Un concept thérapeutique pour l’amélioration de la fonction musculaire chez le patient atteint de syndrome post-polio. Paru dans Polio-Europa en langue allemande en 2001 Dr. Michel Kraemer Performance du muscle normal, mauvais rendement du muscle malade Le cercle vicieux des processus de contrôle déficients. On peut schématiquement décrire deux groupes de muscles. Ceux qui font essentiellement un travail de soutien et ceux qui s’occupent avant tout de mouvements. Dans un fonctionnement normal, quand un muscle est au travail (agoniste), le muscle chargé du travail opposé (antagoniste) doit être mis au repos. Ainsi, les muscles ne font pas d’opposition et maintiennent par cette régulation un équilibre. Toute maladie des muscles ou de leurs nerfs conduit à des perturbations de l’équilibre entre fléchisseurs et extenseurs, agonistes et antagonistes. Indépendamment de la cause le la perturbation, les muscles lents de soutien vont réagir en se raccourcissant et les muscles rapides propres au mouvement en s’affaiblissant. Dans l’entité décrite sous le nom de syndrome post-poliomyélitique (SPP), ce déséquilibre peut être particulièrement bien observé : la perte de force est due, non seulement à la perte de masse musculaire, mais aussi à l’action déprimante des muscles de soutient sur leurs antagonistes (pseudoparésie). Ceci est dû au fait que les muscles lents de soutient entretiennent une activité ininterrompue qui „endort“ celle de leurs antagonistes. Cette pseudoparésie conduit à l’inactivité de certains faisceaux musculaires qui de ce fait s’atrophient. Cette atrophie des muscles du mouvement entraîne à son tour la tendance au raccourcissement des muscles de soutien. On est présence d’un cercle vicieux où la cause de la faiblesse musculaire n’est plus la maladie virale causale mais la dysfonction musculaire ellemême. Les muscles ne sont pas uniquement à l’origine de mouvement ou de chaleur. Il faut aussi les considérer comme des organes des sens qui ont un rôle essentiel dans la conscience corporelle et dans la perception des activités. Le cerveau perçoit les informations en provenance de la musculature et renvoie ses ordres à chaque faisceau musculaire, changeant ainsi une attitude ou modifiant un mouvement. En cas de dysfonction musculaire, les muscles ne peuvent livrer que des informations erronées au cerveau ce qui aboutira à des réponses mal adaptées. Ce n’est pas seulement par perte de force que le patient ne peut se mettre sur les jambes. C’est également, et peut-être surtout, en raison de réponses motrices inappropriées. La force musculaire, la coordination motrice, la conscience corporelle et la possibilité d’entraînement musculaire ne sont ainsi pas uniquement perturbés par la seule paralysie causale. Le but essentiel de la thérapie sera dès lors la lutte contre la dysfonction musculaire. Il est en effet possible d’influencer favorablement les processus de contrôle et ainsi d’interrompre le cercle vicieux. La musculature encore active aura une meilleure coordination et se fortifiera. La maladie causale ne sera bien sûr pas influencée. S’il n’est pas possible d’interrompre ce cercle vicieux, l’état musculaire va continuer à se dégrader et la structure même du muscle dégénérer en raccourcissements et contractures qui ne seront plus influençables. C’est ainsi que se développent par exemple un pied creux, souvent associé à un équin, avec comme conséquence une difficulté ou une perte de la marche. On peut aussi voir se développer une scoliose, des douleurs par surcharge des groupes musculaires encore actifs ou par usure articulaire. Tout ceci entraîne à son tour une dégénérescence des fibres musculaires du fait d’une utilisation toujours plus réduite. Le concept de traitement combiné 15 années de mise au point de différentes techniques ont été nécessaires pour aborder le problème complexe de ces pathologies. Il en résulte un concept de traitement combiné se composant des éléments suivants : - Atlasthérapie selon Arlen: Elle va agir, par l’intermédiaire de réflexes dont l’origine se situe dans la nuque (Atlas = première vertèbre cervicale), sur le contrôle de la tonicité musculaire en général ainsi que du système nerveux autonome. C’est une technique de médecine ostéopathique parmi les plus douces dans l’arsenal dont disposent les médecins de médecine manuelle. - techniques manuelles dites classiques appliquées par le médecin Elles diminuent les contraintes mécaniques au niveau de la colonne vertébrale et des articulations périphériques. Les simples mobilisations ne sont pas suffisantes ou demandent une trop longue durée d’application pour montrer des effets. Une légende issue d’idées des années 50-60 a fait dire que la répétition de gestes manipulatifs pouvait endommager les articulations et les rendre instables. Ces arguments étaient peut-être crédible avec les techniques anciennes. Avec les techniques de faible amplitude et grande vélocité enseignées de nos jours, ceci est impossible. Il faut bien sûr que le médecin soit rompu à ces techniques et que le traitement reste indolore. - ondes de choc externes. Il s’agit de l’application d’une onde de choc sonore dont les caractéristiques ont été modifiées par rapport aux appareils du commerce. L’onde est non focalisée et sert à stimuler (sensibilité musculaire) et détendre (réduction du tonus) la musculature. - techniques myofasciales selon Ward un rôle particulier semble être tenu par les fascias musculaires qui entourent chaque muscle, leur donnent une forme précise, guident leur action mécanique et aident à leur