Interaction d`issue fatale entre acide fusidique et statine

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N°17
n° ISSN : 1959-2167
Juin
2014
VigiNantes
Chers Confrères,
Le Centre Régional de Pharmacovigilance de Nantes a le plaisir de vous adresser le
numéro 17 de son bulletin d’information sur le bon usage des médicaments, VigiNantes.
N’hésitez pas à exprimer vos souhaits de voir certains sujets de pharmacologie et de
pharmacovigilance traités et à nous donner vos impressions sur les thèmes qui vous
intéressent.
Le CRPV reste biensûr à votre disposition pour toutes vos questions sur le bon usage du
médicament et vos notifications d’effets indésirables.
Cordialement
Le CRPV de Nantes
Tél. : 02 40 08 40 96 – Fax : 02 40 08 40 97
email : [email protected]
Sommaire
Comité rédactionnel
Responsable : Pr Pascale JOLLIET
Gwenaëlle VEYRAC
Anne Lise RUELLAN
Julien MAHE
Caroline JOYAU
Interne : Nicolas SERANDOUR
•
Le CRPV de Nantes en chiffres – Année 2013
p. 2
•
Interaction d’issue fatale entre acide fusidique et statine
p. 3
•
Le réveil du sarcopte
p. 4
•
Informations ANSM
p. 5
•
Réévaluations du bénéfice/risque par l’EMA
p. 6
•
ASMR de nouveaux médicaments
p. 7
•
Revue de la littérature
p. 8
Le CRPV de Nantes en chiffres – Année 2013
Dr Caroline JOYAU
•
Bilan des notifications
Au cours de l’année 2013, 1496 nouveaux signalements d’effets indésirables médicamenteux (soit + 39% par rapport à
2012) ont été rapportés au CRPV de Nantes et transmis à l’ANSM, avec une forte progression des notifications émanant
du CHU.
Les médecins spécialistes et les pharmaciens sont à l’origine de la majorité des déclarations. Plus de la moitié des
signalements proviennent du CHU (Graphiques 1 et 2). Environ 40 % des notifications concernent des effets graves.
Médecins spécialistes
CHU
1%
3%
Médecins généralistes
1%
29%
Pharmaciens
3%
1% 2%
Hôpitaux secondaires
33%
51%
57%
Infirmières
9%
Clinique
10%
Institutionnel
Autres professionnels de
santé
Autres
Patients et Associations de
patients
Graphique 1 : Répartition des notifications par type
déclarants sur l’année 2013
•
Libéral
Graphique 2 : Répartition des notifications par affiliation
sur l’année 2013
Bilan des demandes de renseignements
Au cours de l’année 2013, 633 questions ont été posées au CRPV de Nantes provenant en majeure partie des
professionnels de santé libéraux. Environ 21% des demandes de renseignements ont abouti à une notification d’effet
indésirable. Les questions posées sont d’ordre divers (grossesse, interactions, allaitement…), ou en lien avec un effet
indésirable (Graphiques 3 et 4) dans la plupart des cas.
Effets indésirables
Praticiens CHU
0%
Grossesse
40%
45%
Interactions
Praticiens autres
hospitaliers
29%
Industrie
15%
7%
Allaitement
1%
47%
6%
Autres (cinétique, mécanisme
d'action, identification, conseils
de bon usage …)
Graphique 3 : Nature des demandes de renseignements
(2013)
9%
Professionnels de
santé libéraux
Patients et
associations patients
Graphique 4 : Répartition des Questions par affiliation
(2013)
Le CRPV de Nantes est à votre disposition pour répondre à vos questions sur le médicament (prescription,
interaction, effet indésirable, population à risque, grossesse, allaitement,…), recueillir et analyser les
suspicions d’effet indésirable médicamenteux et pour vous aider dans le diagnostic et la prise en charge des
effets indésirables médicamenteux.
VigiNantes 2014 (17) – p2
Interaction d’issue fatale entre acide fusidique et statine
Dr Julien MAHE
Homme de 67 ans aux antécédents de fibrillation auriculaire, d'hypertension artérielle et d'hypercholestérolémie. Le
traitement habituel de ce patient comporte entre autres de la pravastatine (40 milligrammes par jour) depuis 2007. En
février 2014, une infection à Staphylococcus aureus méticilline sensible est mise en évidence, nécessitant un traitement
antibiotique avec de l'acide fusidique per os (500 milligrammes 2 fois par jour) et de la lévofloxacine (750
milligrammes par jour). Dix jours après cette instauration, un bilan biologique met en évidence une insuffisance rénale.
