Conservatoire National des Arts et Métiers CENTRE D’ENSEIGNEMENT DE PARIS MEMOIRE présenté en vue d’obtenir Le DIPLOME D’INGENIEUR CNAM Spécialité : Construction, Aménagement Option : Géotechnique par Vincent SCAO Détermination des paléotempératures des océans à partir du rapport Mg/Ca des foraminifères soutenu le 25 juin 2013 JURY Président : M. Ph. Delmas Professeur de titulaire de la Chaire de Géotechnique Membres : M. O. Fouché Maître de Conférences CNAM, encadrant Mme M-C. Morel Fourcade Maître de Conférences CNAM M. T. Dokken Directeur de Recherche, Bjerknes center Uni Bergen M. D. Blamart Directeur de Recherche, CEA-LSCE Remerciements 1 Je voudrais tout d’abord remercier tous ceux qui, tout au long de mon parcours au CNAM, m’ont aidé et encouragé et ont permis la réalisation de ce travail. Je remercie Philippe Delmas pour avoir accepté d’être le président de ce jury. J’exprime mes remerciements à Dominique Blamart et à Marie-Christine Morel-Fourcade, qui ont chacun accepté d’examiner ce travail et pour leur participation en tant que membres du jury. Je remercie vivement Olivier Fouché d’avoir suivi ce travail, pour son regard critique et ses riches discussions au travers de la rédaction de ce mémoire. Je lui suis reconnaissant de m’avoir encouragé et aidé à aller jusqu’au bout de cette épreuve. Je remercie ici tout particulièrement Trond Dokken de m’avoir accueilli au sein du Bjerknes Center for Climate Research et de m’avoir fait confiance pour la réalisation de ce projet de recherche. De nombreuses opportunités m’ont été offertes durant ce long séjour en Norvège, tant professionnelles que personnelles, et je tiens chaleureusement à lui rendre hommage et lui exprimer mon entière reconnaissance. Un grand merci à Amandine Tisserand pour sa collaboration tout le long de ce projet et pour la mise en place de cette méthode analytique. J’ai très apprécié travailler avec elle de par sa rigueur et sa gentillesse. Merci aussi à Jørund Strømsøe qui, après avoir découvert les foraminifères, a pris la suite du laboratoire. J’exprime aussi toute ma reconnaissance aux membres du Bjerknes Center for Climate Research (BCCR) de Bergen, à son directeur Eystein Jansen, ainsi qu’à Kerim, Bjørg, Emil, Jostein, Camille, Øyvind, Elin, Benjamin et tous ceux que j’ai croisé de près ou de loin, pour leur accueil et leur gentillesse. Je tiens à remercier également tous mes collègues du Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE) de Gif-sur-Yvette, bien sûr ceux de l’équipe Chronomag qui m’ont accompagné depuis le début de mes années au CNAM, et tout particulièrement Hervé Guillou et Sébastien Nomade pour leur disponibilité, leurs encouragements, et leur soutien sans faille lors de la rédaction de ce mémoire. Une pensée particulière à mes camarades du CNAM, Carole et Sven, avec qui j’ai partagé mes belles premières années CNAM et les enrichissantes sorties de terrain. Un grand merci à mon père, à ma mère qui aurait été fière de ce travail abouti, à toute ma famille et mes amis pour leurs encouragements, leur patience durant toutes ces années. Enfin, tout cela n’aurait été possible sans le soutien et le courage impérissable de ma fleur éternelle Jeanne et de nos deux petites pousses Mona et Lou. Merci pour votre confiance et votre présence tout au long de cette aventure. 2 Table des matières Remerciements……………………………………………………………………. p 2 Table des matières……………………………………………………………….... p 3 Acronymes………………………………………………………………………... p 6 Liste des figures et tableaux……………………………………………………..... p 7 Introduction générale………………………………………………………… PARTIE 1 p 11 Contexte d’étude 1.1 L’étude des climats anciens…………………………………………… p 13 1.1.1 Le système climatique 1.1.2 Les archives du climat 1.1.3 La modélisation du climat 1.2 Le changement climatique…………………………………………….. p 19 1.2.1 Qu’est-ce que la variabilité climatique 1.2.2 Les causes de changements climatiques 1.3 Paléocéanographie et géochimie marine………………………………. p 25 1.3.1 La circulation océanique 1.3.2 La paléocéanographie 1.3.3 Les archives sédimentaires marines 1.3.4 Les foraminifères marins 1.3.5 La géochimie marine 1.4 La détermination de paléotempératures de l’eau de mer La méthode Mg/Ca………………………………………………... p 35 PARTIE 2 1.4.1 Le paléothermomètre Mg/Ca 1.4.2 Les limites de la méthode Mg/Ca Les techniques de forages scientifiques en mer et outils géotechniques embarqués 2.1 Les forages scientifiques…………………………………………...….. p 39 2.1.1 Point de départ des forages scientifiques océaniques 2.1.2 Le programme IODP 3 2.1.3 Le programme IMAGES 2.1.4 Le N/O Marion Dufresne et ses carottiers 2.2 Etude sur l’instrumentation du carottier Calypso pour l’amélioration de la qualité des carottes sédimentaires………………………………..... p 48 2.2.1 Les éléments du carottier à piston Calypso 2.2.2 Principales perturbations de la qualité d’une carotte de sédiment 2.2.3 Importance des réglages liés au câble du piston 2.2.4 Méthodes et réglages pour cette amélioration 2.2.5 Instrumentation pour l’étude de la cinématique du carottier 2.2.6 Modélisation du comportement du carottier 2.3 Outils de géotechnique marine………………………………………… p 60 PARTIE 3 2.3.1 Le pénétromètre Penfeld 2.3.2 Le piézomètre différentiel 2.3.3 Le scissomètre marin 2.3.4 Le module géotechnique Méthodes instrumentales et procédures analytiques pour détermination du Mg/Ca de la calcite des foraminifères. 3.1 Les objectifs et étapes de la conduite du projet p 66 3.2 Contexte analytique de la méthode Mg/Ca………………………….... p 68 3.3 Procédure de préparation et de nettoyage des échantillons de foraminifères……………………………………………………………… p 69 3.3.1 Les techniques de nettoyage 3.3.2 Protocole de nettoyage utilisé 3.4 Qualité des données et efficacité du nettoyage…………………….… p 71 3.5 Détermination du Mg/Ca par ICP-OES…………………………….… p 72 3.5.1 L’instrument et les conditions d’opération 3.5.2 Raies spectrales d’émission, sensibilité et effet de matrice 3.5.3 Calibration par rapport à l’intensité 3.5.4 Précision instrumentale à court et long terme 3.6 Blanc analytique et implications pour la détermination du Mg/Ca…... p 80 3.7 Calibration inter-laboratoire de standards pour la thermométrie Mg/Ca…………………………………………………………………. p 81 4 la PARTIE 4 Application : calibration du rapport Mg/Ca de la calcite des foraminifères benthiques en fonction de la température des eaux profondes de l’océan tropical occidental 4.1 Contexte paléocéanographique……………………………………...… p 85 4.1.1 Les campagnes océanographiques RETRO 4.1.2 Localisation des carottes de RETRO 1 (Brésil) 4.2 Matériel et méthode………………………………………................... p 89 4.2.1 Echantillonnage 4.2.2 Méthode analytique 4.3 Résultats………………………………………………………………. p 91 4.3.1 Données Mg/Ca de Cibicidoides kullenbergi 4.3.2 Données Mg/Ca de Cibicidoides wuellerstorfi 4.3.3 Reconstitution des paléotempératures de l’Atlantique tropical occidental au cours de la dernière déglaciation. Conclusion générale………………………………………………………….... p 100 Résultats et faits marquants……………………………………………………… p 102 Références bibliographiques …………………………………………………… p 103 …………………………………………………….. p 110 Valorisation scientifique Annexe…………………………………………………………………….……... p 111 5 Acronymes La plupart des travaux publiés dans ce domaine sont de langue anglaise et les acronymes utilisés dérivent des mots anglais. Ils sont connus des scientifiques et des politiques travaillant dans le domaine de l’océanographie et du changement climatique. Dans ce travail, la version anglaise de certains acronymes a été conservée pour une meilleure compréhension. Liste des acronymes AAIW : Antarctic Intermediate Water ou Eau Antarctique Intermédiaire BCCR : Bjerknes Center for Climate Research B-A : évènement du Bølling-Allerød (-14000 ans) BP : Before Present (l’année 1950 est prise comme référence) BWT: Bottom Water Temperature ou Température des eaux de fond Ca : Calcium, élément chimique CASQ : carottier gravité carré à grande section CCD : Calcite Compensation Depth ou niveau de compensation de la calcite CINEMA : logiciel de modélisation de la cinématique des phases de carottage D/V : Drilling Vessel ou Navire de Forage GIEC : Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat GNAIW : Glacial North Atlantic Intermediate Water ou Eau Intermédiaire Glaciaire de l’Atlantique Nord ICP-OES : Inductively Coupled Plasma-Optical Emission Spectrometry ou Spectrométrie d’émission optique à torche plasma IODP : Integrated Ocean Drilling Program (exploration de la Terre sous la mer) IPEV : Institut Paul-Emile Victor (Institut Polaire) IPSL : Institut Pierre Simon Laplace ka : millier d’années LGM : Last Glacial Maximum ou Dernier Maximum Glaciaire (-21000 ans) LSCE : Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement Ma : million d’années MEB : Microscope Electronique à Balayage Mg : Magnésium, élément chimique Mg/Ca : Rapport élémentaire des éléments chimiques magnésium sur calcium MOC : Meridional Overturning Circulation ou Circulation Méridienne Atlantique NADW : North Atlantique Deep Water ou Eau profonde de l’Atlantique Nord NBC : North Brazilan Current ou Courant Nord Brésilien N/O : Navire Océanographique PPB : Partie par milliard (pg/g) PPM : Partie par million (g/g) Proxy : Indicateur climatique permettant de reconstituer les températures passées RETRO : Campagne océanographique ESF-EuroMARC, Response of Tropical Atlantic surface and intermediate waters to changes in the Atlantic meridional overturning circulation RSD: Relative Standard Deviation ou écart-type relatif (pourcentage) R/V : Research Vessel ou Navire de Recherche S : Salinité en °/oo SACW : South Atlantic Current water ou Courant Sud Atlantique T : Température en degré Celsius 6 Liste des Figures Figure 1. Chronologie des périodes froides et chaudes de l’histoire de la Terre (Marshak, 2010) .....................................................................................................................................13 Figure 2. Les facteurs du climat. Représentation simplifiée des composantes du système climatique, de leurs processus et des interactions (GIEC, 2007). .........................................14 Figure 3. Distribution globale des principaux types de sédiments pélagiques sur les fonds océaniques (Davies, 1976) ....................................................................................................17 Figure 4. La modélisation, une démarche complète (Jeandel, 2011) ....................................18 Figure 5. Les modèles de climat (Livret Climat, CEA éditions 2006) .................................18 Figure 6. Principales causes de changements du climat ainsi que quelques échelles de temps caractéristiques. En rouge et en vert sont les forçages externes, en bleu les réarrangements interne au système et en noir les effets anthropiques (Jeandel, 2011) ..................................19 Figure 7. Les différents types de variations climatiques (Hufty, 2001)................................20 Figure 8. Variations de la température au cours des 400000 dernières années en Antarctique, par rapport à la normale de 1950 (Petit et al., 1999)........................................21 Figure 9. Les variations du mouvement de la Terre autour du soleil (cycles de Milankovic) observées dans l’enregistrement des isotopes de l’eau contenus dans la glace de Vostok en Antarctique (Petit et al., 1999). .............................................................................................22 Figure 10. Ecarts de températures globales reconstituées par proxys. LGM : dernier maximum glaciaire, OD : Drias ancien, B-A : Bolling Allerod, YD : Drias récent, Holocène (Shakun et al., 2012). ............................................................................................................23 Figure 11. Reconstitution de la variation de température moyenne de l’hémisphère nord à partir de plusieurs proxys (cernes d’arbres, carottes glaces, coraux, données historiques, mesures instrumentales) enregistrés sur plus de 100 sites de l’hémisphère nord (Mann et al., 1998). ....................................................................................................................................24 Figure 12. A) bilan énergétique moyen pour la période 2000-2004 : un déséquilibre du bilan de 0.9 W/m2 a été calculé et attribué aux émissions de CO2 anthropiques (Hansen et al., 2005). B) évolution de la concentration en CO2 atmosphérique depuis 10000 ans issue des carottes de glace (points violets, verts, bleus) et de prélèvements d’air (points rouges) (GIEC, 2007).........................................................................................................................24 Figure 13. Schéma de la circulation océanique thermohaline (GIEC, 2001) .......................25 Figure 14. Distribution de la température (°C) le long d’un profil nord-sud de l’océan Atlantique (Schlitzer, 2010) ..................................................................................................26 Figure 15. Section nord-sud du bassin Atlantique moderne. L’océan présente une stratification verticale des masses d’eau en fonction de leur densité (Marshak, 2010) ........27 Figure 16. A) Comparaison de la distribution moderne du 13C de l’eau, avec B) la reconstitution de la distribution glaciaire à partir du 13C des foraminifères benthiques (Duplessy et al., 1988) ..........................................................................................................28 Figure 17. En bas, rapport 18O/16O dans la calcite des tests de foraminifères contenus dans les sédiments marins profonds. En haut, évolution de la température (18O/16O) au cours des 2 derniers millions d’années, la diminution du rapport 18O/16O correspond à des avancées glaciaires (Marshak, 2010)....................................................................................................29 Figure 18. Sections de carotte de sédiment marin remontée à bord du N/O Marion Dufresne (Photo : LSCE)......................................................................................................................30 Figure 19. Vue sous loupe binoculaire d’une fraction détritique (quartz, feldspath) en bas à gauche, et d’une fraction biogénique (foraminifères planctoniques) en haut à droite (Photo : LSCE) ...................................................................................................................................31 Figure 20. Exemples de foraminifères benthiques vue au microscope électronique à balayage (MEB) (Photo : université d’Angers) ....................................................................32 7 Figure 21. Calibration Mg/Ca-température à partir des foraminifères planctoniques issus de sommets de carotte (Anand et al., 2003)...............................................................................36 Figure 22. Objectifs scientifiques de IODP (IODP, 2001) ...................................................41 Figure 23. Le navire de forage Chikyu et ses tubes riser en attente de montage (Source : IODP) ....................................................................................................................................42 Figure 24. (A) Photo d’une tête de carottier à piston HPCS utilisée pour les sédiments non consolidés. (B) Photo d’une tête de carottier rotatif RCB destiné aux roches dures (Source : IODP). ...................................................................................................................................43 Figure 25. Schéma synthétique du système de forage du D/V Chikyu (Source : IODP) ......43 Figure 26. Le N/O Marion Dufresne armé de son carottier géant Calypso (Photo : LSCE) 45 Figure 27. Séquence d’un carottage de type Calypso (Source : IPEV) ................................46 Figure 28. Le carottier gravité carré CASQ et son sédiment (Photo : LSCE) ......................47 Figure 29. Le carottier d’interface multi-tubes KC Denmark AS (Photo : LSCE) ...............47 Figure 30. Schéma des éléments du carottier géant Calypso. (Source : IPEV) ....................49 Figure 31. Section de carotte vue aux rayons X. La friction du sédiment sur le tube PVC lors de la pénétration provoque une déformation des strates (Motillon et al., 2006) ...........50 Figure 32. Schéma des effets associés aux modes de prélèvement de carottes. vz est la contrainte verticale en z, F la force de friction tube/sédiments, Ax la section interne du tube, P0 la pression interne dans le tube à z=0 (au fond de l’eau), et Pt est la différence de pression entre P0 et la pression au fond de l’eau Pd, (Skinner et McCave, 2003)..................51 Figure 33. Les longueurs spécifiques du carottier (Source : IPEV) .....................................52 Figure 34. Schéma de carottage avec un câble de piston trop court (Source : IPEV) ..........52 Figure 35. Implantation des capteurs de mesure (Photo : IPEV) ..........................................54 Figure 36. Exemple de mesures de la cinématique d’une opération de carottage à 2523 m de profondeur d’eau ...................................................................................................................56 Figure 37. Correspondance de la cinématique du carottier avec l’état physique réel du sédiment récolté (le code couleur correspond au mode de travail du piston) .......................56 Figure 38. Qualité du prélèvement selon l’état du piston (sur-pistonnage, compactage, piston stationnaire, pieu bouché) ..........................................................................................57 Figure 39. Exemple des mesures effectuées par un pénétromètre statique Penfeld (Source : Ifremer) .................................................................................................................................58 Figure 40. Comparaison de carotte Calypso versus carotte CASQ ......................................59 Figure 41. Le pénétromètre embarqué Penfeld (Photo : Ifremer) .........................................61 Figure 42. Schéma de l’enroulement de la pointe statique (Source : Ifremer) .....................62 Figure 43. Effort de point qc, frottement latéral fs et la surpression interstitielle u en fonction de la longueur de tige filée. La lithologie est déduite des trois paramètres. ...........63 Figure 44. Schéma du piézomètre différentiel (Source : Ifremer) ........................................64 Figure 45. A) Scissomètre marin et B) son montage dans une cloche, manipulée par un robot sous-marin (Photo : Ifremer) .......................................................................................65 Figure 46. Le module géotechnique (Photo : Ifremer) .........................................................65 Figure 47. Schéma de la conduite du projet pour l’identification et la structuration des besoins...................................................................................................................................67 Figure 48. Gamme de rapports en concentration des éléments composant la calcite de foraminifère...........................................................................................................................69 Figure 49. Comparaison des rapports Mg/Ca obtenus par « nettoyage Mg » (Elderfield et Ganssen, 2000), et avec le « nettoyage Cd » (Boyle et Keigwin, 1985), sur plusieurs espèces de foraminifères planctoniques (Barker et al., 2003) ..............................................70 Figure 50. Schéma synthétique du système d’introduction de l’ICP-OES ...........................73 Figure 51. Sensibilités relatives des raies d’émission de Ca et Mg en fonction de [Ca] pour des solutions à rapport Mg/Ca=1,02 mmol/mol ...................................................................77 8 Figure 52. Rapport d’intensités en fonction de rapport de concentration pour des solutions standards à 40 ppm de Ca .....................................................................................................79 Figure 53. Histogramme des résultats de Mg/Ca du standard BAM RS3 (centrifugé) mesuré par tous les laboratoires ainsi que celui obtenu par le BCCR à Bergen dans ce mémoire ...83 Figure 54. A) Courants de surface et profonds passant au niveau des sites de carottage, B) Concept de la stratification verticale en température de la colonne d’eau comprenant les eaux profondes à partir de 1000 m, puis la thermocline au dessus entre 200-1000 m, et la couche mixte jusqu’à la surface (eaux de surface). ..............................................................86 Figure 55. Localisation et coupe du talus continental avec le transect de profondeur des stations de carottage ..............................................................................................................87 Figure 56. Représentation simplifiée de la stratification de l’océan atlantique tropical occidental. Les masses d’eau reconstituées sont la partie haute des eaux profondes (UNADW), la thermocline (SACW), les eaux intermédiaires (AAIW) et de surface (NBC) (Tisserand et al., 2009)..........................................................................................................88 Figure 57. Profil sismique réflexion de la station 18 de carottage à 900m de profondeur sur le talus continental de la marge brésilienne, au large de Fortaleza. On observe la présence d’environ 25 m d’épaisseur de sédiments au site..................................................................88 Figure 58. Données Mg/Ca des C. kullenbergi de sommets de carottes mesurés dans cette application (en bleu), en fonction de la température de l’eau profonde (BWT). La ligne noire représente la courbe de tendance de la calibration pour la gamme 0-6°C. Les diamants noirs correspondent aux données de Raitzsch et al. (2008), les diamants blancs à celles de Healey et al. (2008), et les ronds blancs sont les données de Yu et Elderfield (2008). ........92 Figure 59. Données Mg/Ca des C. wuellerstorfi de sommets de carottes mesurés dans cette application (en bleu), en fonction de la température de l’eau profonde (BWT). La ligne noire représente la courbe de tendance de la calibration pour la gamme 0-6°C. Les diamants noirs sont les données de Raitzsch et al. (2008) et les ronds blancs proviennent de l’étude de Yu et Elderfield (2008). ...................................................................................................94 Figure 60. 