Sur l`action du groupe modulaire sur la cubique de Markoff

M´emoire de maˆıtrise
MMFAI
´
Ecole Normale Sup´erieure
Sur l’action du groupe modulaire sur la
cubique de Markoff
Fanny Kassel et Vincent Pilaud
Sujet propos´e par Fed´eric Paulin,
d’apr`es un article de W. M. Goldman
Juin 2004
Table des mati`eres
1. ´
Etude alg´ebrique de l’espace des repr´esentations 2
1.1. Action de SL2(C) au but . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.2. Action du groupe libre π`a la source . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2. ´
Etude dynamique de l’action du groupe PGL2(Z)sur les surfaces de niveau
eelles du polynˆome de Markoff 17
2.1. Description . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.2. ´
Etude plus pr´ecise du cas t=2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.3. ´
Etude plus pr´ecise du cas 2< t < 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2.4. ´
Etude plus pr´ecise du cas 2 < t 18 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Annexes 30
Annexe A : Groupes libres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
Annexe B : Pr´esentations de groupes par g´en´erateurs et relations . . . . . . . . . 32
Annexe C : Automorphismes du groupe libre `a deux en´erateurs . . . . . . . . . . 36
Annexe D : Groupe fondamental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
Annexe E : Quelques notions ´el´ementaires de eom´etrie hyperbolique . . . . . . . 44
Annexe F : Surfaces de niveau du polynˆome de Markoff . . . . . . . . . . . . . . . 47
Annexe G : Quelques notions ´el´ementaires de syst`emes dynamiques . . . . . . . . 50
ef´erences 52
Sur l’action du groupe modulaire sur la cubique de Markoff 1
Soient πun groupe discret et Gun groupe topologique. Il est courant de s’int´eresser
au groupe Hom(π, G) des morphismes de groupes de πdans G, muni de la topologie de la
convergence simple. On ´etudie deux actions sur cet espace topologique :
1. l’action de Gpar conjugaison au but d´efinie par
g·ρ=gρ(.)g1pour tout gGet tout ρHom(π, G),
2. l’action de Aut(π) par translation `a droite `a la source efinie par
α·ρ=ρα1pour tout αAut(π) et tout ρHom(π, G).
Notons que ces deux actions commutent.
Dans ce travail, on va consid´erer un exemple simple et dont l’´etude m`ene `a des r´esultats
int´eressants : celui du groupe fondamental πdu tore perc´e et de G= SL2(C).
Soit ˙
Tle tore perc´e, c’est-`a-dire le tore T2priv´e d’un point, ce qui revient, `a C-
diff´eomorphisme pr`es, `a supprimer du tore un petit disque ferm´e. On notera ˙
Tla fronti`ere
du tore perc´e, c’est-`a-dire la fronti`ere de ce disque ferm´e.
Le groupe fondamental πdu tore perc´e est un groupe libre `a deux g´en´erateurs (cf an-
nexes A et D). On notera {X, Y }une partie g´en´eratrice libre de πet [X, Y ] = XY X1Y1
le commutateur de Xet Y.
Soit SL2(C) le groupe topologique des matrices carr´ees complexes de taille 2 et de d´e-
terminant 1.
On va s’int´eresser `a l’espace des repr´esentations Hom(π, SL2(C)). On s’appuiera princi-
palement sur un article de William M. Goldman [gol3].
1. ´
Etude alg´ebrique de l’espace des repr´esentations
On notera πle groupe libre `a deux g´en´erateurs L2, qui s’identifie au groupe fondamental
du tore perc´e ˙
T.
1.1. Action de SL2(C)au but
Commen¸cons par ´etudier l’action du groupe SL2(C) sur l’espace des repr´esentations
Hom(π, SL2(C)) par conjugaison au but, d´efinie par g·ρ=gρ(.)g1pour tout gSL2(C)
et tout ρHom(π, SL2(C)).
Soit φl’application d´efinie par :
φ: Hom(π, SL2(C)) C3
ρ7−(tr ρ(X),tr ρ(Y),tr ρ(XY )).
Proposition. L’application φest surjective et passe au quotient par l’action de SL2(C).
emonstration. La trace d’un conjugu´e d’une matrice Aest ´egale `a la trace de A, donc il est
clair que l’application φpasse au quotient. Montrons la surjectivit´e de φ. Consid´erons un triplet
(x, y, z)C3. Soit ζCtel que ζ+ζ1=z. Posons
u=x1
1 0 et v=0ζ1
ζ y .
2 Sur l’action du groupe modulaire sur la cubique de Markoff
On a alors
uv =ζ xζ1y
0ζ1.
Par cons´equent, si l’on d´efinit une repr´esentation ρHom(π, SL2(C)) par ρ(X) = uet ρ(Y) = v,
ce qui est possible par la propri´et´e universelle d’un groupe libre, alors on a φ(ρ) = (x, y, z).
