Psychologie sociale Françoise Anceaux [email protected] (bâtiment Jonas 1 – bureau 219) FSMS Licence 1 – L.O.2.06 La psychologie sociale I. Qu’est ce que la psychologie sociale II. Socialisation, isolement et affiliation III. L’influence sociale F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale I. Qu’est ce que la psychologie sociale C’est la discipline qui prend en compte le fait que l’homme est de nature sociale. Pour Allport (1954) : « elle tend à comprendre et à expliquer comment les pensées, les sentiments, les comportements moteurs des êtres humains sont influencés par un autrui réel, imaginaire ou implicite ». A la définition précédente, Leyens (1979) ajoute la notion d’interdépendance (ou de symétrie de la dépendance) : « …. Et comment ces pensées, sentiments et comportements peuvent influencer cet autrui réel, imaginaire ou implicite ». F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale II. Socialisation, isolement et affiliation II.A. Les effets de la présence d’autrui : la socialisation II.B. Les effets de l’isolement II.C. L’affiliation et la comparaison sociale II.D. Affiliation et attraction II.D.1 II.D.2 II.D.3 La distance physique la similarité avec autrui La réciprocité F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale II.A. Effets de la présence d’autrui: la socialisation Socialisation : « le mécanisme par lequel une société transmet sa culture, c'est à dire son système de valeurs, de normes, de rôles sociaux et de sanctions » (Albouy, 1976). Deux caractéristiques centrales : La relation avec nos semblables est indispensable à notre construction La qualité de la relation est primordiale pour un bon développement F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale II.B. Les effets de l’isolement Les effets de l’isolement (Harlow & Zimmerman, 1959) : bébés singes placés dans des conditions d’isolement plus ou moins sévères. Phénomène d’attachement: C’est, de manière paradoxale, l’attachement qui va permettre l’indépendance du bébé et lui permettra la socialisation : parce que le bébé s’est attaché à une mère et se sent en sécurité auprès d’elle, il peut s’en détacher pour explorer son environnement. La richesse et la diversité des relations sociales qui seraient la base d’une bonne socialisation. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale II.C. L’affiliation et la comparaison sociale Quelle est l’origine de ce phénomène que l’on appelle l’affiliation ? Schachter (1959) veut vérifier l’hypothèse selon laquelle l'anxiété peut induire un comportement grégaire. Expérience consistant à induire une anxiété plus ou moins élevée, puis à demander aux sujets s’ils veulent attendre la suite de l’expérience seuls ou en groupe. 63 % des sujets dans la condition de haute anxiété choisissent d'attendre en groupe alors que 33 % seulement des autres sujets émettent une préférence pour cette façon d'attendre l'expérience. L'anxiété entraîne donc bien une recherche de grégarité, mais sans que l'on sache exactement le pourquoi de cette relation. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale II.C. L’affiliation et la comparaison sociale Wrightsman (1960) Même type d’expérience, mais il fait réellement attendre les sujets, seuls ou en groupe. la diminution de l’anxiété est identique dans les conditions d'isolation et de grégarité. Pourquoi les gens choisissent-ils la solution d'affiliation (attendre en groupe) si ce n'est pas pour réduire leur anxiété? F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale II.C. L’affiliation et la comparaison sociale La théorie de la comparaison sociale Festinger (1954) : tout homme a besoin d'évaluer ses opinions et ses aptitudes personnelles. Pour cela, il va se comparer à autrui pris comme "référent social". Schachter propose d'étendre la comparaison sociale au domaine de émotions: Si le comportement de grégarité est induit par une recherche de comparaison sociale, alors il devrait s'estomper si les sujets reçoivent des renseignements sur leurs propres émotions et celles de leurs compagnons. C’est ce que l’on observe Il semble que ce soit l'incertitude quant aux sentiments éprouvés et attendus qui provoque le besoin de comparaison sociale et, par là même, le désir de s'affilier avec des référents sociaux. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III. L’influence sociale III.A. Le groupe social III.A.1 III.A.2 Les différents types de groupes sociaux Le rôle des groupes sociaux III.B. La normalisation III.B.1 III.B.2 III.B.3 Définition Constitution des normes Caractéristiques et Conséquences de la normalisation III.C. Le conformisme III.C.1 III.C.2 III.C.3 L’effet Asch Qu’est ce que le conformisme? Facteurs poussant au conformisme III.D. L’obéissance à l’autorité III.D.1 III.D.2. L’expérience de Milgram Les facteurs de la soumission F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.A. Le groupe social Distinction entre groupe et agrégat Nombreuses définitions: Shaw (1981) : il n’y a groupe que lorsque les individus interagissent entre eux et s’influencent mutuellement. Lewin (1940): un groupe est un ensemble d’individus qui sont interdépendants les uns des autres. