Service de presse de Travail.Suisse – No 13 – 25 septembre 2006 – Salaires _______________________________________________________________________________ Distribuer équitablement et investir dans la formation continue L’économie se porte très bien. De nombreuses entreprises affichent des bénéfices historiques et les perspectives conjoncturelles sont réjouissantes. Le climat des investissements est au beau fixe et le moral des consommateurs est bon. Que veut-on de plus ? Dans cette situation économique, relever des points critiques c’est prendre le risque de se faire traiter de râleur. Alors restons positifs et mobilisons la dynamique nécessaire pour relever les prochains défis de politique économique. Les travailleurs et les travailleuses ont des temps difficiles derrière eux. Restructurations d’entreprises, licenciements, chômage, recherche d’emploi, nouvelle orientation professionnelle, reconversion professionnelle, l’insécurité et le sentiment de ne plus être utile, ce sont là des mots-clés qui caractérisent les expériences faites par les travailleurs au cours de ces dernières années. La peur de se retrouver au chômage est aussi en tête des préoccupations de la population depuis des années. Et ce n’est que lentement que l’optimisme et la confiance reviennent. Grande flexibilité des travailleurs De ces dix dernières années, il ressort que la Suisse dispose avant tout d’un marché de l’emploi très flexible. Dans notre pays, la capacité d’adaptation et l’engagement des travailleurs sont extrêmement élevés. Il faut ajouter que les organisations de travailleurs ont aussi participé très activement aux processus de changement. Elles ont fait preuve de retenue dans leurs exigences salariales et ont concentré leurs efforts sur le soutien aux travailleurs à la recherche d’un nouvel emploi. Et elles ont défendu avec véhémence les assurances sociales, notamment les prestations de l’assurance-chômage, afin que les personnes touchées par le chômage aient toujours la perspective d’une existence convenable et que la conjoncture intérieure, qui dépend de la demande de consommation, ne s’effondre pas totalement. Ceci étant, il n’est pas surprenant que les travailleuses et travailleurs demandent maintenant des augmentations de salaires alors que certaines entreprises voient leurs bénéfices exploser. Ces revendications sont légitimes. Les ignorer, c’est saper la confiance dans le partenariat social. Ce partenariat suppose que les employeurs et les travailleurs surmontent ensemble les difficultés économiques, mais aussi que les travailleurs et travailleuses participent au succès de l’entreprise lorsque les résultats sont bons. Service de presse de Travail.Suisse – No 13 – 25 septembre 2006 – Salaires _______________________________________________________________________________ Managers ayant perdu le sens de la mesure et du respect Le fait que ce consensus fondamental risque de voler en éclat est dû à quelques dirigeants de grands groupes qui considèrent de plus en plus leurs entreprises comme des magasins libre service. Il y a deux ans, Travail.Suisse a soulevé pour la première fois la question des salaires excessifs de certains managers, ce qui a déclenché une vague d’indignation. Il semble qu’en Suisse il y ait à l’œuvre un petit groupe de dirigeants qui ont perdu le sens de la mesure et du respect. Politiquement, cette évolution est de la plus haute importance. Il en va du modèle de l’économie sociale de marché. Les montants des salaires que s’octroient ces managers, ne correspondent plus à des prestations fournies mais reposent sur des copinages créant des distorsions de marché et se basent sur des ententes sur les salaires. Ainsi, ils détruisent les fondements de l’économie sociale de marché et du partenariat social. Cette évolution contribue aussi à ce qu’une certaine prudence salariale soit considérée par les travailleurs comme un cadeau consenti à des dirigeants insatiables. De plus, le nombre de travailleurs pauvres (working poor) a augmenté ces dernières années. La nouvelle pauvreté est devenue une dure réalité. L’écart entre les salaires ne cesse de se creuser. Le mécontentement croît. Il se traduit par de la frustration, de l’agressivité et, de plus en plus fréquemment, par des problèmes de santé. Investir dans les places d’apprentissage et la formation continue Les bonnes perspectives économiques et les bénéfices escomptés permettent aussi d’envisager de plus grands projets, importants du point de vue économique. La lutte contre le chômage des jeunes et la création de nouvelles places d’apprentissage sont des tâches importantes dans lesquelles la nouvelle richesse doit être investie. Il est absolument nécessaire que les bénéfices des entreprises ne soient pas utilisés uniquement pour augmenter les dividendes et les salaires, mais que les entreprises, faisant preuve d’une certaine générosité, donnent une chance aux jeunes travailleurs. Il s’agit là d’un investissement dont la rentabilité est maximale. Si la Suisse veut rester compétitive, il est temps de faire un bond en avant dans le domaine de la formation professionnelle continue et de la formation continue en entreprise. Nous devons avoir le courage de faire comme il y a 200 ans. En rendant jadis l’école obligatoire, on a investi dans la formation. Transposé à aujourd’hui, cela signifierait que toutes les personnes travaillant en Suisse devraient suivre une semaine par an de formation continue obligatoire. Un effort qui ragaillardirait notre économie et qui la rendrait compétitive pour des décennies. Hugo Fasel, Conseiller national, Président de Travail.Suisse Cet article a paru dans la revue LA POLITIQUE publiée par le PDC suisse.