LLHUM 231 MARCHAND Méthodologie dissertation (PDF, 102 Ko)

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Méthodologie : la dissertation.
I. Définition de l'exercice
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d’abord c’est un exercice scolaire, qui obéit donc à une méthode à laquelle il faut se plier,
même si ce n'est pas la seule façon de faire de la philosophie. Ce qu'on appelle dissertation
en France, cela n'a rien à voir avec la Dissertation de Kant dans la Dissertation de 1770 ou
les dissertations de Nietzsche dans la Généalogie de la morale.
Le but d'une dissertation est de formuler une réponse articulée à un problème posé, que ce
problème soit formulé par une question (type : « faut-il vivre à tout prix ? ») ou par un
concept ou une formule (type : « le courage », cette forme est moins courante dans les
premières années universitaires, mais assez communes dans les concours). Une réponse
articulée, cela signifie qu'elle doit emprunter un certain cheminement de pensée structurée
en plusieurs parties, élaborer un raisonnement par lequel on montre quelles sont les
difficultés posées par la question, quelles sont aussi les différentes formes d'approches ou de
réponses possibles à la question, et enfin quel est la réponse que l'on propose à la question.
Cette définition permet de comprendre, d'une part qu'il n'y a jamais une seule réponse
possible à la question, d'autre part que le chemin parcouru est aussi important que la
réponse (pour autant il faut absolument prendre parti, c'est-à-dire répondre à la question ;
seulement on juge de la validité de cette réponse à partir du raisonnement suivi). Cette
définition permet aussi de comprendre que l'éventail des réponses possibles au sujet est
souvent plus large qu'on ne le pense ; on peut répondre par « oui » ou par « non » à la
question posée, mais on peut aussi refuser le dilemme posé par le sujet, montrer la nécessité
de poser autrement la question, ou inviter à définir autrement le problème que ne le fait le
sujet. Tout dépend en réalité de la problématique adoptée pour traiter le sujet.
L'exercice suppose aussi de se soumettre à un certain nombre d'exigences minimales :
•
impératif formel : Qu’il y ait une introduction, conclusion, des parties visiblement
découpées (minimum 2, maximum 4), écrites en français, lisibles.
•
impératif de contenu : que tout ce que l’on avance soit justifié et argumenté : il faut
donner des raisons qui font que l’on pense plutôt ceci que cela. Il faut toujours pouvoir
expliquer pourquoi on a écrit cela : obéir aux principes logiques de la pensée : ne pas se
contredire, ne pas utiliser de faux arguments,...
II. La méthode
Pour apprendre à composer des dissertations le mieux est de procéder par étapes. On suivra
ici les étapes que l'on doit parcourir quand on compose une dissertation, en insistant sur un point
important : le travail préparatoire (avant l'écriture du devoir) est une étape essentielle à laquelle on a
coutume de consacrer trop peu de temps. Très souvent la qualité du devoir se joue au début, au
moment où l'on se met à analyser le problème ou à cerner les enjeux du sujet...
Le travail de composition peut se découper en 6 étapes :
1)
2)
3)
4)
5)
6)
7)
analyse simple du sujet
recherche du présupposé du sujet
dégager les forces en présence
formulation du problème
Elaboration d'idées, d'arguments et d'exemples
Elaboration du plan
Rédaction
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1) analyse du sujet
Il s'agit de s'assurer qu'on comprend le sujet. C'est à partir de cette étape qu'on pourra construire le
problème qui organisera tout le devoir.
Pour bien analyser le sujet il faut :
•
s'assurer qu'on comprend bien tous les termes du sujets (utiliser le dictionnaire Robert),
comprendre aussi la forme grammaticale du sujet (cf. dans le sujet « pense-t-on jamais par soimême ? » on doit se demander ce que signifie ce jamais).