Le patient est hospitalisé six jours plus tard pour syncope avec insuffisance rénale aigue sévère. La pravastatine est
arrêtée et l'acide fusidique poursuivi. Neuf jours après le début de son hospitalisation un dosage de CPK est effectué,
mettant en évidence une rhabdomyolyse (confirmée par la biopsie musculaire) avec des CPK à 4587 UI/L. Le patient
s'aggrave rapidement vers une défaillance multiviscérale et décède quelques jours plus tard. Les dernières valeurs des
CPK étaient à 160 000 UI/L. (VN 15 - 130 UI/L).
Les effets indésirables à type de myalgies, crampes,
élévation des CPK sont fréquents avec les statines.
Plusieurs facteurs favorisent leur survenue comme
l'âge supérieur à 70 ans, l'insuffisance rénale et/ou
hépatique, la pratique intensive d'un sport, la
posologie élevée ou encore certaines associations
médicamenteuses.
Le
RCP
(Résumé
des
Caractéristiques du Produit) de l'acide fusidique
indique à la rubrique des effets indésirables un risque
de survenue de rhabdomyolyse et le Thésaurus des
interactions de l'ANSM indique que la toxicité
musculaire des statines est favorisée par la colchicine,
les fibrates et l'acide fusidique. Pour ce dernier, le
niveau d'interaction est différent selon l'indication :
l'association est contre-indiquée avec les statines
dans les indications cutanées de l'antibiotique et
déconseillée dans les indications ostéo-articulaires.
L’arrêt prolongé d’un traitement par statines n’est en
effet pas recommandé. En 2011 au Royaume-Uni,
l'agence nationale de sécurité des médicaments
(MHRA) recommandait de ne pas utiliser l'acide
fusidique per os avec les statines en raison de
l'augmentation du nombre et de la sévérité des cas de
rhabdomyolyse survenant dans ce contexte. Vingt-huit
cas décrivant la survenue d'une rhabdhomyolyse lors
d'une co-prescription sont retrouvés dans la littérature,
dont 8 sont associés à une issue fatale. (1-15)
Les statines majoritairement retrouvées sont
l'atorvastatine et la simvastatine laissant supposer en
premier lieu à un mécanisme impliquant l'inhibition
de l'isoenzyme CYP3A4, ces deux statines étant
partiellement métabolisées par cette voie. Cependant,
les cas rapportés avec la rosuvastatine et notre cas
impliquant la pravastatine, ne peuvent pas trouver
d'explication à travers cette hypothèse : la pravastatine
n'est pas métabolisée par le cytochrome P450 et la
rosuvastatine est partiellement métabolisée par
l'isoenzyme 2C9. D'autres auteurs (Kearney et al.,
Gabignon et al.) avancent une compétition entre la
statine et l'acide fusidique au niveau de la
glucuronidation hépatique intervenant dans le
métabolisme de ces deux molécules.
Ces
cas
de
rhabdomyolyses
impliquant
l'interaction entre statine et acide fusidique
suggèrent donc un effet de classe. Les prescripteurs
et les pharmaciens doivent donc être alertés quant
au risque d'apparition de complications sévères
voire fatales. Pour les indications cutanées dans
lesquelles l'antibiotique est prescrit sur une courte
période, la contre-indication suppose un arrêt
temporaire de la statine. Mais dans les indications
nécessitant une durée de traitement prolongée avec
l'acide fusidique, la conduite à tenir pour
améliorer la prise en charge est discutée au niveau
de l'ANSM.
Références bibliographiques :
1- Dromer C et al. Rhabdomyolysis due to simvastatin. Apropos of a case with review of the literature. Rev Rhum Mal Osteoartic1992;59:281-3.
2- Wenisch C et al. Acute rhabdomyolysis after atorvastatin and fusidic acid therapy. Am J Med2000;109:78.
3- Kotanko P et al. Rhabdomyolysis and acute renal graft impairment in a patient treated with simvastatin, tacrolimus, and fusidic acid. Nephron2002;90:234-5.
