Le maroc réforme sa loi sur la titrisation et ouvre de nouvelles

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Droit
DROIT FINANCIER
Le Maroc réforme sa loi sur la titrisation et ouvre
de nouvelles perspectives pour le financement
de l’économie au Maroc et en Afrique
L
Par Frédérick
Lacroix
et Vincent Hatton
avocats à la Cour
Clifford Chance
Paris,
e Maroc s’était doté d’un régime juridique propre
à la titrisation de créances hypothécaires non litigieuses en 1999. La loi 10–98, qui avait pour objectif
premier de favoriser le financement de l’habitat, a
posé les contours d’un premier cadre juridique de la
titrisation fortement inspiré de l’ancienne loi française
du 23 décembre 1988 relative aux organismes de
placement collectif en valeurs mobilières. Cette loi a
créé les fonds de placements collectifs en titrisation,
structure d’accueil des titrisations marocaines proche
des anciens fonds commun de créances français
(FPCT).
En 2008, la loi 10–98 fut abrogée par la loi 33–06 qui a
redéfini le cadre marocain de la titrisation en élargissant le champ des créances éligibles, en renforçant le
régime juridique des FPCT en les rendant notamment
immunes à la faillite, en créant les comptes d’affectation spéciale et en assouplissant les modalités de
cession des créances. La loi 33–06 présentait néanmoins certaines barrières au développement de la
titrisation, principalement en raison du nombre limité
des actifs éligibles à la loi rendant impossible la titrisation de créances commerciales et limitant le développement de la finance participative.
En s’inspirant des législations étrangères les plus
performantes et sécurisantes et en prenant en
compte les contraintes et demandes des investisseurs, le Maroc a lancé une vaste réforme de sa loi
33-06. Le projet de loi 119-12 qui modifie la loi 33-06
et d’autres textes d’accompagnement a été adopté
par la Chambre des représentants le 22 janvier 2013 et
est en passe d’être promulgué. Le Maroc a marqué sa
volonté de se doter d’un outil de financement complémentaire aux modes traditionnels de financement
pour le bénéfice de ses entreprises, des investisseurs
et du système financier marocain. En permettant
désormais aux FPCT d’acquérir des actifs tangibles et
lui permettant d’émettre des certificats de sukuk, le
Maroc a souhaité accompagner le développement de
la finance participative en Afrique.
Des nouveaux établissements initiateurs et
actifs éligibles
Désormais toute personne et tout organisme doté
ou non de la personnalité juridique est éligible à la loi
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Mercredi 10 avril 2013
33-06, sans distinction de nationalité.
Un des principaux objectifs de la réforme a été d’élargir
l’objet du FPCT à la titrisation de tout actif, corporel ou
incorporel et de ne plus le limiter aux seules créances.
Pourront désormais être acquis par un FPCT sans
distinction du droit qui leur est applicable ou de leur
localisation (i) toute créance existante ou future, (ii) tout
certificat de sukuk, titre de capital et titre de créance
et (iii) tout bien corporel ou incorporel, immobilier ou
mobilier et toute matière première. L’acquisition de
ces actifs pourra se faire par tout moyen juridique
approprié de droit marocain ou étranger, y compris par
souscription directe lorsque les actifs concernés sont
des titres financiers. L’acquisition de créances pourra
toujours se réaliser par la délivrance d’un simple
bordereau.
Un FPCT pourra désormais acheter des actifs après
l’émission initiale et pourra céder des actifs titrisés
avant le terme du financement dans les conditions
fixées dans son règlement de gestion. Les FPCT pourront aussi réaliser des ventes à réméré ou toute autre
forme de cession temporaire ou de vente assortie
d’une option d’achat. Cette possibilité de transfert
temporaire permettra la mise en place de sukuk al ijara,
structure qui repose sur l’acquisition d’un actif éligible
en vue de sa location à l’établissement initiateur puis
sa revente à ce dernier à la fin du financement.
Il sera également possible pour un FPCT d’accorder
directement des prêts dans les conditions fixées par
voie réglementaire.
Dualité de forme
Le FPCT pourra désormais prendre la forme de (i) fonds
de placements collectifs en titrisation (FT), dotés ou
non de la personnalité morale, ou de (ii) sociétés de
titrisation (ST).
Il sera donc désormais possible d’accorder la personnalité morale au FT sur option lors de sa constitution.
Cette option permettra, notamment, au FT de bénéficier de conventions fiscales internationales, facilitant
ainsi le placement des titres émis par un FT auprès
d’investisseurs non-résidents. Les ST pourront être
constituées sous la forme de société anonyme, de
société anonyme simplifiée ou de société en commandite par actions. Quelque que soit sa forme, un FPCT
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pourra comporter plusieurs compartiments dès sa
constitution ou en créer en cours de vie si son règlement de gestion le prévoit.
