
délit de favoritisme doit être comprise dans un sens très large, c’est-à-
dire même sans intention frauduleuse et sans intérêt personnel de l’élu ?
Avant la décentralisation, les choses étaient bien entendu plus
simples. L’élu bénéficiait du confort de la tutelle qui plaçait le préfet,
le directeur départemental de l’équipement ou le directeur départe-
mental de l’agriculture dans une position de co-décideur. Cette
responsabilité partagée était, de surcroît, accompagnée d’u
formalisme peu contraignant
Depuis la décentralisation, l’organisation du contrôle s’es
complexifiée, conduisant à de nombreuses formalités nouvelles,
évidemment indispensables, mais génératrices de faux pas e
constituant un frein à l’initiative.
Ajoutons à cela que des affaires retentissantes ont conduit à u
climat de suspicion. Celui-ci aurait bien pu conduire les élus à l
aralysie, s’ils avaient véritablement craint de se trouver devant u
risque permanent de critiques – de type populiste – chaque fois que
serait contracté un marché ou une concession. Dans les faits, sau
quelques assez rares exceptions, il n’en a rien été, en raiso
robablement de l’enthousiasme naturel de la majorité des
responsables des collectivités locales dans l’exercice de leur missio
au service de leurs concitoyens. Après une réélection, ce sentimen
l’emporte et efface tout ce qui avait pu être considéré comme
aralysant, injuste ou vexatoire dans les multiples contrôles auxquels
l’élu est désormais soumis. Des encouragements viennent aussi du fai
que des sondages d’opinion montrent que nombreux sont nos
concitoyens qui, certes, jugent défavorablement la classe politique
dans son ensemble mais, en même temps, gardent leur confiance à leu
maire et à leur député, dont ils connaissent la probité – cette opinio
étant rendue possible par la proximité de ces élus.
Que faut-il faire aujourd’hui ? Tout d’abord, à l’évidence, une
pause législative et réglementaire est nécessaire.
Une profusion de détails de procédure existent maintenant, qu’o
imaginait mal il y a peu de temps encore et dont – pour certains d'entre
eux – l’utilité n’est pas encore entièrement comprise.
Il faut donc prendre le temps nécessaire à ce que ces nouvelles règles
soient apprises peu à peu. Des dizaines de milliers d’élus et de
fonctionnaires sont concernés, dont il convient de perfectionne
l’information et la formation. Sinon, certains trébucheront toujours su
des questions de forme, ce qui conduira à des critiques réitérées
formulées par les contrôleurs, et parfois même à des mises en exame
– dont on sait l’effet dévastateur, en particulier sur l’opinion publique.
Le moment de la pédagogie est donc venu. Non seulement pou
l’apprentissage rigoureux des procédures, mais aussi pour l’acquisitio
d’un nouveau savoir-faire dans le domaine de la communication avec
le public – qu’il s’agisse par exemple de la publication de rapports
annuels ou de l’animation de commissions consultatives d’usagers.
Les élus doivent par conséquent développer des capacités
techniques internes à leurs collectivités, à la fois en matière d’audit e
de communication. Ils doivent avoir également recours, en tant que
besoin, à des consultants extérieurs. Mais, aussi bien pour les collecti-
vités à vocation générale (comme les communes) que pour les petites
collectivités spécialisées (des syndicats de distribution d’eau par
exemple), la complexité des moyens à mettre en œuvre pour rendre
effective l’indispensable transparence requise aujourd’hui dans le
domaine des services publics de réseaux rend très souhaitable une
coopération – au moins technique – entre collectivités, et cela sur des
ensembles géographiques suffisamment vastes.
L’expérience montre que, pour de nombreux services publics
industriels et commerciaux de réseaux, la dimension départementale
(ou même supra-départementale) est souvent à retenir pour cette mise
en commun de moyens. Ainsi des élus spécialisés – assistés d’une
etite équipe comprenant par exemple un juriste, un ingénieur et un
économiste –, agissant au nom de plusieurs collectivités compétentes
our un même service, peuvent avoir le poids politique et technique
indispensable à la passation d’importants marchés de travaux et,
surtout, à la négociation et au contrôle de contrats de concession de
service public. Il convient donc d’inciter les collectivités locales à
coopérer entre elles dans des établissements publics spécialisés afin de
renforcer leurs moyens techniques et, éventuellement, politiques.