4- Yuen SL et al. Rhabdomyolysis secondary to interaction of fusidic acid and simvastatin. Med J Aust2003;179:172.
5- Kahri J et al. Rhabdomyolysis in a patient receiving atorvastatin and fluconazole. Eur J Clin Pharmacol2005;60:905-7.
6- O’Mahony C et al. Rhabdomyolysis with atorvastatin and fusidic acid. Postgrad Med J2008;84:325-7.
7- Burtenshaw AJ et al. Presumed interaction of fusidic acid with simvastatin. Anaesthesia 2008;63:656-8.
8- Herring R, et al. Rhabdomyolysis caused by an interaction of simvastatin and fusidic acid. BMJ Case Rep2009
9- Saeed NT et al. Rhabdomyolysis secondary to interaction between atorvastatin and fusidic acid. BMJ Case Rep2009
10- Magee CN et al. Severe rhabdomyolysis as a consequence of the interaction of fusidic acid and atorvastatin. Am J Kidney Dis2010;56:e11-5.
11- Collidge TA et al. Severe statin-induced rhabdomyolysis mimicking Guillain-Barre syndrome in four patients with diabetes mellitus treated with fusidic
acid. Diabet Med 2010;27:696-700.
12- Teckchandani S et al. Rhabdomyolysis following co-prescription of fusidic acid and atorvastatin. J R Coll Physicians Edinb 2010;40:33-6.
13- Kearney S et al. Northern Ireland Neurology Network. Rhabdomyolysis after co-prescription of statin and fusidic acid. BMJ. 2012 Oct 9;345:e6562.
14- Gabignon C et al. Rhabdomyolysis following the coprescription of atorvastatin and fusidic acid Rev Med Interne. 2013 Jan;34(1):39-41.16
15- Cowan R et al. A timely reminder about the concomitant use of fusidic acid with statins. Clin Infect Dis. 2013 Jul;57(2):329-30.
VigiNantes 2014 (17) – p3
Le réveil du
C Sarcopte
Dr Domitille DARNIS
La gale, ce parasite humain obligatoire, fait un retour
fracassant sur le territoire français.
Alarmé par les signaux émis par nombre de
professionnels de santé, l’InVS a tenté de réaliser un état
des lieux de l’épidémie. Les résultats de plusieurs
enquêtes menées entre 2008 et 2010 montrent une
augmentation des signalements d’épisodes de gale en
collectivités (écoles, établissements médico-sociaux,
etc…). Un autre indicateur confirme la recrudescence des
épisodes de gale : l’accroissement des ventes des antiparasitaires externes (+ 11% par an) et de l’ivermectine
(+ 24% par an). Ces estimations ont permis de calculer
l’incidence de la gale en France, située dans une
fourchette de 330 à 352 cas et contacts pour 100000
habitants par an, soit une moyenne de 220000 nouveaux
cas par an.
Cette maladie contagieuse revêt un caractère ubiquitaire :
elle atteint les personnes des deux sexes et de tout âge.
Longtemps considérée comme affection des personnes à
mauvaise hygiène, la gale touche actuellement tous les
milieux sociaux. Les conditions de promiscuité et les
collectivités restent des facteurs favorisants à la
propagation. La transmission du parasite (Sarcoptes
scabiei) se fait généralement de façon directe (peau à
peau) et indirecte par le linge et la literie infestés. Un
signe spécifique : le sillon scabieux, localisé
généralement au niveau des mains, poignets et coudes et
à l’origine d’un intense prurit nocturne. L’absence de
lésions spécifiques et de prurit peut rendre le diagnostic
clinique difficile, comme chez les jeunes enfants. La
dermatose se présente alors comme une pustulose
palmoplantaire atteignant le dos des mains et des pieds, le
dos, les aisselles et même le visage et le cuir chevelu, ces
deux zones restant indemnes chez l’adulte. Une
confirmation par examen parasitologique est ainsi
indiquée.
ÉVITER LA TRANSMISSION
Linge et literie lavés à plus de 60°C.
Objets non lavables isolés dans un sac plastique fermé
pendant 4 jours.
Acaride de type A-PAR® pulvérisé sur la literie et les
textiles non lavables à haute température.
