, Fabien Moiny, Francis Ressort Lumière Camille Flavignard Marionnette Alexandre Vincent Costumes Florence Kukucka Vidéo Eléonore Tuvache, Arthur Le Fol Masques Simon Détraz Laureline Collavizza A près avoir obtenu une licence Lettre et Arts à l’Université Paris VII, Laureline Collavizza intègre un Master professionnel de mise en scène à Paris X en 2007. C’est en donnant des cours de théâtre à des enfants et des adolescents qu’elle découvre son envie de faire de la mise en scène. Forte de ces six années d’ateliers et d’une formation théâtrale variée (interprétation, improvisation, masque, clown, théâtre d’objet), elle met en scène Les quatre jumelles de Copi en 2007 au théâtre de la Jonquière spectacle dans lequel elle s’interroge sur les possibilités du burlesque. Cette même année, elle intègre la compagnie de théâtre antique, Démodocos, dirigée par Philippe Brunet (maître de conférence et traducteur en lettres classiques). Elle joue au cours de plusieurs festivals des rôles variés (Circé, Antigone, Tirésias, Pénélope, Athéna,…). Elle poursuit son activité de metteure en scène en montant Les Présidentes de Werner Schwab au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. Elle centre cette fois sa recherche sur le grotesque romantique. David Guilet L icencié de philosophie, c’est en rentrant d’une année d’étude en Allemagne qu’il décide de s’orienter vers des études théâtrales. S’interrogeant sur les possibilités du langage, il rêve son théâtre sur le modèle du Jeu des perles de verre de Hermann Hesse : composer avec toutes les formes du langage et du savoir afin d’expérimenter les possibilités d’un savoir vivre ensemble. Acteur, il se forme durant deux années au sein de la troupe universitaire Les Indiférents et joue dans Sans titre de F. G. Lorca (pièce inachevée) et Aïaxaïa ou Pouvoir Dire de Radovan Ivsic au festival de Zagreb en 2005. En 2006, il fonde sa compagnie et est accueilli en résidence laboratoire à L’Espace Périphérique, durant laquelle il amorce un travail d’écriture autour de la marionnette. Depuis 2007 il se consacre au travail de mise en scène en intégrant le Master Professionnel de Mise en Scène et Dramaturgie de Paris X Nanterre et se passionne pour la dramaturgie. Dramaturgie S ’appuyant sur la translation en français moderne de Guy Demerson, notre adaptation scénique permet de conserver la langue joyeuse et hybride de Rabelais tout en révélant sa théâtralité. Les nombreuses parties dialoguées sont seulement allégées pour rendre les conflits et le discours vivants. Nous avons choisi de fragmenter les parties de récits dans les répliques des personnages. Pour autant, le narrateur garantit la continuité de la fable et devient lui-même un personnage dans la dernière partie. La structure de Pantagruel fonctionne par analogie. Ces redondances, probantes à l’écrit le sont moins à la scène. Nous avons donc cherché à restituer la chronologie de l’histoire et l’ensemble des thèmes tout en coupant les épisodes qui sembleraient répétitifs. L’originalité de notre adaptation repose sur un parti pris dramaturgique précis. François Rabelais développe deux visions antagonistes de l’homme. D’un coté, Pantagruel incarne l’utopie de l’humanisme et d’un mode de savoir nouveau. De l’autre, Panurge représente le héros populaire, farceur et voyou. Sa connaissance est directement liée aux commodités de la vie et à son amusement personnel L’utopique et le pragmatique se complètent, formant un couple légendaire. Pour révéler cette dissociation, nous avons choisi d’alterner les épisodes liés à l’un et l’autre des personnages. Ainsi, la deuxième partie se conclue sur la rencontre des deux protagonistes, ouvrant une série d’aventures épiques qu’ils traverseront ensemble. Extrait L ’extrait ci-dessous, la rencontre de Panurge et Pantagruel, marque un moment décisif dans notre adaptation. Il s’agit d’un réel coup de foudre d’amitié entre les deux protagonistes. Après les aventures langagières, bonnes ou mauvaises, de