A la marge du XVIIIème Congrès du PC Chinois:
« Le rôle international de la Chine », une analyse
critique du PC Grec (KKE)
Par Elisseos Vagenas, membre du Comité central du KKE, responsable de la section
internationale du Comité central du KKE
[article publié initialement en 2010 pour la revue internationale communiste]
Traduction AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
L'émergence d'une nouvelle puissance mondiale, la Chine, a éveillé un grand intérêt non
seulement chez les analystes mais aussi chez les travailleurs du monde entier. Cet intérêt est
encore plus fort chez les personnes politisées, qui saisissent l'importance de l'ère des
révolutions sociales entamée avec Octobre 1917 en Russie et qui a conduit à une série de
lutte sociales et politiques importantes et à des révolutions dans le monde entier, parmi
elles la révolution Chinoise. L'intérêt concernant l'émergence de la Chine est contradictoire,
puisque cette émergence se produit sous le drapeau rouge et alors que le Parti communiste
de Chine est au pouvoir.
Néanmoins, une des « leçons » de la contre-révolution en Union soviétique est que les
communistes n'auraient pas du accepté sans esprit critique tout ce que le PCUS a pu dire.
Tout PC, tout en restant fidèle au principe de l'internationalisme prolétarien, devrait étudier
avec ses propres moyens les évolutions de la situation internationale, l'histoire du
mouvement communiste international et tenter de se forger sa propre opinion sur ces
choses, en se servant de la théorie Marxiste-léniniste comme d'un instrument. Le KKE se
réserve le droit de critique au sein du mouvement communiste international avec comme
perspective son renforcement. Le KKE se confronte aux déviations aux principes du
Marxisme-léninisme et aux lois de la construction socialiste, tout en maintenant des
relations bi-latérales avec les partis communistes qui ont différentes approches.
Sur cette base, le KKE, tout en continuant à maintenir des relations bi-latérales avec le PC de
Chine, suit avec attention ses évolutions et forme ses propres analyses qu'il exprime
publiquement ainsi qu'au PCC. Comme nous le savons, le KKE a déjà noté à partir du 17ème
Congrès de 2005 l'expansion des rapports capitalistes en Chine. Dans la période suivante,
cette tendance s'est renforcée et devient même plus évidente.
Les évolutions concernant la position internationale de la Chine dans l'économie
Le poids croissant de la puissance économique chinoise est incontestable. Tout le monde
estime désormais que la Chine a dépassé le Japon et est la seconde économie du monde
après les Etats-unis, tandis qu'en 2010 elle est passée devant l'Allemagne comme premier
exportateur du monde. Entre janvier et octobre 2009, la Chine a exporté pour 957 milliards
de dollars de produits. Les exportations comptent pour 80% des échanges du pays. La Chine
exporte 50 000 produits différents vers 182 pays, tandis que 80 de ces pays ont signé des
accords commerciaux et des protocoles de coopération avec elle. Les premiers partenaires
commerciaux de la Chine sont les principaux pays capitalistes (le Japon, les États-Unis, les
pays européens), qui représentent 55% de son commerce extérieur.
Un fait qui reflète les changements qui se sont produits ces 20 dernières années. Alors que la
Chine exportait en 1993 du pétrole, aujourd'hui elle doit non seulement en importer mais en
2009 les quantités qu'elle importait étaient comparables aux chiffres américains.
En 2010, la Chine a acquis la seconde place mondiale (après les États-Unis) dans la liste des
pays comptant le plus de milliardaires (130), leurs fortunes ayant augmenté de 222% en un
an. On estime que les 1 000 personnes les plus riches en Chine se sont enrichis de 30% en un
an, de 439 milliards de dollars à 571 milliards.
Nous pouvons aussi comparer ces statistiques à d'autres qui démontrent que la misère et
l'exploitation que des centaines de millions de travailleurs vivent dans la Chine moderne,
résultat de la politique de l' « enrichissez-vous » que le PCC suit ouvertement depuis 30 ans.
Nous pouvons mentionner que, selon les chiffre de l'Association patronale chinoise, comme
cela a été rendu publique à la télévision chinoise : 8,5% des 500 plus grandes entreprises du
monde sont chinoises (43 entreprises). En ce moment, les profits des entreprises
américaines est encore le double de ceux des entreprises chinoises mais la tendance va vers
une plus grande profitabilité des monopoles chinois et un taux d'accumulation plus rapide
que ceux américains.
Les statistiques officielles montrent également que dans la période 2004-2010 le nombre
d'entreprises privées en Chine a augmenté de 81%, tandis qu'aujourd'hui on compte 3 596
000 entreprises privées en Chine. Les profits des 500 plus grandes entreprises privées ont
augmenté de 23,27% en 2009.
