chirurgie thoracique cardio-Vasculaire - 2012 ; 16(1) : 49-52 51
conduits) car dans ces cas de figure, les shunts et les conduits
sont parfois difficiles à bien visualiser, et il est difficile de diffé-
rencier les végétations d’une dysplasie valvulaire exubérante.
Dans la série de Di Filippo et al. [4], cette sensibilité était de
30 % pour les cardiopathies congénitales cyanogènes com-
plexes, contre 90 à 100 % pour les autres cardiopathies congé-
nitales. Une fièvre persistante avec hémoculture positive
en présence d’un matériel intracardiaque malgré l’absence
de végétations à l’ETO doit faire suspecter une endocardite
infectieuse et être traitée comme telle par une antibiothéra-
pie de 6 semaines. Selon les guidelines récents de la Société
Américaine des Maladies Infectieuses, en cas de persistance
d’une bactériémie au-delà de 72 heures après l’ablation d’un
cathéter infecté, une antibiothérapie de 4 à 6 semaines est
indiquée, surtout s’il s’agit d’une infection au Staphylococcus
aureus (recommandation de niveau A-II) [10]. Dans notre cas
clinique, si cette recommandation avait été respectée, avec
une antibiothérapie initiale plus agressive, l’endocardite ne se
serait peut-être pas produite.
Plusieurs études ont montré le bénéfice de la chirurgie car-
diaque dans la prise en charge des endocardites infectieuses en
termes de réduction de la mortalité [1-2,7-8,11]. Les différentes
séries épidémiologiques internationales ont montré une aug-
mentation progressive du recours à la chirurgie pendant la
phase active de l’endocardite : en France, alors qu’en 1991
seulement 30 % des patients étaient opérés, ce pourcentage
est monté jusqu’à 49 % en 1999 et était de 46 % en 2008 [7].
Les récentes recommandations européennes ont le mérite
d’avoir à la fois codifié les indications chirurgicales, mais aussi
d’en avoir précisé le moment optimal de réalisation. Elles
sont hémodynamiques, infectieuses et emboliques [2,7]. Dans
notre cas il s’agissait d’une indication chirurgicale urgente,
infectieuse (infection non maîtrisée au-delà d’une semaine
d’antibiothérapie adaptée, infection au Staphylococcus aureus
sur matériel intracardiaque) et embolique (végétation volu-
mineuse > 10 mm pédiculée très mobile, embolies pulmo-
naires). Par ailleurs, deux alternatives thérapeutiques étaient
possibles : enlever le patch et faire un cerclage de l’artère
pulmonaire dans un premier temps (comme chez notre pa-
tiente), ou changer directement le patch infecté par un autre
[12-14]. Pour notre patiente, nous avons opté pour la première
alternative afin d’obtenir une bonne stérilisation du foyer in-
fectieux et d’éviter le risque d’infection du nouveau patch.
Le pronostic post-chirurgical varie en fonction des séries. La
mortalité moyenne chez les patients opérés varie entre 5 et
15 %, selon les séries, l’état clinique du patient (choc cardio-
génique ou septique, accidents emboliques neurologiques et
pulmonaires), le germe responsable (Staphylococcus aureus),
les facteurs de comorbidité associés (diabète, insuffisance
rénale et hépatique, anémie sévère), la technique chirurgi-
cale (geste non conservateur, gestes bilatéraux ou multiples,
réparation complexe) et le caractère urgent de l’intervention
chirurgicale [7]. Dans une enquête française de 1999, la mor-
talité hospitalière était de 17 %, moins élevée chez les pa-
tients opérés (14,4 % versus 19,3 %) [8]. Ces résultats sont
similaires à ceux de la cohorte internationale de ICE (Inter-
national Collaboration on Endocarditis) : mortalité de 12 %
versus 21 % dans le groupe des patients non opérés [11].
4. CONCLUSION
L’endocardite infectieuse demeure une complication possible
et grave après chirurgie cardiaque, surtout en cas de matériel
prothétique intracardiaque. La prophylaxie reste capitale avec
des mesures rigoureuses d’asepsie, des soins locaux des portes
d’entrée potentielles, et l’antibioprophylaxie selon les recom-
mandations internationales actuelles [2,7,10].
n
Figure 4. Vue échocardiographique court axe avec visualisation
nette d’une végétation pédiculée sur le patch de Gore-Tex
de fermeture de la CIV (flèche).