18O des glaces du Groenland illustrant la variabilité climatique ayant affectée l’hémisphère nord au cours de la dernière déglaciation (Waelbroek, 2001) ........................95 Figure 61. Schéma en coupe de l’océan atlantique tropical de l’ouest montrant les carottes et les espèces de foraminifères avec leurs profondeurs d’habitat. Les masses d’eau reconstituées sont la thermocline, les eaux intermédiaires et de surface. (Tisserand et al., non publié) Les données Mg/Ca des foraminifères benthiques C. wuellerstorfi de ces carottes sont donc directement associées aux températures profondes à 700, 898 et 1000 m, et donc aux températures de AAIW. .....................................................................................96 Figure 62. Reconstitution des paléotempératures Mg/Ca des eaux de 50 et 1000 m de profondeur à l’aide de 3 espèces de foraminifères G. ruber, G. truncatulinoides, et C. wuellerstorfi. YD : Younger Dryas, B-A :Bolling-Allerod, HS-1 :Heinrich event 1, LGM :Dernier Maximum Glaciaire (Tisserand et al., non publié) .......................................97 9 Liste des tableaux Tableau I. Les paramètres climatiques et leurs échelles spatiales et temporelles (Berger, 1992) .....................................................................................................................................15 Tableau II. Le capteur de pression et d’accélération type SPTH ..........................................55 Tableau III. Conditions d’opération de l’ICP-OES Iris ........................................................74 Tableau IV. Raies d’émission et intensités de l’ICP-OES IRIS ...........................................75 Tableau V. Blancs analytiques obtenus avec des flacons en polypropylène ........................80 Tableau VI. Concentrations et rapports d’éléments des 3 standards externes ......................82 Tableau VII. Résultats statistiques des analyses conjointes du BAM RS3 obtenues par les 15 laboratoires retenus ..........................................................................................................82 Tableau VIII. Liste de carottes d’interface multi-tubes prélevées par le R/V GO SARS lors de la mission RETRO 1 au large de la marge brésilienne. En jaune, les carottes utilisées dans cette application ............................................................................................................89 Tableau IX. Noms, profondeurs d’eau, température de l’eau, salinité, concentration des ions carbonates, et profondeur d’échantillonnage dans chaque carotte utilisée dans cette application .............................................................................................................................90 Tableau X. Récapitulatif des espèces et des calibrations Mg/Ca=f(température) utilisées. Les coefficients B et A correspondent aux coefficients des courbes exponentielles du type Mg/Ca = B*exp (A*T). .........................................................................................................97 10 Introduction générale Les études portant sur la variabilité climatique passée apportent de nombreuses informations sur les facteurs naturels et cycliques affectant le climat. Elles sont indispensables pour mieux comprendre les mécanismes en jeu et les liens entre les facteurs du système climatique. Une des finalités de la paléoclimatologie est de reconstituer certains paramètres climatiques clés, comme par exemple la température (T), ce qui se fait le plus souvent de manière indirecte via l’utilisation d’un indicateur climatique ou « proxy ». L’utilisation du rapport des éléments chimiques magnésium/calcium (Mg/Ca) de la calcite des tests de foraminifères marins, carbonates biogéniques, en tant que proxy de la température a bénéficié d’avancées significatives durant ces dernières années. En effet, la dépendance en température du rapport Mg/Ca des tests de foraminifères a conduit à son développement comme traceur de la température des eaux de surface ou de profondeur des océans. L’objectif de ce mémoire a été de mener au sein du Bjerknes Center for Climate Research (BCCR) de l’université de Bergen (Norvège) un projet de développement analytique pour la mise en œuvre d’une technique d’analyse du rapport Mg/Ca de la calcite des tests de foraminifères marins par spectrométrie d’émission optique à torche plasma (ICP-OES). Les difficultés liées à cette méthode sont cependant multiples ; la qualité des échantillons collectés, le choix des espèces de foraminifères, ou encore le type de méthodologie analytique, vont avoir une influence directe sur la précision et les interprétations de résultats. Les données présentées dans ce mémoire se placent dans le contexte d’une étude paléocéanographique sur la reconstitution des paléotempératures des masses d’eau de l’océan atlantique tropical occidental au large du Brésil. La première partie du mémoire est consacrée à l’explication du contexte de l’étude en présentant le système climatique et les moyens à notre disposition pour le comprendre. L’étude des climats du passé est une démarche puissante pour y parvenir, qui repose sur des archives climatiques, parmi lesquelles on utilise ici des carottes sédimentaires prélevées au fond des océans. La deuxième partie de ce mémoire traite de la technique de carottage océanique et de son optimisation, et quelques outils géotechniques embarqués sont aussi passés en revue. La mise en œuvre d’un laboratoire de géochimie pour la préparation 11 d’échantillons de foraminifères ainsi que l’optimisation d’un spectromètre ICP-OES et du protocole analytique pour la mesure des rapports Mg/Ca, Fe/Ca, Mn/Ca, Al/Ca, sont présentés dans la troisième partie. Enfin, une application directe de ces travaux est présentée dans la quatrième et dernière partie. Elle consiste en la détermination de ces rapports chimiques sur plusieurs espèces de foraminifères prélevés lors des campagnes océanographiques de carottage RETRO au large de la marge brésilienne. Leurs interprétations en température vont nous permettre d’établir une amélioration de la calibration de l’espèce C. wuellerstorfi , ainsi que de commencer à pouvoir reconstituer les paléotempératures des masses d’eau de cette région au cours de la dernière déglaciation. Cette application a été faite dans le cadre de la thèse d’Amandine Tisserand, et les résultats de cette démarche sont en cours de publication. 12 PARTIE 1 – Contexte de l’étude 1.1 L’étude des climats anciens La paléoclimatologie a pour but la reconstitution des climats au cours de l’histoire de la Terre. Son objectif est d’identifier les variations climatiques passées et les mécanismes qui en sont à l’origine. La paléoclimatologie fournit des références pour comprendre le climat actuel et pour prévoir ses évolutions possibles, en l’absence notamment de l’influence des activités humaines. Les archives climatiques offrent la possibilité de remonter le temps sur plusieurs centaines, milliers, ou même millions d’années grâce à l’interprétation de certain proxy. Les proxys sont des enregistrements locaux de paramètres, sur une phase porteuse (test, corail, stalagmite…) que l’on interprète à l’aide des lois de la physique, de la biophysique et de la chimie pour représenter les variations passées du climat. Les recherches, dès le XIXe siècle, ont permis de mettre en évidence une variabilité temporelle du climat avec, sur quelques dizaines de millions d’années, l’alternance entre des périodes chaudes et des périodes glaciaires (Figure 1). Figure 1. Chronologie des périodes froides et chaudes de l’histoire de la Terre (Marshak, 2010) 13 1.1.1 Le système climatique Le climat résulte des interactions entre les compartiments de ce système, c’est-à-dire l’hydrosphère, la cryosphère, la biosphère, et la lithosphère. Ces composantes interagissent à travers des échanges d’eau, d’énergie et de carbone (Figure 2). Etudier le fonctionnement du système climatique nécessite de bien comprendre les processus opérant dans chacune de ces composantes ainsi que les mécanismes d’interaction entre les composantes. Au cœur du fonctionnement du système, l’atmosphère et les océans jouent un rôle crucial en redistribuant l’énergie par les vents et les courants marins des régions tropicales vers les hautes latitudes. Les transferts radiatifs dans l’atmosphère, la formation des nuages, la dynamique atmosphérique, la dynamique océanique, la formation d’eaux profondes (>1000 m) par plongée d’eau dense sont autant de processus physiques qui participent au fonctionnement du climat. Figure 2. Les facteurs du climat. Représentation simplifiée des composantes du système climatique, de leurs processus et des interactions (GIEC, 2007). On comprend le fonctionnement du système climatique en étudiant les paramètres qui caractérisent les composantes du système. Par exemple, la composante atmosphérique est décrite par la température, la densité et l’humidité des masses d’air dont elle est composée. 14 Ces paramètres, avec les différences de pression, sont à l’origine de la circulation atmosphérique. La composante océanique, elle, est caractérisée par la composition de l’eau de mer (salinité) ainsi que par sa température; celles-ci conjuguées avec la pression vont définir la densité des masses d’eau. L'eau de mer se déplace à cause des différences de densité qui existent d'un endroit à un autre. On appelle donc ce mouvement la circulation thermohaline. Ces deux paramètres sont moteurs de la circulation océanique profonde. L’étude des climats du passé va donc s’intéresser à la reconstitution de ces paramètres climatiques clés. 1.1.2 Les archives du climat Pour connaître les climats du passé il faut aller chercher les indices qui témoignent des conditions climatiques qui prévalaient à l’époque de leur archivage. Ces indices se trouvent sur le terrain là où la nature a bien voulu les préserver (Tableau I), notamment dans : - les sédiments marins, pour les très longues échelles temporelles, - les sédiments lacustres, pour les échelles locales et courtes en temps, - les concrétions (stalagmites), déposées lentement dans les grottes, - les glaces empilées, année après année, sur les continents des hautes latitudes ou provenant des glaciers tropicaux, - les cernes d’arbres, pour les échelles annuelles à centennales. Les sédiments sont des matériaux lithiques qui ont été transportés par le vent ou l’eau et qui sont éventuellement accumulés à un endroit. On parle de sédiments marins s’ils sont accumulés au fond de la mer. Tableau I. Les paramètres climatiques et leurs échelles spatiales et temporelles (Berger, 1992) Types d’archives Résolution temporelle dans l’échantillonnage Période couverte (ans) Cernes des arbres Sédiments lacustres Carottes de glace polaire Carottes de glace des latitudes moyennes Dépôts coralliens Loess Carottes océaniques Pollens Paléosols Roches sédimentaires Données historiques an-saison an an an 104 104-106 105 103 T T T T an 10 ans 100 ans 1000 ans 100 ans 2 ans jour-heure 105 106 107 105 105 107 103 T Paramètres climatiques dérivés T T T T H Ca H H Ca H Cw Cs Cw H H H H Cs Ca B B B B V V V M M M M L S S S L B B B B M M V V V M M L L S T=température, H=humidité ou précipitation, C=composition chimique de l’air (a), de l’eau (w), ou des sols (s), B=information sur la biomasse, V=éruptions volcaniques, M=champ géomagnétique, L=niveau des mers, S= activité solaire. 15 Les variables climatiques enregistrées dans ces archives permettent de reconstituer l’évolution de certains paramètres climatiques clés sur des échelles spatiales et temporelles qui leur sont propres (Tableau I). Une variable est un attribut mesurable du système qui peut varier avec le temps et qui prend une valeur numérique (ex. la température ou la pression). Les premières missions scientifiques du XIXe siècle ont fait découvrir que certains sédiments marins calcaires (Figure 3) contenaient une proportion importante de coquilles d’animaux ou de plantes microscopiques qui avaient vécu dans les eaux superficielles de l’océan, à la verticale du point de prélèvement. Au moment de leur mort, leurs coquilles tombent verticalement le long de la colonne d’eau et se déposent sur le fond. Le reste du sédiment est constitué de fines particules qui sont des produits de l’érosion des continents. Les sédiments déposés à grande profondeur ne sont pas perturbés par les vagues ni par les tempêtes. Seules des avalanches marines, appelées courants de turbidité, peuvent localement déstabiliser et désorganiser ces séries sédimentaires, mais dès que les bassins sont protégés par quelques collines, les courants de turbidité n’y arrivent pas et l’accumulation sédimentaire est beaucoup plus régulière. La composition de la vase des grands fonds témoigne donc assez fidèlement des conditions régnant dans les eaux superficielles. Le taux de sédimentation est conditionné par le climat qui contrôle l’érosion et les apports détritiques, et par la richesse en éléments nutritifs (nitrates, phosphates, silice ou fer) des masses d’eau qui contrôle le développement des organismes vivants dans les eaux peu profondes. Ce dépôt sédimentaire se déchiffre comme un livre, page par page, c’est-à-dire couche par couche, les couches profondes correspondant aux dépôts des périodes les plus anciennes. 16 Figure 3. Distribution globale des principaux types de sédiments pélagiques sur les fonds océaniques (Davies, 1976) 1.1.3 La modélisation du climat Le climat est un système complexe multi-composantes qu’il est difficile d’appréhender dans son ensemble, notamment à cause de la difficulté d’observation de certains paramètres ou à la complexité même des processus en jeu. La modélisation climatique offre une solution pour produire des scénarii sur l’évolution du système. Un des objectifs de la paléoclimatologie est de fournir des renseignements sur la variabilité temporelle de certains paramètres du système climatique dans le passé. Ces informations sont ensuite utilisées pour valider et affiner les modèles climatiques. Un modèle de climat est un simulateur du climat terrestre et de son évolution dans le temps. Il simule l’état moyen des composantes du système climatique (atmosphère, océans, surfaces continentales, cryosphère) et leur évolution dans le temps et l’espace. Il se présente sous forme de codes numériques utilisés par des ordinateurs très puissants. La modélisation est une démarche complète (Figure 4) qui commence par l’élaboration de théories sur le fonctionnement des composantes climatiques et la mise en équation de ces théories. La discrétisation spatiale et temporelle décompose le système en « mailles » interagissant. Cette discrétisation permet l’élaboration de codes numériques qui prennent en 17 compte les équations physiques régissant le fonctionnement intra et inter mailles. Ces codes sont ensuite implémentés dans les supers calculateurs (type IPSL de l’Institut Pierre Simon Laplace ou type Météo-France) et sont à l’origine des simulations climatiques. Ces simulations doivent ensuite être validées par comparaison avec les données d’observations. Figure 4. La modélisation, une démarche complète (Jeandel, 2011) Un modèle de climat se compose donc d’un modèle physique plaqué sur une grille horizontale et verticale adaptée à la résolution numérique des équations du système climatique. Il doit prendre en compte tous les compartiments du système: atmosphère, océans, continents, et les faire interagir, en leur superposant des perturbations extérieures telles que celles attribuées à l’activité humaine (Figure 5). Figure 5. Les modèles de climat (Livret Climat, CEA éditions 2006) 18 1.2 Le changement climatique 1.2.1 Qu’est-ce que la variabilité climatique ? Lorsqu’on parle de météo, on fait référence aux conditions atmosphériques qui règnent à un endroit donné et à un moment donné. Le terme climat indique les conditions météorologiques générales, de même que la variabilité quotidienne et saisonnière de ces conditions météorologiques, au cours d’une période de plusieurs décennies. On appelle changement ou variabilité climatique les transformations ou modifications du climat de la Terre au cours du temps. La variabilité peut-être due à des processus internes au système climatique (variabilité interne) tels que les phénomènes de moussons ou d’El Nino, ou à des changements liés à des forçages externes d’origine naturelle (diminution ou augmentation de l’énergie solaire reçue), ou d’origine anthropique (émission de gaz à effets de serre) (Figure 6). Figure 6. Principales causes de changements du climat ainsi que quelques échelles de temps caractéristiques. En rouge et en vert sont les forçages externes, en bleu les réarrangements interne au système et en noir les effets anthropiques (Jeandel, 2011) 19 D’un point de vue statistique, il y a changement climatique entre 2 périodes de références si leur différence moyenne dépasse l’écart type (Figure 7). Des fluctuations climatiques se rapportent à des périodes plus courtes de l’ordre de la décennie. Il y a enfin une variabilité interannuelle ou saisonnière qui relève du bruit statistique, c’est pourquoi les climatologues considèrent qu’une durée de trente ans est nécessaire pour établir une référence climatique dite « normale climatique » valable dans une région donnée. Cette référence permet d’établir des écarts (ou anomalies) à une moyenne (ou «°normale ») pour analyser les variations environnementales aux diverses échelles de temps. Figure 7. Les différents types de variations climatiques (Hufty, 2001) En utilisant la diversité des archives du climat, les géologues et paléoclimatologues ont reconstruit un historique approximatif du climat global, en le décrivant par la température moyenne ou l’écart de température avec une normale climatique choisie, à l’échelle des temps géologiques. Cet historique montre qu’à certains moments, l’atmosphère terrestre était significativement plus chaude dans le passé qu’elle ne l’est aujourd’hui. Au contraire, elle était significativement plus froide à d’autres époques du passé (Figure 8 et 1). Les variations de la température au cours des derniers 400 000 dernières années présentées dans la Figure 8 illustrent également les différents types de variations climatiques, passant d’un type oscillant sur une moyenne mobile, à une tendance quand la moyenne est prise sur des périodes plus longues (100000 ans). 20 Figure 8. Variations de la température au cours des 400000 dernières années en Antarctique, par rapport à la normale de 1950 (Petit et al., 1999) Il est important de faire la distinction entre les changements climatiques à long terme, qui se produisent sur plusieurs dizaines de millions voire de centaines de millions d’années, et les changements climatiques à court terme, se produisant en l’espace de dizaines ou de centaines de milliers d’années. 1.2.2 Les causes de changements climatiques Les facteurs qui conduisent à un changement climatique à long terme (périodes de 10 à 100 millions d’années (Ma) comprennent essentiellement des forçages géologiques (Figure 6) : - la dérive des continents influence le climat en contrôlant l’agencement spatial des courants océaniques qui distribuent la chaleur à la surface de la planète. Les surfaces continentales suivant leurs tailles et où elles se situent (basses ou hautes latitudes), jouent un rôle important dans la restitution ou non de chaleur dans le bilan radiatif terrestre. - L’augmentation globale de l’activité volcanique à long terme peut contribuer à un réchauffement global car elle accroit la concentration en gaz à effet de serre de l’atmosphère. - Les événements tectoniques qui conduisent à la surrection des continents affectent la concentration en CO2 atmosphérique en exposant les terrains à la météorisation et à l’altération chimique qui tendent à absorber du CO2. L’effet de serre est diminué, ce qui peut engendrer des périodes plus froides. 21 Les causes des changements climatiques à court terme, périodes de 10 à 100 milliers d’années, sont initiées par des forçages astronomiques, géologiques et des facteurs intrinsèques liées aux interactions entre l’atmosphère, l’océan et la cryosphère : - Les changements de l’orbite et de l’inclinaison de la Terre suivant la théorie de Milankovitch, conduisent, par des cycles de 41000 ans (inclinaison de l’axe de la Terre), 23000 ans (précession), et 100000 ans (excentricité de l’orbite terrestre), à la variation de la quantité globale de chaleur qui atteint la Terre (Figure 9). - Les fluctuations des radiations solaires et des rayons cosmiques : la quantité d’énergie produite et émise par le soleil varie avec le cycle des tâches solaires (9 à 11,5 années). Figure 9. Les variations du mouvement de la Terre autour du soleil (cycles de Milankovic) observées dans l’enregistrement des isotopes de l’eau contenus dans la glace de Vostok en Antarctique (Petit et al., 1999). - Les modifications des courants océaniques par des changements dans la configuration des courants marins et donc de la redistribution de chaleur, ou par des arrivées massives d’eau douce liées à une importante fonte de la banquise ou des glaciers. - Les changements du degré de réflectivité (albédo) de l’atmosphère liés à l’augmentation de la concentration atmosphérique en aérosols volcaniques : le rayonnement solaire est d’autant plus réfléchi vers l’espace sans pouvoir réchauffer la surface de la Terre. 22 - Les modifications de l’albédo de surface : La proportion de surface terrestre recouverte de neige et de glace affecte aussi le degré de réflectivité des rayons solaires traversant l’atmosphère. Un albédo accru engendre un refroidissement, tandis que la diminution de l’albédo cause un réchauffement. Les changements climatiques à court terme peuvent être observés dans les archives des dernières centaines de milliers d’années. Ces archives donnent une idée de l’ampleur et de la durée du changement climatique à court terme. Durant cette période des derniers 400000 ans par exemple, il y a eu une succession de quatre ères glaciaires (Figure 8), marquées elles-mêmes par des oscillations rapides, séparées par des périodes interglaciaires plus chaudes. Les variations de température de l’Antarctique caractéristiques des transitions glaciaire-interglaciaire (G-IG) sont de l’ordre de 6 à 10°C d’amplitude. Figure 10. Ecarts de températures globales reconstituées par proxys. LGM : dernier maximum glaciaire, OD : Drias ancien, B-A : Bolling Allerod, YD : Drias récent, Holocène (Shakun et al., 2012). Si on se concentre sur la dernière transition G-IG entre 22000 et 6000 ans (Figure 10), on voit que la température globale a augmenté d’environ 4°C entre le dernier maximum glaciaire (LGM) et la période chaude plus récente de l’Holocène. Cet enregistrement, obtenu à partir d’une moyenne de 80 reconstitutions de température par proxys réparties sur toute la surface du globe, illustre l’augmentation de la température moyenne globale. On note que cette évolution de température s’accompagne d’une augmentation de la teneur du CO2 atmosphérique enregistrée dans les glaces de l’Antarctique (la discussion du décalage entre les deux enregistrements n’entre pas dans le cadre de ce mémoire). 