Notons Hom(π, SL2(C))/SL2(C) l’ensemble des classes d’´equivalence par l’action de
SL2(C), et ˜
φ: Hom(π, SL2(C))/SL2(C)C3
l’application induite de φpar passage au quotient. Le but de ce qui suit est de d´emontrer que
˜
φr´ealise un hom´eomorphisme d’un ouvert dense de Hom(π, SL2(C))/SL2(C) sur un ouvert
dense de C3.
Proposition. Pour tout ´el´ement Wde π, il existe un polynˆome PWZ[x, y, z]tel que pour
tout ρHom(π, SL2(C)) on a
tr ρ(W) = PW(tr ρ(X),tr ρ(Y),tr ρ(XY )).
emonstration. Soient A, B SL2(C). On note I2la matrice identit´e de taille 2.
D’apr`es le th´eor`eme de Cayley-Hamilton, on a A2(tr A)A+(det A)I2=A2(tr A)A+I2= 0,
donc A1= (tr A)I2A, et en prenant la trace, on obtient
tr(A1) = tr A. (1)
On a B+B1= (tr B)I2, donc AB +AB1= (tr B)A, et en prenant la trace, on obtient
tr(AB) + tr(AB1) = (tr B)(tr A).(2)
Soit Wun ´el´ement de π. On peut ´ecrire Wsous la forme
W=Zk1
1Zk2
2. . . Zkn
n,
avec nN,k1,...,knZ r {0}et Z1,...,Zn∈ {X, Y }v´erifiant Zi+1 6=Zi,i∈ {1, . . . , n 1}.
On dit que Wposs`ede nsyllabes.
Montrons le r´esultat de la proposition par r´ecurrence sur le nombre nde syllabes de W.
1. Si n= 0, alors West l’´el´ement neutre du groupe π, et pour tout ρHom(π, SL2(C)), on a
tr ρ(W) = tr(I2) = 2.
2. Si n= 1, la relation (2) permet d’´ecrire, pour tout mot Wde π, tout morphisme ρ
Hom(π, SL2(C)) et tout entier p2,
tr ρ(Wp) = tr(ρ(W)p) = tr(ρ(W)p1)tr(ρ(W)) tr(ρ(W)p2).
On en d´eduit par r´ecurrence sur pque tr ρ(Wp) = Pp(tr ρ(W)), o`u Ppest un polynˆome.
La relation (1) permet d’affirmer que tout mot Wde π, tout morphisme ρHom(π, SL2(C))
et tout entier relatif p, on a
tr ρ(Wp) = P|p|(tr ρ(W)).
Il en r´esulte que tr ρ(Zk1
1) est un polynˆome en tr ρ(Z1).
3. Si n= 2, alors Ws’´ecrit W=Zk1
1Zk2
2. Proc´edons par r´ecurrence sur la somme |k1|+|k2|.
Si |k1|+|k2| ≤ 1, on est dans l’un des cas pr´ec´edents.
Sur l’action du groupe modulaire sur la cubique de Markoff 3
Si |k1|+|k2|= 2, alors soit W=XY , soit W=X1Y(ce qui implique tr ρ(W) =
tr ρ(X)tr ρ(Y)tr ρ(XY )) soit W=XY 1(ce qui implique tr ρ(W) = tr ρ(X)tr ρ(Y)
tr ρ(XY )), soit W=X1Y1(ce qui implique tr ρ(W) = tr ρ(XY )). Dans ces quatre cas,
on obtient bien le r´esultat.
Si |k1|+|k2|>2, on peut supposer par exemple |k2| ≥ 2, donc les relations (2) puis (1)
donnent
tr ρ(Zk1
1Zk2
2) = tr ρ(Zk1
1Zk2sgn(k2)
2Zsgn(k2)
2)
= tr ρ(Zk1
1Zk2sgn(k2)
2)tr ρ(Zsgn(k2)
2)tr ρ(Zk1
1Zk22sgn(k2)
2)
= tr ρ(Zk1
1Zk2sgn(k2)
2)tr ρ(Z2)tr ρ(Zk1
1Zk22sgn(k2)
2),
et l’on obtient le r´esultat par hypoth`ese de r´ecurrence (la somme des valeurs absolues des
exposants a diminu´e strictement).
4. Si n3, on ´ecrit
tr ρ(Zk1
1. . . Zkn
n) = tr ρ(Zk1
1. . . Zkn2
n2)tr ρ(Zkn1
n1Zkn
n)tr ρ(Zk1
1. . . Zkn2kn
n2Zkn1
n1),
et l’on obtient le r´esultat par hypoth`ese de r´ecurrence (le nombre de syllabes a dimine
strictement).
Notons que le groupe fondamental πdu tore perc´e ˙
Tdiff`ere du groupe fondamental
du tore Tpar le fait que le second est l’ab´elianis´e du premier. On est donc naturellement
amen´e `a s’int´eresser au commutateur [X, Y ] des deux g´en´erateurs de π, qui engendre le sous-
groupe d´eriv´e du groupe π. Topologiquement, pour un bon choix de la partie g´en´eratrice libre
{X, Y }de π, le commutateur [X, Y ] correspond, `a conjugaison pr`es, `a la classe d’homotopie
des lacets effectuant un tour du trou dans le sens positif (voir annexe D). Le polynˆome P[X,Y ]
associ´e, donn´e par la proposition pr´ec´edente, est appel´e polynˆome de Markoff et est d´efini
par
κ(x, y, z) = x2+y2+z2xyz 2.