Il semble que, de leur côté, les entrepreneurs et les concession-
naires aient compris pour la plupart d’entre eux que le charme de
contrats déséquilibrés – résultant directement de l’impuissance
structurelle de très nombreuses collectivités – n’était que de court
terme et que leur intérêt durable passait en fait par des contrats pour
lesquels chaque partie y trouvait simultanément et véritablement son
compte. On ne peut que souhaiter que soit restaurée ainsi une telle
confiance indispensable à l’efficacité de tout système économique et
financier. On peut d’ailleurs noter que cette confiance en France
même est favorable au développement des grands groupes français de
travaux publics et de services collectifs non seulement dans notre
pays, mais aussi à l’international.
Cependant, la pédagogie nécessaire à l’apprentissage de cette
nouvelle donne politique et économique ne concerne pas seulement
les responsables des collectivités publiques et ceux des entreprises.
Elle doit aussi s’adresser à l’ensemble de nos concitoyens.
Bien sûr, grâce notamment à la presse, l’opinion publique connaît – de
manière souvent très détaillée – divers circuits financiers
condamnables. Mais ne conviendrait-il pas de passer à l’étape
suivante, consistant – à partir de ces informations en leur possession –
à développer une certaine prise de conscience de nos concitoyens ? Il
ne suffit pas de laisser l’opinion se délecter à la lecture de sortes de
romans policiers ; il faut également la convaincre du fait que la
corruption s’installe d’autant plus facilement dans un pays qu’elle a la
possibilité d’y épouser des mœurs constituant un terreau qui lui est
favorable. Cette éducation du public est l’affaire de tous.
* La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) regroupe
des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération. Elle est
spécialisée dans les services publics industriels et commerciaux (eau, gaz,
électricité…) qu’ils soient gérés directement (régies) ou délégués (concessions).
20, Bd de Latour Maubourg 75007 Paris.
Un des volets du débat en France sur la transparence de la gestion des collectivités locales vise les juridictions
financières. En novembre 1999, quelques sénateurs ont une nouvelle fois proposé une loi tendant à réformer les
compétences des Chambres régionales des comptes et leurs procédures. L'effet réel serait en partie, selon certains
observateurs, de réduire la transparence, nouvelle depuis dix ans, des gestions locales. Une de leurs propositions mérite
toutefois de retenir l'attention en termes de prévention : ce serait la création d'un "Gouvernement pour l'aide à la gestion
des collectivités territoriales, chargé de renforcer l'information juridique et financière des collectivités territoriales et de
leurs groupements et de leur apporter, sur leur demande, une aide à la gestion [avec], dans chaque département, une
mission juridique chargée de répondre aux demandes d'avis des autorités territoriales et des responsables des organismes
de coopération sur les conditions d'application des dispositions législatives et réglementaires ou sur des projets d'actes
soumis à l'organe délibérant". Ce dispositif, certes onéreux, serait de nature à faciliter la prévention de la corruption - s'il
est lui-même su
ervisé avec trans
arence…
htt
://www.senat.fr :
ro
osition de loi n° 84 du 18 novembre 1999
.
Suite :
Transparence juridique et financière : une nouvelle proposition de loi
Argentine
Un maire élu Président
Ancien maire de Buenos Aires, Fernando de
La Rua, activement engagé dans la lutte
contre la corruption, est sorti vainqueur de
l'élection présidentielle du 24 octobre. Duran
la campagne, après le chômage, le comba
contre les malversations a été le thème
dominant. Dès sa prise de fonction, le 10
décembre, le nouveau Président s'efforcera de
concrétiser sa promesse de création d'une
unité anti-corruption au sein du ministère de
Justice. El Pais (Espagne) du 20 octobre 1999
la
The Economist du 30 octobre 1999
Grèce
Une mairie plus transparente
Le nouveau maire de la ville du Pirée projette
de mettre en place une série de mesures
destinées à rendre plus transparents le
fonctionnement et les activités de s
municipalité. La section nationale grecque de
Transparency International, en collaboratio
avec diverses associations et organisations de
la société civile, a soumis au conseil
municipal des recommandations et des
modalités de mise en oeuvre de cette
initiative.
Transparency International, novembre 1999
Micronésie
La repentance d'un élu
Un ancien sénateur des îles Marianne a donné
sa démission après avoir admis être coupable
de malversation et tenté d'influencer un juré.
Alors qu'il était maire de la capitale Tinian, il
avait accepté des pots-de-vin de la part d'une
entreprise locale en échange de la locatio
d'équipements bureautiques à un prix
anormalement élevé. Trois autres personnes
sont également impliquées dans cette affaire.
L'ancien élu risque jusqu'à 20 ans de prison e
un demi million de dollars d'amende.
Australian Broadcasting Corporation, 22 septembre 1999
4 La Lettre de Transparence 1er trimestre 2000