glissement. Ils sont en étroit contact avec des terminaisons nerveuses qui donnent des informations au système autonome (système végétatif). Des connexions au niveau de la moelle rendent possibles des relations entre le contrôle du système moteur et le système myofascial. Les techniques myofasciales réduisent les anomalies de consistance (viscoélasticité) de la musculature. - kinésithérapie La kinésithérapie a pour but de transformer les améliorations biomécaniques obtenues sur le muscle en amélioration des schémas posturaux et moteurs. Hypothèses et évolution L’Atlasthérapie agit sur le contrôle du tonus, la médecine manuelle classique et les ondes de choc sur les troubles biomécaniques locorégionaux, les techniques myofasciales sur le système végétatif et la viscoélasticité du muscle. Toutes les techniques citées améliorent la biomécanique musculaire et articulaire et donc la perception corporelle. De meilleures informations permettent au cerveau de concevoir de meilleures réponses en terme de schéma moteur. La médecine manuelle essaye de montrer au système de contrôle quelles sont les possibilités de travailler de façon plus économique. La rééducation des patients atteints de poliomyélite est délicate et complexe. Elle implique un coût qui doit être mis en balance avec le but escompté. Dans notre équipe, nous essayons, lors de la première consultation, de formuler le plus précisément possible avec le patient et sa famille, le but fixé. Tout espoir vain et illusoire doit être écarté. Le patient en fauteuil roulant ne remarchera probablement plus mais il sera peut-être possible de lui permettre l’utilisation d’une main ou de lui améliorer la ventilation. La fonction de muscles raccourcis peut-être améliorée, la structure de muscles rétractés ne peut être allongée. Seuls des muscles encore vivants peuvent s’améliorer sur le plan fonctionnel et seront de nouveau entraînables. La vitesse d’involution de la musculature d’un syndrome post polio joue également un rôle. Selon notre expérience sur de longues années, 2 à 3 semaines de traitement quotidien de la musculature, de la colonne et des membres sont nécessaires pour réapprendre à un système de contrôle perturbé des habitudes de fonctionnement plus normales. Le traitement manuel par le médecin doit être compété le jour même par des techniques de massage et de kinésithérapie, éventuellement d’ergothérapie qui vont utiliser cette libération biomécanique et aboutir à une possibilité de rééducation du système et à un effet d’entraînement. Une fois traité, le système de contrôle a bien sûr tendance à retrouver, en raison de l’existence des troubles neurologiques, ses anciennes erreurs de fonctionnement. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de poursuivre, dans un premier temps, cette action de la médecine manuelle en monothérapie à intervalles régulier, toutes les quelques semaines pour améliorer la biomécanique. Ce traitement sporadique peut avoir lieu chez un confrère à proximité du domicile du patient. Dans l’ensemble, ce traitement doit être ininterrompu, en raison du caractère définitif de l’affection causale. Résultats Environ 150 personnes porteuses d’atteintes neuromusculaires ont été jusqu’à présent traitées avec cette thérapie combinée. Les troubles fonctionnels musculaires du syndrome post-polio réagissent toujours pendant les 2 à 3 semaines de traitement. Il en résulte une amélioration notable de la force musculaire, une diminution de la fatigabilité qui va encore être sensible pendant plusieurs mois après le traitement. Les coûts Les caisses de sécurité sociale ne pouvaient imaginer l’implication de la médecine manuelle ni celle des ondes de choc dans le traitement des maladies neurologiques. La médecine manuelle est soumise en Europe à des contraintes extrêmement restrictives. Atlasthérapie et techniques myofasciales ne sont pas reconnues, leur prise en charge n’est donc pas envisageable et un remboursement est du domaine de l’illusoire. Tant qu’il n’existera pas de contrat entre les thérapeutes et les caisses, un remboursement ne pourra être envisagé et le patient se verra adresser une facture de soins. Ceci ne devrait pas poser de problèmes aux assurés privés. En moyenne il faut compter, pour un traitement de 2 semaines comportant 5 jours par semaine médecine manuelle, kinésithérapie, massage et ondes de choc (3 fois par semaine) une somme d’environ € 2.000 à 2.200. A cette somme il faut rajouter la nourriture, l’hébergement et éventuellement la piscine thermale. Bibliographie Lohse-Busch H., Kraemer M., Arlen A. Lohse-Busch Kraemer M 1991 H., 1994 Kraemer M., Lohse- 1996 Busch H. et al. Baumann J. Baumann J. B. Kraemer M. U., 1997 2001 Schmerzsyndrome der Lenden-Becken-Hüftregion – Behandlung über Reflexe der obern HWS (Syndromes douloureux de la région lombopelvi-fémorale – traitement par une technique réflexe à partir de la colonne cervicale supérieure) Orthop. Praxis 7 / 27 , 412-415 Atlastherapie nach Arlen – heutiger Stand (Atlasthérapie selon Arlen – le point sur les connaissances actuelles) Manuelle Medizin 32 ; 153-161 Les possibilités actuelles de l’évaluation des thérapies en rééducation et médecine manuelle In : Acquisitions récentes en médecine manuelle Masson Ed. pp. 133152 Treatment of neuromuscular dysfunction in children with spastic cerebral palsy by extra corporeal unfocused shock waves In Siebert, W., Buch M. Extra corporeal shock waves in orthopaedics Eine neuartige Komplexbehandlung zur Verbesserung der Muskelfunktion bei Poliopatienten Polio Europa Aktuell pp 19-20