Pantagruel, c’est au tour de Panurge de se révéler de révéler son art en la matière. Dans seize langues différentes, il explique qu’il a extrêmement faim. Quelque soit l’origine du dialecte, le langage vient avant tout du corps. Comment Pantagruel rencontra Panurge qu’il aima toute sa vie. P antagruel se promène hors de la ville, devisant et philosophant avec ses gens et quelques étudiants, entre Panurge, élégant dans toute sa silhouette, mais qui est couvert de blessures pitoyables en divers endroits, et si mal en point qu’il semble échappé d’une meute de chiens. Pantagruel : Voyez-vous cet homme qui vient par le chemin du pont Charenton? Par ma foi, il n’est pauvre que par infortune, car je vous assure, d’après sa physionomie, que Nature l’a fait naître d’une riche et noble lignée, mais ce sont les aventures auxquelles s’exposent les gens curieux qui l’ont réduit à un tel dénuement et à une telle indigence. Panurge arrive à la hauteur de leur groupe. Pantagruel : Mon ami, je vous prie de bien vouloir vous arrêter un peu ici et de répondre à mes questions; vous ne vous en repentirez point, car j’ai un très ferme désir de vous aider autant que je le peux dans le triste état où je vous vois, car vous me faites grand’pitié. C’est pourquoi, mon ami, dites-moi: Qui êtes-vous? D’où venez-vous? Où allezvous? Que cherchez-vous? Et quel est votre nom? Panurge en langue germanique: Junker, Gott geb euch Glück und Heil. Zuvor, lieber Junker, ich lass euch wissen, dass da ihr mich von fragt, ist ein arm und erbârmlich Ding, und wer will davon zu sagen, welches euch verdrüsslich zu hören, und mir zu erzählen wer, wiewol die Poeten und Orators vorzeiten haben gesagt in iren Sprüchen und Sentenzen, dass das Gedächtnis des Elends und Armut vorlängst erlitten ist ein grosser Lust. Pantagruel: Mon ami, je ne comprends pas ce baragouin; c’est pourquoi, si vous voulez qu’on vous comprenne, parlez un autre langage. Panurge : Al barildim gotfano dech min brin alabo dordin falbroth ringuam albaras. Nin porthzadilkin almucathim milko prin al elmin enthoth dal heben ensouim; kuthim al dum alkatim nim broth dechoth porth min michais im endoth, pruch dal maisoulum hol moth dansrilrim lupaldas im voldemoth. Pantagruel : Est-ce que vous y comprenez quelque chose? Epistémon : Je crois que c’est le langage des Antipodes, le diable même n’y pigerait rien. Pantagruel : Compère, je ne sais si les murailles vous comprendront, mais parmi nous, personne n’y comprend un traître mot. […] Panurge :Agonou dont oussys vou denaguez algarou, nou den farou zamist vous mariston ulbrou, fousquez vous brol tam bredaguez moupreton del goul houst, daguez daguez nou croupys fost bardounnoflist nou grou. Agou paston tol nalprissys hourtou los ecbatonous, prou dholiquys brolpanygou den bascrou noudous caguons goulfren goul oust troppassou. Pantagruel : Je comprends, il me semble, car ou c’est le langage de mon pays d’Utopie, ou bien cela lui ressemble quant aux intonations. Pardieu, mon ami, ne savez-vous pas parler français? Panurge : Oh si! Très bien, seigneur, répondit le compagnon, Dieu merci. C’est ma langue naturelle et maternelle, car je suis né et j’ai été élevé pendant ma jeunesse au jardin de France, la Touraine. Pantagruel : Exposez-nous donc, quel est votre nom, et d’où vous venez: car, par ma foi, j’ai déjà pour vous tant d’amitié, que, si vous consentez à mon désir, vous ne me quitterez jamais, et vous et moi, nous ferons une nouvelle paire d’amis comme celle d’Enée et d’Achate. Panurge : Seigneur, mon nom de baptême exact et personnel est Panurge, et actuellement, j’arrive de Turquie, où je fus fait prisonnier lorsqu’on alla à Mytilène en un triste moment, et je vous raconterai volontiers mes aventures, qui sont plus prodigieuses que celles d’Ulysse; mais puisqu’il vous plaît de me retenir auprès de vous offre que j’accepte volontiers, en jurant que je ne vous quitterai jamais, même si vous allez à tous les diables; nous aurons bien le loisir