Atelier 7
LAZZARIN Guillaume, Docteur en droit, IRENEE, Université Nancy 2 - candidat au
Prix Favoreu
Le Conseil constitutionnel soumis au respect des principes du procès
équitable
Présentation :
La question prioritaire a été instaurée pour protéger les droits et libertés offerts par la
Constitution. Elle pourrait paradoxalement faire l’objet d’une prochaine requête contre la
France devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme. En effet, en vertu d’une
jurisprudence européenne traditionnelle, la nature constitutionnelle n’exclut pas
l’applicabilité de l’art. 6§1 de la CEDH : « une procédure relève de l’article 6§1, même si
elle se roule devant une juridiction constitutionnelle, si son issue est terminante
pour des droits et obligations de caractère civil » (Cour EDH, 16 septembre 1996,
Süssmann c/ Allemagne, §41). Jusqu’ici, le Conseil constitutionnel, qui se tenait à un
contrôle de constitutionnalité abstrait effectué a priori, n’était pas soumis au respect des
principes du procès équitable. Depuis l’instauration de la question prioritaire de
constitutionnalité, le prétoire du Conseil constitutionnel est ouvert aux parties à un
procès. Bien que la solution rendue par le Conseil vaille erga omnes, il est saisi dans le
cadre d’une « instance en cours de juridiction » (art. 61-1 de la Constitution).
Cette nécessité de respecter le droit au procès équitable a été envisagée par le
constituant, le législateur organique et le Conseil constitutionnel lui-même. Dans le but
de garantir un délai raisonnable de jugement, l’art. 23-10 de la loi organique n°2009-
1523 du 10 décembre 2009, relative à l’application de l’art. 61-1 de la Constitution,
donne au Conseil un délai de 3 mois pour statuer sur la QPC. De plus, le déroulement
contradictoire de l’instance, prévu par la loi organique, est organisé par le règlement
intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions
prioritaires de constitutionnalité (décisions du Conseil du 4 février et du 24 juin 2010).
Ce même règlement impose la motivation des décisions du Conseil, nécessaire en vertu
du « droit à un tribunal », (Cour EDH, 9 décembre 1994, Ruiz Torija et Hiro Balani c/
Espagne). Enfin, pour respecter l’exigence de publicité des débats, l’audience est
rendue publique par retransmission audiovisuelle diffusée en direct.
Toutefois, d’autres aspects de la QPC pourraient constituer une violation du droit au
procès équitable. Si la nomination des juges par le pouvoir politique pose la question de
leur indépendance, c’est surtout de l’impartialité du tribunal dont pourraient douter les
parties. Notamment, l’un des membres du Conseil peut avoir participé activement à
l’adoption de la loi contestée. L’hypothèse se révèle lorsque le membre du Conseil était
parlementaire mais elle vaut surtout parce que les anciens Présidents de la République
sont membres de droit.
La problématique de l’application des principes du procès équitable au Conseil
constitutionnel renouvelle la question traditionnelle de la nature, politique ou
juridictionnelle, du Conseil constitutionnel. Elle met en exergue l’ambivalence profonde
du Conseil, par la contradiction entre sa mission juridictionnelle, objective, et les
modalités politiques de sa composition.
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