Imagerie moléculaire La morphogenèse en temps réel Si la génomique découvre l’ensemble des macromolécules du vivant, un enjeu majeur est de comprendre comment elles s’assemblent pour former des structures tridimensionnelles organisées. Les avancées de l’imagerie permettent maintenant d’analyser en temps réel les changements de forme des cellules vivantes pour élucider les mécanismes impliqués. >>> Equipe morphogenèse et signalisation cellulaires, au Centre de Biologie du Développement (CBD, unité mixte UPS/CNRS). De gauche à droite au premier plan : Serge PLAZA, Hélène CHANUT, Delphine MENORET, François PAYRE, au deuxième plan : Pierre FERRER, Yvan LATAPIE, Philippe VALENTI, dOSSIER Ahmad ALSAWADI, Emilie BENRABAH. page 6 Devenir adulte pour des cellules ou des tissus, consiste à acquérir une forme spécifique nécessaire à leurs fonctions dans l’organisme. Les cellules présentent ainsi une grande diversité d’organisation tridimensionnelle. L’altération de leur forme provoque même des maladies génétiques (surdités, déficiences visuelles et neurales). Les mécanismes responsables de la morphogenèse restent cependant très mal connus aujourd’hui. En effet les techniques d’observation nécessitaient jusqu’à récemment de travailler sur des tissus fixés, ne permettant pas d’analyser la dynamique de la morphogenèse. La combinaison d’avancées scientifiques et techniques ouvre aujourd’hui la porte de l’analyse fonctionnelle des cellules vivantes par imagerie fluorescente à haute résolution spatiale et temporelle (5D). La meduse La fin du 20ème siècle a révolutionné la conception des microscopes. Plus que l’illumination (lasers), les caméras numériques et leur pilotage par ordinateur, c’est bien la découverte d’une protéine fluorescente chez la méduse (Green Fluorescent Protein ou GFP) qui a levé le verrou de l’analyse de cellules vivantes. Grâce à la génétique moléculaire, il est devenu possible de fusionner une protéine d’intérêt avec des dérivés de la GFP pour suivre sa distribution dynamique dans les cellules vivantes et ainsi d’explorer sa fonction. Division cellulaire On peut par exemple suivre ainsi la division des cellules, via une série stéréotypée de changements de leur forme pour la séparation des cellules filles. Mais le mode de contrôle de cette réorganisation tridimensionnelle restait inconnu. En analysant la dynamique du « squelette » des cellules vivantes normales, ou en absence de différents facteurs, notre équipe du Centre de Biologie du Développement a découvert l’importance des protéines Ezrin, Radixin, Moesin (ERM) pour contrôler la forme des cellules et la répartition des chromosomes au cours de leur division. La fonction des ERM nécessite un contrôle localisé de leur activité et l’équipe développe des approches à large échelle dans les cellules vivantes pour identifier ces régulateurs et leur fonction. >>> Macrophages vivants en cours de migration dans l’embryon de drosophile. Les filaments d’actine sont observés par une fusion GFP, révélant l’impact de l’absence de la Fascin (à droite) sur l’organisation polarisée des cellules. © J. Zanet Migration des cellules dans l’organisme La morphogenèse embryonnaire nécessite aussi la migration de certaines cellules, qui se déplacent sur les autres tissus attirées par des gradients moléculaires. Comprendre ces mécanismes nécessite donc leur analyse directement au sein de l’embryon. Là encore, la combinaison de protéines fluorescentes, d’imagerie confocale vitale et de la génétique nous a permis d’identifier la Fascin comme un régulateur clé de la forme des cellules en migration dans l’embryon. Cette protéine relie entre eux des filaments d’actine, pour former de véritables câbles qui soutiennent l’organisation polarisée des cellules en migration. En absence de Fascin, les cellules perdent leur forme spécifique et sont incapables de migrer. Les protéines ERM et Fascin sont dérégulées dans de nombreux cancers où elles favorisent la formation et l’agressivité des métastases. Comprendre leur dynamique chez des organismes modèles aidera à mieux cerner leur impact pathologique. L’évolution constante des approches d’imagerie vitale à l’Université Paul Sabatier permettra encore de nouvelles avancées fondamentales en lien direct avec la santé. Pour en savoir plus : Carreno et al, 2008, Journal of Cell Biology, 2009 Aug; 136(15):2557-65; Zanet et al, 2009, Development, 2008 Feb 25;180(4):739-46. Contacts : [email protected] et [email protected] Paul Sabatier — Le magazine scientifique — numéro 20