I. L`origine des revenus primaires

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LA REPARTITION PRIMAIRE DES REVENUS (8)
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La répartition est l’activité économique qui consiste à partager les richesses créées dans une société à un époque
donnée. Le problème de la répartition des revenus mêle les réflexions sur l’efficacité économique des modes de
répartition à des réflexions sociologiques ou éthiques sur le degré d’égalité ou d’inégalité légitime dans une
société.
I. L’origine des revenus primaires
Les agents économiques contribuent à la réalisation de la richesse (PIB) par l’apport de facteurs de production
(capital ou travail). En contrepartie, chacun reçoit des revenus dits « primaires », car liés à l’acte productif. Cette
répartition des revenus peut engendrer des tensions sociales.
A. De la valeur ajoutée au revenu primaire net des agents
La richesse créée (représentée par la valeur ajoutée dégagée par chaque entreprise résidente sur le territoire
national) est répartie entre les différents agents : les ménages, les sociétés et les administrations se partagent le
revenu national.
1. Le revenu primaire des ménages
Les ménages sont rémunérés pour leur apport de facteurs de production (capital, travail). Ils perçoivent des
revenus d’activité (salaires, revenus des entrepreneurs individuels) et des revenus de la propriété (loyers,
fermages, intérêts de placement, dividendes de participation au capital social…)
2. Le revenu primaire des administrations publiques
Les administrations publiques assurent le fonctionnement des services non marchands. Puisque ceux ci ne sont
pas l’objet d’une vente sur le marché, les administrations prélèvent des impôts sur la production (droits de
douane, taxe intérieure sur les produits pétroliers, TVA…), constitutifs de leur revenu primaire.
Ces prélèvements sur la production ne doivent pas être confondus avec ceux assis sur les revenus primaires des
ménages et des entreprises, perçus à des fins redistributives (Ex : impôts directs, cotisations sociales)
3. Le revenu primaire des entreprises
Les entreprises (au sens large, y compris les banques et les compagnies d’assurances) ont pour objectif la
réalisation d’un profit. leur revenu primaire brut s’obtient à partir de la valeur ajoutée, après paiement des
salaires, des impôts sur la production et des revenus de la propriété (intérêts et dividendes).
B. Le fragile équilibre du partage de la valeur ajoutée
Le partage de la valeur ajoutée entre les agents économiques révèle une source de tensions inévitables au sein de
la société et oppose les économistes.
1. L’origine des tensions
Il existe une première rivalité entre les rémunérations respectives du facteur travail et du facteur capital : pour
une valeur ajoutée donnée, la croissance de la rémunération des salaires, par exemple, fait nécessairement baisser
la part de l’excédent brut d’exploitation (profit) revenant à l’entreprise. Ce sont alors les dividendes ou
l’autofinancement des investissements qui peuvent se trouver pénalisés. Il s’agit là d’une lutte interne à
l’entreprise qui peut conduire à des mouvements sociaux (revendications syndicales, mouvements de grève).
Il existe une seconde rivalité dans le partage même du profit : elle oppose les apporteurs de capitaux
(actionnaires), qui souhaitent généralement une politique de dividendes élevés, le système bancaire, qui reçoit des
intérêts sur les prêts consentis, et l’État qui prélève divers types d’impôts.
2. Répartition et efficacité économique
Les libéraux considèrent qu’une répartition de la valeur ajoutée trop favorable aux salariés est préjudiciable à la
croissance économique pour les motifs suivants :
- La baisse de la part des profits dans la valeur ajoutée réduit l’incitation à investir des entrepreneurs et, par là,
la capacité du système productif à créer des richesses et des emplois.
- La politique de réduction de l’éventail des revenus par le jeu de prélèvement massifs sur les plus riches en
faveur du grand nombre des moins aisés a deux effets :
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1. La diminution du volume d’épargne nationale réduit les ressources disponibles pour investir et en accroît
le coût (hausse des taux d’intérêt).
2. Le manque de motivation des travailleurs salariés : la faiblesse de l’éventail des salaires n’incite pas à
travailler plus et à se former.
3. Les enjeux macro-économiques de la répartition
Les économistes keynésiens mettent en évidence des enjeux d’ordre macro-économique :
- L’État doit instaurer des règles de partage de la valeur ajoutée afin d’éviter une spirale inflationniste (une
hausse des salaires supérieure aux gains de productivité est répercutée dans les prix des biens et services ; leur
hausse peut à son tour attiser les revendications salariales, et ainsi de suite), préjudiciable à l’activité
économique.