23 Figure 11. Reconstitution de la variation de température moyenne de l’hémisphère nord à partir de plusieurs proxys (cernes d’arbres, carottes glaces, coraux, données historiques, mesures instrumentales) enregistrés sur plus de 100 sites de l’hémisphère nord (Mann et al., 1998). Beaucoup plus récemment, l’évolution de la température moyenne de l’hémisphère nord, obtenue à partir d’une centaine de reconstitutions (Figure 11), montre une augmentation de près de 1°C au cours du dernier siècle. Le rapport du GIEC de 2007 (GIEC, 2007) souligne le rôle significatif des activités humaines dans ce changement dû à l’augmentation conséquente de gaz à effet de serre rejetés dans l’atmosphère (Figure 12 A et B). A B Figure 12. A) bilan énergétique moyen pour la période 2000-2004 : un déséquilibre du bilan de 0.9 W/m2 a été calculé et attribué aux émissions de CO2 anthropiques (Hansen et al., 2005). B) évolution de la concentration en CO2 atmosphérique depuis 10000 ans issue des carottes de glace (points violets, verts, bleus) et de prélèvements d’air (points rouges) (GIEC, 2007) 24 1.3 Paléocéanographie et géochimie marine 1.3.1 La circulation océanique L’océan est un grand réservoir d’eau salée dont la surface couvre environ 70% de la Terre. Via sa grande capacité thermique (1000 fois plus que l’atmosphère), il occupe un rôle de régulateur dans le système climatique terrestre. L’océan affecte le climat car les courants transportent de la chaleur. Ainsi les courants chauds des couches de surface peuvent réchauffer le climat d’une région, et à l’inverse, les eaux froides modèrent la température des eaux des régions équatoriales. La circulation océanique est contrôlée, entre autre, par les propriétés thermohalines des masses d’eau et la morphologie des bassins. Elle est initiée dans les hautes latitudes Nord et sud de l’océan Atlantique par le plongeon d’eau froide et salée assez dense pour atteindre les profondeurs océaniques. La partie atlantique nord de cette boucle contribue ainsi à la redistribution de la chaleur à l’échelle du globe (Bryden et Imakawi, 2001). Cette circulation est communément représentée comme un « tapis roulant » (Figure 13) impliquant les masses d’eaux chaudes en surface, transportant la chaleur des basses vers les hautes latitudes, et les courants profonds, froids parcourant le trajet inverse (Broecker et Ostlund, 1991). Figure 13. Schéma de la circulation océanique thermohaline (GIEC, 2001) En océanographie, les paramètres de température (T) et salinité (S) sont particulièrement importants. Ils servent de carte d’identité permettant d’identifier les différentes masses 25 d’eaux profondes. Grâce à elles, on définit des masses d’eau. La salinité de l’eau de mer (Figure 14B) ne peut être modifiée qu’en surface de l’océan par le bilan entre l’évaporation, les précipitations et les apports d’eaux douces continentales. De même, toujours à la surface, la température de l’eau de mer (Figure 14A) peut être modifiée au contact de l’atmosphère, par l’évaporation ou par rayonnement (absorption-émission des rayons infrarouges). En revanche, en profondeur il n’y a pas d’échanges directs avec l’atmosphère, T et S ne peuvent alors être modifiés que par mélange entre des eaux de T et S différentes. Les masses d'eau profondes sont ainsi identifiées en fonction de leur température, de leur salinité. Ces caractères sont acquis en surface suite à l'évaporation, aux précipitations, à l'arrivée d'eaux douces continentales et à la congélation de l'eau de mer. Arctique Antarctique Température (°C) Figure 14A. Distribution de la température (°C) le long d’un profil nord-sud de l’océan Atlantique (Schlitzer, 2010) Salinité (°/°°) Figure 14B. Distribution de la salinité (°/oo) le long d’un profil Nord-Sud de l’océan Atlantique. Les différentes masses d’eaux sont notées en blanc (Schlitzer, 2010) 26 Les eaux qui existent en profondeur dans les différents bassins de l’océan mondial proviennent initialement de la surface aux hautes latitudes. Il faut environ 1000 ans à une masse d’eau pour parcourir la boucle océanique globale. Au cours de leur trajet, ces eaux sont d’abord des eaux de surface en contact avec l’atmosphère. Aux niveaux des hautes latitudes, ces eaux superficielles se refroidissent, et la formation de glace de mer contribue à augmenter leur salinité. Elles acquièrent ainsi une densité telle qu’elles plongent dans les profondeurs abyssales, engendrant ainsi le mouvement de circulation générale (Figure 15). Pour donner un ordre de grandeur du transport des masses d’eaux, on utilise le Sverdrup (Sv = 10^6 m3/s). A titre indicatif, le débit de la masse d’eau profonde Atlantique (NADW) est de l’ordre de 24 Sv (le fleuve Amazone a un débit moyen de 0,2 Sv). Figure 15. Section nord-sud du bassin Atlantique moderne. L’océan présente une stratification verticale des masses d’eau en fonction de leur densité (Marshak, 2010) 1.3.2 La paléocéanographie La reconstitution de ces deux paramètres au cours du temps permet d’étudier l’évolution des masses d’eau associée aux changements climatiques. Pour illustrer cette démarche, on présente ici un autre outil permettant d’identifier les masses d’eau: la composition isotopique du carbone de l'eau (δ 13C). Cet outil est utilisé comme un traceur conservatif des masses d'eaux. Dans l'océan Atlantique, la distribution du δ13C de l'eau reflète la distribution des masses d'eau. La figure 16A montre que le gradient du δ13C de l'océan profond moderne (actuel) est corrélé avec la distribution de la salinité observée dans la figure 14B. La masse d’eau Nord Atlantique (North Atlantic Deep Water, NADW) en provenance des hautes latitudes Nord plonge vers le Sud. Les profondeurs abyssales de 27 l’hémisphère sont quant à elles baignées par une masse d’eau d’origine antarctique (Antarctic Bottom Water, AABW), plus dense que NADW. Les enregistrements de δ13C mesurés cette fois dans les foraminifères benthiques prélevés dans les carottes de sédiments marins, permettent d'acquérir des informations concernant la distribution des masses d'eaux profondes dans le passé. La reconstitution de la distribution du δ13C au cours du dernier maximum glaciaire il y a 21000 ans (Figure 16B), met en évidence une profonde réorganisation des masses d'eaux, avec le remplacement de NADW par une masse d'eau moins profonde, la masse d’eau atlantique intermédiaire (Glacial North Atlantic Intermediate Water, GNAIW) (flèche noire) et, plus profondément, par une invasion d'eau intermédiaire Antarctique (Antarctic Intermediate Water, AAIW), jusqu'à 40°N (flèche blanche). Figure 16. A) Comparaison de la distribution moderne du 13C de l’eau, avec B) la reconstitution de la distribution glaciaire à partir du 13C des foraminifères benthiques (Duplessy et al., 1988) Si la distribution du δ13C de l'eau reflète la distribution des masses d'eau, elle ne fournit néanmoins pas d’information concernant la température, ni la densité des masses d’eau. Ces informations peuvent être obtenues par d’autres proxys que nous présenterons dans la suite de ce mémoire. La paléocéanographie permet ainsi de reconstituer l’évolution des paramètres océaniques dans le passé et de mieux comprendre le rôle de l’océan lors des changements climatiques. 28 1.3.3 Les archives sédimentaires marines Les sédiments marins représentent des archives précieuses des changements climatiques. Par exemple, la mesure du rapport 18 O/16O*1 dans la calcite des coquilles de plancton fossile contenues dans les sédiments marins profonds (figure 17) montre les tendances à long terme au cours des 70 derniers millions d’années (refroidissement entre 70 et 50 Ma suivi d’un réchauffement). Le contenu fossilifère et la nature du sédiment ont permis de dater et d’estimer la cyclicité climatique mis en évidence au Quaternaire (Hays et al. 1976). Figure 17. En bas, rapport 18O/16O dans la calcite des tests de foraminifères contenus dans les sédiments marins profonds. En haut, évolution de la température (18O/16O) au cours des 2 derniers millions d’années, la diminution du rapport 18O/16O correspond à des avancées glaciaires (Marshak, 2010) Pour accéder et étudier les dépôts de sédiment les plus anciens, les océanographes ont développé dès la fin du XIXe siècle des carottiers constitués, encore aujourd’hui, d’un tube permettant de ramener à la surface des carottes de sédiments (Figure 18). Une carotte est un prélèvement d’un volume cylindrique de sédiment, par gravité ou par forage, à l’aide d’un tube en acier de longueur variable selon le substrat échantillonné (de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres de long). La carotte conserve la position des différentes strates qui la composent. Le sédiment le plus ancien sera le plus profond, et le plus récent celui du sommet de carotte, à l’interface eau-sédiment. 1 Le rapport isotopique de l’oxygène est présenté en détail dans la partie 1.3.5 29 Figure 18. Sections de carotte de sédiment marin remontée à bord du N/O Marion Dufresne (Photo : LSCE) Le sédiment marin a deux origines : l’une détritique et l’autre biogénique. Le sédiment d’origine détritique correspond aux matériaux qui ont été arrachés aux continents. La nature des roches détritiques terrigènes dépend de la nature des roches soumises à l'érosion, du régime climatique de la région d'alimentation, des conditions hydro- et/ou aérodynamiques de transport et de dépôt, ainsi que des transformations post-dépôt, la diagenèse. Le sédiment biogène, quant à lui, est constitué de l'ensemble des micro-organismes fossilisés qui ont vécu à la surface (planctonique) ou en profondeur (benthique) des océans. Une grande proportion des micro-organismes planctoniques et benthiques possède un squelette minéralisé, soit en carbonate de calcium (CaCO3, calcite ou aragonite), comme par exemple les foraminifères ou certaines micro-algues du nannoplancton, soit en silice (SiO2), comme les diatomées et les radiolaires. Après la mort d'un individu, son squelette devient une particule sédimentaire. Il s'ensuit que la surface des océans produit une pluie continuelle de très fines particules. Cette pluie, composée de matières organiques non encore oxydées, de calcaire et de silice produit une couche sédimentaire sur le plancher océanique. Notons que les foraminifères benthiques vivant à la surface du sédiment, existent même à très grande profondeur (>5000m). En somme, le gros des sédiments au large des marges continentales est produit par l'océan lui-même, biologiquement ; ces sédiments forment, à la surface des plaines abyssales et des zones de dorsales, une couche composée d'un mélange de matières organiques, de silice et possiblement de carbonates, avec des proportions variables d'argiles et de poussières atmosphériques. Les alternances de climats chauds et froids que la Terre a connus au cours de son histoire récente sont enregistrées dans les sédiments marins car la nature même de ce sédiment 30 apporte certaines informations globales. Au cours des périodes interglaciaires, la sédimentation est dominée par des apports carbonatés (foraminifères, coccolithophoridés, ...), alors que durant les périodes glaciaires, la sédimentation devient essentiellement terrigène, déposant des couches de matériel détritique, produits de l’érosion continentale, au fond de l’océan (Figure 19). ___ 1mm Figure 19. Vue sous loupe binoculaire d’une fraction détritique (quartz, feldspath) en bas à gauche, et d’une fraction biogénique (foraminifères planctoniques) en haut à droite (Photo : LSCE) La résolution temporelle d’une carotte va dépendre du taux de sédimentation, tandis que la durée de l’enregistrement continu va dépendre étroitement de la longueur du carottage sédimentaire obtenue au site de prélèvement. Ainsi, des carottes de même longueur peuvent couvrir des centaines de milliers d’années à faible taux de sédimentation, ou bien offrir une haute résolution de l’Holocène (0-10000 ans) à fort taux de sédimentation. Nous nous intéresserons particulièrement aux techniques de carottage dans la deuxième partie de ce mémoire. 1.3.4 Les foraminifères marins Les foraminifères sont des organismes unicellulaires dont le test (ou squelette) est composé de plusieurs loges (ou chambres) toutes remplies par du cytoplasme qui recouvre aussi le test. Ils sont présents dans presque toutes les mers du globe. Les espèces planctoniques occupent de façon très importante les deux cents mètres supérieurs des océans et sont passivement entraînées par les courants mais susceptibles d’effectuer des migrations verticales. Elles exigent des conditions physico-chimiques stables, et ne supportent pas, en particulier, les nuisances liées aux eaux continentales (turbidité, baisse de salinité). Ces foraminifères sont bien adaptés à la flottaison : test mince, inclusions protoplasmiques graisseuses, capsules gazeuses (Figure 20B). D’autres, benthiques vivent sur le fond, soit à la surface du sédiment, soit enfouies dans celui-ci (endofaune), soit sur des supports végétaux ou des particules (épifaune) (Figure 20B). Ce sont aussi des micro-organismes 31 très sensibles aux conditions environnementales permettant ainsi de reconstituer de manière précise les paramètres des eaux dans lesquelles leur croissance s’est effectuée. C’est ainsi qu’en mesurant la composition chimique des tests des foraminifères planctoniques et benthiques, on peut déterminer la composition chimique de l’eau de surface et de profondeur de l’océan respectivement, ainsi que les paramètres des masses d’eau (T et S). __ 100m P. wuellerstorfi Uvigerina peregrina Figure 20A. Exemples de foraminifères benthiques vue au microscope électronique à balayage (MEB) (Photo : université d’Angers) __ 100m Globigerina bulloides Globigerinoides ruber Figure 20B. Exemples de foraminifères planctoniques vue au MEB (Photo : université d’Angers) Le grand intérêt géologique des foraminifères tient à leur immense productivité. Ils vivent dans toute la colonne d'eau. Les plus fortes concentrations se trouvent à des profondeurs comprises entre 10 et 50 m (planctoniques). Les populations vivantes comptent 1 à 200 individus par m2 en surface. Dans la nature actuelle, les individus et les espèces sont plus abondants dans les eaux chaudes. Actuellement, on estime que 47% des fonds océaniques sont couverts par leurs tests qui tombent en pluie constante, à la vitesse moyenne de 2 cm/s, sur le sol marin. 1.3.5 La géochimie marine La composition isotopique de l’oxygène des foraminifères est un des outils les plus utilisés en paléoclimatologie depuis les travaux d’Emiliani (1955). Il permet de reconstituer l’évolution du 18O de l’eau de mer qui est lié à la température, aux volumes des glaces et 32 donc à la salinité. C’est un outil essentiel pour la reconstitution des paramètres hydrologiques des masses d’eau. Deux isotopes d’un même élément présentent le même nombre atomique mais ils sont caractérisés par des masses atomiques différentes. Ainsi on peut trouver l’oxygène sous forme 16 O ou 18 O. On a découvert que le rapport normalisé entre [((16O/18O)ech-(16O/18O)std)/(16O/18O)std]–1) de la glace 16 O et indique 18 O ou 18O (= la température atmosphérique sous laquelle la neige qui constitue la glace s’est formée : ce rapport est plus élevé pour la neige qui se forme dans un air plus chaud, et un rapport plus faible pour la neige qui se forme dans un air plus froid. A cause de cette relation, le rapport isotopique mesuré dans une succession de couches de glace au sein d’un glacier indique les changements de température qui se sont produits au cours du temps. Ces archives glaciaires couvrent une période qui atteint 800000 ans en Antarctique. De même le rapport 16 O/18O dans le test de CaCO3 qui constitue les coquilles de foraminifères fournit également une indication des températures du passé. Dans les années 50 et 60, des études ont montré une relation entre la composition isotopique de l’eau de mer, celle de la calcite des foraminifères et de la température de l’eau de mer (Emiliani, 1955). En effet, le 18O de la calcite est directement lié à celui de l’eau de mer par un fractionnement isotopique fonction de la température. Il augmente d’environ 0,25 per mil quand la température baisse de 1°C. Cette relation est exprimée par la relation des paléotempératures (1) par Shackleton, 1974. T = 16.9 – 4.38*(18Of-18Ow) + 0.10*(18Of-18Ow)2 (1) (T=température °C ; 18Of=signal isotopique des foraminifères, 18Ow= signal isotopique de l’eau de mer) Un refroidissement local des eaux se traduit ainsi par une augmentation du rapport 18O/16O de la coquille des foraminifères, au même titre qu’une augmentation du volume des glaces continentales. L’analyse de la composition isotopique des foraminifères est donc un moyen très sensible de suivre l’évolution moyenne du climat planétaire, mais il n’est pas possible de faire d’une manière simple la part du signal global lié au changement de volume des calottes glaciaires et celle des variations locales de la température des eaux de l’océan. La mise au point d’autres paléothermomètres, indépendants, a donc été l’enjeu de nombreux travaux de recherche, et au cours des 15 dernières années, un autre proxy, le rapport entre la concentration en magnésium et en calcium (Mg/Ca) mesuré dans les tests 33 de foraminifères a émergé comme traceur potentiel. Nous reviendrons en détail sur cette méthode qui est au cœur de ce mémoire. L’étude de certains éléments à l’état de traces (ppm ou ppb, partie par million (10-6) ou partie par billion (10-9)), comme pour le Mg des tests de foraminifères, apporte des renseignements sur l’environnement de croissance de ces organismes. Ces éléments ne peuvent être utilisés comme traceur des paramètres géochimiques et hydrologiques que si un certain nombre de conditions sont réunies : - Il existe une relation établie entre l’ « élément trace » et le paramètre d’intérêt. - Cette relation est conservée à l’intérieur du carbonate biogénique même après l’enfouissement. - L’élément trace peut être déterminé avec la précision et la justesse nécessaire pour produire une donnée fiable. C’est ainsi que la mise en évidence d’une relation entre le cadmium Cd et le phosphore P dans l’océan a permis au rapport Cd/Ca des foraminifères d’être utilisé comme traceur du phosphate en eau profonde et de circulation océanique profonde (Boyle, 1981, 1988, 1992). La relation entre le barium Ba et alcalinité permet l’utilisation du rapport Ba/Ca comme traceur de l’alcalinité (Lea et Boyle 1991 ; Lea 1993). Le rapport Zn/Ca combiné au rapport Cd/Ca peut être utilisé comme traceur de la concentration en ion carbonate (CO32-) des eaux profondes (Marchitto et al, 2000), et le rapport U/Ca des foraminifères benthiques fourni un enregistrement des teneurs en uranium des eaux anciennes, possible indicateur de l’étendue d’eau profonde anoxique ou faiblement oxygénée (Russel et al, 1994). La composition isotopique du bore B et le rapport B/Ca des foraminifères planctoniques (Yu et al, 2007) sont quant à eux utilisés comme traceur du pH des eaux de surface, tandis que le rapport Ba/Ca des foraminifères benthiques reflète l’état de saturation en carbonates des eaux profondes (Yu et Elderfield, 2007). L’analyse de la composition en éléments traces peut apporter autant de renseignements en partie grâce à l’essor de nouvelles technologies d’analyse par spectrométrie et aux développements de protocoles analytiques liés à la géochimie des éléments majeurs et mineurs et des éléments traces. 34 1.4 La détermination de paléotempératures de l’eau de mer : la méthode Mg/Ca La mise au point d’outils permettant la détermination de la température passée des eaux océaniques de surface et de fond est une des grandes priorités de la paléocéanographie pour la compréhension des changements climatiques. Ces dernières années ont vu se développer un outil particulièrement prometteur basé sur l’analyse du rapport Mg/Ca dans les tests des foraminifères. 1.4.1 Le paléothermomètre Mg/Ca Lors de la calcification du test des foraminifères, certains éléments chimiques de l’eau de mer, de rayon ionique proche de celui du calcium, dont le magnésium, vont se substituer au calcium dans le réseau cristallin du test. Il a été démontré expérimentalement que cette substitution s’accroît quand la température augmente. La dépendance à la température du rapport Mg/Ca des tests des foraminifères s’explique par l’influence de la température sur le coefficient de répartition du magnésium entre la calcite et l’eau de mer, ainsi que sur les processus physiologiques qui affectent l’incorporation du magnésium lors de la constitution du test (Rosenthal et al., 1997). En mesurant le rapport Mg/Ca dans la calcite du foraminifère conservé dans les sédiments, on peut donc espérer reconstruire les variations de température de l’eau de mer dans le passé. L’incorporation de traces de magnésium dissous dans l’eau de mer dans la calcite du squelette peut être assimilée à une diffusion thermodynamique, modulée par le métabolisme. Il est donc nécessaire d’établir des calibrations fondées sur l’étude de la calcite biogénique. Le Mg et le Ca ont un temps de résidence dans l’océan qui est relativement long, environ 13 millions d’années (Ma) and 1 million d’années (Ma) respectivement, impliquant un rapport Mg/Ca de l’eau de mer presque constant dans des échelles de temps inférieures au million d’années. Des calibrations en température sont établies pour différentes espèces de foraminifères, à partir de la mesure même du rapport Mg/Ca d’échantillons récents que l’on trouve les sédiments les plus actuels (dans les sommets de carotte à l’interface eau/sédiment), et de la température de surface pour les planctoniques (de fond pour les benthiques), issue d’atlas océanographique ou de mesures in-situ. Plusieurs travaux ont montré que le rapport Mg/Ca dans le test des foraminifères planctoniques et benthiques est une fonction exponentielle (2) de la température de 35 calcification du test (Nürnberg et al., 1996 ; Mashiotta et al., 1999 ; Lea et al., 1999 ; Rosenthal et al., 1997). Cette fonction est du type: Mg/Ca (mmol/mol) = B * exp (A*T) (2) Avec A paramètre reflétant la sensibilité à la température et pouvant donc caractériser les espèces étudiées, et B est une constante dépendante de paramètres cinétiques comme le taux de croissance en fonction des conditions environnementales (Rosenthal et Lohmann, 2002). Le rapport Mg/Ca donne ainsi une estimation directe de la température de l’eau lors de la formation de la calcite, une fois A et B définis. La calibration de la Figure 21 est basée sur une compilation de données de 11 espèces de foraminifères planctoniques vivant à différentes températures. Elle met en évidence un certain degré de variabilité dans l’incorporation du Mg entre les espèces, malgré une ressemblance dans la sensibilité à la température (A=0.09 et B=0.38). Pour améliorer l’estimation de la température, des auteurs ont mis en évidence que des calibrations différentes selon les espèces doit être établies. Figure 21. Calibration Mg/Ca-température à partir des foraminifères planctoniques issus de sommets de carotte (Anand et al., 2003) 1.4.2 Les limites de la méthode Mg/Ca L’utilisation du rapport Mg/Ca en tant que thermomètre est un outil assez récent comparé aux outils isotopiques. L’incorporation du Mg/Ca dans les tests de foraminifères contient de nombreux biais qui ne sont pas encore bien compris dont voici les principaux : 36 L’effet de taille Comme la composition isotopique de l’oxygène, le rapport Mg/Ca est aussi dépendant de la taille du test des foraminifères (Elderfield et Ganssen, 2000). La modification du fractionnement biologique au cours du cycle de vie ou les variations du milieu de calcification pourraient être à l’origine de la relation entre la taille et le rapport Mg/Ca. Par exemple, d’après Elderfield et Ganssen (2000), les rapports Mg/Ca des foraminifères G. ruber et de G.bulloides augmenteraient respectivement de près de 0,8 et 0,3 mmol/mol entre 250 μm et 500 μm. On peut ainsi limiter l’impact de la taille du test lors de l’échantillonnage en se restreignant à n’utiliser qu’une certaine gamme de taille de tests, soit ici la gamme 150-250 μm couramment employée pour les études isotopiques et d’éléments traces sur foraminifères. La calcite gamétogénique Lors de leur développement, les foraminifères créent une couche de calcite sur l’ensemble de leur test tous les quelques jours et cela en l’espace de quelques heures. A chaque étape, on discerne deux sortes de calcite : la calcite dite primaire et la calcite dite secondaire. La calcite primaire délimite le contour de la coquille et devient la lamelle intérieure de la nouvelle loge. La calcite secondaire recouvre cette membrane et l’ensemble de la coquille préexistante (Bentov et Erez, 2006; Erez, 2003). De nombreuses espèces et particulièrement les foraminifères planctoniques profonds vont déposer, avant de se reproduire, une dernière croûte additionnelle de calcite sur le test. Cette croûte de calcite est appelée calcite gamétogénique, parce que son dépôt est associé au processus de formation des gamètes pendant la phase de reproduction. On peut mesurer expérimentalement que la calcite gamétogénique est appauvrie en Mg/Ca, contribuant à abaisser le rapport Mg/Ca moyen du test. Deux hypothèses peuvent expliquer cette différence de composition Mg/Ca entre les fractions du test : soit des changements de la profondeur d’habitat (température de calcification différente) au cours du cycle de vie, soit des mécanismes de calcification différents (Erez, 2003). Pour s’affranchir de cette couche de calcite, durant la phase de nettoyage de l’échantillon, une légère attaque chimique des tests à l’acide faible sera employée. Le plus souvent, cette étape sera suffisante pour dissoudre cette couche de surface. 37 Les ions carbonates Le rapport Mg/Ca des foraminifères benthiques peut aussi être significativement influencé par des variables autres que la température. Plusieurs études récentes ont montré qu’il peut exister une corrélation entre la teneur en ion carbonate ([CO32-]) de l’eau du milieu de vie du foraminifère et la composition en éléments traces du test calcaire des foraminifères (Bijma et al., 1999 ; Elderfield et al., 2006). Ces études conclues que le rapport Mg/Ca est réduit lorsque le taux de saturation en ions carbonates est faible. L’influence de la concentration en [CO32-] a été mesurée expérimentalement en laboratoire sur les foraminifères. Ce phénomène serait cependant limité aux eaux sous-saturées et dont le degré de saturation en ions carbonates, défini par [CO32-]=[CO32-]-[CO32-]sat , est négatif. La dissolution La calcite après dépôt dans le sédiment peut se dissoudre sous l’effet de l’agressivité de l’eau de fond et de l’eau interstitielle sous-saturées en carbonates (Brown et Elderfield, 1996; Rosenthal et al., 2000). Nous avons cependant sélectionné des carottes sédimentaires prélevées au-dessus de la lysocline, la profondeur dans l’océan à partir de laquelle la solubilité de la calcite augmente fortement. La mesure du rapport Mg/Ca des foraminifères planctoniques est aujourd’hui couramment employée pour déterminer les changements de température de surface de l’océan (Lea et al. 1999 ; Elderfield et Ganssen 2000 ; Rosenthal et al. 2000) et commence à être de plus en plus utilisée pour les eaux profondes. Cependant, les variations de température estimées dans l’océan profond entre la dernière période glaciaire et l’Holocène, sont proches des incertitudes de mesures (2 à 3°C). De plus, le matériel benthique est souvent peu abondant dans les carottes. L’amélioration de la précision des analyses Mg/Ca permet aujourd’hui de déterminer des concentrations d’élément proches de quelques dizaines de ppb avec seulement quelques mg de test carbonaté par échantillon pour une détermination par ICPOES (Lear et al. 2002 ; Martin et al. 2002 ; Skinner et al. 2003). Ces améliorations seront au cœur de la Partie 3 de ce mémoire. Auparavant on présente la principale source de notre matériel d’étude : les carottes sédimentaires et les techniques de forages scientifiques utilisées pour les prélever. 