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.A. Le groupe social Types de groupes Le groupe d’appartenance Le groupe de référence Le groupe restreint La foule Les catégories sociales Le groupe culturel…. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.A. Le groupe social Rôles des groupes sociaux La survie L’apprentissage La socialisation La réalisation d’objectifs que l’on ne peut atteindre seul. La comparaison sociale Le support social construction de l’identité sociale en s’intégrant à différents groupes. fonction centrale Cette intégration impose de se conformer à des normes et de se soumettre à une autorité. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.B. La normalisation Pour Sherif (1965), les normes sont des échelles de référence ou d’évaluation qui définissent une marge de comportements, attitudes et opinions, permis et/ou répréhensibles. Les normes se constitueraient par le biais d’une pression qui est exercée par le groupe social au cours des différentes interactions et ce, par le biais des communications et des observations. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.B.2 Constitution des normes Expériences de autocinétique Shérif à partir de l’effet Stimulus visuel ambigu D’abord présenté aux sujets seuls : formation d’une norme individuelle Puis les mêmes sujets sont confrontés au stimulus en « groupe » de 2 ou 3 personnes: formation d’une norme commune Plusieurs formes de convergence: 1. vers la moyenne, 2. influence prépondérante d’un sujet, 3. convergence « originale » 2 25 1 25 20 20 15 15 15 10 10 10 5 5 5 20 0 0 I II III IV e ssa i s sujet A 0 I II III IV essai s sujet B 3 25 s uj et A I II III IV essai s suj et B F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale sujet A sujet B III.B.3 Conséquences de la normalisation L’uniformité augmente dans le groupe. Réduction de l’incertitude au niveau des opinions, des comportements et des sentiments: ⇒ prédiction des conduites d’autrui et facilitation des interactions sociales (plus les interactions sociales sont complexes, plus les normes sont nécessaires) Convergence des opinions et une adhésion à un compromis. ⇒ Plus consensus élevé, moins il y a de conflits et plus la conviction à l’égard de la norme est très élevée. ⇒ Forte résistance au changement (pour l’ébranler, montrer qu’elle ne fait plus l’unanimité). F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.B.3 Conséquences de la normalisation On est davantage attiré par les individus qui ont la même opinion normative que la notre. Augmentation de la solidarité et la cohésion du groupe. Intériorisation des normes : les normes n’ont pas besoin de sanctions pour être respectées, elles s’imposent d’ellesmêmes. Le pouvoir du groupe sur les membres est d’autant plus puissant qu’il est librement accepté. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.C. Le conformisme Le conformisme se manifeste par le fait qu’un individu modifie ses comportements, ses attitudes, ses opinions pour les mettre en harmonie avec ce qu’il perçoit être les comportements, les attitudes, les opinions du groupe dans lequel il est intégré ou souhaite y être. Différence principale avec la normalisation: Normalisation: influence réciproque Conformisme: soumission d’une minorité à la norme majoritaire Point commun: la pression n’est jamais explicite F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.C. Le conformisme Il y a conformisme quand la majorité, qu’elle soit quantitative ou qualitative, parvient à soumettre un individu ou un sous groupe à la norme. Expérience de Lorge (1936): on présentait à des étudiants universitaires américains la phrase suivante : " Je soutiens qu'une petite rébellion, de temps en temps, est une bonne chose et aussi nécessaire dans le monde politique que des tempêtes dans le monde physique." Lorsque cette déclaration était attribuée à Thomas Jefferson (troisième et prestigieux président des Etats-Unis), la plupart des sujets américains étaient d'accord avec elle. Par contre, lorsqu'elle était signée par Lénine, ils avaient tendance à ne pas l'accepter. Explication de Lorge :le prestige reconnu à l'auteur s'attache automatiquement à sa production. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.C. Le conformisme Il y a conformisme quand la majorité, qu’elle soit quantitative ou qualitative, parvient à soumettre un individu ou un sous groupe à la norme. Expérience de Lorge (1936) revue par Asch : il demande en plus à ses sujets d'écrire une courte dissertation sur la signification de la phrase en question. Lorsque la déclaration est attribuée à Lénine, rébellion signifie révolution, chaos; lorsqu'elle est signée Jefferson, son véritable auteur, rébellion est ravalée au rang de réforme, de changement non violent. Quand Lénine était le prétendu signataire de la phrase, le qualificatif " petite " (rébellion) est sous-estimé; la présence de ce même qualificatif est accentuée quand Jefferson est en cause. Selon Asch, la majorité ne détermine non seulement le jugement, mais elle modifie la perception de l'objet sur laquelle porte le jugement. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.C.1 L’effet Asch Ash (1951) a cherché à vérifier le fait que bon nombre d’individus n’osent pas braver publiquement l’opinion d’un groupe, même si cette opinion est évidemment farfelue. Nombreuses expériences basées sur l’influence d’un groupe de comparses sur un sujet dans le cadre de l’évaluation de distances non ambiguës. expérience de Asch: 1 sujet « naïf » participant à une expérience au milieu d’un groupe avec 7 « compères » F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.C.1 L’effet Asch Huit étudiants font face à un tableau. L'expérimentateur les informe qu'ils vont participer à une expérience destinée à tester l'exactitude de leur perception visuelle. A l8 reprises, il va déposer deux cartons rectangulaires à un mètre de distance sur le tableau. Une seule ligne noire est dessinée sur le carton de gauche tandis qu'il y en a trois, chacune de grandeur différente, sur le carton de droite. Une de ces 3 lignes a une longueur égale à celle du carton de gauche. A chaque essai, l'expérimentateur demande laquelle des trois lignes est équivalente à la ligne étalon. Les sujets donnent leur jugement les uns après les autres, à haute voix, toujours dans le même ordre, en commençant par la gauche. 1° carton: Ligne étalon F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale 2° carton: Lignes de comparaison A B C III.C.1 L’effet Asch Le premier essai ne présente aucune difficulté : tout le monde est d'accord; la tâche est d'ailleurs dépourvue de toute ambiguïté. Il en va de même pour l'essai 2. Au troisième essai, cependant, un phénomène étrange se produit. Le premier sujet répond sans hésitation ainsi que les cinq suivants qui donnent la même réponse que le premier. Pendant ce temps, le sujet 7 s'agite de plus en plus il croise et décroise les jambes, se passe la main dans les cheveux et sur le visage. Le sujet 8, lui, reste impassible. Le même contraste d'émotions va apparaître à l'essai 4: le sujet 7 sera toujours aussi nerveux et les autres aussi sereins. Que se passe-t-il pour le sujet 7? F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale 1° carton: Ligne étalon 2° carton: Lignes de comparaison A B C III.C.1 L’effet Asch En fait, le malheureux sujet n" 7 est un sujet "naïf", qui participe pour la première fois à une expérience de psychologie et qui croit en la parole de ses compagnons alors que ceux-ci sont de connivence avec l'expérimentateur. Sur les l8 jugements de lignes à fournir, les compères ont reçu pour instruction de répondre unanimement de façon erronée à l2 essais déterminés (que l’on appelle les essais critiques). L'erreur peut aller jusqu'à 5 centimètres ! Lors de ses toutes premières expériences, Asch testa trois populations provenant de trois types différents d'Université mais les résultats furent à peu près identiques. Sur les l2 essais critiques, la moyenne d'erreurs, c'est-à-dire de conformisme, se situait entre 4 et 5 et un sujet sur quatre seulement restait indépendant de la majorité pour l'ensemble de l'expérience. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.C.1 L’effet Asch Les sujets ont des comportements différents : certains ne se conforment jamais au groupe de pression que constitue la majorité quantitative, d'autres se soumettent à chaque essai critique. D'autre part, la majorité n'augmente pas son influence avec le temps: le conformisme tout comme l'indépendance se décide dès le début. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.C.2 Qu’est ce que le conformisme? Comment expliquer ce phénomène? Deux types d’informations : celles provenant de l’expérience personnelle du sujet, celles provenant du groupe. ⇒Double conflit: ⇒D'un côté, les sujets ont spontanément tendance à faire confiance à leurs propres capacités perceptives qui leur ont rarement fait défaut jusqu'à présent, mais ils hésitent en raison des informations qui leur viennent de leurs compagnons. ⇒D'un autre côté, ils sont seuls en face d'un groupe unanime qui va peut- être les juger sévèrement. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.C.2 Qu’est ce que le conformisme? Deutsch et Gerard (l955) parlent de deux types d'influence, de dépendance. Dans le premier cas, il s'agit d'une dépendance informationnelle: c'est le conflit cognitif. l'individu cherche à rassembler les informations pertinentes qui lui permettront de résoudre la tâche à laquelle il est confronté. Cette dépendance s’apparente au phénomène de comparaison sociale décrit par Festinger, le groupe jouant le rôle de référent social F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.C.2 Qu’est ce que le conformisme? Deutsch et Gerard (l955) parlent de deux types d'influence, de dépendance. Dans le second cas, la dépendance est normative: c'est le conflit motivationnel. le maintien, réel ou symbolique, dans le groupe est subordonné à l'adhésion aux normes, aux règles de ce groupe. Cette dépendance s’apparente au phénomène de pression vers l’uniformité, décrit également par Festinger. les groupes exercent, volontairement ou non, des pressions vers l'uniformité. Elles permettent (1) que les groupes soient capables de réaliser les buts qu'ils se sont assignés ou (2) que les membres momentanément déviants soient obligés de réintégrer le groupe. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.C.2 Qu’est ce que le conformisme? Différents types de réaction à cette situation: l'individu accepte la pression du groupe en adoptant ses idées (normalisation) ; il subit la pression mais conserve ses idées préalables (conformisme) ; il ne se conforme pas et est donc déviant et rejeté du groupe (déviance). F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.C.2 Qu’est ce que le conformisme? Kelman (1958) : trois niveaux de conformisme l'acquiescement (suivisme ou complaisance): conformisme de Asch Pas de changement d’attitude Dépendant du regard d’autrui, surveillance l'identification Changement d’attitude Basé sur l’admiration portée au groupe l'intériorisation Remaniement profond des systèmes de croyance Pas de surveillance F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.C.3 Facteurs poussant au conformisme Caractéristiques des individus : différences existent en fonction de la socialisation de l’individu ou de son sentiment de compétence Différences selon les cultures auxquelles appartiennent les individus (cultures individualistes ou collectivistes…. De 30 à 90% de conformisme) Caractéristiques du groupe : une pression sociale minimale de trois personnes est nécessaire Unanimité du groupe également importante Caractéristiques de la situation : la conformité augmente avec la difficulté de la tâche à accomplir ou avec son ambiguïté. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.D. L’obéissance à l’autorité L'obéissance est une modification des conduites à travers laquelle nous répondons par la soumission à un ordre, une injonction qui vient d’une autorité que nous jugeons ou pensons légitime. Une des formes d'influence d'une majorité Différences avec le conformisme La pression : explicite pour la soumission (injonction à obéir), implicite pour le conformisme la hiérarchie : les individus obéissent à une personne d’un statut supérieur au leur alors qu’ils se conforment à des pairs ; l’imitation : présente pour le conformisme, absente pour l’obéissance ; le volontarisme : les individus qui se conforment disent « c’est moi seul… », ceux qui obéissent disent « c’est lui qui m’a dit… » F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.D.1. Les expériences de Milgram Scénario de base: Sujets recrutés par petites annonces pour participer à un étude, payée 4 dollars, à l’université de Yale: tester l’effet de chocs électriques sur la mémoire. Tirage au sort truqué: le sujet devient le professeur, un comparse/compère (présenté comme sujet) devient l’élève. L’élève/compère est attaché sur un siège et des électrodes sont fixées sur son bras. Il a une liste de mots à apprendre. Le sujet/professeur est installé dans une autre pièce face à un tableau de commandes par l’expérimentateur: il y a 30 boutons délivrant (soi disant) des chocs électriques allant de 15 à 450 volts (de 15 en 15 V), avec les indications suivantes: choc léger, choc modéré, choc fort, choc très fort, choc extrêmement intense, attention choc dangereux et pour le dernier xxxx F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.D.1. Les expériences de Milgram Scénario de base: Le sujet/professeur a une liste de 30 mots associés à des adjectifs. Il lit les 30 couples mot-adjectif, puis il présente un des mots à l’élève/compère qui doit lui donner l’adjectif associé. Si l’élève/compère répond mal (ce qu’il fait effectivement), le sujet/professeur doit lui envoyer un choc, à partir du plus faible. Il doit augmenter l’intensité à chaque erreur. A partir de 75 V, l’élève/compère gémit; à 120 V, il crie que c’est douloureux; à 150 V, il demande à arrêter; à 270 V, il pousse un cri d’agonie; à partir de 300 V, il râle une dernière fois, puis cesse de répondre. A chaque fois que le sujet-professeur hésite, l’expérimentateur lui dit de continuer. Si le sujet-professeur hésite encore, après 4 incitations, l’expérience est arrêtée. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.D.1. Les expériences de Milgram Dans cette expérience, 2 sujets/professeurs sur trois vont jusqu’au bout, c’est à dire jusque 450 volts. Bien évidemment, on ne délivre pas de chocs électriques: l’élève/compère fait semblant de les recevoir et de souffrir F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.D.1. Les expériences de Milgram Dans cette expérience, 2 sujets sur trois vont jusqu’au bout, c’est à dire jusque 450 volts. Milgram a répliqué l’expérience telle quelle plusieurs fois avec des sujets différents: homme ou femme, âges différents, professions différentes… Les résultats sont toujours du même ordre: 65% des sujets vont jusqu’à délivrer 450V sur la simple injonction d'un expérimentateur, près de 2/3 des gens acceptent d'effectuer un comportement éventuellement létal n'oublions pas, en effet, que l'élève avait des problèmes cardiaques et qu'à partir d'un certain moment il a cessé de répondre. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.D.1. Les expériences de Milgram 18 variantes de l’expérience ont été réalisées dans lesquelles Milgram fait varier les facteurs susceptibles de diminuer/augmenter le taux d'obéissance. Variante 1: Le niveau de prestige de l’endroit où se passe l’expérience Milgram a déménagé son laboratoire dans une petite boutique d'une petite ville voisine. Le bâtiment et les locaux étaient peu avenants, la firme prétendument responsable de l'expérience était inconnue et, somme toute, l'expérimentateur pouvait être un charlatan, voire même un sadique. 47,5 % des gens poursuivirent l'expérience jusqu'au bout. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.D.1. Les expériences de Milgram Variante 2: Le niveau de prestige ou hiérarchique de l’expérimentateur («l’autorité ») Le sujet arrive au laboratoire en même temps que deux personnes de connivence avec l'expérimentateur. Par un système de loterie truquée, le premier comparse devient l'élève, le second doit s'occuper d'enregistrer les temps de réponse et le sujet, lui, doit comme dans les autres conditions délivrer des chocs électriques. Au moment où l'expérience proprement dite va débuter et avant qu'il n'ait pu donner les instructions précises concernant le mode d'envoi des chocs électriques, l'expérimentateur se voit dans l'obligation de quitter le laboratoire. Désolé de perdre des sujets, il leur suggère de continuer malgré tout l'expérience jusqu'à ce que toutes les paires de mots soient apprises. Après son départ, le second comparse insiste pour que le sujet augmente le voltage de 15 unités par erreur et il se comporte à peu près comme l'expérimentateur l'avait fait dans les autres conditions. Le pourcentage de sujets totalement obéissants, c'est-à-dire allant jusqu'à 450 volts, est dans ce cas de 20%. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.D.1. Les expériences de Milgram Variante 3: l’expérimentateur devient élève Lorsque l'expérimentateur a terminé de donner ses instructions, le comparse désigné comme élève refuse de prendre son rôle avant d'avoir vu quelqu'un d'autre placé dans la même situation. N'ayant prétendument pas d'autres sujets à sa disposition et ne voulant pas perdre ceux qui sont présents, l'expérimentateur accepte donc de prendre le rôle de l'élève à titre d'exemple et il réagit exactement comme l'élève habituel le faisait dans les autres conditions. A 150 volts, il crie donc pour qu'on en termine avec les chocs tandis que le comparse enjoint le sujet de continuer (" Il disait que je devrais en avoir jusqu'à 450. Je veux voir s'il sait le faire ... Il a dit que vous pouviez aller jusqu'au bout ", etc.). Dans cette condition, tous les sujets s'arrêtent à 150 volts, c'est-à-dire lorsque l'expérimentateur le demande pour la première fois F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.D.1. Les expériences de Milgram Variante 4: La distance physique entre le sujet/professeur et l’élève/comparse il tente de rapprocher physiquement la victime de son "tortionnaire" : élève et enseignant se trouvent dans la même pièce et le sujet/professeur ne peut pas ne pas remarquer les réactions de douleur (simulées je le rappelle) de l’élève/comparse. Il y avait encore, dans cette condition, 40 % de sujets totalement obéissants. Milgram a donc essayé de resserrer davantage les liens entre les deux partenaires : non seulement ils sont assis l'un à côté de