Dans le même temps, ces entreprises opérant aux côtés des monopoles d’État chinois se
sont inscrits dans une compétition internationale accrue. 117 de ces entreprises ont
participé à 481 plans d'investissement à l'étranger, où elles ont investi 225 millions de
dollars. En tout, les investissements directs chinois se sont élevés en 2009 à 56 milliards de
dollars (5,1% des investissements mondiaux), plaçant la Chine à la 5ème place dans la liste
des investisseurs mondiaux.
L'émergence de la puissance économique chinoise a poussé une série de banques
internationales en juin 2010 (telles que HSBC, la Deutsche Bank, Citigroup) à exiger des
entreprises l'utilisation du Yuan plutôt que du Dollar pour leurs transactions.
Dans le même temps, en septembre 2010, la Chine a acquis de nouveaux bons Américains,
d'une valeur de 3 milliards de dollars, atteignant la somme totale de 86 milliards de dollars,
et a maintenu sa position, devant le Japon, comme premier détenteur international de bons
du trésor Américains. En outre, elle a signé un accord avec le Fonds monétaire international
(FMI) afin d'acheter des bons d'une valeur de 50 milliards de dollars.
Un autre élément intéressant est le désir de la part de la Chine de contrôler autant de
ressources naturelles que possible, des ressources de plus en plus entre les mains
d'entreprises chinoises. L'Afrique est au cœur de cette activité. Dans les années 1990, le
commerce chinois avec l'Afrique dans son ensemble s'élevait à 5-6 milliards de dollars, en
2003, il avait grimpé à 18 milliards de dollars, et en 2008 il a atteint les 100 milliards de
dollars. Aujourd'hui, la Chine a une présence économique importante dans presque tous les
pays africains. C'est dans les pays producteurs de cuivre, comme la Zambie ou la République
démocratique du Congo (RDC) qu'on retrouve les Chinatownen plus forte croissante. Le
Soudan est devenu un des principaux fournisseurs de pétrole du marché chinois : 600 000
barils de pétrole soudanais sont expédiés en Chine chaque jour. Un tiers des importations
chinoises viennent d'Afrique : Angola, Guinée équatoriale et le Soudan sont les principaux
fournisseurs. S'ajoutent le Tchad, le Nigeria, l'Algérie et le Gabon parmi les fournisseurs de
pétrole.
En échange de l'accès aux ressources naturelles des pays africains, la Chine investit dans les
infrastructures routières et les ports, dans les infrastructures nécessaires à la reproduction
de la force de travail (écoles, hôpitaux, logements) ainsi que dans les infrastructures
industrielles de ces pays. Les entreprises chinoises construisent des routes en Angola et au
Mozambique tout en rénovant ports et chemins de fer. Les entreprises chinoises sont
également impliqués dans de nombreux projets à Addis Adeba, capitale de l’Éthiopie et à
Nairobi, au Kenya.
La quête chinoise de matières premières ne se limite pas à l'Afrique mais s'étend à des
régions moins lointaines. Elle comprend des investissements significatifs dans les mines et
les ressources naturelles de Myanmar (bois, pierres précieuses). Selon le Ministère de la
planification nationale et du développement de Myanmar, les investissements directs
étrangers pour l'année 2008-2009 ont été multipliés par six par rapport à l'année précédente
(de 173 à 985 millions de dollars). 87% de ces investissements étaient chinois. Selon
certaines estimations, près de 90% de l'économie de Myanmar est soutenue par le capital
chinois.
Les entreprises chinoises sont actives au Moyen-Orient, en particulier en Iran, où un seul
investissement dans la construction d'un complexe industriel pour la production
d'aluminium a été estimé à 516 millions de dollars. L'Iran est en concurrence avec l'Arabie
saoudite en tant que fournisseur pétrolier de la Chine.
Un autre fournisseur pétrolier important de la Chine est le Vénézuela. La Chine a investi 2
milliards de dollars pour le développement de l'extraction pétrolière dans ce pays. En 2004,
le Vénézuela a vendu 12 000 barils de pétrole par jour à la Chine, en 2006 il lui vendu 200
000 barils par jour et en 2011 cela devrait être de l'ordre de 500 000 barils. Ce pétrole sera
expédié en Chine après avoir été traité dans une nouvelle usine spécifiquement conçue pour
le pétrole brut Vénézuelien. Il passera par le canal de Panama qui est désormais contrôlé par
les grands groupes chinois et a été redessiné de façon à permettre aux tankers Vénézueliens
de passer. La Chine, afin de « lier » économiquement le Vénézuela, a signé des accords
commerciaux d'une valeur de 9 milliards d'euros pour le développement des infrastructures
vénézueliennes, ainsi que dans les secteurs de l'extraction de ressources minières, de
l'agriculture et des télécommunications.