38 PARTIE 2 - Les techniques de forages scientifiques en mer et outils géotechniques embarqués 2.1 Les forages scientifiques Les forages sont utilisés principalement pour la reconnaissance et l’exploitation des ressources naturelles enfouies, comme le pétrole, l’eau, ou les ressources minières. Ils sont également utilisés à d’autres fins, telles que la géothermie, le drainage d’aquifères ou encore l’enfouissement de gaz. Dans le domaine du bâtiment et des travaux publics, on utilise les forages pour réaliser des injections et permettre la consolidation d’ouvrages ou pour la reconnaissance du sous-sol par essais in-situ (pressiomètre, pénétromètre, piézomètre, diagraphie…) et pour le carottage d’échantillons en place. Dans l’industrie pétrolière, le forage est la clé de toute prospection. Il permet d’atteindre les roches poreuses et perméables du sous-sol, susceptibles de contenir les précieux hydrocarbures liquides ou gazeux, et il représente l’essentiel du coût total d’une installation. Son implantation est décidée suite aux études géophysiques et géologiques, comme par exemple en mer sur les plateaux continentaux, où l'on retrouve à faible profondeur d’immenses réservoirs emprisonnés dans des formations sédimentaires. Une autre utilisation de ces forages s’est développée autour des besoins de la recherche scientifique pour l’acquisition d’échantillons issus du sous-sol continental ou océanique ainsi que des calottes polaires ou des glaciers. Ces forages, avec les carottages scientifiques, permettent d’apporter aux scientifiques un grand nombre d’échantillons en place et non perturbés à étudier et analyser. Nous allons tout particulièrement nous intéresser aux forages et carottages scientifiques effectués dans les fonds marins, où l’on trouve le plus grand nombre d’archives naturelles des environnements passés de la Terre. Nous ferons tout d’abord un rapide historique des techniques de forage-carottage et des plus grands programmes scientifiques associés. Ensuite une étude récente sur l’amélioration d’une technique de carottage sera développée en détails. Enfin nous passerons en revue quelques outils géotechniques embarqués sur les 39 navires de la flotte océanographique française pour la caractérisation des propriétés physiques du sous-sol marin. 2.1.1 Point de départ des forages scientifiques océaniques Les techniques de forage scientifique de fond océanique sont issues de la technologie pétrolière off-shore, qui en développant des forages grande longueur, ont dressés de véritables coupes géologiques des plates-formes continentales et des mers peu profondes. A la fin des années 60, les Etats-Unis mettent en service le programme de forage scientifique océanique DSDP (Deep Sea Drilling Project) pour soutenir les études sur l’expansion océanique et sur la tectonique des plaques. Ils débutent ainsi les grandes campagnes de forage continu dans l’océan Atlantique, puis dans le Pacifique et l’océan Indien. Ce programme, étendu en coopération internationale en 1983, est renommé ODP (Ocean Drilling Program) et a représenté un énorme effort mondial dans la contribution de forage scientifique des fonds océaniques avec plus de 2000 trous forés par le navire de forage (Drilling Vessel) D/V Joides Resolution. Aujourd’hui et depuis 2003, le programme intégré de forage océanique IODP (Integrated Ocean Drilling Program) est devenu un partenariat international regroupant des organismes de recherche et des scientifiques spécialistes des sciences de la terre et du vivant. Successeur direct du programme ODP, il a pour vocation l’étude de la structure et de l’évolution de la Terre en apportant des explications à des questions fondamentales sur les transferts de chaleur et de matière, la déformation de la lithosphère, la dynamique du manteau et du noyau, les ressources en hydrates de gaz ou encore le changement climatique (Figure 22). Plusieurs plateformes de forage permettent aux chercheurs du monde entier d’accéder à de vastes carothèques riches de données géologiques, biologiques et environnementales prélevées dans le plancher océanique. Les carottes sont la richesse des programmes, elles renferment beaucoup d’informations que les chercheurs veulent déchiffrer. Pour les conserver dans de bonnes conditions, elles sont stockées dans des carothèques à environ 4°C pour limiter les dégradations physiques et chimiques. 40 Figure 22. Objectifs scientifiques de IODP (IODP, 2001) 2.1.2 Le programme IODP Le programme IODP regroupe aujourd’hui 8 partenaires représentant 26 pays : les ÉtatsUnis, le Japon, le consortium européen ECORD (European Consortium for Ocean Research Drilling), auquel la France participe, la Chine, la Corée, le consortium Australie-Nouvelle Zélande, l’Inde et le Brésil. Les États-Unis mettent en œuvre l’ancien navire de forage conventionnel D/V Joides Resolution, déjà utilisé dans le cadre d’ODP. Le Japon apporte à la communauté un nouveau navire de forage dit "riser", le D/V Chikyu, qui permet de forer plus profondément que dans le passé. Ce système riser est adapté de l’industrie pétrolière. Il s’agit d’une large enceinte d’environ 1 mètre entourant le train de tige permettant la circulation de la boue de forage afin de maintenir l’équilibre de pression à l’intérieur du trou de forage ainsi que l’évacuation en continu des débris de roche générés par le forage. Cette technique qui évite le blocage du train de tige par les débris est essentielle pour forer à plusieurs milliers de mètres de profondeur ou dans des zones au sous-sol instable (Figure 23). En tête de puits, un bloc obturateur de puits a été conçu pour empêcher la formation de toute surpression dangereuse pour protéger l'équipage et les équipements ainsi que l'environnement marin. 41 Figure 23. Le navire de forage Chikyu et ses tubes riser en attente de montage (Source : IODP) L’unicité du D/V Chikyu réside dans son système de carottage et ses capacités de laboratoire. Ce système permet en effet de collecter de très longs enregistrements continus par section d’un mètre et demi de sédiments ou de roches, et de les examiner à bord pendant les opérations. La carotte est extraite en utilisant des outils de carottage et remontée dans le train de tige par un système de câbles, conçu spécialement pour un navire de forage riser. Selon cette méthode, on envoie à l'intérieur du train de tige de forage l'un des quatre types de carottier transporté à bord du Chikyu, chacun d’entre eux étant conçu pour différentes conditions géologiques et permettre une collecte ininterrompue (Figure 25). Les 2 types de carottier les plus utilisés sont ; le carottier à piston hydraulique (HPCS) utilisé pour les sédiments meubles non consolidés (Figure 24A), et le carottier à tube rotatif (RCB), généralement utilisé pour forer dans les formations indurées ou dans la croûte océanique (Figure 24B). Remontées à bord, les sections de carotte sont envoyées dans les laboratoires répartis sur quatre ponts pour y être analysées : - propriétés physiques (CT Scanner X-ray, colorimétrie, densité, vitesse de propagation des ondes de compression P). - paléomagnétisme (susceptibilité, rémanence). - géochimie (analyse des gaz, des éléments majeurs/mineurs/traces, de l’eau interstitielle). - microbiologie (matière organique, bactéries...). 42 Figure 24. (A) Photo d’une tête de carottier à piston HPCS utilisée pour les sédiments non consolidés. (B) Photo d’une tête de carottier rotatif RCB destiné aux roches dures (Source : IODP). Figure 25. Schéma synthétique du système de forage du D/V Chikyu (Source : IODP) La participation française et européenne dans ECORD permet d'étendre la capacité scientifique du programme IODP en apportant un soutien spécifique dans des domaines 43 clés tels que les régions arctiques et les mers peu profondes ou inaccessibles aux navires de forage. Elle apporte ainsi des moyens d'investigation complémentaires tels que des instruments robotisés ou la mise à disposition du navire océanographique polyvalent français N/O Marion Dufresne et de son carottier géant Calypso. 2.1.3 Le Programme IMAGES IMAGES (International Marine Past Global Change Study) est un programme international de collaboration scientifique impliquant 26 nations et visant à la collecte et l'interprétation de données paléoclimatiques de haute qualité issues des océans du globe. Il vise à comprendre le rôle des processus marins dans le système climatique au cours du dernier million d’années. Pour servir ces objectifs, IMAGES organise des missions océanographiques, des groupes de travail thématiques et régionaux, des ateliers et des conférences. Au milieu des années 90, IMAGES est pionnier dans l'utilisation du nouveau carottier à piston Calypso, de type Kullenberg*, un outil capable de recueillir en routine des carottes allant jusqu'à 50 m de longueur et embarqué sur le navire océanographique Marion Dufresne (Lancelot et Balut, 1993) affrété par l’Institut polaire Paul Emile Victor (IPEV). Associé aux autres systèmes de carottage comme le carottier grand volume CASQ, le carottier Calypso fournit aux scientifiques une méthode souple et efficace pour échantillonner le fond de l'océan. Avec une trentaine d’expéditions sur toutes les mers et tous les océans, le programme IMAGES avec le soutien du N/O Marion Dufresne a permis de collecter des archives remarquables de sédiments qui servent à enquêter sur des questions scientifiques majeures. *Le carottier « Kullenberg » a été dessiné pour la première fois par Börje Kullenberg, géologue en sciences marines de l’université de Gothenburg en Suède, et pionnier de la paléocéanographie. Il s’agit d’un carottier par gravité, c’est-à-dire s’enfonçant sous le poids de son lest. Il a été mis en œuvre lors de la «Swedish DeepSea Expedition» en 1947 et pouvant, à l’époque, prélever des carottes de 10 m de longueur. 2.1.4 Le N/O Marion Dufresne et ses carottiers Le navire océanographique N/O Marion Dufresne (Figure 26) est un navire polyvalent à deux fonctions principales : la logistique des îles australes françaises (Kerguelen, Crozet, Amsterdam et Saint-Paul) et la recherche océanographique. En tant que navire scientifique parmi les plus grands de la flotte mondiale (120 m de long), il bénéficie d’une tenue à la mer exceptionnelle permettant de travailler par tous les temps et presque toutes les 44 latitudes. A la différence des navires de forage IODP, le N/O Marion Dufresne n’a besoin que de quelques heures pour effectuer une carotte, autorisant un large choix de sites géographiques au cours d’une mission. Sa spécificité est reconnue sur le plan international en matière de carottage sédimentaire et d'études paléoclimatologiques. Pour cela il est équipé à son bord de 3 types de carottiers : - Le carottier Calypso - Le carottier CASQ - Le carottier d’interface Multi-tubes Figure 26. Le N/O Marion Dufresne armé de son carottier géant Calypso (Photo : LSCE) - Le carottier géant Calypso Le carottier Calypso est un carottier géant à piston de type Kullenberg. Considéré comme le plus pratique et le plus efficace pour la récupération des sédiments marins, il est le seul système au monde à pouvoir collecter une carotte sédimentaire d’une seule traite et pouvant atteindre 60 mètres de longueur. La séquence d’un carottage est résumée à la Figure 27. A la mise à l’eau, le carottier est descendu doucement par le câble porteur jusqu’au fond de l’eau. Lorsque le contrepoids 45 touche le fond, le déclencheur libère le carottier du câble porteur et le tube en acier s’enfonce alors progressivement dans le sédiment sous le poids de son lest. Au sein du tube, un piston est utilisé afin d’assurer le maintien des conditions de pression interne de la carotte sur toute sa longueur, à l’image d’une seringue, ce qui minimise la déformation du sédiment. Enfin, le piston permet de maintenir le sédiment jusqu’à la remontée à bord. Les réglages du carottier et ses améliorations feront l’objet du paragraphe 2.2 de cette partie. Figure 27. Séquence d’un carottage de type Calypso (Source : IPEV) - Le carottier CASQ Le carottier carré CASQ (Figure 28) est de type gravité, il est plus court que le carottier Calypso mais il offre une section plus large de 25x25cm permettant de recueillir une plus grande quantité de sédiment et de bien le conserver en place, surtout au coeur de la carotte. Cependant, une compression du sédiment peut parfois apparaitre en fonction de la friction du sédiment sur l’intérieur du tube. Ce système est ainsi limité aux faibles longueurs de carotte (6 ou 12 mètres) car il n’utilise pas de piston. Ce type de carottier est alors préféré 46 pour recueillir les premiers mètres de sédiments et permet si besoin de remplacer les couches perturbées d’une carotte Calypso sur un même site (voir paragraphe 2.2). Figure 28. Le carottier gravité carré CASQ et son sédiment (Photo : LSCE) - Le carottier d’interface multi-tubes Le carottier d’interface multi-tubes (Figure 29) fabriqué par KC Denmark AS permet d’échantillonner le sédiment qui se trouve à l’interface entre le sédiment et l’eau, sédiment non consolidé donc très meuble. Ce mini carottier est constitué de quatre à huit tubes plastiques de 50 cm à 80 cm de long pour une section de 10 cm. L’originalité est ici de récupérer le sédiment déposé le plus récemment sans le perturber et avec son eau d’interface. En effet avec le carottier Calypso et même avec le carottier CASQ, le sédiment d’interface est souvent chahuté, voire manquant. Figure 29. Le carottier d’interface multi-tubes KC Denmark AS (Photo : LSCE) 47 En prélevant une carotte de chaque type (Calypso, CASQ, et Multi-tubes) sur chaque site d’étude, on obtient ainsi une carotte composite dont le sédiment est parfaitement intact sur son intégralité. Cependant des travaux récents ont montré que la longueur du sédiment récupéré par une carotte Calypso était variable en fonction des conditions opératoires et que la géométrie des couches sédimentaires étaient parfois mal préservée. Ces problèmes observés sur le système de carottage ont amené les scientifiques et techniciens à entreprendre une étude poussée sur l’amélioration de la qualité du carottier Calypso. 2.2 Etude sur l’instrumentation du carottier Calypso pour l’amélioration de la qualité des carottes sédimentaires Les techniques de carottage avaient peu évolué depuis l´apparition du carottier gravité de type Kullenberg en 1947. Dans les années 90, l’IPEV (Institut Polaire) avec Y. Balut a réussi le challenge de concevoir et mettre au point le carottier Calypso sur le N/O Marion Dufresne. Ce carottier gravité géant peut prélever jusqu’à 60 m de sédiment en une seule carotte. Jusqu’ici inégalé, ce système de carottage complexe à mettre en œuvre a atteint ses propres limites. En effet, les scientifiques ont émis des doutes sur la répétitivité et la représentativité d’un carottage (Skinner et McCave, 2003 ; Szemereta et al., 2004). En cause, la qualité variable des carottes suivant la profondeur d’eau (>4000 m) ou les réglages utilisés, et le manque d’information sur la course et la pénétration réelle d’un carottier. A l’occasion de la modernisation du N/O Marion Dufresne, l’amélioration de la qualité du prélèvement par carottage Calypso a donc été une priorité. L’installation de capteurs sur le carottier Calypso a permis de définir les phases successives d’un carottage et de mettre en évidence le rôle principal du piston. La mise au point de ces capteurs et l’interprétation des mesures de cinématique du carottage ont permis de quantifier les déplacements du carottier et de lier la qualité du sédiment au mode de fonctionnement du piston et au comportement du câble (Bourillet et al., 2007). C’est dans ce cadre qu’une partie de ce travail a été menée en octobre 2009 en parallèle de la mission océanographique RETRO au large de Fortaleza (Brésil), sous la direction de P. Woerther de l’Ifremer et Y. Réaud du Centre de Carottage et de Forage National du CNRS/INSU. 48 2.2.1 Les éléments du carottier à piston Calypso Le carottier est composé de 7 parties solides : la plateforme de déclenchement, le contrepoids, le piston, le lest, le tube métallique, l’ogive, le tube PVC ainsi que de 3 câbles : le câble porteur, le câble du contrepoids, le câble du piston (Figure 30). Figure 30. Schéma des éléments du carottier géant Calypso. (Source : IPEV) 2.2.2 Principales perturbations de la qualité d’une carotte de sédiment La qualité d’une carotte pourrait s’exprimer à travers le choix judicieux du site de carottage ou bien encore la richesse en informations du sédiment qu’elle renferme. Pour cela il est nécessaire de conserver au maximum l’intégrité de la structure sédimentaire d’une carotte au cours de son prélèvement. La méthode de carottage Calypso peut dans certains cas 49 provoquer malgré elle des perturbations plus ou moins importantes de ces précieuses archives terrestres. Beaucoup de progrès ont été fait depuis ses débuts, cependant il reste un facteur qui reste toujours difficile à appréhender, la friction du sédiment sur le tube interne en PVC qui vient doubler le tube extérieur en acier pour protéger le sédiment. Ce phénomène de friction est dépendant du type de sédiment traversé, de par sa cohésion, mais aussi des réglages du carottier. Les déformations apportées au sédiment sont variables : étirement, compaction, discontinuité dans la structure sédimentaire initiale (Figure 31). Figure 31. Section de carotte vue aux rayons X. La friction du sédiment sur le tube PVC lors de la pénétration provoque une déformation des strates (Motillon et al., 2006) Le principe du carottage est relativement simple : le tube du carottier lesté chute sous l'action de la gravité, son énergie cinétique lui permettant de s'enfoncer dans le sol. A l'intérieur du tube, le piston doit alors rester le plus possible stationnaire au niveau de l’interface eau-sédiment pendant toute la durée de l’enfoncement du tube dans le sédiment pour maintenir les conditions de pression internes et compenser la friction du tube avec le sédiment, à l’image d’une énorme seringue (Figure 32 II). Cependant, il arrive que le piston subisse une accélération vers le haut pendant le carottage. Cette accélération crée alors une dépression à l’intérieur du sédiment et la friction tube/sédiment est alors surcompensée, tel un effet de succion provoquant un sur-échantillonnage, c’est à dire un étirement progressif du sédiment sur une longueur plus ou moins grande (Figure 32 III). A l’inverse, si le piston ne joue pas son rôle comme c’est le cas avec un carottier gravité simple sans piston, la friction du tube sur le sédiment est telle qu’on observe une compression de la colonne de sédiments provoquant un sous-échantillonnage (Figure 32 I). 50 Figure 32. Schéma des effets associés aux modes de prélèvement de carottes. vz est la contrainte verticale en z, F la force de friction tube/sédiments, Ax la section interne du tube, P0 la pression interne dans le tube à z=0 (au fond de l’eau), et Pt est la différence de pression entre P0 et la pression au fond de l’eau Pd, (Skinner et McCave, 2003) 2.2.3 Importance des réglages liés au câble du piston Après quelques essais de carottage, il a été conclu que les principales perturbations étaient liées au piston et aux réglages de son câble. Le piston est un cylindre métallique inséré dans le tube PVC de la carotte et chargé de faire remonter de façon régulière le sédiment dans le PVC pour éviter de créer des phénomènes de succion ou de compaction du sédiment lors de l’enfoncement. Pour ce faire, le piston doit rester en position stationnaire à l’interface eau-sédiment pendant toute la durée de la chute gravitaire de l’ensemble. De même, la longueur du câble du piston va être déterminante pour le degré de pénétration du tube dans le sous-sol. Trois critères sont alors particulièrement importants pour la détermination de la longueur de câble du piston: la hauteur de chute libre (Hchute libre) et la longueur du carottier (Lcarottier), ainsi que la longueur 51 de boucle chargée de compenser le rebond élastique du câble porteur en aramide (0,1% d’élasticité représente pour 4000 m de câble environ 4 m supplémentaires à intégrer à la longueur totale de chute). Hchute libre doit être fonction du type de sol, de sa compaction, de la longueur de carotte souhaitée, et du poids du lest Figure 33. Les longueurs spécifiques du carottier (Source : IPEV) Longueur câble piston = Lcarottier + boucle câble piston = Lcarottier + Hchute libre + compensation du rebond élastique Pour illustrer l’impact du réglage du câble de piston sur la qualité d’un carottage avec un câble, soit trop court, soit trop long : 1er cas : Longueur de câble piston trop courte Si la longueur de câble du piston est trop courte, on récupère dans ce cas de figure, de l’eau au-dessus de la carotte et on crée un arrêt prématuré de la pénétration. Les carottes remontées sont plus courtes qu’attendues. Figure 34A. Schéma de carottage avec un câble de piston trop court (Source : IPEV) 52 2ème cas : Longueur de câble piston trop longue De façon inverse, si la longueur de câble du piston se trouve être trop longue, l’interface eau-sédiment est écrasée par le piston et en fin de chute le lest vient s’enfoncer à son tour dans le sédiment, risquant de ne plus pouvoir être hissé à la surface. Figure 34B. Schéma de carottage avec un câble de piston trop long (Source : IPEV) 2.2.4 Méthodes et réglages pour cette amélioration Premièrement, une instrumentation du carottier a été mise en place de façon à pouvoir étudier sa cinématique et donc son déplacement et son accélération (Figure 35). Deuxièmement, les paramètres influençant cette cinématique ont été étudiés pour être mieux contraints, notamment en jouant sur les longueurs des câbles, la hauteur de chute, la boucle du piston, le rebond (ou rappel) élastique intrinsèque du câble porteur (0,1% environ), le poids du lest, pour des profondeurs d’eau différentes. Enfin, une modélisation de la cinématique du carottage est réalisée à partir des données recueillies. Pour permettre un bon agrément entre les données cinématiques et la qualité réelle des carottes prélevées, on s’est appuyé sur plusieurs outils qui sont : - Le profil du pénétromètre statique Penfeld (voir paragraphe 2.3.1) - Les photographies des sections de carotte - La description des carottes - Une analyse multi paramètres 53 Figure 35. Implantation des capteurs de mesure (Photo : IPEV) Pour compléter l’instrumentation, le logiciel CINEMA a été développé par le service Etudes Transverses de l’Ifremer (Brest), comme outil opérationnel pour modéliser la cinématique des phases du carottage. Ce logiciel permet de calculer les abaques d’ajustement des paramètres de carottage en fonction du type de site choisi. 2.2.5 Instrumentation pour l’étude de la cinématique du carottier Une paire de sondes multi-paramètres, regroupant un capteur de pression piézorésistif 8 voies à membrane platine (0-6000m) et un capteur d’accélération piézorésistif, sont fixés sur les deux éléments clés du carottier (lest et platine de déclenchement) pour suivre la cinématique des phases du carottage. Les caractéristiques techniques de ce capteur sont récapitulées dans le Tableau II. 54 Tableau II. Le capteur de pression et d’accélération type SPTH Caractéristiques valeurs Pression maximale admissible 660 bars Précision de la pression 0,3% Résolution en mesure de déplacement 20 cm Précision de l’accéléromètre 1% Fréquence d’échantillonnage 100 Hz Tenue mécanique limitée à 200 G Réglage et lecture de données Sans fil Ces sondes multi-paramètres permettent d’enregistrer les déplacements et les accélérations du lest et de la platine de déclenchement (déclencheur) pour connaître en temps réel leur position dans l’eau ou dans le sédiment. Par extension, en insérant dans le logiciel les longueurs de boucle du piston et du tube de carotte choisi, on peut déterminer les positions du piston et de l’ogive respectivement. L’interface avec le logiciel CINEMA permet ainsi de visualiser en temps réel les paramètres de déplacement et d’accélération des parties instrumentées du carottier. Les enregistrements (Figure 36) offrent une description complète des phases d’un carottage, du déclenchement (à t=0s) jusqu’à l’arrêt du carottier en fin de course (ici observé à t=5s). Il est possible de déduire du logiciel CINEMA la course du carottier à travers le sédiment et de déduire la qualité globale de l’état du sédiment par la lecture du déplacement en temps réel des parties du carottier permettant de caractériser le mode de travail du piston (stationnaire, sur-pistonnage, ou compactage) et donc comme nous l’avons vu, d’obtenir directement une estimation de la qualité du sédiment prélevé (Figure 37). 