Cette dualité des formes juridiques, complétée de l’option d’accorder la personnalité morale au FT, permettra
d’offrir le maximum de flexibilité lors de la mise en
place du financement eu égard au type d’opération
de titrisation envisagée et au type d’investisseurs
recherchés.
le législateur consiste à limiter le risque de contestation reposant sur des interprétations divergentes qui
pourraient naître de plusieurs sharia boards privés. En
revanche lorsque les certificats de sukuk seront placés
auprès d’investisseurs internationaux, un ou plusieurs
sharia boards privés pourront également être désignés
conformément aux pratiques de marché.
Mesures d’accompagnement pour une plus
grande attractivité des titres de FPCT
En plus des nouvelles dispositions fiscales introduites
par la loi de finances pour 2013, de nombreuses
mesures d’accompagnement visant principalement à
accroître l’attractivité des titres émis par les FPCT sont
en cours d’adoption.
Possibilité pour un FPCT d’émettre tout type
de titre de créance et des sukuk
Avec la création de Casablanca Finance City, le Maroc
a l’ambition de se positionner comme un centre
financier de nature à accroître les perspectives de
son développement et de sa modernisation. Dans ce
contexte il était nécessaire de proposer une gamme Fiscalité assouplie
complète et performante d’instruments financiers Le législateur a souhaité paralyser les éventuels
surcoûts fiscaux en termes
notamment islamiques. En
d’impôts sur les sociétés, de
complément de la réforme
Le Maroc a l’ambition de
plus-value, de droits d’ende la loi bancaire maroregistrement ou de droits
caine qui va permettre aux
se positionner comme un
à la conservation foncière.
banques dites participatives
centre financier de nature
Ainsi les FPCT seront totade proposer des produits
de finance islamique, la loi
à accroître les perspectives lement exonérés de l’impôt
sur les sociétés, des droits
33-06 ouvre désormais la
de son développement et
d’inscription sur les titres
voie à l’émission de certififonciers y compris pour les
cats de sukuk.
de sa modernisation.
actes d’hypothèques et des
Conformément aux règles
droits
d’enregistrement.
de l’AAOIFI, les certificats
de sukuk sont définis comme étant des titres repré- Par ailleurs les produits de cession d’immobilisation
sentatifs d’un droit de jouissance indivis de chaque résultant d’opérations de cession d’actifs immobilisés
porteur sur des actifs acquis ou devant être acquis ou réalisés entre l’établissement initiateur et les FPCT
des investissements réalisés ou devant être réalisés dans le cadre d’une opération de titrisation ne seront
par le FPCT émetteur de ces titres. La notion de sukuk pas imposables.
est entendue de façon large permettant une grande
flexibilité. Ainsi les certificats de sukuk pourront se Réserves techniques et traitement prudentiel
reposer à la fois sur les structures classiques de vente Des modifications aux règles de constitution des
et de location avec option d’achat (sukuk al ijara) réserves techniques des assurances sont attendues
mais pourront aussi être basés sur un investissement afin de rendre plus favorables les conditions dans
(sukuk al mudaraba) ou des structures basées sur des lesquelles les compagnies d’assurances pourraient
actifs en construction ou futurs (salam et istisna). Dans investir dans les titres émis par des FPCT. Il est ainsi
le but de faciliter le placement des certificats de sukuk proposé d’adopter une approche de transparence
émis par un FPCT auprès d’investisseurs étrangers, les similaire à celle de Solvabilité 2 de sorte que le régime
certificats de sukuk pourront être régis par tout droit d’admissibilité des titres émis par le FPCT soit le
même que celui applicable aux valeurs détenues par
étranger et libellés en devises étrangères.
La loi a créé un comité dénommé Comité Charia pour le FPCT.
la Finance dont la composition, les prérogatives et les Des modifications similaires, fondées sur une applimodalités de fonctionnement seront fixées par voie cation généralisée du principe de transparence, ont
réglementaire. Lorsque les certificats de sukuk seront également été proposées pour modifier les règles
placés auprès d’investisseurs marocains, la conformité de détermination des fonds propres réglementaires
du financement à la Charia sera vérifiée et confirmée des établissements de crédit pour encourager ces
par le Comité Charia pour la Finance. L’objectif visé par derniers à investir dans les titres émis par des FPCT. n
Mustapha Mourahib,
et Ouns Lemseffer
avocats à la Cour
Clifford Chance
Casablanca
Mercredi 10 avril 2013
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