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5-fluoro-uracile (5FU) ou fluoropyrimidine orale (capécita-
bine essentiellement, tegafur-uracile) d’une part (voir article
de Lledo et al. dans ce même numéro), et entre irinotécan ou
oxaliplatine d’autre part, repose essentiellement sur leurs
profils de toxicité et modalités d’administration respectifs,
dont découlent les préférences du patient. Si les contre-
indications à telle ou telle molécule ne modifient le choix
thérapeutique que dans une minorité de cas en pratique,
l’antécédent de chimiothérapie antérieure a probablement
une valeur à la fois pronostique et prédictive de résistance
au(x) cytotoxique(s) administré(s) lors du traitement adjuvant
(fluoropyrimidine, oxaliplatine). Il existe une autre situation
dans laquelle l’irinotécan peut être préféré à l’oxaliplatine :
celle des patients avec métastases hépatiques symptomati-
ques, massives et/ou rapidement évolutives (car alors l’irino-
técan ne pourrait être administré en cas d’ictère par progres-
sion métastatique sous oxaliplatine). Enfin, des données très
récentes, issues d’une grande étude pharmacogénétique
ancillaire de l’essai stratégique FFCD 2000-05, suggèrent
que les patients présentant un polymorphisme (constitution-
nel) du promoteur du gène de la thymidylate synthase (envi-
ron un tiers des cas) ne tirent pas bénéfice de l’administration
en première ligne de l’oxaliplatine. Ces données, si elles sont
confirmées, suggèreraient de traiter ces patients soit par
fluoropyrimidine seule (ou avec agent ciblé), soit de préférer
l’irinotécan chez eux [5].
•Quel agent ciblé ?
La situation diffère point par point pour le choix entre beva-
cizumab et anti-EGFR : aucun essai randomisé comparant
leur efficacité n’a été conduit à ce jour, aucun de ces agents
n’est utilisé en situation adjuvante, et si aucun biomarqueur
prédictif de l’efficacité du bevacizumab n’est encore dispo-
nible, on dispose d’un biomarqueur prédictif validé de
l’inefficacité des anti-EGFR : l’existence de mutations tumo-
rales de l’oncogène KRAS [6].
En cas de statut tumoral KRAS muté (environ 40 % des cas),
la probabilité de non-réponse aux anti-EGFR est supérieure
à 95 % [6]. Il n’y a donc pas de bénéfice à administrer un
anti-EGFR en cas de statut tumoral KRAS muté. Cette admi-
nistration est même délétère en association à une chimio-
thérapie avec oxaliplatine [8, 9] : si le mécanisme en cause
reste obscur, ceci indique de ne pas administrer un anti-
EGFR en association à l’oxaliplatine en cas de statut tumoral
KRAS indéterminable (environ 5 % des patients avec
CCRM) ou inconnu. La valeur des mutations BRAF pour pré-
dire la résistance aux anti-EGFR est en cours de validation.
En définitive, il est important d’informer les patients avec
CCRM KRAS muté qu’un agent ciblé –le bevacizumab –
reste actif dans leur situation.
En cas de statut tumoral KRAS sauvage (environ 60 % des
cas), le choix de l’agent ciblé à associer à la chimiothérapie
peut se porter sur le bevacizumab (voir article de Bouché
et al. dans ce même numéro) ou sur un anti-EGFR. Ou,
mais non et : deux essais randomisés ont en effet démontré
qu’associer les deux était délétère en termes d’efficacité et/
ou de toxicité, quel que soit le statut tumoral KRAS [10, 11].
La ou les causes sont obscures, s’agissant d’anticorps
monoclonaux (non sujets à d’éventuelles interactions médi-
camenteuses comme les inhibiteurs oraux de tyrosine
kinase), agissant sur des cibles différentes (VEGF, EGFR),
de nature différente (ligand, récepteur) et sur des cellules
différentes (endothéliales, tumorales).
L’absence de mutation tumorale KRAS a une sensibilité
médiocre pour prédire l’efficacité des anti-EGFR. Plusieurs
biomarqueurs candidats ont été récemment identifiés (enca-
dré 2), qui permettent d’entrevoir un démembrement de plus
en plus fin du groupe des patients avec CCRM KRAS sauvage
chez lesquels la probabilité de réponse aux anti-EGFR sera
élevée : statut KRAS/BRAF/NRAS sauvage, expression élevée
des ligands d’EGFR (amphiréguline, épiréguline) et de PTEN,
expression basse d’IGF-1, etc. Se dessine ainsi la perspective,
avant de décider d’un traitement par anti-EGFR, d’une carto-
graphie moléculaire de la tumeur, mais aussi de l’hôte (poly-
morphismes du gène EGFR ou des récepteurs au fragment Fc
des immunoglobulines). La population-cible des anti-EGFR
pourrait de fait être de plus en plus restreinte, peut-être de
l’ordre de 25 % des patients avec CCRM. Si des mécanismes
d’échappement aux anti-angiogéniques commencent à être
identifiés, ces derniers, contrairement aux anti-EGFR, ont
peut-être l’avantage de cibler la cellule endothéliale, cellule
normale de l’hôte détournée de ses fonctions physiologiques
par la cellule tumorale, mais dépourvue des altérations géni-
ques –et de l’instabilité génique qui les fait s’accumuler –de
cette dernière.
Si le choix se porte sur un anti-EGFR (en retenant que le
panitumumab n’a pas encore obtenu son AMM en pre-
mière ligne de traitement du CCRM), peu d’éléments clini-
ques permettent de choisir l’un plutôt que l’autre : en
l’absence de comparaison directe par un essai randomisé,
l’efficacité du cetuximab et du panitumumab paraît
similaire. Leur toxicité (cutanéo-phanérienne, hypomagné-
sémie, diarrhée, etc.) est également similaire, à l’exception
notable des réactions aiguës à la perfusion, exceptionnelles
avec le panitumumab, totalement humain.
Aucun essai randomisé n’a pour l’instant comparé bevaci-
zumab et anti-EGFR. Le choix ne repose donc que sur la
comparaison indirecte d’analyses rétrospectives d’essais
randomisés en fonction du statut mutationnel tumoral
KRAS (figures 1 et 2).L’essai de phase III AVF2107g, qui
avait démontré le bénéfice de l’addition du bevacizumab
à une chimiothérapie avec irinotécan (schéma IFL) en traite-
ment de première ligne du CCRM [12], a été récemment
réanalysé en fonction du statut tumoral KRAS [15]. L’allon-
gement très significatif de la survie sans progression (SSP)
induit par le bevacizumab était équivalent que le statut
KRAS soit muté (ratio de risque [HR] : 0,41 ; bénéfice :
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HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 17 n
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spécial, mars 2010
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