55 Figure 36. Exemple de mesures de la cinématique d’une opération de carottage à 2523 m de profondeur d’eau Figure 37. Correspondance de la cinématique du carottier avec l’état physique réel du sédiment récolté (le code couleur correspond au mode de travail du piston) 56 Lorsque la carotte est remontée puis ouverte, les photos ou clichés RX du sédiment des sections de carotte aident à décrire physiquement la qualité du sédiment. On les qualifie par des indices caractérisant leur état physique type (Figure 38): - sur-échantillonné (sur-pistonnage), le piston est remonté trop rapidement et étire le sédiment de façon hétérogène. - sous-échantillonné (compactage), le piston n’est pas remonté assez vite ce qui provoque un écrasement du sédiment compactant les strates de sédiments. - Bien échantillonné (piston stationnaire), le piston accompagne globalement bien la remontée du sédiment et reste en position z=0, à l’interface eau-sédiment, évitant un pistonnage ou un compactage du sédiment lors de l’enfoncement du tube. Il peut arriver cependant qu’en traversant une couche indurée, le tube se bouche brièvement donnant ponctuellement des indices de qualité moindre. Figure 38. Qualité du prélèvement selon l’état du piston (sur-pistonnage, compactage, piston stationnaire, pieu bouché) Ces indices de qualification peuvent être ainsi associés aux paramètres de réglages effectués. Ces informations sont enregistrées et gérées par le logiciel CINEMA pour devenir une base de données de référence lors des prochaines opérations de carottage. 2.2.6 Modélisation du comportement du carottier Après avoir permis de reconstituer la cinématique du carottage en temps réel, le logiciel CINEMA offre la possibilité de modéliser le comportement du carottage dans de multiples configurations de profondeur et de type de sol afin de proposer des réglages opérationnels de carottage (longueur de boucle, longueur de câble du piston, etc…). 57 Ce type de modélisation n’est possible qu’après avoir calibré la cinématique du carottier par rapport aux propriétés physiques de divers sédiments traversés. Il faut alors connaitre la nature du sol et ses caractéristiques géotechniques. Lors des phases de calibration de CINEMA, l’utilisation du pénétromètre statique sous-marin Penfeld développé par l’Ifremer (Figure 39) a rendu cela possible. Cet appareil permet d’obtenir par des essais de chargement statique, les caractéristiques du sol suivantes : effort de pointe, frottement latéral, cohésion, gamma-densité, pression interstitielle différentielle. Figure 39. Exemple des mesures effectuées par un pénétromètre statique Penfeld (Source : Ifremer) Comme les propriétés du sol sont très proches d’un site de carottage à l’autre dans un bassin donné, il a été possible d’établir des coefficients moyens liés aux réglages du carottier : amortissement de platine, module élastique du câble, amortissement piston, résistance de l’eau, frottement sédiment/tube. Lors de la campagne en mer RETRO (2009), un total de 12 carottages à des profondeurs allant de 605 à 3743 mètres a été effectué. Plusieurs réglages ont été opérés pour obtenir la meilleure cinématique possible grâce à un piston stationnaire. Il a été possible de corréler les niveaux des premières couches sédimentaires du carottier Calypso avec le carottier 58 gravité CASQ de courte longueur (6 ou 12m), qui lui n’induit très peu ou pas d’étirement du sédiment (gros diamètre, pas de piston). Voici deux exemples montrant une comparaison entre les deux types de carottage CASQ et Calypso sur un même site au large de la marge du Brésil, effectués sur le N/O Marion Dufresne (Figure 40). 1 er cas : fort rebond élastique, la carotte a subi un sur-échantillonnage (étirement) sur toute sa longueur et n’est donc pas corrélée avec la stratification de la carotte CASQ (pente de 0.8 à 1.8). 2 e cas : rebond élastique compensé (par une plus faible longueur de boucle utilisée), la carotte n’est pas perturbée, le piston est resté stationnaire, très bonne corrélation avec la stratification de la CASQ. Figure 40. Comparaison de carotte Calypso versus carotte CASQ La comparaison stratigraphique du sédiment, a posteriori, entre carotte CASQ et Calypso confirme que l’état du piston pendant un carottage donne une bonne estimation du prélèvement et de la qualité de la carotte. 59 Cette étude du comportement du carottier à piston géant Calypso a permis de mieux caractériser le câble grand fond en aramide pour tenir compte du rappel élastique intrinsèque dans le réglage théorique de la hauteur de chute et de la boucle. La mise en place de capteurs équipant le carottier est une étape déterminante pour comprendre et modéliser la cinématique du carottier. Cette démarche de suivi de déplacements a permis d’améliorer le taux et la qualité de la récupération de sédiment de la carotte. En effet, de cette capacité à préserver les sédiments et la stratigraphie intactes au sein de la carotte, vont dépendre toutes les études en aval de reconstruction des environnements passés que l’on réussira à lire dans ces précieuses archives terrestres. Un étalonnage du modèle mathématique a été effectué à l’aide de profils de sols et est à l’origine de l’établissement d’abaques gérés par le logiciel CINEMA proposant aux équipes opérationnelles des réglages théoriques de carottage. Cependant, à partir d’une certaine profondeur (>4000 m), il devient difficile de compenser en totalité le rappel élastique du câble afin d’obtenir une bonne cinématique. Un nouveau type de câble aramide doté de fibres très haute résistance mais avec un allongement plus faible est en cours d’acquisition sur le N/O Marion Dufresne pour s’affranchir de cet effet de rappel lors d’utilisation en profondeurs extrêmes. 2.3 Les outils de géotechnique marine L’étude des sédiments marins, et plus particulièrement de leurs propriétés géotechniques sur les pentes ou les bassins profonds nécessite le développement d’outils nouveaux et spécifiques, pouvant travailler à grande profondeur. Le comportement mécanique des sédiments est habituellement étudié en laboratoire à partir des échantillons prélevés. Ces analyses ne permettent cependant pas de prendre réellement en compte l’état des contraintes in-situ. Plusieurs types d’instruments géotechniques ont été développés pour pouvoir déterminer in-situ les propriétés géotechniques des sédiments marins et sont ainsi embarqués sur des navires océanographiques. Avant d’envisager des études de la colonne sédimentaire sur une grande épaisseur, le géologue marin va s’intéresser aux dépôts sédimentaires proches de l’interface. La caractérisation géotechnique des sédiments superficiels va venir compléter les connaissances acquises au moyen de reconnaissance géophysique et de carottage. Lors de notre campagne de carottage, il n’a pas été nécessaire 60 de mettre en œuvre ces outils spécifiques. Nous allons cependant passer en revue quelquesuns d’entre eux, utilisés en recherche scientifique ou pour répondre par exemple, aux besoins de reconnaissance des industries off-shore. 2.3.1 Le pénétromètre sous-marin PENFELD Le pénétromètre Penfeld est conçu pour travailler jusqu’à une profondeur d’eau maximale de 6 000 mètres. Le pénétromètre est doté d’une tige qui s’enfonce dans le sédiment sur une profondeur maximale de 30 mètres. Cette tige flexible de 36 mm de diamètre est enroulée sur un tambour de 2,20 mètres de diamètre et redressée lors de la pénétration suivant une technique utilisée pour les forages inclinés par un tube flexible enroulé (coiled tubing). (Figure 41). Figure 41. Le pénétromètre embarqué Penfeld (Photo : Ifremer) La pointe pénétrométrique (Figure 42) est une pointe multi-capteurs spécialement conçue pour travailler par grande profondeur. Elle a été développée par l’Ifremer et réalisée par Créatech Industrie (Meunier et al., 2004). Elle comprend les capteurs suivants : - Effort en pointe (gamme de mesures 0 – 30 MPa), - frottement latéral (gamme de mesures 0 – 3 MPa), - pression interstitielle différentielle (-3 MPa à +5 MPa), - gamma-densité (1000 à 2700 kg/m3), - température (-2°C à + 32°C), - inclinaisons dans deux directions perpendiculaires qui permettent de calculer la trajectoire de la pointe. 61 Figure 42. Schéma de l’enroulement de la pointe statique (Source : Ifremer) Ce type d’instrumentation est mis en œuvre sur les grands navires océanographiques (Le N/O L'Atalante, le N/O Pourquoi Pas?, et le N/O Marion Dufresne). Le gréement comporte un câble grand fond acier de 19 mm (effort de 376 kN à la rupture), un émerillon, un lest de 500 kg pour maintenir le câble en traction permanente, et un câble synthétique de 60 mètres de longueur servant d’amortisseur. Au cours d’une plongée le pénétromètre peut effectuer cinq à sept plantés en des emplacements différents. Les séquences (nombre de plantés, nombre de paliers pendant chaque planté, durée entre chaque planté, duré des paliers) sont programmées avant la mise à l’eau. Des paliers (arrêt pendant la pénétration) permettent de mesurer l’évolution de la pression interstitielle. Les mesures sont enregistrées au fond et disponibles dès le retour de l’appareil en surface. Une liaison acoustique bidirectionnelle permet d’informer des phases de déroulement des travaux et de l’état de l’appareil. Elle permet également de modifier la programmation en temps réel (intervalle entre deux paliers). Voici un exemple (Figure 43) de résultat dont la pénétration est de 22,5 mètres et s’est arrêtée sous un effort total de 30 kN. 62 Limon Sable Profondeur (m) Argile Figure 43. Effort de point qc, frottement latéral fs et la surpression interstitielle u en fonction de la longueur de tige filée. La lithologie est déduite des trois paramètres. 2.3.2 Le piézomètre différentiel Ce type de piézomètre est un outil permettant de mesurer l'évolution de la pression et de la température dans les sédiments. Il apporte des informations précieuses pour caractériser les propriétés géotechniques du sous-sol marin. Sur les fonds sous-marins, la pente a un rôle secondaire sur les instabilités mécaniques des sédiments marins par rapport aux mécanismes externes. En effet, une vitesse de sédimentation élevée, un séisme, un gradient thermique, une instabilité thermodynamique des hydrates de gaz (Sultan et al., 2010) une expulsion de fluide d’un réservoir profond peuvent accroître la pression interstitielle dans un sédiment marin. Dans le cas d’un sédiment peu perméable (argile ou limon argileux) la dissipation de cette surpression s’effectue à long terme, ayant comme conséquence une diminution voire une annulation de la contrainte effective du sol, induisant des instabilités sur des faibles pentes par une perte de la résistance au cisaillement le long des surfaces de rupture. C’est pour observer ce type de phénomène qu’il est nécessaire de pouvoir déterminer la pression interstitielle dans les sédiments marins in-situ. L’Ifremer a développé un piézomètre différentiel qui permet des mesures à long terme (jusqu’à deux ans) de la surpression interstitielle sur une profondeur de 15 mètres de 63 sédiments, mais aussi à court terme à partir de la dissipation de la pression interstitielle générée par l’enfoncement du piézomètre. La pointe du piézomètre (Figure 44) est constituée de tubes et d'éléments de liaison (manchon). Dans le manchon est intégrée une carte électronique qui numérise les données du capteur de pression différentielle et de la sonde de température. Le manchon assure la liaison mécanique entre les tubes, l'ensemble forme la pointe. Figure 44. Schéma du piézomètre différentiel (Source : Ifremer) 2.3.3 Le scissomètre marin Un essai in-situ de mécanique des sols adapté à la mesure de la cohésion non drainée (résistance au cisaillement) est l'essai scissométrique. Les propriétés des sédiments cohésifs (vases pures ou vases sableuses) sont très variables, particulièrement selon leur état de consolidation. Lors de cet essai, le sol est cisaillé par un moulinet entraîné à vitesse constante, le couple ainsi exercé est mesuré par un ressort de torsion. Le dispositif peut être adapté pour des vases très peu consolidées grâce à un anneau muni de 12 pales. Il a été conçu pour mesurer les contraintes de cisaillement limites (en N.m-²) de ce sol particulier. Cet anneau peut aisément être adapté sur une tête dynamométrique, et la résistance au cisaillement du sol dépend directement du moment de torsion. Par exemple, lors d’une utilisation sur des zones à nodules polymétalliques, le scissomètre permet de connaître la cohésion du sédiment (Figure 45 A et B). Ces données sont alors importantes pour que de futurs engins de dragage ne s'enfoncent pas dans les sédiments lorsqu’ils exploiteront ces nodules. 64 A B Figure 45. A) Scissomètre marin et B) son montage dans une cloche, manipulée par un robot sous-marin (Photo : Ifremer) 2.3.4 Le module géotechnique Cet outil permet de réaliser simultanément un carottage et des mesures de cohésion du sol sur 2 mètres de profondeur. Mis au point par 1'Ifremer pour la caractérisation physique insitu des sédiments fins, ce système grand fond (6000 m) est constitué d'un châssis instrumenté regroupant un carottier de 2 m (pénétration par fonçage) ainsi qu'un piézo-cône de grande résolution (vitesse de pénétration de 2 cm/s) (Figure 46). Le système est préprogrammé à bord pour une séquence de mesure avant la mise à l'eau. Il est possible de réaliser plusieurs stations de mesure par simple déplacement du châssis près du fond. Pour prévenir toute détérioration, le carottier et la pointe pénétrométrique sont équipés d'un système de protection qui bloque la pénétration si la résistance des matériaux rencontrés est trop grande (>1 000 kPa). Figure 46. Le module géotechnique (Photo : Ifremer) 65 PARTIE 3 – Méthodes instrumentales et procédures analytiques pour la détermination du Mg/Ca de la calcite des foraminifères Ce chapitre retrace la partie du développement analytique de mon travail. Cette partie a consisté, dans un premier temps, à définir et mettre en œuvre un protocole de nettoyage chimique des échantillons de foraminifères avant leurs mesures. Dans un second temps, cette partie retrace l’important travail d’optimisation et de validation de la technique instrumentale permettant la mesure du rapport Mg/Ca de la calcite des tests de foraminifères par spectrométrie d’émission optique à torche plasma (ICP-OES). 3.1 Les objectifs et étapes de la conduite du projet Pour mener à bien ce projet, il m’a fallu connaître et comprendre un large champ de sciences fondamentales, comme les sciences du climat, l’océanographie, ou la géochimie, et constituer une bibliographie approfondie. Pour mobiliser ces ressources scientifiques et pour maîtriser les méthodes et outils nécessaires à ce projet technique (protocole chimique, analyse par spectrométrie optique), une démarche en conduite de projet a permis d’identifier les objectifs et structurer les besoins (Figure 47). Pour cela j’ai analysé et traduit en termes scientifiques et techniques, ainsi que d’organisation et de formation, les critères pour mettre en œuvre les étapes de ce plan d’action. Toute une série de choix et d’adaptations a été indispensable à la personnalisation de la méthodologie et trouver des réponses adaptées aux besoins. Qu’ils s’agissent de problèmes techniques, de coûts ou encore d’infrastructure de travail, il était nécessaire de prendre en compte les enjeux économiques et professionnels du laboratoire qui ont, au final, orientés mes décisions. Après la phase de réflexion et de structuration du plan d’action, la réalisation du projet s’est déroulée par de la mise en œuvre d’actions techniques (achats et installations des matériels). Il m’a fallu déterminer et acheter le matériel nécessaire à la création d’un petit laboratoire propre de géochimie dédié au Mg/Ca (centrifugeuse, étuve, ultrasons …) et adapté l’ICP-OES mis à ma disposition pour mettre en place la méthode d’analyse. Il s’en est suivie d’une phase d’optimisation (séries de tests de sensibilité et de reproductibilité) et de validation analytique (contrôles qualité des données), qui ont alors permis d’analyser le 66 Mg/Ca de séries d’échantillons de foraminifères benthiques et d’obtenir une précision suffisante à leur interprétation en termes de températures. objectifs et besoins plan d'action détermination des rapports Mg/Ca dans les foraminifères marins moyens de mise en oeuvre obtention de carottes sédimentaires et des températures des eaux de fond organisation de campagne océanographique de carottage RETRO (Brésil) lavage et tris par espèces de foraminifères de chaque sommet de carotte pour l'obtention d'échantillons personnalisation choix et adaptations choix des sites de carottage et amélioration de la technique de carottage Calypso conception actions entreprises bibliographie (courants marins, sismiques....) réflexion sur les problèmes inéhrents au carottage achat du matériel mise en place d'un petit laboratoire propre de préparation d'échantillon pour la géochimie des éléments traces choix strucurel pour l'intégration du nouveau laboratoire de préparation installation du site Formation aux méthodes de préparation chimique LSCE (France) achat du matériel nettoyage des échantillons de foraminifères suivant un protocole spécifique pour l'analyse des éléments traces choix technique et adaptation de l'ICP-OES pour l'analyse type Mg/Ca mise en oeuvre de l'ICP-OES installation du site formation à l'analyse par ICPOES à Cambridge tests de fiabilité gestion des budgets et des commandes labo "chimie" et "instrumentation" mesure par ICP-OES des éléments Ca, Mg, Fe, Al, Mn obtention d'un budget dédié au laboratoire Mg/Ca validation des données exploitation des données brutes détermination des rapports Mg/Ca développement de tableurs automatiques pour la gestion de données confrontation à la littérature du Mg/Ca compréhension du contexte scientifique (climat, océanographie, géochimie, micropaléontologie) obtention d'une courbe de corrélation Mg/Ca=f(T°C) par espèces lecture des études publiées sur le Mg/Ca et les techniques ICP Figure 47. Schéma de la conduite du projet pour l’identification et la structuration des besoins 67 Tout ceci a pu se faire après un travail de recherche bibliographique complet et de visites au sein du département des Sciences de la Terre de l’université de Cambridge (GB), principal instigateur de cette méthode novatrice de paléothermométrie et au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE) de Gif-sur-yvette auquel je suis rattaché en France. Ce travail ici accompli représente une phase d’optimisation analytique difficilement présentable dans sa totalité, mais qui a conduit à l’obtention d’une routine de mesure très satisfaisante et encore utilisée au Bjerknes Center for Climate Research. 3.2 Contexte analytique de la méthode Mg/Ca L’utilisation du rapport Mg/Ca des foraminifères planctoniques est maintenant couramment employée pour déterminer les changements de température de surface de l’eau de mer (Nürnberg et al., 1996; Lea et al., 1999; Elderfield and Ganssen, 2000; Anand et al., 2003). Mais depuis la dernière décennie, des études ont aussi suggérées que cette méthode devrait pouvoir être utilisée sur les foraminifères benthiques pour reconstituer cette fois la température des eaux profondes (Lear et al., 2002 ; Skinner et al., 2003 ; Elderfield et al., 2006 ; Marchitto et al., 2006, Healey et al., 2008). Cependant, les variations de température estimées dans l’océan profond entre la dernière période glaciaire et l’Holocène (période actuelle), sont faibles et proches des incertitudes de mesures comparées aux variations observées pour les températures de surface. De surcroit, les foraminifères benthiques sont, en règle générale, peu abondants dans les sédiments. L’amélioration des limites de détection et de la précision instrumentale des analyses Mg/Ca ainsi que la publication de nouvelles calibrations du rapport Mg/Ca d’espèces benthiques en fonction de la température des eaux profondes contraintes pourraient néanmoins permettre de mieux appréhender leur reconstruction. Le développement préalable d’une méthodologie analytique fiable est donc nécessaire à l’interprétation des mesures du rapport Mg/Ca des carbonates biogéniques marins. En effet la variation, en fonction de la température, du Mg/Ca de la calcite de certaines espèces de foraminifères, augmente exponentiellement d’environ 9% par °C (Anand et al., 2003), de 0,5 mmol/mol à plus de 5 mmol/mol sur une gamme de température de 0 à 30°C (Figure 20). Cela implique une précision de mesure d’au moins 2% sur ce rapport pour pouvoir faire une estimation de température. Dans notre cas, la précision est d’autant plus critique que nous travaillons sur des foraminifères benthiques dont la concentration en Mg est très 68 faible dû à la thermodynamique de calcification dans des eaux très froides. La spectrométrie d'émission optique par plasma à couplage inductif (ICP-OES), est une méthode d'analyse idéale pour la détermination du rapport Mg/Ca dans les carbonates biogéniques (paragraphe 3.3). Le magnésium est présent comme élément mineur dans la calcite des foraminifères, de l'ordre de 400 à 1000 fois moins abondant que le calcium (Figure 48). L’abondance relative de Mg par rapport à Ca donne des concentrations en solution qui sont dans la gamme de travail de l'ICP-OES. Environ 0,1 à 0,3 mg de foraminifères (15-20 individus) produisent typiquement des concentrations en solution de l'ordre de 50 à 100 ppm de Ca et 0,05 à 0,15 ppm de Mg. Figure 48. Gamme de rapports en concentration des éléments composant la calcite de foraminifère 3.3 Procédure de préparation et nettoyage des échantillons de foraminifères Au préalable à l’analyse par ICP-OES, une étape importante et cruciale de nettoyage des échantillons dont va dépendre toute la fiabilité des mesures et qui est présentée en détails en annexe 1. Cette phase de préparation est en effet capitale pour obtenir des résultats justes et de grande précision, puisqu’elle est garante de la non contamination des tests de foraminifères par du magnésium extérieur à la calcite primaire, Mg pouvant provenir de sédiment argileux, de nodules de Fe-Mn, ou bien de la croûte de calcification gamétogénique. 69 3.3.1 Les techniques de nettoyage Les techniques de préparation d’échantillons pour la détermination des rapports Mg/Ca de la calcite de foraminifère ont évolué depuis la méthode développée pour la détermination du rapport Cd/Ca par Boyle (1981), puis modifiée par Rosenthal et al. (1997a). Actuellement il existe deux « écoles » de nettoyage spécifique pour l’étude du rapport Mg/Ca des foraminifères. La première méthode dite « américaine » ou « nettoyage Cd » (Boyle et Keigwin, 1985) plutôt agressive pour les carbonates car elle utilise une étape supplémentaire d’attaque à l’hydrazine, et la seconde méthode dite « européenne » ou « nettoyage Mg», douce et progressive (Elderfield et Ganssen, 2000) ; Barker et al., 2003), que j’ai utilisée dans ce travail. Il a été montré que la première méthode de nettoyage diminuait de 15% environ les rapports Mg/Ca des foraminifères par rapport à la première (Figure 49), en favorisant la dissolution des tests et donc la perte de Mg (Barker et al., Mg/Ca « nettoyage Cd » 2003 ; Rosenthal et al., 2004). Mg/Ca « nettoyage Mg » Figure 49. Comparaison des rapports Mg/Ca obtenus par « nettoyage Mg » (Elderfield et Ganssen, 2000), et avec le « nettoyage Cd » (Boyle et Keigwin, 1985), sur plusieurs espèces de foraminifères planctoniques (Barker et al., 2003) Barker (2002) a montré que de toutes les étapes du protocole, celle de l’extraction des argiles (séries de rinçage « eau+éthanol ») a de loin le plus d’effet sur la concentration finale en Mg. En effet les argiles (particules< 2 m) sous la forme d’illite, kaolinite, montmorillonite et chlorite contiennent de 1 à 10% de Mg en masse (Deer et al., 1992), et sont présentes dans des proportions significatives dans le sédiment marin. Les fortes teneurs en Mg dans les argiles en font des contaminants sérieux dans la détermination finale du rapport Mg/Ca des foraminifères. Ainsi, un résidu après nettoyage de 1 g 70 d’argile contenant 1% de Mg ajouterait 10 ng de Mg à la solution à analyser, suffisamment pour causer une contamination significative, particulièrement pour des échantillons petits ou à faibles rapports Mg/Ca. Le potentiel de contamination par des argiles résiduelles est aussi dépendant du type de morphologie du test de l’espèce de foraminifère. Les espèces benthiques, vivant en profondeur, telles que Cibicidoides wuellerstorfi ou Uvigerina peregrina tendent à être moins affectées car leurs lobes présentent des formes plus fermées et leur test carbonaté est plus épais que les espèces planctoniques, vivant en surface. 