d’en parler dans un moment plus opportun, car pour l’instant j’ai un besoin bien urgent de me nourrir: dents longues, ventre creux, gorge sèche, faim stridente, tout y est. Si vous voulez me mettre à l’oeuvre, ce sera merveille de me voir bâfrer. Pour Dieu, donnez-y ordre. […] Costumes, masques P our concevoir les masques, la marionnette et les costumes, je m’inspire des dessins réalisés par Rabelais dans une œuvre posthume, Les Songes drolatiques de Pantagruel. Ces images, qui découlent directement de la fantaisie de l’auteur, éclairent le texte. J’y puise une vision critique et humoristique du moyen âge. Marionnette E n revisitant le genre épique, Rabelais cherche à renouer avec la forme légendaire des héros antiques. Les représentations populaires sont déformées, le gigantisme inverse l’échelle des valeurs du monde médiévale. Cette dimension légendaire des héros est soulignée par le recours à différentes marionnettes. Dans la première partie, les personnages gravitant autour de Pantagruel sont des marionnettes. Le géant, à échelle humaine, incarne une vision humaniste de l’homme. Grandissant à mesure que ses prouesses se succèdent, Pantagruel devient un personnage mythique, un idéal sans commune mesure avec le monde des hommes, une marionnette animée par les idéaux de l’auteur. Dans la dernière partie, la vision fantasmagorique de la guerre est rendue par l’utilisation d’une marionnette gigantesque. E n analysant les impressions d’échelle et les différentes distances du regard dans Pantagruel, j’explore des pistes. Par exemple, la première bataille en Utopie, contre les Dipsodes est orchestrée par Panurge. En inventant une ingénieuse ruse, les trois compagnons viennent à bout de six cent soixante cavaliers. Le bataillon, Panurge, Carpalim et Epistémon seront représentés par des figurines de 10 cm, manipulées par les personnages. La bataille, filmée par Pantagruel, sera projetée sur l’écran. Ce type de procédé nous permettra de jouer, non seulement sur les tailles des personnages, mais aussi sur le direct et le faux direct. Rabelais critique les mauvaises guerres de son temps, en montrant, à l’inverse, une guerre loyale, justifiée et ludique. Pour actualiser la dimension du jeu, je pense utiliser des références aux fictions de combat contemporaines (Bioman, Goldorak,…). D’un autre côté, je projette d’ insérer des éléments de la guerre d’aujourd’hui (images d’explosions dans la vidéo, par exemple). Costumes E n partant de l’esthétique graphique de Rabelais, de Brueghel l’ancien et de Bosh nous dessinerons des silhouettes sans fioritures inspirées de cette fin de moyen-âge. Il s’agit davantage des donner une idée de cette époque, que de la reconstituer. Dans les épisodes de Pantagruel, les couleurs seront chatoyantes, accentuant l’atmosphère utopique et fabuleuse autour du héros. Au contraire, les couleurs des personnages, dans les scènes liées à Panurge, seront plus terriennes (teintes de marron), exprimerant une dimension populaire et plus réaliste. Scénographie L ’ espace se modèlera avec des tissus. Un amas de tissu représentera les jupes de la mère de Pantagruel à sa naissance. Puis, elles se hisseront pour devenir un écran. Ce même tissu deviendra la voile du bateau de Pantagruel. A la fin, le narrateur entre dans la bouche de Pantagruel. Tous les spectateurs, recouverts d’un tissu, seront aussi ingérés dans ce nouveau monde. P our ce spectacle, j’ai envie de transmettre l’extrême joie de l’écriture rabelaisienne. Je veux expérimenter, sur scène, les nombreux types de comique à l’oeuvre dans Pantagruel. Il me semble très intéressant de jouer avec les anachronismes ; soit, en révélant les similitudes entre les deux périodes ; soit, en jouant avec les clichés que l’on peut avoir sur le moyen âge et la fascination qui en subsiste malgré tout. Il s’agira de concrétiser la langue de Rabelais. Enfin, je chercherai un rapport d’échange réel entre les comédiens et les spectateurs ; le personnage et le public.