•
Réfléchir sur la question de la définition des termes. Il faut bien voir que la plupart des
dissertations amènent à réfléchir sur la conception que l'on se fait d'un certain nombre de
concepts fondamentaux de la philosophie (la vérité, la liberté, le devoir...), que les sujets portent
explicitement sur ces notions ou pas. Il s'agit donc dans un premier temps de localiser ces
notions, et ensuite d'essayer de les définir, au moins dans le contexte du sujet. Pour cela il ne
faut pas de contenter des définitions nominales données par le dictionnaire et savoir chercher
derrière elle les problèmes philosophiques qui se posent. Il ne faut pas prendre de manière rigide
les définitions et voir que derrière des questions de définitions il y a des problèmes
philosophiques. C'est la raison pour laquelle dans un devoir on finit souvent par la redéfinition
des termes sur lesquels on réfléchit.
•
Il faut aussi essayer de se demander quels sont les domaines d'application ou de réflexion que
impliqués par la question posée : ie qu'est-ce qu'elle met en problème : une question
d'esthétique, une question morale, une question politique : permet de cerner le champ
d'application du sujet et ce vers quoi on va aller.
2) recherche du présupposé du sujet, des thèses sous-jacentes
La meilleure façon pour commencer à structurer sa réflexion face à un sujet est peut-être d'adopter
une attitude réflexive, c'est-à-dire de se demander « pourquoi on me pose cette question ? »,
« pourquoi la question se pose-t-elle ? ». Cette méthode fonctionne bien pour les sujet-questions
mais peut être aussi transposé pour les « sujet-notions », il suffit de se demander « pouquoi le
problème du 'courage' se pose ? », « pourquoi le problème de 'la notion x' se pose ? ».
Se poser cette question permet de voir que très souvent les sujets portent sur des expressions
ou sur des thèses qu'on pourrait accepter comme des évidences que le sujet demande de remettre en
cause. Si la philosophie est l'ennemie des évidences, alors attend de l'auteur de remettre en cause
des fausses évidences, du moins de les interroger. Très souvent les sujets portent sur des expressions
communes, des lieux communs que l'on invite à interroger ; pas forcément pour les critiquer, mais
au moins pour se demander si ces formules sont susceptibles de supporter un examen rationnel. [on
peut penser par exemple au sujet « peut-on se mentir à soi-même » ; un tel sujet demande de
s'interroger sur ce qu'on entend par là, si c'est possible, si ce n'est pas en soi contradictoire. Le
premier effort à faire est donc d'adopter cette posture réflexive vis-à-vis du sujet. Cette position
suppose donc de ne pas se précipiter pour répondre à la question et de se demander d'abord
pourquoi la question se pose.
Les questions posées par le sujet invite donc à chercher dans la question elle-même des
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thèses ou des positions sous-entendues dans le sujet. Passer à un mode réflexif permet déjà
d'identifier à peu près ce qu'il s'agit d'interroger ou de remettre en cause. On peut définir ce qu'on
peut appeler « le soupçon du sujet ».
3) Dégager les thèses en présence
Une fois qu'on a dégagé le présupposé du sujet, on peut essayer de répartir les thèses et de cerner les
premières opposition : il s'agit de voir rapidement les forces ou les thèses susceptibles de s'opposer
au moins à un premier niveau d'élaboration. Quelles sont les conceptions, ou les positions
philosophiques qui peuvent être opposées sur la question posée, et à partir des analyses que l'on a
faites.
Exemple :
– « être libre est-ce faire ce que je veux ? » : cette formule est une évidence ou un lieu
commun qu'il faut remettre en cause. Le remettre en cause ne signifie pas cependant qu'on
doit nécessairement dire que « la liberté ce n'est pas faire ce que l'on veut », on peut tout-àfait soutenir une telle définition de la liberté, néanmoins, l'objectif de la dissertation c'est de
passer au crible une telle définition et voir si elle résiste, et ce qu'elle implique.
– « la violence est-elle toujours moralement condamnable ? ». Si on se pose la question c’est
que peut-être il y a des raisons qui font que cette violence n’est pas toujours condamnable.