3.3.2 Protocole de nettoyage utilisé Le protocole de nettoyage chimique utilisé pour cette étude est inspiré de celui de Barker et al., (2003), qu’il a mis en place au Département des Sciences de la Terre de l’université de Cambridge (UK). Des modifications et améliorations ont été apportées par le LSCE, dont les principales étapes sont développées ci-dessous (le protocole détaillé se trouve en Annexe 1). Pour chaque niveau stratigraphique de la carotte sédimentaire (généralement tous les cm), le sédiment brut est sous-échantillonné et répertorié. Chacune de ces tranches de carotte est ensuite rincée à l’eau distillée sur un tamis pour ne récupérer que la fraction biogénique ou minérale passante entre 350 et 150 m. Cette fraction est triée à la loupe binoculaire pour écarter la fraction détritique (quartz, manganèse, etc…) et ne sélectionner que les individus des espèces de foraminifères à étudier. Les tests de foraminifères sélectionnés sont délicatement écrasés entre 2 petites plaques de verre pour permettre l’ouverture des loges et faciliter leur nettoyage. Ensuite les loges écrasées sont passées aux ultrasons dans (1) de l’eau distillée puis dans (2) de l’éthanol, plusieurs fois pour retirer les argiles, suivi (3) d’un nettoyage de la matière organique par une réaction d’oxydation à chaud à l’eau oxygénée (H2O2). Enfin, une série d’étapes (4) d’attaque à l’acide faible (nitrique) très dilué est ensuite mise en œuvre pour enlever les contaminants inorganiques adsorbés en surface des fragments de test. Pour finir, l’échantillon est passé à la centrifugeuse afin de séparer une dernière fois les fines particules d’argile résiduelles de la fraction propre surnageante. Juste avant la mesure, l’échantillon propre est dilué dans de l’acide nitrique très dilué (matrice) pour être analysé en solution par ICP-OES. 71 3.4 Qualité des données et efficacité du nettoyage La qualité de la détermination du rapport Mg/Ca des foraminifères est principalement contrainte par trois conditions : - la justesse de l’instrument d’analyse en lien avec sa calibration - l’absence de contamination en élément magnésium provenant de phases non carbonatées et non éliminées par le processus de nettoyage - un blanc analytique de la procédure le plus bas possible. Les solutions de standards utilisées pour la calibration de l’ICP-OES ont été préparées au laboratoire avec un soin tout particulier, par pesée gravimétrique à partir de solutions mono-élémentaires de concentration connue à mieux de 0,1%. En pratique, la qualité du rapport Mg/Ca mesuré est limitée essentiellement par une possible contamination en magnésium résiduel ainsi que par la qualité du blanc analytique. Au cours des analyses, Fe, Al, et Mn ont été mesuré en routine sur chaque échantillon. En effet, les rapports Fe/Ca, Al/Ca, Mn/Ca, Fe/Mg sont considérés comme des indicateurs de Mg non biogénique, permettant de discriminer certains échantillons douteux. Les critères de rejets sont ceux énoncés par Barker et al. (2003), c’est-à-dire si l’on note des rapports Al/Ca>0,1 mol/mol, ou alors si Fe/Ca>0,1 mmol/mol ou encore si Fe/Mg>0,1 mol/mol. Le protocole de nettoyage utilisé ici permet, dans la plupart des cas, de faire chuter la concentration en Al en dessous de la limite de détection de l’ICP-OES, et d’observer couramment des rapports Fe/Ca en deçà de 0,1 mmol/mol. 3.5 Détermination du Mg/Ca de la calcite des foraminifères par ICP-OES Les méthodes utilisées pour la détermination du rapport Mg/Ca dans les carbonates biogéniques inclus la spectrométrie d'absorption atomique (AAS) (Boyle, 1981 ; Brown et Elderfield, 1996), la spectrométrie d'absorption atomique par four graphite (GF-AAS) (Brown et Elderfield, 1996), ainsi que la spectrométrie de masse couplée à un plasma inductif (ICP-MS) (Lea et Martin, 1996 ; Rosenthal et al., 1999). La spectrométrie d’émission n’a été utilisée qu’à partir du début des années 2000 pour les mesures de Mg/Ca. 72 La spectrométrie d’émission repose sur la mesure de la quantité de photons émis par désexcitation d’atomes ou de molécules après vaporisation de leur solution dans un plasma. Ce nombre de photos est proportionnel à la concentration d’ion en solution. La source est constituée par un plasma d’argon produit par couplage inductif. L'avantage majeur de l'ICP-OES par rapport aux autres techniques est sa capacité à mesurer tous les éléments simultanément. En plus de sa rapidité d'analyse, la détection simultanée réduit les problèmes liés au temps, particulièrement ceux causés par des fluctuations dans le plasma, apportant une excellente précision à court terme pour les déterminations de rapport d'éléments (Schrag, 1999). Les ICP-OES peuvent être configurés pour voir le plasma radialement ou bien axialement. La détection axiale offre une meilleure sensibilité alors que la vue radiale est moins sujette aux effets de matrice à l'intérieur du plasma (Brenner and Zander, 2000). Cependant des effets de matrice ou des choix de sensibilité de raies d’émission suivant les gammes de concentrations utilisées, viennent compliquer la mesure d’éléments en mode simultané. 3.5.1 L'instrument et les conditions d'opération Un spectromètre ICP peut se décomposer en 4 entités principales (Figure 50): FLAMME CONE D’INDUCTION SYSTEME DE DET ECTION GENERATEUR HAUTE FREQUENCE TORCHE POMPE PERISTALTIQUE CHAMBRE DE NEBULISATION MICRONEBULISATEUR ECHANTILLON Figure 50. Schéma synthétique du système d’introduction de l’ICP-OES 73 - Le système d’introduction de l’échantillon (nébuliseur, chambre de nébulisation, pompe péristaltique, torche) - La source d’excitation (Plasma, excitation, et émission de photons) - Le système optique (polychromateur) - Le système de détection (Détecteur à transfert de charge) Dans cette étude, un ICP-OES Thermo Elemental TJA Iris Intrepid, configuré en mode par visée radiale, a été utilisé. L'instrument utilise un détecteur CID (Charge Injection Device) composé de 262000 pixels et couvrant simultanément les longueurs d'ondes allant de 165 nm à 1000 nm. Le système d'introduction d'échantillon pour l'analyse des carbonates comprend un nébuliseur concentrique en verre à débit réduit (ESI, PFA microflow ST2028), celui-ci crée un aérosol à partir de la solution à analyser. Avec une chambre de nébulisation cyclonique en verre à faible volume (Glass Expansion, Cinnabar 20ml) autorisant une faible vitesse d’aspiration (100-200 l/min) et une pompe péristaltique, il permet d’obtenir un débit homogène de l’échantillon. Les volumes d'échantillon utilisés sont dans la gamme 250-500 l et requièrent un temps d'analyse autour de 2 minutes. Les conditions d'analyse sont résumées dans le tableau III. Tableau III. Conditions d’opération de l’ICP-OES Iris Paramètre Puissance RF Débit plasma Débit auxiliaire Débit nébuliseur Nébuliseur Chambre nébulisat. Capillaire aspiration Vitesse pompe périst. Mesure 3.5.2 Détails Réglages 1,35 kW 15 L/min 0,8 L/min 0,5 L/min ESI PFA microflow 0,2 mL/min GlassExpansion, Cinnabar 20 ml cyclonic Orange/Vert 0,38 mm I.D. 0,175 mL/min Réplicas :4 Temps intégration : 19s Raies spectrales d'émission, sensibilité et effet de matrice Grace au plasma dont la température est très élevée, l’objectif est de casser les édifices moléculaires et de faire passer les éléments à doser sous la forme d’un aérosol atomique. Sous l’effet des températures élevées, certains des atomes sont excités et voient leurs 74 électrons passer à des niveaux d’énergie supérieurs. Les niveaux excités sont instables et le retour au niveau fondamental d’énergie minimale conduit à une libération d’énergie sous forme d’un rayonnement électromagnétique de longueur d’onde caractéristique de l’atome qui se désexcite. C’est la mesure de cette raie spectrale d’émission à une longueur d’onde caractéristique de l’atome à mesurer qui fonde la photométrie d’émission atomique. L’analyse du spectre total permet d’isoler des raies spécifiques d’éléments donnés (par exemple, 330 nm pour Na, 232 nm pour Ni) et dont leur intensité est proportionnelle à leur concentration. Selon la quantité d’énergie fournie par le plasma d’Argon et selon l’énergie d’ionisation de l’élément, on va pouvoir observer l’émission de plusieurs raies spectrales (Raie type I = atomiques et raie type II = ioniques) correspondant à des raies de longueur d’onde uniques. Les raies spectrales d'émission des différentes longueurs d'onde et leurs sensibilités de mesure sont listées dans le tableau IV. En plus des raies du Ca et du Mg, ce tableau montre les raies d'émission des autres éléments observés (Al, Fe, Mn, Si, Na, K) nécessaires à toute détermination Mg/Ca pour vérifier l'efficacité de la procédure de nettoyage des éléments contaminants. Tableau IV. Raies d’émission et intensités de l’ICP-OES IRIS Elément Type* Long. D’onde (nm) intensité** Ca II 315,887 123 Ca II 317,933 112 Ca I 422,673 650 Mg II 279,553 326 Mg II 280,270 98 Mg I 285,213 85 Al I 396,152 115 Fe II 238,204 125 K I 766,491 69 Mn II 257,610 401 Na I 589,592 234 Si I 251,611 193 * Raie Type I d’émission atomique, raie type II d’émission ionique ** intensité relative des raies pour une solution à 10 ppm de l’élément 75 Plusieurs tests sont effectués avec des solutions typiques de carbonates marins dissous. On remarque que la raie I d’émission la plus sensible du Ca (422 nm) donne un signal trop intense pour sa détermination à des concentrations de l’ordre de quelques dizaines de ppm. Les intensités mesurées pour une concentration d'élément donnée et à un flux d’aspiration de solution donné, sont fonction des énergies d'excitation propres à chaque élément, du voltage du générateur radiofréquence (RF) et donc de la température du plasma, ainsi que du débit du nébuliseur. Le débit du gaz porteur d'Argon est un important moyen de contrôler l’intensité d’une raie, le débit de gaz sortant du nébuliseur étant le plus critique. Les variations du flux de gaz du nébuliseur diffèrent selon les raies spectrales d’émission, mais en général des débits plus faibles apportent des intensités plus fortes tandis que des débits plus élevés améliorent le rapport signal sur bruit. Un compromis doit être trouvé pour la plus grande précision des mesures de rapport d’éléments. Le rapport d’intensité des raies ionique/atomique du magnésium MgII 280 nm / MgI 285 nm est utilisé comme un facteur de qualité du plasma pour une optimisation des réglages (Mermet et al., 1991). Des rapports Mg II/Mg I élevés vont correspondre à des plasmas plus robustes, obtenus avec une haute puissance RF couplée à un faible débit du nébuliseur. Cependant, ce paramètre est aussi influencé par d’autres facteurs, incluant les caractéristiques de l’instrument et la disparition de certaines raies ioniques par la présence de fortes concentrations en élément facilement ionisable tel que Ca et Na (Brenner et Zander, 2000). De fortes concentrations en calcium créent des signaux à fort bruit de fond sur les autres raies spectrales, comme par exemple pour Al à 396,152 nm (Tableau IV), très proche de la longueur d'onde du Ca 396,847 nm. Le calcium a aussi un effet de matrice sur lui-même qui a été démontré par Ramsey et al. (1987) comme étant la cause principale de la courbure asymptotique des droites de calibration. Une sensibilité nettement diminuée avec l'augmentation de la concentration en calcium est observée pour les raies du calcium mais aussi pour les raies des autres éléments (de Villiers et al., 2002). La magnitude de cet effet croît avec l'énergie d'excitation des raies spectrales d’émission, celles avec la plus forte énergie d'excitation sont les plus affectées, et montrent la plus forte courbure sur la calibration. Cette observation démontre que l'utilisation de raies les plus intenses sont à proscrire pour la détermination du Ca. 76 Les effets de matrice liés au Ca sur les sensibilités du Ca et Mg ont ainsi été testés en utilisant plusieurs dilutions d'une solution contenant un rapport Mg/Ca=1,02 mmol/mol et balayant une échelle de concentration de Ca allant de 10 à 200 ppm. Les sensibilités relatives, exprimées comme le signal d'intensité du bruit de fond normalisé par l'intensité obtenue à 40 ppm de Ca, sont montrées en figure 51. La raie spectrale d’émission la plus intense Ca 422,673 nm montre une chute de 25% sur la gamme 10-200 ppm, comparé à la baisse d'environ 7% et 8% respectivement sur les raies Ca 315,887 nm et Ca 317,933 nm. Nous constatons le même type de phénomène pour le magnésium entre les raies Mg 285,213 nm et Mg 279,553 nm aux plus fortes concentrations de Ca (>50 ppm Ca), cependant la raie Mg 285,213 nm n'est pas assez sensible à de très faibles concentrations de Mg de l'ordre de 0,01 à 0,05 ppm soit pour 0<[Ca]<40ppm. Quant à la raie Mg 280,270 nm, elle est sur ce type d’ICP-OES, difficilement séparable de la raie 279,553 nm Sensibilité de la raie Ca juxtaposée, empêchant d’obtenir un pic bien défini à cette longueur d’onde. 1.05 1 0.95 0.9 0.85 0.8 0.75 0.7 Ca315 Ca317 Ca422 0 50 100 150 200 Sensibilité de la raie Mg [Ca] ppm 1.05 1 0.95 Mg279 0.9 Mg280 0.85 Mg285 0.8 0 50 100 150 200 [Ca] ppm Figure 51. Sensibilités relatives des raies d’émission de Ca et Mg en fonction de [Ca] pour des solutions à rapport Mg/Ca=1,02 mmol/mol 77 Pour conclure, après avoir recherché un compromis entre sensibilité et effet de matrice, j’ai sélectionné la raie spectrale d’émission ionique Ca 315,887 nm pour les calculs de rapport d’éléments, et la raie d’émission ionique Mg 279,553 nm pour la détermination des rapports Mg/Ca de la calcite des foraminifères. Echantillons et solutions de calibration ne seront jamais égaux, et les effets de matrice liés aux standards de calibration multiéléments peuvent être différents de ceux créés par les solutions d’échantillons (Ramsey et Coles ; 1992). Ces effets de matrice peuvent être minimisés. Par exemple une technique utilisée par Green et al. (2003) par dilution de l’échantillon, permet la détermination de rapport Mg/Ca de la calcite biogénique en abaissant la concentration totale de Ca dans l’échantillon et les standards pour s’écarter au maximum de la zone de courbure. Dans ce travail de mémoire, une méthode analytique particulière, développée par de Villiers et al. (2002), a été utilisée pour améliorer un peu plus la précision de la détermination des rapports Mg/Ca. 3.5.3 Calibration par rapport d’intensité Cette méthode analytique non conventionnelle de calibration de de Villiers et al. (2002) implique l’utilisation de solutions standard avec une même teneur en calcium mais à rapport Mg/Ca croissants. Cette méthode est fondée sur le rapport d’intensité des éléments étudiés, assurant un niveau de précision <0,3%, un ordre de grandeur inférieur aux méthodes conventionnelles. L’optimisation de cette méthode est décrite en détail par de Villiers et al. (2002) Le calcul classique de rapport Elément/Ca (i.e. Mg/Ca, Fe/Ca, Mn/Ca, Al/Ca) à partir de mesure de concentration est nécessaire quand les éléments sont déterminés séparément. Mais là où une technique instrumentale multi éléments est utilisée (ICP-OES), il est possible de déterminer des rapports directement à partir du signal des intensités brutes, évitant les erreurs induites par les calibrations intensité/concentration conventionnelles. Les standards et les échantillons sont ainsi dilués à concentrations similaires de Ca. Cela implique une matrice simple et cohérente appropriée quand la composition globale est dominée par un seul élément. C’est en effet le cas de la calcite biogénique où le Ca représente environ 99% de la matrice. 78 La calibration nécessite une régression linéaire entre les rapports d’intensité pour les raies spectrales d’émission sélectionnées, soit Mg285/Ca315, et les rapports de concentration Mg/Ca des solutions standards. (Figure 52). La qualité de la régression linéaire montre que les raies spectrales choisies ainsi que les gammes de concentration des éléments en solution sont optimum. Figure 52. Rapport d’intensités en fonction de rapport de concentration pour des solutions standards à 40 ppm de Ca Cette procédure a plusieurs avantages : - elle permet de s’affranchir de l’effet de matrice du Ca et des autres problèmes associés à l’utilisation de standards conventionnels de concentrations. - Les standards de rapport d’éléments restent constants avec le temps. Sauf en cas de contamination, l’erreur liée à l’évaporation des standards de concentration est éliminée et comme les rapports d’éléments des échantillons sont calculés directement, il n’y a pas de propagation des erreurs associées. 3.5.4 Précision instrumentale à court et long terme Une bonne reproductibilité de la détermination du rapport Mg/Ca doit se situer autour de 0,5% d’écart-type relatif (Relative Standard Deviation, %RSD.). La précision est déterminée par des analyses répétées d’une solution de standard durant une session. Cette démarche est faite en routine par ICP-OES. Durant une session et entre les sessions, la précision des mesures Mg/Ca a été déterminée par des analyses répétées d’un standard interne (QC), préparé par dilution d’un standard M2-40 (voir partie 4) utilisé pour la calibration à 40 ppm Ca. Cette solution (Mg/Ca = 1,02 mmol/mol) est passée en routine 79 approximativement une fois tous les 10 échantillons au sein de chaque session analytique. Le nombre de standard QC varie en fonction de la longueur des sessions avec une moyenne de 15 QC mesurés par jour de fonctionnement. Durant la période de mesure de septembre 2008 à septembre 2010, une reproductibilité journalière moyenne de 0,5% RSD a été enregistrée. La reproductibilité à long terme sur cette période, déterminée par son écart type, est de Mg/Ca=1,020 mmol/mol +/- 0,007 mmol/mol (1) sur 275 analyses de QC, ce qui est très satisfaisant. * un Intervalle de confiance à 1, donne un encadrement de valeurs avec une probabilité de 68% des chances (il s’élève à 95% des chances à 2). 3.6 Blanc analytique et implications pour la détermination du Mg/Ca Le blanc analytique est un paramètre important dans toute détermination analytique. Le magnésium est particulièrement susceptible de contamination à cause de sa forte abondance dans la nature. La présence de Mg dans de potentiels contaminants tels que l’eau, les acides mais aussi les matériels utilisés (gants, flacons plastiques…), font du blanc analytique un facteur critique de la détermination de rapport Mg/Ca. Le tableau V illustre l’importance de ce blanc à partir de 31 valeurs mesurées. Ce qui est remarquable dans ce tableau, c’est que la contribution du blanc est très différente pour l’un ou l’autre des éléments analysés. Pour le Mg, une contribution moyenne de 0,002 ppm sur 31 blancs est obtenue. Cela correspond à moins de 10 fois la teneur moyenne en Mg d’un échantillon de foraminifère benthique par exemple. En revanche la contribution moyenne des blancs pour le Ca est de 0,03 ppm, ce qui est environ 1000 fois moins que la teneur moyenne en Ca des échantillons. Les erreurs sur les mesures sont importantes mais l’idée générale est claire ; l’effet du blanc analytique sur les rapports Mg/Ca peut être considérable. Le blanc est particulièrement critique pour le Mg. Tableau V. Blancs analytiques obtenus avec des flacons en polypropylène Ca Mg (ppm) (ppm) Mg/Ca (mmol/mol) Max 0,20 0,0080 1700 Min 0,00 0,0002 31 Moyenne 0,03 0,0021 314 Ecart type 0,04 0,0015 340 n 31 31 31 80 C’est pourquoi les flacons plastiques de stockage des acides et des solutions de standards ont fait l’objet d’études précises car l’amplitude de la contamination des solutions qu’ils contiennent va dépendre de la quantité de Mg retenue à l’intérieur de la structure du polymère et de la cinétique de diffusion (Wara et al., 2003). Des flacons en polyéthylène faible densité (LDPE) préalablement nettoyés 24h avec un acide fort pour dissoudre toute trace de Mg, ont été utilisés car ils ne relâchent pas ou très peu de magnésium. 3.7 Calibration inter-laboratoire de standards pour la thermométrie Mg/Ca Avec l’essor de cet outil de reconstitution des paléotempératures océaniques, la comparabilité des résultats est devenue très rapidement une phase critique. Cette phase s’est d’autant plus imposée qu’un nombre grandissant de laboratoires a commencé à mesurer en routine les rapports Mg/Ca des foraminifères planctoniques. De plus, dans le cadre de nouvelles perspectives pour pouvoir caractériser les masses d’eau profonde, un intérêt s’est porté sur l’obtention de températures déduites des faibles rapports de Mg/Ca (0,5 à 1 mmol/mol) issus des foraminifères benthiques vivant en profondeur dans la colonne d’eau. Une étude comparative inter-laboratoire a donc été lancée (Greaves et al., 2008). Les solutions de standard mono-élément du commerce ne sont pas idéales pour effectuer une calibration inter-laboratoire à cause de la difficulté à préserver leur pureté au cours du temps. Comme nous l’avons vu avec le blanc analytique, l’évaporation progressive, la contamination pendant l’utilisation ou le stockage, sont des problèmes plus ou moins critiques pour la mesure de rapports d’éléments. L’utilisation d’un standard externe, certifié et référencé avec une valeur connue, peut nous aider à vérifier la reproductibilité et la justesse de tout instrument impliqué dans la détermination de rapport d’éléments. L’objectif à terme étant de minimiser l’écart-type autour de la valeur moyenne obtenue par cette communauté de laboratoires. Greaves et al. (2008) ont ainsi initié une étude inter-laboratoire avec l’utilisation de 3 matériaux carbonatés référencés et disponibles dans le commerce (BAM RS3, CMSI 1767, et ECRM 752-1). Ces matériaux sont utilisés comme standards externes pour l’analyse des rapports Mg/Ca. Ces standards couvrent la gamme typique des rapports Mg/Ca que l’on peut trouver dans la calcite des foraminifères, soit de 0,8 mmol/mol jusqu’à 6 mmol/mol 81 (Tableau VI). Les 25 laboratoires participants à cette étude ont alors reçu un protocole bien précis pour la dissolution de ces poudres carbonatées de façon à uniformiser la mise en solution et réduire ainsi les erreurs pré-analytiques. Tableau VI. Concentrations et rapports d’éléments des 3 standards externes Si tous les ICP participants à l’étude étaient idéalement étalonnés de la même manière, la mesure Mg/Ca de ces 3 références carbonatées serait assortie d’un écart-type quasi nul. En pratique, chaque laboratoire utilise ses propres solutions standards qu’il fabrique, et il peut apparaitre que certains d’entre eux obtiennent des mesures reproductibles à faible écarttype mais dont la justesse ne soit pas optimale. Cette étude a donc pu mettre en avant ce type d’erreur systématique qui réduit la précision des estimations de paléotempératures. Les résultats des mesures Mg/Ca effectuées sur le standard externe BAM RS3, référencé par l’Institut Fédéral de Recherche sur les matériaux (Allemagne), par 18 laboratoires sont résumés dans le tableau VII. Tableau VII. Résultats statistiques des analyses conjointes du BAM RS3 obtenues par les 15 laboratoires retenus 82 La valeur moyenne des mesures Mg/Ca du BAM RS3 obtenue dans cette étude est de 0,791 mmol/mol, avec un écart-type inter-laboratoire de 3,79%, incluant les erreurs systématiques de calibration instrumentale propres à chaque laboratoire. Ces erreurs représentent la source majeure de la variabilité inter-laboratoires (Greaves et al., 2008). La conversion de la reproductibilité inter-laboratoire (RSDR%) en matière d’impact sur la détermination de paléotempératures, en utilisant la calibration de Anand et al. (2003) donne une reproductibilité d’environ 1°C sur un rapport Mg/Ca de 0,79 mmol/mol (BAM RS3). Dans cette optique de comparaison, j’ai analysé ces 3 matériaux standards. La mesure obtenue au Bjerknes Centre for Climate Research de Bergen, en particulier sur le standard à plus faible concentration (BAM RS3), a donné un rapport Mg/Ca de 0,784 mmol/mol (Figure 53). Cette valeur est très proche de la valeur moyenne de référence (0,8 mmol/mol), mais surtout de celle de l’étude inter-laboratoires (0,791 mmol/mol). De plus, ce résultat est bien positionné dans l’écart-type de 0,03 mmol/mol. Figure 53. Histogramme des résultats de Mg/Ca du standard BAM RS3 (centrifugé) mesuré par tous les laboratoires ainsi que celui obtenu par le BCCR à Bergen dans ce mémoire Ceci démontre que les efforts de méthodologie et de calibration instrumentale entrepris tout au long de ce travail, ont permis d’obtenir une précision de mesure appropriée à la détermination de faibles rapports Mg/Ca. La précision des mesures pour ces faibles rapports Mg/Ca est d’autant plus critique quand la variabilité des températures des eaux profondes est le sujet d’investigation. En effet, les variations de températures des eaux de fond sont faibles; il n’y a pas d’échange possible avec la surface, et les eaux froides ne 83 peuvent pas refroidir en dessous de -2°C. De plus le matériel d’étude peut être limitant ; les foraminifères benthiques sont moins abondants que les foraminifères planctoniques, les mesures doivent donc se faire avec moins de matériel, avec une teneur en Mg d’autant plus faible. 