B. Les thèmes contenus dans la lettre
Cette lettre de Pantagruel est, tout d’abord une lettre d’instruction et d’éducation, dans laquelle Gargantua se
montre véritablement un « conducteur » au sens littéral du terme (le latin « educere » signifie conduire), un guide
qui, avec fermeté et autorité, comme le montrent les répétitions de l’expression « je veux », l’emploi du futur, qui
exprime l’obligation : « il te faudra » et celui de l’impératif « relis soigneusement », qui donnent à la lettre une
tonalité didactique. Pantagruel montre ainsi à son fils le chemin à suivre pour « progresser en sagesse et en
vertu », se « former » et devenir un homme accompli et éclairé.
C’est ensuite une lettre d’exhortation, caractérisée par le ton injonctif, c'est-à-dire qui exprime l’ordre, et
destinée à provoquer une réaction chez le destinataire : « j’entends et je veux » l 7) et dont le point de
couronnement est atteint avec le subjonctif l 36 « que je voie en toi un abîme de science », suivis des ordres « tu
dois servir » (l 47), « tu dois être uni à Lui (Dieu) » (l 48), puis des impératifs « méfie-toi (l 49), « ne prends pas
à cœur » (l 50), « sois serviable » (l 50), « aime-les comme toi-même » (l 50), « révère tes précepteurs » (l 52),
« fuis la compagnie… » (L 53), « ne reçois pas en vain. » (L 54), « reviens vers moi » (l 55).
C’est enfin une lettre d’édification religieuse, dont la dominante spirituelle l’emporte largement sur la thématique
intellectuelle, ce qu’attestent la bénédiction paternelle et la recommandation à Dieu (l 56 à 58), qui
la place sous le double patronage du père terrestre et du Père céleste. Pantagruel est invité à « servir, aimer et
craindre Dieu » (l 47), c'est-à-dire à le respecter et à lui obéir. Le vocabulaire illustre la thématique de l’immortalité
de l’âme (l 45), « mettre en lui tout ton espoir « (l 48), « cette vie est transitoire » (l 50), « éternellement » (l 51),
les concepts du péché « âme malveillante » (l 46), « ruine de l’âme » (l 46), « le péché » (l 49), « les abus du
monde « (l 50), « les futilités » (l 50), mais aussi de la foi « mettre en lui toutes tes pensées et tout ton espoir » (l
47-48), « une foi nourrie de charité » (l 48) et de l’amour de Dieu et du prochain « aimer Dieu » (l 47), « charité »
(l 48), « sois serviable pour tous tes proches, et aime-les comme toi-même » (l 51-52).L’idéal religieux est donc en
harmonie avec un idéal moral, et a pour objectif d’inculquer à Pantagruel les règles morales de solidarité, de
respect des autres, d’amour du prochain et de respect des maîtres.
Transition : Le message de cette lettre est donc multiple : si son registre principal est didactique, il se veut aussi
une lettre d’exhortation et d’édification, ce que souligne la composition du texte.
II. La structure du texte
Une première approche de la structure du texte peut se faire à partir du découpage du texte en paragraphes et des
mots de liaison dont certains sont logiques (« c’est pourquoi, l1 ; Mais, l 45), ce qui divise le texte en deux parties
distinctes, l’une comportant le programme d’instruction aussi bien littéraire que scientifique, le second, débutant
par « mais », (l 45), comportant les éléments de l’éducation humaniste sur le plan social, moral et religieux.
Les autres mots de liaison structurant le texte sont chronologiques, comme les indices temporels présents dans le
texte « quand tu étais encore jeune » (l 19), « puis », l 30 ; « maintenant » l 36). Par ailleurs l’observation des
temps et des modes verbaux permet de déterminer certaines modalités d’écriture.
Tout d’abord, l’évocation narrative du passé (l18) : les verbes sont à l’imparfait et au passé composé, et
évoquent l’enfance de Pantagruel ainsi que ses premiers apprentissages.
Ensuite, les conditions présentes : le texte qui montre, au présent, les conditions nouvelles offerte par
l’humanisme dans le domaine culturel : remise à l’honneur des langues anciennes, accès libre aux textes grâce au
développement de l’imprimerie, extension de la réflexion et du savoir. Cette partie inclut les recommandations de
Gargantua à son fils : les orientations de l’éducation humaniste, les domaines envisagés, le respect des règles
morales et religieuses, qui sont exprimés en plusieurs étapes. L’expression « c’est pourquoi », au début du texte,
souligne la relation de cause à effet entre ce qui précède (ce qui se faisait à l’époque de Gargantua) et la nécessaire
adaptation du savoir et de ses modes de transmission (ce qui se fait au moment où il écrit).
Les verbes sont tantôt au futur de l’indicatif, tantôt au présent de l’indicatif ou de l’impératif, ce qui attire
l’attention sur l’aspect didactique du passage et traduit non seulement la volonté présente d’un père pour son fils,
mais aussi sa projection dans le futur, notamment dans le passage qui débute par maintenant (l 37), mais dont le
temps verbal est au futur « il te faudra » (l 37)
Transition : La structure et l’organisation de ce texte, à la fois logique et chronologique, permet à Rabelais de
présenter et de mettre en relief une double orientation, qui est l’importance de l’activité intellectuelle, ou « savoir »
et de la « vertu » (L 2-3), qui sont les deux mots clés de cette lettre. Cette double orientation se retrouve dans la
structure de l’exposé de Gargantua et trace les grandes lignes de l’éducation humaniste.