l'autre mais l'enseignant doit lui-même veiller à ce que l'élève qui se débat et supplie qu'on termine l'expérience maintienne sa main sur les électrodes. L'expérimentateur, quant à lui, continue à fournir ses injonctions lorsque le sujet hésite à augmenter le voltage. le pourcentage de soumission se situe encore à 30 %. Ces résultats sont indicatifs de deux phénomènes: la formation de liens entre la victime et son bourreau diminue la probabilité d'agression totale la prise de conscience immédiate et globale de la douleur infligée n'empêche pas un grand nombre de sujets - au moins un sur trois - de se F. Anceaux - FSMS Licence 1 soumettre à la volonté d'une autorité somme toute arbitraire. Psychologie Sociale III.D.1. Les expériences de Milgram Variante 5: La distance physique entre le sujet professeur et «l’autorité » Qu'advient- il si, plutôt que de rapprocher la victime de l'enseignant on éloigne ce dernier de l'expérimentateur qui se trouve maintenant dans une troisième pièce et donne ses ordres par téléphone? Beaucoup de sujets font semblant d'obéir mais n'envoient pas en fait de chocs électriques ou en envoient un beaucoup plus bénin que celui qui leur était demandé. Il semble donc que l'autorité amoindrie de l'expérimentateur puisse expliquer une réduction de l'obéissance. Il n'en reste pas moins que 20,5 % des sujets exécutent scrupuleusement la tâche jusqu'à 450 volts. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.D.1. Les expériences de Milgram Variante 5: Le nombre et l’unanimité des « professeurs »…… La tâche d'enseignant est, cette fois, partagée entre trois personnes : un sujet et deux comparses; le premier comparse doit lire les mots à l'élève, le deuxième comparse informe le sujet naïf de l'exactitude de la réponse afin que ce dernier administre ou non le choc électrique. A 150 volts, lorsque l'élève/comparse demande pour la première fois de quitter l'expérience, un des comparses/professeur refuse de continuer malgré les exhortations de l'expérimentateur; le second refuse, lui, à partir de 210 volts. S'il n'a déjà pas arrêté lui-même, le sujet naïf peut continuer seul à administrer les chocs jusqu'au dernier bouton. Dix pour cent des sujets s'exécutent: La " rébellion " des comparses est donc contagieuse mais elle n'est pas suffisante pour décourager complètement la soumission. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.D.1. Les expériences de Milgram Variante 6: L’unanimité expérimentateurs) de l’autorité (les Dans l'expérience imaginée par Milgram, un expérimentateur veut arrêter à 150 volts tandis que l'autre veut absolument continuer. Sur les 20 sujets testés dans cette condition, un sujet avait déjà renoncé avant le point de désaccord, 18 arrêtèrent au moment précis du conflit entre les deux expérimentateurs et le vingtième sujet ne continua que pour un seul niveau supplémentaire de choc. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.D.1. Les expériences de Milgram Cette série d'expériences illustre, de façon dramatique, la soumission totale qu'engendre une autorité quelconque : que celle-ci ordonne de continuer à délivrer des chocs ou de les arrêter et la plupart des gens s'exécutent. A ce moment, c'est l'autorité qui devient responsable Allport a appelé ces recherches, les expériences « Eichmann » : On se souvient qu'Adolphe Eichmann a basé toute sa défense sur le fait qu'il n'était pas responsable mais qu'en citoyen respectueux des lois, il ne faisait qu'obéir aux ordres de ses supérieurs. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.D.1. Les expériences de Milgram Beaucoup de sujets dans les expériences de Milgram ont suivi le même raisonnement: ils étaient prêts à continuer d'envoyer des chocs pour autant que l'expérimentateur les assure qu'il prenait la responsabilité de ce qui pouvait se produire. Cette diffusion de responsabilité apparaît de manière effarante dans la dernière expérience de Milgram que nous citerons. Dans celle-ci, le sujet naïf n'avait pas à donner luimême les chocs électriques mais s'occupait à des tâches contribuant à l'expérience, un comparse obéissant délivrant les chocs. 92,5 % des sujets terminèrent l'expérience dans sa totalité, c'est-à-dire jusqu'à 450 volts ! F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale III.D.1. Les expériences de Milgram Pour terminer, une note optimiste. Milgram, conscient du fait que ces expériences pouvaient avoir des effets néfastes sur les sujets les a fait suivre par des psychiatres et psychologues… Il y eut en fait peu de conséquences néfastes. Au contraire, la plupart des sujets se sont déclarés heureux d’avoir été confrontés à une telle prise de conscience et affirmèrent avoir changé leur manière de voir les choses. F. Anceaux - FSMS Licence 1 Psychologie Sociale