1 LES PROCESSUS CULTURELS ET INSTITUTIONNELS DANS LE 1
DEVELOPPEMENT. Le cas du Pérou.
Résumé
Depuis la prise de conscience du besoin de développement de diverses nations, plusieurs éléments
d’analyse et plusieurs modéles ont essayé -la plupart du temp en vain- de casser une supposée “spirale
du sous-développement”. Tandis que l’orthodoxie économique dominante prônait l’universalité des
théorèmes individualistes et le primat de l’économie, les théories traditionnelles du développement,
hétérodoxes, ont tenté de fournir les éléments indispensables pour Ctablir les bases d’un modèle
alternatif.
Les débats entre ces deux courants ont été riches et steriles à la fois. La décennie 90 semble avoir
enterré l’idée d’un “autre développement”, dont les echecs pendant les armées 70 ont été flagrants, en
diffusant -souvent de manière radicale- le néo-libéralisme, enfant terrible de l’orthodoxie, Cependant, le
néo-libéralisme ne semble pas impulser le développement des “pays du Sud”; au contraire, souvent des
effets inverses sont visibles. Est-ce une impasse? Certainement pas; d’autres CIéments, souvent délaissés
par les analyses traditionnelles, peuvent être à même d’impulser le développement et de briser
différents clivages.
II s’agit d’eléments extra-économiques ou hors-marché, comme la culture, la confiance, la famille, la
réciprocité, la morale, la religion, et tout un ensemble de valeurs profondemment ancrées dans l’identité
de communautés spatialement et temporalement définies. Ces éléments peuvent être vus comme des
institutions qui tvoluent grâce à des dynamiques d’alimentation et de rétro-alimentation d’actifs
actualisés par les individus qui composent une société. Les éléments hors-marché conforment donc des
processus de changement par hybridation entre les institutions du passé et celles qui, par la pratique,
sont verrouillées. Ces hybridations peuvent être représentées dans des alliages entre la tradition et la
modernité, entre l’individu et la communauté, et surtout, dans l’articulation entre marché et hors-
marché.
Les processus hors-marché, en s’articulant avec les processus marchands, pourraient donc être a même
de constituer de véritables moteurs du développement, car ils produisent les changements qui lui sont
indispensables. Ainsi, telle l’ethique protestante pour la naissance du capitalisme et l’avènement de la
révolution industrielle, ou le confkiannisme pour l’essor des économies du Sud-Est asiatique, l’étude du
vaste monde de I’hors-marché devient impérative.
En effet, dans les sociétés du “Tiers-Monde” les processus extra-économiques sont incontestablement
présents. Ils sont essentiellement visibles dans les domaines souvent “flous” et difficiles a expliquer par
l’économie standard, II s’agit, par exemple, du secteur informel et surtout de l’émergence d’une
multitude de micro-entreprises qui, d’une rnanière’-hYbrc”é.oU’syncrpClque, croissent, evoluent et créent
des dynamiques de progrès. Des exemples comme ceux-ci sont notamment observables dans les
districts industriels ou clusters, qui s’insèrent dans une dynamique territoriale spécifique, et qui
correspondent à une identité socio-culturelle solide, pilier de tout développement.
Pour illustrer ces dynamiques, l’exemple des petites et micro-entreprises peruviennes est fort
intéressant. Plusieurs chercheurs et spécialistes ont vu, dans les petites et micro-entreprises, la clef du
développement du Pérou. Cependant, en analysant bien ces demiéres, on constate que parmi la
multitude d’entreprises de cette taille, seulement quelques unes sont dynamiques et pourraient
représenter un réel potentiel. II s’agit des unités de production industrielle qui transitent entre la micro et
la petite entreprise (de 5 à 19 travailleurs) et qui représentent 30% de l’ensemble. Or, ce dynamisme et
ce potentiel ne répondent pas aux petites et micro-entreprises vues d’une manière isolée. Ils
correspondent a un processus de changemement institutionnel.
Ce dernier s’est opéré au Pérou depuis des années, dans lequel la population andine et rurale, en
migrant vers les villes urbaines et modernes, a profondément modifié la société, la politique et
l’économie du pays. Ce changement s’est produit par des hybridations ou des syncrétismes entre les
valeurs andines traditionnelles et les valeurs occidentales urbaines. Au sein de ces processus, les
éléments hors-marché ont eté essentiels (la famille, les liens d’ethnicité, la réciprocité, la confiance,
I’ethique du travail), d’autant plus qu’ils se sont articulé aux éléments marchands. Le résultat de ces
alliages a donne naissance a la dynamique micro-entrepreneuriale ainsi qu’à des districts industriels très
c
prospères dan: lesquels l’identité socio-culturelle est essentielle.