- Ces règles de partage de la valeur ajoutée doivent être équitables et préserver l’équilibre économique et
social :
1. Un partage trop déséquilibré de la valeur ajoutée en faveur des profits risque d’engendrer une baisse de la
demande des ménages préjudiciable à la croissance.
2. La marginalisation ou l’exclusion d’une partie de la population de l’accès à la société de consommation
risque de provoquer de graves troubles sociaux.
La répartition des revenus reflète le rapport social existant entre le travail et le capital. Ces quinze dernières
années, le partage de la valeur ajoutée s’est infléchi en faveur du profit, au détriment des salaires. Au début des
années quatre vingt, les salaires, charges sociales incluses, représentaient 70% de la valeur ajoutée, et seulement
60% aujourd’hui.
II. La formation des revenus primaires
Les modes de formation des salaires et des profits font l’objet de nombreux travaux économiques.
A. La formation des salaires
Les salaires sont formés sur le marché du travail ; l’ensemble des réflexions porte ainsi sur le fonctionnement de
ce marché.
1. La fixation du salaire sur le marché du travail
Les niveaux des salaires et de l’emploi sont déterminés par la confrontation de l’offre et de la demande sur la
marché du travail.
La demande de travail provient d’entrepreneurs soucieux d’augmenter leur profit. ainsi, un travailleur
supplémentaire est embauché tant que sa production (productivité marginale) est supérieure au coût du travail
(salaire charges incluses). Donc, plus le niveau de salaire est faible, plus la demande de travail est élevée. La
demande de travail est décroissante par rapport au salaire.
L’offre de travail vient des individus qui recherchent un emploi (demandeurs d’emploi). Ceux ci arbitrent
rationnellement entre l’utilité du salaire proposé sur le marché et la satisfaction retirée du temps libre (théorie
néoclassique du salaire). L’offre de travail est croissante par rapport au salaire.
Pour l’école néoclassique, le salaire est fixé en fonction de la productivité du travail. Plus récemment, les
théoriciens du déséquilibre, parmi lesquels Malinvaud, ont repris l’idée de la rigidité des salaires à la baisse pour
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expliquer que les entrepreneurs, ne pouvant plus jouer sur les prix (les salaires), sont forcés de jouer sur les
quantités (l’emploi), pour retrouver l’équilibre.
2. Flexibilité ou rigidité du salaire à la baisse
Les approches néoclassique et keynésienne divergent sur le fonctionnement du marché du travail :
- Dans le cadre néoclassique, le salaire est flexible à la baisse. Il est étroitement dépendant de la productivité
mais aussi du niveau de chômage. Ainsi, si l’offre est supérieure à la demande, la concurrence entre les
salariés provoque une baisse des salaires jusqu’au retour du plein emploi.
- Dans le cadre keynésien, le salaire est rigide à la baisse. Ce phénomène est dû aux caractéristiques
institutionnelles et sociologiques du marché du travail (rôle des syndicats, négociations salariales, SMIC…).
Par conséquent, le marché peut demeurer en équilibre de sous emploi.
3. Les nouvelles approches de la fixation du salaire
Depuis une vingtaine d’années, de nombreuses théories sont apparues pour expliquer les imperfections sur le
marché du travail ainsi que les divergences entre le salaire réel perçu par les salariés et le salaire d’équilibre.
- Le salaire d’efficience par de l’hypothèse que la productivité du travail est une fonction croissante du salaire.
Il devient rationnel, pour entrepreneur, de rémunérer un salarié au delà de sa productivité. La pratique de
salaires élevés à l’embauche permet d’attirer les meilleurs candidats, et le maintien des salaires en période de
récession évite la démotivation et le départ des meilleurs.
- La segmentation du marché du travail admet l’existence de deux types de marché sur lesquels les conditions
d’emploi et de rémunération sont très différentes.
Sur le marché « externe », le salaire et les conditions d’emploi sont fixés selon la théorie classique du salaire
d’équilibre. La main d’œuvre la moins qualifié est soumise aux aléas de la conjoncture économique (baisse
des salaires, précarité, licenciements…).