84 PARTIE 4 – Application : calibration du rapport Mg/Ca de la calcite des foraminifères benthiques en fonction de la température des eaux profondes de l’océan tropical occidental Il s’agit ici de montrer un type d’application qui utilise directement la méthodologie mise en place pour la détermination du rapport Mg/Ca de la calcite des foraminifères. Cette illustration s’insère dans le travail de thèse d’Amandine Tisserand que j’ai encadré pour la partie analytique et qui a bénéficié de cette technique instrumentale nouvellement mise en œuvre au Bjerknes Center for Climate Research de l’université de Bergen. Cette application s’appuie, d’une part, sur le travail de collecte d’échantillons de sédiments grâce aux techniques de carottage océanique au cours des campagnes océanographiques RETRO 1 et RETRO 3 (Brésil) effectuées respectivement, par le navire norvégien R/V GO SARS et le N/O Marion Dufresne. Elle résulte, d’autre part, de l’analyse du rapport Mg/Ca des tests de foraminifères de ces carottes. Nous situerons donc, dans un premier temps, le contexte paléocéanographique de cette région et son intérêt d’étude. Ensuite, nous verrons brièvement le matériel et la méthode utilisés pour la détermination des rapports Mg/Ca des échantillons. Enfin, nous montrerons comment ces données de Mg/Ca sont utilisées pour établir une calibration en température des eaux intermédiaires et profondes. Nous aborderons la reconstitution des paléotempératures de ce secteur océanique dans ce mémoire par des résultats préliminaires et non publiés montrant l’évolution de la température des masses d’eau sur les 22000 dernières années, dont la dernière transition climatique glaciaire-interglaciaire. 4.1 Contexte paléocéanographique 4.1.1 Les campagnes océanographiques RETRO Le programme de recherche E.S.F. (European Science Foundation) EuroMARC RETRO (Response of tropical Atlantic surface and intermediate waters to changes in the Atlantic meridional overturning circulation) associant la France, la Norvège, les Pays-Bas et l’Allemagne, a comme objectif de reconstituer l’évolution de la circulation méridienne 85 atlantique (MOC)2, lors des changements climatiques rapides des derniers 60 000 ans. Les changements de la MOC sont associés à des réorganisations à grande échelle du transport de chaleur et de la distribution des températures atmosphériques et de surface et donc des variations climatiques globales. Une étude de modélisation a montré qu’une réduction de la formation d’eaux profondes en Atlantique Nord provoque un refroidissement dans la région nord atlantique (Manabe, 1997). Ce refroidissement dans les hautes latitudes s’accompagne d’un réchauffement dans la thermocline tropicale (correspondant au plus fort gradient de température entre les eaux chaudes de surface et les eaux profondes) et sépare les eaux chaudes de surface des eaux froides profondes. L’hémisphère sud se réchauffe également. Afin de reconstituer et de mieux appréhender les changements passés de la MOC ainsi que la réorganisation des différentes masses d’eaux, des gradients de T et S sont reconstruits sur une gamme de profondeurs associées à ces masses d’eaux. (Figures 54 et 55). Cette approche est à la base des programmes actuels d’observation et de suivi de la MOC et a guidé la conception du projet RETRO. A B Figure 54. A) Courants de surface et profonds passant au niveau des sites de carottage, B) Concept de la stratification verticale en température de la colonne d’eau comprenant les eaux profondes à partir de 1000 m, puis la thermocline au dessus entre 200-1000 m, et la couche mixte jusqu’à la surface (eaux de surface). Trois campagnes de carottage en mer RETRO à bord du N/O Marion Dufresne et du R/V GO SARS ont été entreprises entre 2007 et 2009. Vingt carottes de type Calypso ont été prélevées à des profondeurs différentes le long de transects en Atlantique tropical Est (RETRO 2, Namibie 2008) et Ouest (RETRO 1, Brésil 2007 et RETRO 3, Brésil 2009) et autant de carottes gravité de type CASQ (6 ou 12 m de long) et de carottes multi-tubes 2 La MOC correspond au transport méridien (nord/sud) des masses d’eaux via la circulation thermohaline 86 d’interface (80 cm). Ensuite en laboratoire, certaines de ces carottes ont fait l’objet d’investigations poussées : en particulier, des analyses isotopiques et en éléments traces ont été réalisées sur les foraminifères planctoniques et benthiques préservés dans ces sédiments. 4.1.2 Localisation des carottes de RETRO 1 (Brésil) Au cours de la première mission RETRO 1 au large du Brésil, 20 carottes d’interface de 80 cm ont été prélevées par le navire de recherche norvégien R/V GO SARS. Ces carottes renfermant les sédiments les plus récents, vont permettre, associées aux données de température des eaux de fond actuelles, d’établir les calibrations Mg/Ca=f(T) de chaque espèce de foraminifères benthiques. Ces sites de carottage sont localisés sur le haut du talus continental au large du Nord-Est du Brésil (Figure 55), et à des profondeurs allant de 479 à 2412 mètres (Tableau VIII). Figure 55. Localisation et coupe du talus continental avec le transect de profondeur des stations de carottage Cette zone d’étude est baignée par différentes masses d’eaux illustrées dans la figure 56. Les eaux de surface (entre 0 et 200 m) sont caractérisées par le courant de surface NordBrésilien (NBC). Entre 200 et 500 m, on trouve le courant Sud-Atlantique au-dessus des eaux intermédiaires Antarctique (AAIW) entre 500 et 900 m. Plus profond, on trouve les branches supérieure et inférieure de la masse d’eau Nord Atlantique, Upper-NADW (UNADW) et Low-NADW (L-NADW) respectivement. Les sites sont positionnés le long du talus continental, particulièrement bien localisés pour enregistrer les mouvements verticaux des masses d’eau profondes NADW froide et dense avec les masses d’eau intermédiaire Antarctique AAIW et les eaux de surface et de la thermocline (Figure 55 et 56). 87 Figure 56. Représentation simplifiée de la stratification de l’océan atlantique tropical occidental. Les masses d’eau reconstituées sont la partie haute des eaux profondes (U-NADW), la thermocline (SACW), les eaux intermédiaires (AAIW) et de surface (NBC) (Tisserand et al., 2009). NBC : Courant Nord-Brésilien (prof. 0-200m) SACW : Courant Sud Atlantique ((prof. 200-500m) AAIW : Eaux intermédiaires Antarctiques (prof. 500-900m) U-NADW : Eaux profondes Nord Atlantiques (prof. 900-2000m) L-NADW : Eaux profondes Nord Atlantiques (prof. 2000-2500m) Depuis le poste opérationnel du navire, la présence et la qualité des sédiments en place sont observées par sismique réflexion (Figure 57) pour chaque station. Les mesures directes de luminance (variations de couleur du sédiment) effectuées à bord, ont permis à posteriori de vérifier l’exceptionnelle qualité des carottes prélevées sur cette gamme de profondeurs et d’établir des corrélations sédimentaires entre les sites de carottage. Figure 57. Profil sismique réflexion de la station 18 de carottage à 898m de profondeur d’eau sur le talus continental de la marge brésilienne, au large de Fortaleza. On observe la présence d’environ 25 m d’épaisseur de sédiments au site. 88 Tableau VIII. Liste de carottes d’interface multi-tubes prélevées par le R/V GO SARS lors de la mission RETRO 1 au large de la marge brésilienne. En jaune, les carottes utilisées dans cette application station 4 5 6 7 8 10 11 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 nom carotte GS07-150-4/1 GS07-150-5/1 GS07-150-6/1 GS07-150-7/1 GS07-150-8/1 GS07-150-10/1 GS07-150-11/1 GS07-150-14/1 GS07-150-15/1 GS07-150-16/1 GS07-150-17/1 GS07-150-18/1 GS07-150-19/1 GS07-150-20/1 GS07-150-21/1 GS07-150-22/1 GS07-150-23/1 GS07-150-24/2 GS07-150-25/1 GS07-150-26/1 type carotte Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube Multi-Tube prof. eau (m) 795 693 599 479 763 939 728 551 590 652 1000 898 800 700 656 598 550 2412 766 750 lat.(°) 04°36.743’S 04°37.586’S 04°38.084’S 04°37.833S 04°37.832’S 04°49.418S 04°45.314S 04°17.803S 04°17.803S 04°17.725S 04°12.980S 04°13.827S 04°14.868S 04°15.655S 04°15.981S 04°16.231S 04°16.436S 03°46.473S 04°14.098S 04°15.268S long.(°) 36°37.796’W 36°38.009’W 36°38.167’W 36°36.760W 36°36.761’W 34°52.882W 35°03.351W 37°08.339W 37°08.339W 37°07.299W 37°04.515W 37°05.945W 37°07.197W 37°08.243W 37°08.711W 37°09.051W 37°09.335W 37°03.850W 37°08.070W 37°07.762W Nous avons étudié plus particulièrement 7 d’entre elles, positionnées entre 600 et 1000m, pour établir, entre autres, de nouvelles données pour l’amélioration de 2 courbes de calibration en température préexistantes pour 2 espèces de foraminifères benthiques. 4.2 Matériel et méthode 4.2.1 Echantillonnage Les échantillons de sédiment d’interface analysés dans cette étude correspondent à l’intervalle 0-0,5cm de chaque sommet de carotte, représentant les conditions de l’Holocène moderne ou tardif (0-2000 ans BP). Les carottages ont été accompagnés de prélèvements d’eau de mer sur chaque site afin de calibrer nos outils de reconstruction paléocéanographique par rapport aux conditions actuelles. Nous avons bénéficié de profils de salinité et de température lors de chaque opération de carottage grâce aux capteurs nouvellement installés directement sur les carottiers. La température actuelle des eaux de fond (Bottom Water Temperature, BWT) est mesurée à chaque site pour pouvoir faire 89 correspondre cette température au rapport Mg/Ca des tests de foraminifères benthiques contenus dans ces sédiments les plus récents. Des coquilles aragonitiques de ptéropodes ont été trouvées dans toutes les carottes, suggérant une dissolution post-dépôt des carbonates négligeable. Les données Mg/Ca et de T°C collectées nous ont permis d’établir des calibrations Mg/Ca=f(T) pour chaque espèce de foraminifères retenue. Comme nous l’avons vu précédemment, l’évolution du rapport Mg/Ca en fonction de la température est spécifique à chaque espèce de foraminifère, et suit une courbe empirique de type exponentiel. Dans le cadre de cette application, deux espèces benthiques présentant dans les sédiments une abondance suffisante ont été étudiés : Cibicidoides wuellerstorfi et Cibicidoides kullenbergi. Ces deux espèces ne vivent pas dans les mêmes conditions et ont des comportements indépendants vis-à-vis de l’incorporation d’éléments traces, donc des paramètres A et B différents dans la loi exponentielle. Les sept sommets de carottes sélectionnés définissent une gamme de profondeurs entre les eaux intermédiaires et les eaux froides et profondes (Figures 55 et 56) pour des températures respectives allant de 4°C à 6°C. Ici la salinité varie très peu d’un site à l’autre, et la forte teneur en ions carbonates montre que les eaux sont suffisamment saturées ([CO32-] > 25mol/kg) pour ne pas influencer le rapport Mg/Ca (Tableau IX). Tableau IX. Noms, profondeurs d’eau, température de l’eau, salinité, concentration des ions carbonates, et profondeur d’échantillonnage dans chaque carotte utilisée dans cette application Carotte Prof.eau m T°eau Salinité o C [CO32-]calcite Prof.éch mol/kg cm GS07-150-22/1MC 598 6,06 34,5 33,2 0-0,5 GS07-150-21/1MC 656 5,67 34,47 33,6 0-0,5 GS07-150-20/1MC 700 5,38 34,46 37,5 0-0,5 GS07-150-26/2MC 750 4,92 34,45 37 0-0,5 GS07-150-19/1MC 800 4,64 34,44 36,4 0-0,5 GS07-150-18/1MC 898 4,3 34,47 34,7 0-0,5 GS07-150-17/2MC 1000 4,17 34,56 33 4-4,5 90 4.2.2. Méthode analytique Chaque échantillon, contenant entre 7 et 25 foraminifères benthiques, a subi la procédure de nettoyage exposée dans la partie 3 issue et modifiée de Barker et al. (2003), incluant l’étape de nettoyage des argiles, de la matière organique et d’encroûtement d’oxydes de manganèse ou de calcite gamétogénique. Les rapports Mg/Ca puis Fe/Ca, Mn/Ca, Al/Ca ont été déterminés ensuite par ICP-OES suivant la méthode de de Villiers et al. (2002) avec une précision à long terme de 0,043 mmol/mol (écart-type à 1d’intervalle de confiancesoit 68% de la distribution) obtenue sur la mesure de 60 réplicas d’un standard interne de Mg/Ca=1,02 mmol/mol. Les valeurs de Mn/Ca et Al/Ca sont toutes inférieures aux limites de rejets établies par Barker et al. (2003). Les rapports Fe/Ca pour l’ensemble des échantillons de C. wuellerstorfi sont inférieurs à 0,1 mmol/mol. Certains échantillons de C. kullenbergi ont un rapport Fe/Ca>0,1 mmol/mol mais il n’y a pas de corrélation évidente entre les rapports Mg/Ca et Fe/Ca de cette espèce (r2=0,1). Ceci montre l’absence de contamination et souligne que les variations de Mg/Ca ne sont pas imposées par celles de Fe/Ca pour cette espèce de foraminifères. 4.3 Résultats Nous présentons dans un premier temps, les nouvelles données Mg/Ca de foraminifères benthiques (C. kullenbergi et C. wuellerstorfi) issus du sédiment de sommet de 7 carottes (dépôt le plus actuel) sur la gamme de profondeurs 600–1000 m de l’océan atlantique tropical de l’ouest. Ces données sont utilisées pour établir une calibration des rapports Mg/Ca en fonction de la température. Dans un deuxième temps, nous présentons les résultats de l’application directe de ces calibrations à une série de 3 carottes prélevées dans le même secteur géographique. La reconstitution des paléotempératures à différentes profondeurs au cours des derniers 22000 fait ainsi l’objet de la discussion finale. 4.3.1 Données Mg/Ca des Cibicidoides kullenbergi Afin de vérifier la cohérence des résultats de Mg/Ca obtenus, il est intéressant de mettre en parallèle ces résultats avec ceux des calibrations déjà existantes sur cette espèce dans la littérature (Healey et al., 2008 ; Raitsch et al., 2008 ; Yu et Elderfield, 2008). Comme 91 toutes ces données n’ont pas été obtenues par une même méthode de nettoyage, un coefficient d’ajustement de + 0,09 mmol/mol est systématiquement ajouté aux données obtenues à partir de la méthode réductive de Boyle et Keigwin, (1985) (partie 3). Ce coefficient a été déterminé à partir de nombreuses mesures d’inter-calibration menées par différents laboratoires au cours des dernières années. (Barker et al. 2003, Greaves et al. 2008, Yu and Elderfield, 2008). On remarque que les nouvelles données de température augmentent de 2°C la gamme existante des calibrations (0-4°C) pour l’étendre jusqu’à 6°C (Figure 58). On observe une large dispersion des données qui sont significativement plus forte que celles déjà publiées pour l’océan atlantique. Seuls les points entre 5°C et 6°C semblent suivre la tendance exponentielle, les autres points ont des rapports Mg/Ca plus importants qu’attendu. Les mesures de rapports des autres éléments, notamment Fe/Ca, montrent des valeurs assez fortes et nous ne pouvons pas complètement exclure une potentielle contamination par des argiles récalcitrantes et pouvant expliquer ces données Mg/Ca surestimées. L’équation de calibration obtenue avec toutes les données de C. kullenbergi, y compris les nôtres, est : Mg/Ca(mmol/mol) = 0.75±0.08 exp [0.31±0.03 * BWT(°C)] R2=0.56 Figure 58. Données Mg/Ca des C. kullenbergi de sommets de carottes mesurés dans cette application (en bleu), en fonction de la température de l’eau profonde (BWT). La ligne noire représente la courbe de tendance de la calibration pour la gamme 0-6°C. Les diamants noirs correspondent aux données de Raitzsch et al. (2008), les diamants blancs à celles de Healey et al. (2008), et les ronds blancs sont les données de Yu et Elderfield (2008). 92 Le coefficient de corrélation de cette calibration est assez faible, en raison de la dispersion des données de cette espèce sur la gamme de température concernée (R²=0,56). Cette dispersion est un critère discriminant pour notre démarche de reconstitution de l’évolution historique de la température des eaux de fond qui exige une grande précision. On ne pourra pas, en premier lieu, utiliser ces données comme extension de la calibration existante entre 0-6°C. 4.3.2 Données Mg/Ca des Cibicidoides wuellerstorfi De même qu’avec C. kullenbergi, on vérifie la cohérence des résultats de Mg/Ca obtenue avec ceux des calibrations existantes déjà publiées sur C. wuellerstorfi (Elderfield et al., 2006 ; Raitsch et al., 2008; Yu et Elderfield, 2008). Seules les données publiées et préparées avec la méthode de Barker et al. (2003) sont utilisées ici pour réduire l’incertitude liée au type de nettoyage appliqué. Il n’y a donc pas besoin d’appliquer le coefficient correcteur de 0.09 mmol/mol. Les nouvelles données étendent aussi de 2°C la gamme existante des calibrations (0-4°C) pour atteindre 6°C. Les rapports Mg/Ca suivent cette fois plus fidèlement la tendance exponentielle de la courbe synthétique issue de la compilation de nos données et des données publiées de Mg/Ca sur C. wuellerstorfi de l’océan atlantique par Elderfield et al. (2006), Raitzsch et al. (2008) et Yu et Elderfield (2008). Dans cette gamme de température, on trouve une corrélation avec un R2 = 0,76 (Figure 59). Ainsi, pour C. wuellerstorfi , l’équation de calibration est : Mg/Ca (mmol/mol) = 0,82±0,04 exp [0,20±0,01 * BWT(°C)] R2=0,76 Cette espèce benthique C. wuellerstorfi semble être plus sensible à la température que C. kullenbergi. Dans cette région, la variation de salinité est faible et la teneur en ions carbonates est homogène entre 500 et 1200 m de profondeur, apportant un contexte favorable à la paléothermométrie Mg/Ca. 93 Figure 59. Données Mg/Ca des C. wuellerstorfi de sommets de carottes mesurés dans cette application (en bleu), en fonction de la température de l’eau profonde (BWT). La ligne noire représente la courbe de tendance de la calibration pour la gamme 0-6°C. Les diamants noirs sont les données de Raitzsch et al. (2008) et les ronds blancs proviennent de l’étude de Yu et Elderfield (2008). La principale conclusion de ces données est la mise en évidence d’une calibration étendue sur la gamme de température 0-6°C. Cette extension de calibration est déterminante pour l’étude et la reconstruction de l’évolution des températures des eaux de fond. Ces travaux ont donc une grande portée pour la communauté des paléocéanographes. En effet, cette nouvelle calibration va pouvoir être utilisée pour reconstituer les paléotempératures des eaux de fond à partir de la détermination des rapports Mg/Ca des C. wuellerstorfi présents dans les couches plus anciennes des carottes longues de type Calypso. 4.3.3 Reconstitution des paléotempératures de l’Atlantique tropical occidental au cours de la dernière déglaciation Dans la mesure où ces travaux ne sont pas encore publiés, il semble important de rappeler que cette dernière partie découle directement des travaux de thèse d’Amandine Tisserand. N’ayant pas la propriété des données, je ne suis pas en mesure de présenter dans le détail les modèles d’âge, ni les caractéristiques précises de l’échantillonnage, je ne peux que présenter de manière générale le raisonnement ayant conduit à la figure 62. 94 Les rapports Mg/Ca de foraminifères planctoniques et benthiques ont été déterminés dans les sédiments de 3 longues carottes Calypso prélevées sur la marge brésilienne pour étudier les variations de températures des masses d’eau caractérisant la partie supérieure de la circulation océanique méridienne (MOC) pendant la dernière transition G-IG (9-22000 ans). Cette période est en effet marquée par une variabilité climatique importante enregistrée dans les glaces du Groenland (Figure 60), et qui a été présentée brièvement dans la partie 1 (Figure 10). Figure 60. 