Janine REVEL
Fiche de niveau 3. Droit de la famille / Liberté des conventions matrimoniales /
2007
Le changement de régime matrimonial
Le régime matrimonial a été soumis au principe de l’immutabilité absolue jusqu’à ce que
la loi de 1965 assouplisse ce principe en introduisant la mutabilité sous contrôle
judiciaire ; depuis la loi du 23 juin 2006, le régime matrimonial peut être
conventionnellement modifié et ce n’est qu’à titre exceptionnel que la convention des
époux est soumise au contrôle du juge.
Les fondements qui justifiaient l’immutabilité ont perdu de leur pertinence avec le temps:
le contrat de mariage n’est plus perçu comme un arrangement des familles des futurs
époux, les donations entre époux et les transferts de patrimoines de l’un à l’autre ne sont
plus affectés de méfiance, et l’information des tiers peut être assurée par un système
efficace de publicité. Ainsi, pendant qu’était dénoncée la rigidité de la permanence du
régime, les intérêts de la possibilité d’en changer étaient au contraire mis en lumière. Et
il est certain que le régime choisi lors du mariage peut avec le temps ne plus être adapté
à la situation des époux (vieillissement ; situation professionnelle).
En pratique, prédominent deux grands types de changement ; la substitution de la
séparation de biens à un régime communautaire motivée par les responsabilités
professionnelles encourues par un époux, et, à l’inverse, l’adoption d’une communauté
élargie, le plus souvent universelle avec l’adjonction d’une clause d’attribution intégrale
au survivant, choix des couples âgés qui, après une longue vie commune, anticipent sur
l’avenir.
Désormais, l’article 1397 du Code civil (rédaction de la loi du 23 juin 2006) laisse aux
époux la liberté de réaménager, par convention conclue pendant le mariage, leurs
relations patrimoniales après un délai de 2 ans. Cette convention doit être notariée,
comporter la liquidation du régime modifié et être conforme à l’intérêt de la famille.
La loi prévoit l’information préalable des tiers intéressés ; il s’agit de ceux « qui avaient
été parties au contrat modifié », par exemple les parents qui ont consenti une donation
aux époux à l’occasion de leur mariage, les enfants majeurs de chacun d’eux et leurs
créanciers.
Tous les destinataires de cette information disposent d’un droit d’opposition à la
modification du régime matrimonial.
A titre d’exception, le changement est judiciaire si opposition a été formée par l’une de
ces personnes et lorsque les époux ont des enfants mineurs.
Le juge doit opérer un contrôle de légalité (délai de deux ans exigé entre deux
changements ; consentement libre et éclairé des époux, forme notariée de la
convention), et examiner les motifs de l’opposition, ce qui l’amène à apprécier
l’opportunité du changement eu égard à l’intérêt de la famille d’un côté et à l’intérêt des
opposants de l’autre.
Lorsque ce sont les enfants qui forment opposition, par exemple lorsque le projet de
convention prévoit l’adoption de la communauté universelle avec attribution intégrale de
la communauté au conjoint survivant, situation qui a pour effet de différer leur droit
successoral au décès du second parent, pendant que le conjoint survivant bénéficie de
tous les biens du ménage, le juge doit faire une « appréciation d’ensemble » de ces
intérêts divergents et la Cour de cassation a déjà jugé que le souci de subvenir aux
besoins du conjoint survivant était conforme à l’intérêt de la famille ; la prévoyance est
légitime.
L’opposition formée par les créanciers se présentera lorsque les époux adoptent un
régime séparatiste ; l’appréciation des intérêts respectifs – celui de la famille qui est de
mettre à l’abri certains biens essentiels, et celui des créanciers qui est de conserver
l’assiette de leur gage – est plus difficile. Mais le juge aura dans la convention qui
comporte obligatoirement la liquidation du régime modifié, des éléments solides
d’appréciation.