Sur le marché « interne », les salariés en nombre limité sont beaucoup plus à l’abri des fluctuations
conjoncturelles. Qualifiés, intégrés de longue date à leur entreprise, ces salariés bénéficient des meilleures
conditions d'emploi, et leurs salaires évoluent indépendamment de la situation économique. Par là, leur
entreprise cherche à les fidéliser.
- Les contrats implicites présupposent que les salariés et l’entreprise fixent tacitement une clause de stabilité
dans le temps du salaire. Au lieu d’évoluer, à la hausse ou à la baisse, au gré de la productivité, le salaire
demeure relativement rigide. Le salarié achète ainsi sa sécurité. En acceptant d’être rémunéré moins que sa
productivité, il se protège contre les risques d’une éventuelle récession (baisse de salaire, chômage…).
4. La formation des revenus en pratique
Dans la pratique, le partage de la valeur ajoutée entre salaires et profit dépend des négociations salariales entre
syndicats et patronat et débouche sur l’élaboration de conventions collectives. Cependant, la tendance récente
privilégie l’individualisation salariale, c’est à dire la prise en compte des qualités personnelles du salarié dans la
fixation et l’évolution du salaire. En outre, depuis le milieu des années quatre vingt, une politique de
désindéxation des salaires sur les prix a été mise en place. Cette rigueur salariale constitue un des éléments d’une
politique plus générale de désinflation, de restauration de la compétitivité des entreprises.
L’État intervient à différent niveaux sur la fixation des revenus primaires. En tant qu’employeur, il détermine les
salaires des fonctionnaires. Il fixe le montant du SMIC. il conditionne l’évolution de revenus non salariaux à
travers sa politique agricole, fiscale, redistributive.
B. La formation du profit
Le terme de profit est ambigu. Il en existe plusieurs interprétations économiques.
1. Les interprétations économiques du profit
En général, le profit est considéré comme la « rémunération directe de l’entrepreneur ».
Dans le cadre du système capitaliste, le profit peut provenir d’une bonne adaptation à l’environnement
économique (profit gagné), ou résulter d’une moindre pression concurrentielle (profit reçu).
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Profit gagné
Profit reçu
D’après J. Schumpeter, le profit est Pour F. Knight, le profit rémunère le L’absence ou la diminution de
justifié par les innovations réussies risque et l’incertitude inhérents à
l’intensité de la pression
du capitaliste.
toute opération capitaliste.
concurrentielle permet la réalisation
de profits élevés.
Pour l’école marxiste, le profit (plus value) provient de l’appropriation par le capitaliste de la force de travail des
salariés. Or, pour Marx, la force de travail est la seule marchandise créatrice de valeur. Le salarié crée plus de
valeur marchande qu’il ne coûte à son employeur. Le capitaliste confisque la différence, autrement dit le profit.
2. Les fonctions du profit
Le profit remplit trois fonctions fondamentales :
1. Le profit anticipé oriente les choix d’investissement.
2. Le profit réalisé est la mesure efficace du succès des choix d’investissement.
3. Le profit renforce l’autofinancement et l’accumulation du capital.
« les profits d’aujourd’hui feront les investissements de demain et les emplois d’après demain » (Helmut
Schmidt).
C. Les inégalités de la répartition
Les inégalités salariales dépendent principalement de la qualification, du sexe et de l’âge. Ainsi, les cadres
supérieurs perçoivent un salaire moyen de plus de quatre fois supérieur à celui des 2,2 millions de « smicards »
(plus de 12% des salariés) payés au minimum légal. Le salaire moyen est lui même deux fois plus élevé que le
SMIC. même si elles semblent se réduire à long terme, ces inégalités ont tendance à s’accroître sur la période
récente. Bien que toutes les tranches de salaires progressent, ceux du haut de l’échelle le font plus rapidement que
les autres. La pratique de l’individualisation, la rigueur salariale, la faible progression du SMIC alimentent la
montée des inégalités.
Dans le travail indépendant, les inégalités de revenus primaires sont encore beaucoup plus fortes. Cette catégorie
regroupe en effet des agriculteurs, des professions libérales, des commerçants et des artisans dont les revenus ont
évolué de façon divergente selon les secteurs et les situations.
Les inégalités de revenus du capital dépendent largement des inégalités patrimoniales (10% des ménages
possèdent plus de la moitié du patrimoine). De plus, la rémunération des gros patrimoines est plus importante que
celle des petits, qui se limitent souvent à la propriété de la résidence principale.
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