On peut voir assez rapidement les forces en présence :
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Une thèse ‘de sens commun’ : la violence est condamnable, toute violence est
condamnable et mauvaise, qui exprime finalement la condamnation morale de la
violence : ce qu’il faut c’est que les hommes vivent en paix, et non comme des
animaux.
– Une thèse paradoxale (ie qui va à l'encontre de la doxa, de l'opinion commune) : la
violence n’est pas toujours condamnable, même si elle l’est souvent parce qu’elle
est parfois nécessaire pour arrêter la violence ou pour faire naître un ordre nouveau.
Cette étape consiste à faire varier les points de vue. En général quand on ne réfléchit pas trop on a
tendance à répondre « cela dépend des cas ». Cette étape consiste à prendre conscience des
positions philosophiques qui permettent de penser comment comprendre la diversité des cas et des
réponses. Plutôt que de répondre directement au sujet, on cherche à comprendre quels sont les
positions philosophiques possibles qui permettent de s'engager pour répondre au sujet. Il faut
chercher aussi à voir sur quoi se fondent ces différentes conceptions.
Cette étape permet aussi de se rapprocher du problème posé par le sujet. S'il n'y a pas pas de
réponse unique à une question simple, c'est qu'il y a un problème philosophique derrière, c'est-à-dire
une conception philosophique, une thèse que l'on va chercher à exprimer.
[Exemple: « peut-on perdre son temps ? ». La réponse spontanée consiste à dire que « cela dépend
de ce qu'on fait, etc... ». La méthode consiste à dire que cette réponse est insuffisante et de chercher
en fonction de quelle définition ou de quelle conception du « temps bien mis à profit » ou même de
ce que c'est que le temps que l'on peut élaborer une réponse philosophique à la question. Si je dis
que je perds mon temps à faire de la philosophie plutôt qu'à apprendre un vrai métier : c'est que
j'engage une certaine définition du temps gagné : c'est du temps utile, du temps qui permet ensuite
d'avoir un métier, de gagner de l'argent. C'est supposer que perdre son temps c'est l'utiliser à
quelque chose défini en fonction de certains critères : argent, efficacité, carrière. Mais je vois bien
aussi que je peux prendre les choses autrement – et peut-être même que je dois prendre les choses
autrement – : je peux aussi me dire que toute activité humaine est perte de temps, puisque le temps
ne se garde pas, qu'il passe quoique je fasse.... Ces deux réponses engagent deux conceptions du
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temps que je dois faire dialoguer ou que je dois opposer, pour voir que la réponse à la question
dépend tout simplement de réfléchir à la conception du temps que l'on doit avoir et de son rapport à
l'existence. Il peut donc être très utile de commencer par examiner la multiplicité de la relativité des
réponses aux questions pour voir comment elles se distribuent en fonction de la façon qu'on a de
concevoir les choses. La dissertation consiste alors en un examen de la logique de ces différentes
conceptions, et d'une décision pour chercher à savoir s'il n'y a pas dans ces différentes conceptions
certaines qui sont plus vraies ou préférables que d'autres...
4) formulation du problème
A partir de cette opération de distribution des thèses en présence, on voit alors apparaître le
problème sous-jacent à la question posé. Il est possible qu'il y ait plusieurs problèmes ; on choisira
alors celui qui semble convenir le mieux pour traiter le sujet. Il faut le choisir bien parce qu'ensuite
c'est en fonction de la formulation qu'on aura choisie du problème que toute la dissertation sera
construite.
Le problème désigne ici la question proprement philosophique que l'on a dégagé et qui soustend la question posé. Il n'est pas nécessaire que ce problème soit très compliqué, il est souvent très
simple, mais massif. Et il s'agit de voir que c'est en fonction de la réponse que l'on donne à ce
problème que l'on peut répondre à la question posé dans le sujet.
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Pour les sujets qu'on a pris en exemple :
« la violence est-elle toujours condamnable ?» : ce sujet pose le problème de la légitimité de
la violence, ie de savoir si l'usage de la force ne viole pas toujours un impératif moral.