La Chine a été en mesure de gagner un accès aux ressources naturelles de Sibérie et d'Asie
centrale. En août 2010, fut ouvert le pipe-line qui relie la Chine aux ressources naturelles de
l'Est Sibérien. Dans un premier temps, la Chine importera de Russie 15 millions de tonnes de
pétrole par an, un chiffre qui devrait être multiplié par deux à l'avenir.
Par ailleurs, la Chine a été en capacité de se frayer un accès au gaz naturel de la Mer
Caspienne, en construisant un pipe-line au Turkménistan d'une capacité de 30 milliards de
m3. Dans le même temps, elle est en négociations avec l'entreprise russe « Gazprom » pour
la construction de deux nouveaux gazoducs pour le transport de 63 milliards de m3 par an,
l'équivalent de la quantité de gaz transportée par « South Stream » de Russie vers l'Europe
du sud. On estime que la Chine contrôle, en outre, 23% du pétrole extrait au Kazakhstan.
Accroissement de la force militaire chinoise
Ces dernières années la Chine, comme les autres pays capitalistes, a procédé à un
renforcement significatif de ses forces armées. Aujourd'hui, l'armée chinoise est la première
en nombre d'hommes, avec 2 300 000 de soldats. Néanmoins, ce qui compte aujourd'hui est
moins la taille de l'armée que l'acquisition de systèmes d'armement moderne, de forces
militaires bien armées.
En 2010, la Chine a augmenté ses dépenses militaires de 7,5%, atteignant 77,9 milliards de
dollars, 25% de plus que le budget annuel de la Russie mais dix fois moins que le budget
américain. Il faut noter que les Etats-unis jugent que le montant réel que la Chine dépensera
pour les questions militaires sera le double en 2010 et atteindra les 150 milliards de dollars
tandis qu'ils estiment que, dans une période de quatre ans, depuis 2006, les dépenses
militaires chinoises ont quadruplé.
Aujourd'hui, la Chine possède 434 têtes nucléaires, 1 500 missiles balistiques, la plupart
d'une portée de 2 800 kms, tandis que 20 ont une portée de 4 750 kms et 4 une portée de 12
000 kms. Elle est le troisième pays possédant le plus de sous-marins au monde et est parmi
les cinq pays du monde à posséder des sous-marins nucléaires lanceurs de missiles
balistiques. En 2007, la Chine a détruit par un missile un de ses propres satellites,
démontrant sa capacité à agir dans l'espace et à développer son propre programme spatial.
Elle possède encore 7 580 chars et 144 navires de guerre, 1 700 avions de chasse, 500
d'entre eux de 4ème génération et elle possédera des avions de 5ème génération d'ici 2018.
Elle importe des armes mais produit aussi des dizaines de dispositifs d'armement modernes,
achetant les brevets des systèmes d'armement, mais aussi tout simplement en les copiant.
Elle va bientôt acquérir son premier porte-avions.
Selon le rapport de l'Académie chinoise des sciences sociales, la Chine est le deuxième pays
du monde pour ce qui est des dépenses militaires, la taille de ses forces armées et leur
équipement. En conclusion, même si la Chine ne peut encore se comparer pour le moment à
la puissance militaire américaine, même si elle est à la traîne pour ce qui est de la question
de la riposte théorique à une première frappe nucléaire (une capacité que la Russie possède
par exemple), dans le même temps elle a fait des progrès remarquables dans le domaine
militaire. Cela n'est pas ignoré par les États-Unis.
Le renforcement de sa présence dans les organisations internationales
La Chine est un membre de l'ONU depuis sa création, et un membre permanent du Conseil
de sécurité. Elle a augmenté sa contribution économique à l'ONU de 0,995% du budget de
l'ONU en 2000 à 2,053% en 2006, tandis qu'en 1988 elle s'est affichée disposée à contribuer
aux « forces de maintien de la paix » de l'ONU. Depuis, elle a pris part à une dizaine
d'opérations de « maintien de la paix » (Libéria, Afghanistan, Kosovo, Haiti, Soudan, Liban,
etc.) et maintient une « force de maintien de la paix » de 6 000 hommes. Le Ministère de la
Défense de Chine avait noté que la Chine avait participé à 24 missions de maintien de la paix
en 2010, impliquant 10 000 soldats, et qu'elle est le plus actif des membres permanents du
Conseil de sécurité dans les « opérations de maintien de la paix ».