18O des glaces du Groenland illustrant la variabilité climatique ayant affectée l’hémisphère nord au cours de la dernière déglaciation (Waelbroek, 2001) Le dernier maximum glaciaire (LGM) se termine vers 21000 ans. L’hémisphère nord enregistre ensuite un refroidissement rapide pendant l’événement de Heinrich 1 (H1), caractérisé par une débâcle glaciaire dans les hautes latitudes. Cet épisode froid est suivi d’une période de réchauffement rapide pendant le Bølling-Allerød (B-A, autour de -14000 ans), puis d’un nouvel épisode froid rapide d’une durée de 1000 ans, le Dryas récent (Younger Dryas, YD) qui se termine vers -12000 ans. Ce dernier épisode froid est suivi par un réchauffement progressif puis une stabilisation caractérisant la période récente de l’Holocène. Pour étudier la sensibilité des masses d’eau de la partie supérieure de la MOC et l’évolution de la thermocline au cours de ces variations climatiques rapide, on s’est intéressé à 3 carottes en particulier : GS07-150-20 prélevée à 700 m de profondeur, GS07-150-18 à 898 m et GS07-150-17 à 1000 m de profondeur. Ces 3 carottes baignent dans la masse d’eau 95 AAIW. La dernière, GS07-150-17, est néanmoins en limite de l’influence de U-NADW. (Figure 61) Figure 61. Schéma en coupe de l’océan atlantique tropical de l’ouest montrant les carottes et les espèces de foraminifères avec leurs profondeurs d’habitat. Les masses d’eau reconstituées sont la thermocline, les eaux intermédiaires et de surface. (Tisserand et al., non publié) Les données Mg/Ca des foraminifères benthiques C. wuellerstorfi de ces carottes sont donc directement associées aux températures profondes à 700, 898 et 1000 m, et donc aux températures de AAIW. Pour étudier l’évolution de la thermocline dont la profondeur se situe entre 100 et 500 m, il convient d’utiliser des espèces de foraminifères ayant vécu dans cette gamme de profondeur et qui se retrouvent dans le sédiment sous-jacent. Sur ces mêmes carottes, le rapport Mg/Ca de certaines espèces planctoniques appropriées a donc été mesuré. G. ruber est une espèce planctonique, vivant dans la couche de mélange supérieure représentant les conditions de surface de l'océan (Figure 61). La profondeur de calcification de G. ruber, c’est à dire la profondeur à laquelle se construit sa coquille de calcite, est estimée entre 20 m et 50 m de profondeur. Le rapport Mg/Ca de cette espèce sera donc lié à la température caractérisant cette profondeur de masse d’eau de surface. De même, l’espèce de foraminifère planctonique G. siphonifera, calcifie à environ 120 m de profondeur d'eau. Enfin, G. truncatulinoides est une espèce planctonique profonde dont la profondeur de calcification est affectée par les conditions de la basse thermocline, c’est à dire autour de 300-400 m. 96 Figure 62. Reconstitution des paléotempératures Mg/Ca des eaux de 50 et 1000 m de profondeur à l’aide de 3 espèces de foraminifères G. ruber, G. truncatulinoides, et C. wuellerstorfi. YD : Younger Dryas, B-A :BollingAllerod, HS-1 :Heinrich event 1, LGM :Dernier Maximum Glaciaire (Tisserand et al., non publié) Pour chacune de ces 3 carottes, des datations au carbone 14 ont été réalisées, permettant d’établir des modèles d’âges, et donc de faire associer à des profondeurs précises de carottes, à un âge calendaire absolu. Les 3 sites ont un taux de sédimentation moyen de 10 cm par 1000 ans. Un échantillonnage du sédiment tous les 5 cm a été réalisé pour ces 3 carottes, mais certains niveaux de sédiments ne présentaient pas une abondance suffisante de l’une ou l’autre des 4 espèces planctoniques et benthique considérées. Le pas d’échantillonnage n’est donc pas nécessairement régulier. Les données Mg/Ca mesurées des foraminifères planctoniques et benthiques sont ensuite converties en température en utilisant des calibrations adaptées à chaque espèce (Tableau X). Tableau X. Récapitulatif des espèces et des calibrations Mg/Ca=f(température) utilisées. Les coefficients B et A correspondent aux coefficients des courbes exponentielles du type Mg/Ca = B*exp (A*T). R2 Espèce étudiée B A G.ruber 0.449 0.09 Anand et al. 2003 0.532 0.532 Anand et al. 2003 G. truncatulinoides 0.62 0.074 0.64 Cléroux et al. 2008 C. wuellerstorfi 0.82 0.20 G. siphonifera 97 Référence 0.74 Tisserand et al. 2013 L’enregistrement rouge de la figure 62 correspond à la compilation des données Mg/Ca de G. ruber et converties en température des 3 carottes étudiées. Les données pour chaque niveau temporel commun sont moyennées. C’est donc ce qu’on appelle une courbe composite. C’est également le cas pour les données Mg/Ca des 2 autres espèces de foraminifères planctoniques. La courbe bleue est également une courbe composite obtenue à partir de l’ensemble des données Mg/Ca converties en température de C. wuellerstorfi des 2 sites les plus profonds entre 898 m et 1000m. En effet pour ces deux sites, du fait de la faible abondance de l’espèce benthique dans le sédiment, l’échantillonnage a été très limité. Et le seul moyen d’obtenir un enregistrement continu sur la période considérée était de combiner les données de ces 2 carottes voisines, et baignées par la même masse d’eau. A partir des mesures conjointes des espèces benthiques et planctoniques, il a été possible de reconstituer l’évolution de la température sur une gamme de profondeur couvrant toute la partie supérieure de la colonne d’eau de 20 à 1000 m. Notons néanmoins qu’aucune donnée n’est disponible entre 400 et 700 m profondeur. Ceci s’explique du fait que cette gamme de profondeur est trop importante pour permettre le développement d’espèces planctoniques, mais pas assez profonde non plus pour être propice au développement de C.wuellerstorfi. D’autres espèces benthiques se développent à ces profondeurs, mais des études préliminaires ont montré qu’aucune d’entre elles n’avait une sensibilité satisfaisante vis à vis de la température pour permettre la mise en place d’une calibration Mg/Ca=f(T) (Tisserand et al., 2013). Nous trouvons que les températures de la zone de la thermocline (200-900 m) du dernier maximum glaciaire (LGM), représentée par G. truncatulinoides et C. wuellerstorfi, étaient plus fraiches que de nos jours, depuis la surface jusqu'à une profondeur de 400 m d’eau (Figure 62). Au contraire, sous les eaux de la thermocline, les eaux intermédiaires à 7001000 m de profondeur, montrent qu’elles ont été plus chaudes de 1 à 2ºC à la fin du LGM par rapport à l’Holocène récent ou la dernière période glaciaire (à 700 m). Cela indique que la région ont été sensibles aux variations de la circulation thermohaline durant la dernière transition G-IG. Combiner ces données de températures aux données isotopiques 18O réalisées sur les mêmes espèces de foraminifères permettra de reconstituer le signal local 18O de l’eau de mer, directement lié à la salinité des masses d’eaux. Cette démarche va être étudiée 98 ultérieurement permettant ainsi de contraindre les paramètres T et S des masses d’eau, et de discuter leur évolution au cours de la déglaciation. Ceci fera l’objet de la discussion du papier en préparation d’Amandine Tisserand, mais dépasse le cadre de cet exposé. Ainsi, la mise en place de la technique analytique a permis le développement de ce nouvel outil au sein du BCCR. Le degré de précision atteint a permis la reconstitution des variations de la température de l’ordre du degré des eaux de l’océan atlantique tropical occidental, observables au cours de la déglaciation, ce qui est en soit un challenge analytique. 99 Conclusion générale L’étude du système climatique nécessite d’identifier et de quantifier les paramètres qui interagissent au sein de chacune des composantes de ce système. De nombreux efforts sont actuellement portés sur l’amélioration et la quantification d’indicateurs climatiques existants et nouveaux. La température des masses d’eau océanique est un de ces paramètres importants, reliant les océans au système climatique par d’importants échanges de chaleur. Ainsi la reconstruction des paléotempératures océaniques sur de longues périodes de temps à partir d’archives sédimentaires reste un des enjeux majeurs en paléoclimatologie. L’objectif de ce mémoire a été de mener au sein d’un laboratoire de recherche norvégien sur le climat, le Bjerknes Center for Climate Research (BCCR), un projet de développement et de mise en œuvre d’une technique d’analyse précise du rapport Mg/Ca de la calcite des tests de foraminifères marins pour la détermination des paléotempératures des masses d’eau océanique. Les multiples difficultés de la méthode, depuis la capacité de collecte de carottes sédimentaires non perturbées, à la mesure par ICP-OES, en passant par le choix d’espèces de foraminifères et de leur préparation analytique, ont chacune fait l’objet d’une réflexion et d’une analyse particulière. Après avoir expliqué le contexte d’étude en présentant le système climatique, la paléocéanographie et les archives sédimentaires comme support de proxy dans la méthode Mg/Ca (partie 1), nous avons défini les enjeux et les moyens techniques à notre disposition pour l’obtention de carottes sédimentaires de qualité et non perturbées (partie 2). La réalisation du projet s’est poursuivie par de la mise en œuvre d’actions techniques (achats et installations des matériels), suivie de phases d’optimisation et de validation analytique (séries de tests et contrôles qualité des données) (partie 3). Plusieurs séries d’échantillons de foraminifères ont été mesuré avec une précision suffisante à leur interprétation dans la partie 4. A propos de la problématique technique, la mise en oeuvre du protocole de préparation des échantillons s’est avérée efficace et adapté. Nous avons pu exclure la contamination en Mg et Ca et isoler le signal primaire du proxy avant l’analyse instrumentale. Les travaux d’optimisation analytique sur l’ICP-OES ont aussi permis de répondre aux exigences de précision et de reproductibilité imposées par la méthode. Le challenge analytique visant à pouvoir mesurer de manière fiable des rapports Mg/Ca très faibles a été relevé. 100 Concernant la problématique scientifique, plusieurs espèces de foraminifères benthiques ont été étudiées afin de déterminer leur capacité à enregistrer de faibles amplitudes de température. L’espèce C.wuellerstorfi a montré les résultats les plus encourageants, ils ont permis d’établir une extension de la calibration Mg/Ca= f(T) de cette espèce dans l’océan atlantique sur la gamme de température 0-6°C. En revanche, l’espèce C. kullenbergi n’a pas montré une aussi bonne capacité à restituer un signal de température robuste malgré une certaine sensibilité à la température. Elle demandera donc à être étudiée plus en détails. Concernant les perspectives scientifiques, il sera nécessaire de continuer à améliorer les calibrations de température à travers, par exemple, des études sur le fonctionnement de l’assimilation du Mg par différentes espèces de foraminifères de culture sous des conditions de températures contrôlées en laboratoire. Il faudra bien évidemment aussi continuer à étendre à des nouvelles zones océaniques clés, la collecte de nouvelles carottes de sédiments non perturbés en bénéficiant des dernières avancées techniques de carottage en mer. Enfin, les résultats préliminaires de reconstitution des 22000 dernières années des paléotempératures des masses d’eau de l’Atlantique tropical occidental, et encore non publiés, sont très encourageants. Ils démontrent la sensibilité de la circulation thermohaline tropicale aux changements de conditions environnementales et climatiques entre la période chaude de l’Holocène et période froide du dernier maximum glaciaire, contribuant à un des premiers et principaux objectifs du programme européen RETRO. Les travaux de ce mémoire ont directement permis de répondre aux besoins liés à la mise en place d’un outil de recherche important pour la communauté des paléocéanographes. Cet outil est maintenant utilisé en routine au BCCR pour les mesures de paléothermométrie Mg/Ca, et a permis à un ingénieur de recherche d’être recruté pour reprendre la responsabilité de ce laboratoire. 101 Résultats et faits marquants Fiabilité technique •participation et très bon classement dans l'inter-calibration internationnale entre 40 laboratoires (Greaves et al., 2006). •monitoring des éléments (Fe, Mn, Al) potentiellement contaminants. •mesures de standards internes comme contrôle de qualité. •mesures de standards externes en routine (inter-calibration). •précision instrumentale à long terme: 0.58%. •précision instrumentale à court terme: 0.50%. Formations Missions de terrain Mesure d'impact •LSCE-CNRS/CEA/UVSQ: organisation d'une visite pour l'apprentissage de méthodes de préparation d'échantillon aux mesures d'éléments traces. •Université de Cambridge: organisation d'une visite pour l'apprentissage des méthodes analytiques par ICP-OES sur des carbonates marins. •Campagne océanographique RETRO II (marge namibienne) sur N/O Marion Dufresne. •Campagne océanographique RETRO III (marge brésilienne) sur N/O Marion Dufresne. •1 article publié dans Geophysics, Geochemistry, Geosystems (janvier 2013). •2 articles en préparation. •1 thèse en rédaction au Bjerknes Center (A. Tisserand). •pérénisation de la méthode analytique et du matériel au Bjerknes Center par l'embauche d'un ingénieur de recherche pour continuer les analyses et les projets associés. 102 Références bibliographiques Anand P., Elderfield H., Conte M. H. (2003). Calibration of Mg/Ca thermometry in planktonic foraminifera from a sediment trap time series. 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Il est important de noter que ce protocole pourra varier en fonction de chaque espèce. (pour des échantillons à fort Mg/Ca avec peu d'argiles, il sera possible de raccourcir quelques étapes, alors que pour des échantillons froids contenant des IRD il faudra être plus rigoureux.) Il faut compter 4 heures pour la totalité du protocole pour 18-20 échantillons. Afin d'obtenir de bonnes statistiques il est préférable d'utiliser entre 10 à 20 individus par échantillon si possible. 1. Crushing L'objectif de cette étape est d'ouvrir les loges des forams afin de facilement vider l'intérieur des loges au cours des étapes de nettoyages qui suivront. Pour cela, il faut écraser l'échantillon délicatement entre deux plaques de verre. ATTENTION : trop écraser l'échantillon résultera de la perte d'échantillon au cours du nettoyage. 1) Déposer une goutte d'eau sur les forams préalablement déposés sur la plaque de verre. 2) Déposer la seconde plaque sur la première et exercer une pression pour permettre l'ouverture des chambres. ASTUCE : 2 tours de scotch sur chaque extrémité de la plaque de verre supérieure permettent un crushing efficace. 3) Relever la plaque de verre supérieure et regrouper tous les fragments sur la plaque inférieure. 4) Avec un pinceau humide, transférer les fragments dans un µtube de 0,5mL. 2. Extraction des argiles Pour cette étape, il est conseillé de traiter les échantillons un par un afin d’optimiser l’efficacité du nettoyage. Taper les µtubes sur la paillasse pour bien faire descendre les " morceaux " de forams au fond. 111 1) Introduire 500µL d’eau UHQ dans chaque micro tube afin de mettre en suspension la matière organique (les bulles d’air présentes au fond du tube peuvent être retirées en tapotant la base du tube de l’ongle). 2) Attendre 30 secondes pour permettre aux carbonates de sédimenter dans le fond. 3) À l'aide d’une pipette 500µL, aspirer l’eau au-dessus de l’échantillon Après ces étapes, tous les tubes doivent contenir environ 10 à 20µL d’eau. 4) Passer les échantillons aux ultrasons 2 minutes. (Ceci permet la séparation des argiles toujours présentes à la surface des tests). Des argiles en suspension apparaissent sous la forme d'un résidu laiteux juste au-dessus de l’échantillon. 5) Avec une pipette de 500µL, ajouter de l’eau ultra pure dans chaque tube (pour agiter l’échantillon et mettre en suspension des argiles toujours fixées). 6) Attendre que l’échantillon se soit redéposé au fond du tube. Cette étape prendra quelques secondes (assez de temps pour que les carbonates aient le temps de se redéposer au fond). Après cette étape, la partie de l’échantillon restante sera principalement contaminée par des particules silicatées. 7) Retirer (aspirer) l’eau au-dessus de l’échantillon contenant les argiles. 8) Renouveler les étapes de (4) à (7), 4 fois. Répéter encore si des argiles en suspension sont toujours visibles après passage aux ultrasons. Après ces étapes de nettoyage à l’eau, on utilisera l’éthanol qui permet de mettre en suspension les argiles les plus récalcitrantes. La faible viscosité de l’éthanol permet de détacher le matériel toujours attaché aux tests de carbonates. 9) Introduire 250µL d’éthanol à chaque échantillon. 10) Passer 2 minutes aux ultrasons. 11) Traiter chaque tube individuellement. Aspirer l'éthanol avec une pipette de 250µL et le remettre rapidement dans le µtube afin de mettre les argiles en suspension. 12) Attendre quelques secondes (30’’) que l’échantillon repose au fond du tube et retirer l'éthanol. 13) Répéter les étapes 9 à 12, 1 fois. 14) Répéter les étapes 5 à 7 afin d’enlever l’éthanol, 2 fois. 112 3. Extraction de la matière organique 1) Ajouter 250µL d’H2O2 à 0,3% (*) à chaque tube. Fermer les capsules des tubes hermétiquement, les disposer et les sécuriser, entre le rack plexiglas et son couvercle afin d’éviter que les tubes s’ouvrent lorsqu’ils seront sous pression. 2) Placer le porte échantillons dans un bain d’eau bouillante pendant 10 minutes (se servir d’un chronomètre). À 2’30’’ et à 7’30’’, retirer, et secouer ou taper le porte échantillons contre la paillasse, pour enlever les bulles de condensation. À 5 minutes, passer les échantillons 30 secondes aux ultrasons puis les remettre aux bains d’eau bouillante après les avoir débarrassés des bulles d’air formées. (Retirer les bulles permet de maintenir le contact entre le réactif et l’échantillon. 3) À la fin des 10 minutes, utiliser la centrifugeuse pendant 1 minute à 5000tr/min, pour enlever les bulles et faire déposer les forams au fond. S’assurer que l’échantillon s’est redéposé au fond du µtube avant de retirer l’eau oxygénée à l’aide d’une pipette. 4) Répéter les étapes 1 à 3. 5) Rincer les échantillons à l’eau ultra pure 2 fois en veillant à rincer le bouchon (avec une pipette de 500µL). * Préparée à partir de NaOH à 0.1M (100µL d’H2O2 30% dans 10mL de NaOH 0.1M) 4. Attaque à l’acide faible Un acide dilué est utilisé afin de retirer des contaminants incorporés aux fragments de test. 1) Ajouter 250µL d’HNO3 0.001M à chaque échantillon. 2) Passer 30 secondes aux ultrasons. 3) Retirer rapidement l’acide 4) Ajouter avec une pipette de 500µL de l’eau UHQ rapidement afin d’éviter une dissolution excessive des carbonates. 5) Retirer le surplus d’eau. 6) Répéter les étapes 4 et 5. 7) En utilisant une pipette de 10µL, retirer avec précaution le reste de solution pour chaque échantillon (essayer de ne pas laisser plus de 10µL). À la fin de cette étape, les échantillons peuvent être stockés en attendant l’analyse. Ils seront dissous et dilués le même jour que leur analyse. 113 5. Dissolution Afin d’assurer des dilutions précises, il est important que tous les volumes soient précisément pipetés à partir de cette étape. 1) Ajouter 350µL d’HNO3 0.075M (Pour les gros échantillons 500µL peuvent être ajoutés). 2) Passer quelques instants aux ultrasons en fonction des échantillons (vérifier si les échantillons sont bien dissous). Au cours de cette étape, tapoter les échantillons contre la paillasse afin de faire s’échapper les bulles de CO2 et de permettre à la dissolution de se faire correctement. 3) Dès que la production de CO2 cesse, secouer l'échantillon pour mélanger. 4) Centrifuger les échantillons (5000 tour/min pendant 5 minutes) pour déposer au fond les petites particules de silices toujours présentes. 5) Transférer 300µL de la solution dans un tube propre, en laissant 50 µL au fond de l'ancien tube (ou 450µL en en laissant 50 µL également). 6. Dilution Après nettoyage et dissolution, 10 foraminifères benthiques doivent donner une concentration de Ca comprise entre 100 et 200 ppm, en fonction de l'espèce de forams et de la fraction d'échantillon perdue au cours du nettoyage. La méthode pour la mesure de Mg/Ca et Sr/Ca en utilisant l’ICP-OES Iris requiert, pour une précision et une justesse optimales, des solutions contenant une concentration connue de Ca autour de 40 ppm, et utilise une solution de ~350µL ou 500µL par analyse. Deux runs pour chaque échantillon sont nécessaires. Un 1er run pour déterminer la concentration en Ca de l'échantillon et un 2nd run à une concentration optimum de Ca pour la détermination des rapports Mg/Ca et Sr/Ca. Pour les échantillons contenus dans 300µL d'HNO3 à 0,075M après centrifugation, une dilution d'un facteur 5 doit être faite avant le 1er run, suivie par une dilution du reste de l'échantillon en fonction de la concentration de Ca désirée. 1) Préparer une série de tubes propres pour la dilution 2) Ajouter 280µL d'HNO3 à 0,075M à chaque tube (Ou 250µL pour une dilution de facteur 3 si on a ajouté 500µL au départ). 3) Ajouter 70µL d'échantillon afin d'obtenir une dilution de facteur 5 (Ou ajouter 125µL d'échantillon pour une dilution de facteur 3). Si dilution /5 il reste 230µL d'échantillon pour le 2nd run (Si dilution /3 il reste 325µL d'échantillon pour le 2nd run) Un pipetage précis des volumes est nécessaire afin d'assurer une estimation correcte de la concentration en Ca et des dilutions effectuées avant le 2nd run. 114 Préparation des réactifs Préparation de l'acide à 10% pour vaisselle ATTENTION : mettre en route l’extraction de la hotte. -Remplir la bouteille prévue pour la préparation du 10% (sous la hotte) avec d' H 2O UHQ jusqu'à la marque (850mL). -Prendre la flacon de 125mL avec 2 traits de jauge à 50 et 100mL marqués au feutre. -Verser 100ml d’HNO3 (69%) (sous la hotte) dans la bouteille de préparation. -Verser 50ml d’HNO3 (69%) (sous la hotte) dans la bouteille de préparation. Rinçage des pointes : Acide (10%, HNO3) 3 fois H2O Elga UHQ 3 fois Extraction des argiles H2O Elga UHQ Éthanol Oxydant (pour extraire la matière organique) On veut du H2O2 0,3% 250 µL de solution est nécessaire par échantillon Une préparation du réactif doit être réalisée pour chaque série d'échantillons Préparation à partir de H2O2 30% w/v et NaOH 0,1M. Préparation du NaOH 0,1M -Mettre un peu d'eau UHQ dans une fiole de 50 mL. -Ajouter 500µL de NaOH (30%) dans la fiole. -Compléter au trait de jauge avec de l'eau UHQ. Préparation du H2O2 0,3% -Sortir la bouteille du frigo avant pour atteindre la T° ambiante avant utilisation. -Prendre le flacon au bouchon orange. -Mettre 100µL d'H2O2 30% w/v (pipeter dans petite fiole relais de 5 mL). -Compléter à 10ml avec NaOH (0,1M). Préparation du HNO3 0,1M -Utiliser comme acide de départ le HNO3 65% (15M) distillé ou Normatom ultra pur -Prendre la bouteille sous l’hôte prévue pour préparation. -Remplir d'eau jusqu'à la marque H2O. -Ajouter 6,67 mL d’HNO3 (65%). Préparation du HNO3 0,001M pour leaching À partir du HNO3 0,1M. -Mettre une peu d'eau UHQ dans fiole de 25 mL. -Ajouter 250 µL d'acide 0,1M. -Compléter avec de l'eau UHQ jusqu'à 25 mL. Préparation du HNO3 0,075M pour dissolution -Mettre 1mL d'eau UHQ dans flacon de 30mL = peser environ 1g d'eau. -Ajouter 22,5 g d'acide 0,1M. -Compléter avec H2O UHQ pour atteindre 30g. 115 =75mL d’acide à 0,1M dans 1 fiole de 100mL. Nettoyage des micro tubes de 0,5 ml 1) Préparer un bain d'acide nitrique à 10%. 2) Mettre de l'acide avec un compte-gouttes dans chacun des tubes (et dans chaque couvercle) en s'assurant qu'il ne reste pas de bulles d'air dedans. Puis les plonger dans le bain d'acide à 10% avec leurs couvercles ouverts. 3) Fermer le récipient cylindrique et laisser 24 heures. 4) Retirer l'acide de chaque tube : ouvrir le couvercle et verser l'acide dans un nouveau récipient identique pour récupérer l'acide. Refermer le couvercle, agiter le récipient pour se débarrasser de l'acide encore présent au fond des tubes, rouvrir et retirer l'acide une nouvelle fois. 6) Rincer trois fois avec de l'eau UHQ Elga la totalité du récipient en agitant pour chaque rinçage. 7) Faire un dernier rinçage avec de l'eau Elga en prenant cette fois les tubes individuellement. 8) Faire sécher les micro-tubes à l'étuve. 116 Détermination des paléotempératures des océans à partir du rapport Mg/Ca des foraminifères Mémoire d’ingénieur CNAM, Paris, juin 2013 _________________________________________________________________________ RESUME : Une des finalités de la paléoclimatologie est de reconstituer certains paramètres climatiques clés, comme par exemple, la température des masses d’eau océanique. Cette étude, menée au sein du Bjerknes Center for Climate Research de l’université de Bergen (Norvège), a consisté à mener un projet de développement analytique pour la détermination du rapport Mg/Ca de la calcite des tests de foraminifères marins, un proxy ou traceur de la température de l’eau de mer. La première partie est une présentation du système climatique et des moyens à notre disposition pour étudier les climats du passé, avec une attention particulière sur l’intérêt des archives sédimentaires prélevées au fond des océans : les carottes. La seconde partie traite de la technique de carottage océanique et de son optimisation, ainsi que de quelques outils géotechniques embarqués. La troisième partie du mémoire est la description du développement analytique. Elle comprend la définition et la mise en œuvre d’un protocole de nettoyage chimique des échantillons, et retrace le travail d’optimisation et de validation pour leur analyse par spectrométrie d’émission optique à torche plasma (ICP-OES). Enfin, la dernière partie consiste à l’amélioration d’une calibration de l’espèce de foraminifères benthiques C.wuellerstorfi en températures. Cette calibration permet l’interprétation de données Mg/Ca en termes de températures des masses d’eau de l’océan atlantique tropical occidental au cours de la dernière déglaciation. climats, paléocéanographie, Mg/Ca, carotte sédimentaire, ICP-OES, foraminifères, océan atlantique tropical occidental. MOTS CLES : _________________________________________________________________________ ABSTRACT: One of the purposes of paleoclimatology is to reconstruct some of the key parameters of the climate system, such as the temperature of ocean water masses. The aim of this study, conducted at the Bjerknes Centre for Climate Research, University of Bergen (Norway), was to carry out a project of analytical development for the determination of foraminiferal Mg/Ca ratios, a proxy for seawater temperature. In a first part we introduce the climate system and the means at our disposal to study past climates, with particular attention to sedimentary archives taken from the bottom of the oceans: cores. The second part presents ocean coring technique and optimization, as well as some on-board geotechnical instrumentations. The third part of the thesis is the description of the analytical development. It includes the definition and implementation of a protocol for chemical cleaning of samples, and describes the work of optimization and validation for analysis by optical emission spectrometer (ICP-OES). The last part is the improvement of a temperature calibration for the benthic foraminifera specie C.wuellerstorfi. This calibration allows the interpretation of Mg/Ca data in terms of water masses temperatures from the western tropical Atlantic Ocean during the last deglaciation. climates, paleoceanographie, Mg/Ca, sediment core, ICP-OES, foraminifera, western tropical atlantic ocean. KEYWORDS : 117