« être libre, est-ce faire ce que je veux ?» : le sujet pose évidemment le problème de la
définition philosophique de la liberté, et plus précisément la question du lien entre la volonté
et la liberté. Le problème est de savoir alors si la liberté est un état aussi spontané et
immédiat que l'expérience de la volonté ou du désir, ou si ce n'est pas aussi le résultat de
médiations liées à la compréhension et l'intégration de certaines contraintes..
5) Elaboration d'idées, d'arguments et d'exemples
Une fois que l'on a trouvé le problème, il faut repartir de la distribution des thèses en présence, et
les reprendre en fonction du problème. Il s'agit de les formuler comme une thèse particulière
– par rapport au problème
– par rapport au sujet
On se retrouve alors avec deux grandes thèses, qui constituent deux réponses différentes, et souvent
contraires à la question posée. On va chercher à les étoffer, à les renforcer :
– en cherchant sur quels types d'arguments elles peuvent s'appuyer
– en veillant à ne pas confondre les arguments, en les distinguant bien pour pouvoir ensuite les
articuler finement
– en cherchant des références pour les illustrer : références philosophiques.
– En cherchant aussi des exemples, que l'on peut construire soi-même, ou tirer de la littérature,
de l'histoire. Il faut travailler et élaborer ces exemples qui ne doivent pas être de simples
illustrations, mais des éléments de même valeurs – avec cependant une autre fonction – que
les arguments.
Dans cette recherche – qui est un vrai moment d'approfondissement – on devrait aussi trouver les
moyens de dépasser l'opposition sur laquelle on est en train de travailler, càd que devrait apparaître
les moyens de voir en quoi l'opposition d'où on est parti, et peut-être même le problème peuvent
être dépassés ou qu'on peut en changer l'approche. C'est ce qu'il faut faire pour trouver une
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troisième partie : il ne s'agit pas tant – comme on le dit dans la caricature d'un plan dialectique – de
proposer une synthèse des deux positions précédentes, il s'agit plutôt de voir selon quel point de vue
on est arrivé à dépasser la première opposition
6) Elaboration du plan
On peut alors construire son plan : il faut veiller à produire pour soi un plan détaillé, où apparaissent
clairement :
•
les arguments principaux
•
les parties mais aussi les sous-divisions des parties et des sous parties : faire apparaître les
exemples et leur rôle
•
les récapitulations (ie se demander à chaque fois comment tel sous parties répond au sujet)
•
les transitions : il faut les écrire dans le plan pour qu'apparaisse synthétiquement la logique
du raisonnement
7) Rédaction
On veillera particulièrement à l'orthographe, à la syntaxe
Il faut apparaître la structure principale du devoir à l'oeil nu (ie indiquer par des sauts de lignes les
principales articulations : introduction/parties du développement/conclusion)
Introduction :
– il est conseillé de partir d'un exemple qui permette d'introduire au sujet ou au problème du
sujet.
– De cet exemple on présente la question posée
– On montre comment de cette question on tire le problème philosophique.
– On annonce les parties qui permettront de répondre au sujet en éclaircissant le problème.
Cette présentation peut se faire par hypothèse (si on considère que...alors la réponse sera....)
Développement :
– il faut veiller à bien développer ses références philosophiques : elles ne sont pas des
illustrations mais des fondements qui servent à penser une réponse au sujet.
– Suivre la règle « autant de citations, autant de commentaires de la citation »
– il faut veiller à faire constamment le lien entre ce qu'on écrit et le sujet : c'est la meilleure
façon d'éviter le hors sujet : se demander constamment en quoi cette phrase constitue une
avancée par rapport au sujet
– Bien développer les exemples : eux non plus ne sont pas des illustrations, mais des objets de
travail dans lesquels on élabore ou on teste une théorie philosophique
Conclusion :
– rappeler le sujet
– rappeler le problème posé
– refaire rapidement les étapes du raisonnement
– Répondre au sujet posé.
– Inutile de pratiquer l'ouverture.
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