Congrès de l’AFS Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines « La sociologie, une science contre nature ? » 29 juin-2 juillet 2015 Appel du RT 33 Famille, vie privée, vie publique La famille, une création sociale La sociologie est évidemment une science « contre nature » en tant que science historique et critique. Elle s’attache à observer, expliquer et comprendre les rapports sociaux, les normes sociales, bref la vie sociale en tant que vie artificielle et non naturelle. La sociologie de la famille est contrainte, plus que les autres, à résister à la naturalisation de l’existence étant donné que la famille est, plus que les autres institutions, perçue comme « naturelle » - on le saisit par exemple avec la force des énoncés sur la ressemblance physique et morale entre les membres d’une même famille. C’est pourquoi la sociologie de la famille s’est construite comme une science de la variété des formes de vie familiale, ancrée dans la comparaison socio-historique. Elle développe la critique des discours (scientifiques ou non) qui visent à imposer la naturalité d'un modèle familial de référence par rapport à toutes les autres formes de vie familiale observées (modèle anthropologique ou psychologique qui peuvent chercher à imposer le bon modèle naturel donné par l'inconscient ou la parenté). Elle s’appuie aussi sur le travail réflexif des individus et des groupes qui construisent leurs formes de vie privée, parfois en dehors de tout chemin tracé pour eux. La famille est une création sociale et historique. On le perçoit en France avec notamment les événements législatifs comme l’invention du PaCS et la loi sur le mariage pour tous, sans distinction de sexe. Au niveau de la filiation, les techniques de procréation médicalement assistées (PMA) créent des configurations parentales inédites. Les acteurs ont fait et font bouger les lignes en réclamant ces changements, questionnant la norme hétéro-sexuée, la norme du simili-biologique, la norme du nombre restreint de parents, et exprimant en même temps le partage de mêmes attentes de fondation d’une famille (avec en particulier l’attachement à cette catégorie). Les familles recomposées peuvent demander des statuts, inventent des rôles aux beaux-parents, aux demi-frères et quasi-frères et sœurs, négocient des modi vivendi qui donnent de nouveaux caractères à la famille. Pendant que les transformations sociales se poursuivent, des voix se font entendre pour les contester en affirmant que la famille devrait suivre un modèle naturel, transcendant. La définition de la famille aurait une vérité évidente. Vérité des formes familiales (un père/une mère), vérité des liens (avec l’affirmation des liens du sang), vérité des statuts (être un père ou une mère, même si pas biologique), vérité des fonctions sociales (produire sur la durée des enfants), vérité des sentiments (les jeunes adultes sont accusés de se marier sans le discernement nécessaire). Des individus et des groupes agissent pour séparer les « vraies » familles et celles qui le seraient moins. D’autres souhaitent s’affranchir de ces distinctions. L’élargissement des formes légales de vie familiale semble contribuer à recréer de nouvelles hiérarchies entre les formes désormais légalisées. Alors s’agit-il d’une révolution, ou d’un compromis, tenant compte des forces sociales en présence, des groupes mobilisés, établissant une nouvelle hiérarchie des différences de reconnaissance ? Cette question de la pluralisation des formes de vie privée, de leur légalisation et de leur légitimité respective, et de ses limites sera posée dans ce RT. Même si des transformations récentes expriment l’attente de l’égalité d’accès à une forme de vie privée instituée – le PaCS, le mariage -, il semble que ces dernières décennies enregistrent le recul des formes les plus instituées de la vie privée. L’augmentation du nombre de personnes vivant en union libre ou encore l’augmentation du nombre de personnes seules conduit à s’interroger plutôt sur la façon dont la vie privée est désormais organisée hors de ses cadres sociaux anciens. Les comportements seraient-ils devenus flous, sans orientation ? Les individus, sans l’encadrement des formes instituées, seraient-ils alors mus par un autre moteur, celui du désir infini, selon la version de Durkheim, ou celui de la consommation effrénée, selon la version de Bauman ou d’Illouz ? L’affaiblissement des régulations institutionnelles conduit-elle à redouter une nature supposée non sociale, ou en tous cas moins socialisée des individus ? Or, peut-être que si des normes s’affaiblissent, d’autres apparaissent pour promouvoir de nouveaux comportements, conjugaux, ou parentaux ? Comment les individus construisent-ils leur vie privée dans un univers social où les institutions paraissent moins fortes, plus optionnelles ? Qu’est-ce qui est au cœur des relations conjugales, des relations familiales contemporaines ? Le sexe (le désir ou le plaisir) ? Les sentiments (l’amour) ? La recherche d’un statut, d’une protection ? L’inconditionnalité d’un cadre ? Quelles sont les nouvelles attentes normatives ? La famille est une création sociale et historique en un dernier sens : même dans ses formes les plus instituées, elle n’existe pas par elle-même, mais elle doit être entretenue de façon continuelle, elle doit être co-créée au quotidien. On s’interrogera alors sur les différentes façons dont les individus et les groupes figurent et pratiquent la famille. Comment se sentir en couple, en famille tout en aspirant à s’éprouver comme individu, tout en étant appelé à la mobilité dans ses activités, à la virtualité dans ses relations ? Qu’est-ce qui fait famille aujourd’hui dans un monde toujours plus pluraliste, et malgré tout hiérarchisant (par exemple avec les jugements négatifs sur les familles monoparentales) ? Dans le cadre du sixième congrès de l'AFS qui aura lieu du 29 juin au 2 juillet 2015 à l'université de Versailles-SaintQuentin-en-Yvelines, le réseau thématique « Famille, vie privée, vie publique » (RT 33) de l'AFS organise des sessions consacrées à l’analyse des enjeux des discours, études, recherches sociologiques sur la famille et la vie privée, comme activités « contre nature ». La date limite d’envoi des propositions de communication est le 28 février 2015. Ces propositions devront comporter moins de 1 500 caractères (blancs compris) : elles doivent constituer un résumé indiquant les orientations méthodologiques et théoriques. Les propositions doivent parvenir à Gilda Charrier et Christophe Giraud : [email protected] [email protected] Ces sessions sont ouvertes à tous, sans limitation de statut ou de spécialité. Tous les sociologues, qu'elles et ils soient enseignant.e.s ou chercheur.e.s, doctorant.e.s ou chercheur.e.s confirmés, travaillant dans les organismes publics, les sociétés d'études, les administrations ou les entreprises, sont convié.e.s à participer à ces sessions.