La Chine, avec la Russie et d'autres pays d'Asie centrale, a formé en 2001 l' « Organisation de
la coopération de Shanghai » (OCS), qui tout en menant des exercices militaires annuels
massifs, n'est pas considérée comme un « bloc » militaire et met en avant essentiellement
des questions de coopération économique entre pays de la région et leur sécurisation
politique. Cela démontre tout l'intérêt que la Chine accorde à une région riche en ressources
naturelles, telle que l'Asie centrale qui dans les vingt dernières années est devenue un objet
de discorde dans les rivalités inter-impérialistes. Dans le même temps, la Chine est un
membre de la « Coopération économique Asie-Pacifique » (APEC) depuis 1991, une
organisation fondée en 1989 à l'initiative de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. 21 pays y
participent, des pays qui représentent 40% de la population mondiale, 54% du PIB mondial
et 44% du commerce global.
Enfin, elle a participé aux forums des pays capitalistes les plus développés (au G8 comme
observateur, et au G 20 comme membre à part entière), et dans le même temps, sans
qu'aucune organisation spécifique n'ait été formée, elle coopère avec les pays dits BRIC
(Brésil, Russie, Inde, Chine), qui cherchent à renforcer leurs positions dans le rapport de
force international. Ces pays coordonnent étroitement leurs interventions au G 20, tout en
essayant dans le même temps de coordonner leur action à l'ONU.
Analyses concernant la position et le rôle de la Chine dans le système impérialiste
international
Concernant sa position économique
1 La Chine, particulièrement à partir des années 1980, a lié son économie au marché
capitaliste international. C'est un fait qui n'est pas nié par les dirigeants chinois, mais qu'ils
mettent même en avant. Elle participe activement à la division capitaliste globale du travail
en se faisant l' « atelier du monde » avec une main d’œuvre bon marché, avec des taux de
profit pour ces capitalistes qui ont la capacité d'y investir.
2 Conséquence de ce changement de cap, la Chine s'est vue intégrée par d'autres
puissances impérialistes, avant tout les États-Unis, mais aussi le Japon, l'UE, en raison de sa
dépendance envers eux comme première puissance exportatrice mondiale. Elle fait partie
intégrante du système impérialiste international. Cette relation de dépendance et d'inter-
dépendance est bien exprimée par le fait que la Chine possède des bons américains.
3 Tant que la Chine se renforcera économiquement, ses besoins en matières premières et
en hydrocarbures ne feront que s'accroître. Pour cette raison, les rivalités inter-impérialistes
pour le contrôle des sources énergétiques, en Asie centrale, au Moyen-orient, en Afrique et
en Amérique latine s'aiguiseront au niveau mondial :
Comme l'écrivait Lénine : « Si les capitalistes se partagent le monde, ce n'est pas en raison de
leur scélératesse particulière, mais parce que le degré de concentration déjà atteint les oblige
à s'engager dans cette voie afin de réaliser des bénéfices; et ils le partagent
« proportionnellement aux capitaux », « selon les forces de chacun », car il ne saurait y avoir
d'autre mode de partage en régime de production marchande et de capitalisme. Or, les
forces changent avec le développement économique et politique ».
La compétition pour les parts de marché est particulièrement féroce. Cela est révélé par les
efforts récents des cercles politico-économiques aux Etats-unis pour mettre en œuvre une
législation qui prévoirait de sanctions contre ces pays dont ils considèrent qu'ils
maintiennent leur devise à un taux artificiellement bas, afin de garantir à leurs exportations
des prix compétitifs, s'emparant ainsi de parts de marché et évinçant leurs concurrents.
Les arguments suivants sont souvent avancés pour contredire les éléments soulignés ci-
dessus :
A L'argument selon lequel l'URSS avait également des rapports économiques. Nous devons
rappeler la chose suivante : plus de la moitié des échanges commerciaux de l'URSS étaient
tournés vers d'autres pays socialistes du Conseil d'assistance économique mutuelle. Près
d'un tiers des échanges de l'URSS impliquaient le pétrole et le gaz naturel, qu'il possédait en
abondance, tandis que le tournant vers l'accroissement des exportations et le
développement de relations avec les pays les plus développés, s'est produit après les années
1960, guidé par les conceptions opportunistes de la « coexistence pacifique » et de la
« compétition pacifique ». Néanmoins, même alors, l'URSS n'a jamais possédé 1/3 des bons
américains ni n'a jamais exporté de capital. Et on n'a jamais vu personne en URSS capable
d'acheter le port du Pirée ! Des faits qui démontrent la différence qualitative entre la Chine
d'aujourd'hui et un pays socialiste comme l'URSS
B Quelque fois nous entendons dans certains milieux que, contrairement aux autres
puissances impérialistes, la Chine avec ses investissements dans les pays en développement
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