Ce dernier r´esultat, qui fait l’objet de la proposition suivante, est dˆu `a Fricke [fri].
Proposition. Pour tout ρHom(π, SL2(C)), on a
tr ρ([X, Y ]) = κ(tr ρ(X),tr ρ(Y),tr ρ(XY )) = κ(φ(ρ)).
emonstration. Soit ρHom(π, SL2(C)). Posons x=ρ(X), y=ρ(Y) et z=ρ(XY ). En
utilisant les deux relations (1) et (2) introduites dans la d´emonstration de la proposition pr´ec´edente,
on montre successivement :
tr ρ(X2) = tr(ρ(X))2= (tr ρ(X))2tr I2=x22,
tr ρ(Y1X) = tr ρ(XY 1) = tr ρ(X).tr ρ(Y1)tr ρ(XY )
= tr ρ(X).tr ρ(Y)tr ρ(XY ) = xy z,
tr ρ(XY X1Y) = tr ρ(XY ).tr ρ(X1Y)tr ρ(XY Y 1X) = tr ρ(XY ).tr ρ(Y1X)tr ρ(X2)
=z(xy z)(x22) = 2 x2z2+xyz,
tr ρ([X, Y ]) = tr ρ(XY X1Y1) = tr ρ(XY X1).tr ρ(Y1)tr ρ(XY X1Y)
= (tr ρ(Y))2tr ρ(XY X1Y) = y2(2 x2z2+xyz)
=κ(tr ρ(X),tr ρ(Y),tr ρ(XY )).
4 Sur l’action du groupe modulaire sur la cubique de Markoff
On va saisir toute l’importance du polynˆome de Markoff dans l’´etude de th´eorie des
invariants qui suit.
Soient
U={ρHom(π, SL2(C)) |κ(tr ρ(X),tr ρ(Y),tr ρ(XY )) 6= 2}
et ˜
Uson image dans Hom(π, SL2(C))/SL2(C). Notons que Uest un ouvert de Hom(π, SL2(C))
pour la topologie de la convergence simple ; ˜
Uest donc un ouvert de Hom(π, SL2(C))/SL2(C)
pour la topologie quotient.
Cette topologie quotient n’est pas s´epar´ee. En effet, consid´erons, pour tout nN r {0},
la matrice
An=1
n0
0nSL2(C)
et soit ρHom(π, SL2(C)) la repr´esentation d´efinie par
ρ(X) = ρ(Y) = 1 1
0 1.
Alors la suite (An·ρ)nNconverge simplement vers la repr´esentation constante ´egale `a la
matrice I2SL2(C), qui n’est pas conjugu´ee `a la repr´esentation ρ. Cela signifie que dans
l’espace quotient Hom(π, SL2(C))/SL2(C), la suite constante ´egale `a ρadmet pour limite un
´el´ement diff´erent de ρ. Il n’y a donc pas unicit´e de la limite des suites convergentes dans cet
espace quotient, ce qui prouve que sa topologie n’est pas s´epar´ee.
Proposition. L’application ˜
φ|˜
U:˜
UC3rκ1(2) est un hom´eomorphisme.
emonstration. L’application ˜
φest surjective et continue. Avant de montrer que ˜
φ|˜
Uest injec-
tive, commen¸cons par quelques r´esultats pr´eliminaires.
Soit A(respectivement G) une C-alg`ebre associative unif`ere (respectivement un groupe) et E
un C-espace vectoriel. On dit qu’une repr´esentation ρ:A(resp. G)EndC(E) (resp. GLC(E)) de
l’alg`ebre A(respectivement du groupe G) est irr´eductible si les seuls sous-espaces vectoriels de E
stables par l’image de ρsont {0}et E.
Le th´eor`eme suivant est un r´esultat classique, d´emontr´e par exemple dans [lan].
Th´eor`eme (Burnside). Soit ρ:A → EndC(E)une repr´esentation irr´eductible de Ade dimension
finie. Alors ρ(A) = EndC(E).
Lemme (1). Soit ρHom(π, SL2(C)). Alors ρ, vue comme une repr´esentation du groupe πsur
l’espace vectoriel C2, est irr´eductible si et seulement si κ(φ(ρ)) 6= 2.
Preuve. Si ρest r´eductible, il existe une droite de l’espace vectoriel C2qui est stable par l’image
de ρ. Par cons´equent, les deux matrices ρ(X) et ρ(Y) se trigonalisent dans une eme base, ce
qui signifie que ρest conjugu´ee `a une repr´esentation rtelle que les matrices r(X) et r(Y) sont
triangulaires sup´erieures.
Posons
r(X) = a a0
01
aet r(Y) = b b0
01
b.
Alors on voit facilement que r([X, Y ]) = r(X)r(Y)r(X)1r(Y)1est de la forme
r([X, Y ]) = 1
0 1,
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