Le Haut Conseil de Santé Publique privilégie deux
formes de traitements : un traitement local, associé ou
non à un traitement systématique, renouvelable entre J8
et J15 (tableau 1). Parmi les topiques scabicides,
l’ASCABIOL® est aujourd’hui indisponible, en raison de
l’arrêt de fabrication du sulfiram. L’ANSM recommande
l’utilisation de la spécialité SPREGAL®, associant
l’esphallédrine et le butoxyde de pipéronile. Cette lotion
est à pulvériser sur tout le corps, excepté le visage et le
cuir chevelu. Une seconde application est conseillée si les
signes cliniques sont toujours présents au bout de 15
jours. L’absence de données expérimentales et cliniques
en cas de grossesse et d’allaitement restreint l’utilisation
du produit qu’en cas de nécessité. D’autres traitements
topiques à base de malathion, crotamiton ou soufre sont
jugés peu efficaces, voire toxiques comme le lindane.
L’ivermectine est le seul traitement oral ayant une AMM
pour la gale. Il s’agit d’une molécule non ovicide,
provoquant la mort des parasites par paralysie
neuromusculaire. Une seconde administration, 8 à 15
jours après la première dose, est conseillée. Bien tolérée,
les effets indésirables retrouvés sont bénins et peu
fréquents
(céphalées,
vertiges,
vomissements,
diarrhées…). Depuis le début de l’année 2014, le CRPV
de Nantes a recueilli trois déclarations d’effets
indésirables. L’ivermectine était suspecte pour deux
réactions d’hypersensibilité et une réaction de
gynécomastie.
Malgré l’arsenal thérapeutique
disponible, des échecs de traitements surviennent lorsque
la gale est compliquée (gale crouteuse ou gale profuse).
DE LA NÉCESSITÉ DE TRAITER
Il n’existe aucune guérison spontanée de la gale. Seule
une prise en charge efficace permet de détruire le parasite
et de limiter le risque de transmission. En 24 heures, le
sujet traité n’est plus contaminant pour son entourage.
Traiter pour freiner le regain de la maladie scabieuse,
cela commence par le diagnostic précoce de la maladie.
La prise en charge doit ensuite être adaptée au malade et
à son entourage proche, sans omettre les mesures
obligatoires pour l’environnement.
Tableau 1 : Les traitements de la gale disponibles en France
SPECIALITE
COMPOSITION
AMM
PER OS
STROMECTOL®
Ivermectine
LOCAL
SPREGAL®
Esdépalléthrine / butoxyde de pipéronyle
PERMETHRIN
5%®
ANTISCABIOSUM
®
Perméthrine 5%
Benzoate de benzyle
Adulte, enfant, nourrisson de plus de 15
kg (CI : femmes enceintes, allaitantes)
Adulte, enfant, nourrisson (CI :
asthmatiques)
Adulte, enfant, nourrisson de plus de 2
mois
Adulte, enfant, nourrisson de plus de 1 an
ASCABIOL®
Benzoate de benzyle / sulfiram
Adulte, enfant, nourrisson
DISPONIBLE
EN
Officine
Officine
Hôpital avec
demande d’ATU
Hôpital
(importation
d’Allemagne)
Non disponible
VigiNantes 2014 (17) – p4
Informations ANSM
Dr Caroline JOYAU
En cliquant sur le nom du
médicament,
vous
serez
automatiquement dirigés vers la
page du site ANSM concernée
avec toutes les informations.
07/05/2014 :
PRAZINIL® 50 mg
(carpipramine), comprimé
pelliculé : retrait de son
autorisation sur le marché
à compter du 02/09/14
22/04/2014 :
Actualisation du
rapport sur les
anticoagulants en
France : état des lieux
en 2014 et
recommandations de
surveillance
02/04/2014 :
Spécialités contenant du
thiocolchicoside
administrées par voie
générale : information
importante relative aux
indications, modalités de
traitement, contreindications et mise en
garde
03/04/2014 :
VERCYTE® 25 mg,
comprimé (pipobroman) :
restriction de l'indication,
information sur la sécurité
et arrêt de
commercialisation fin
2014
03/04/2014 :
PIXUVRI®
(pixantrone) 29 mg,
poudre à diluer pour
solution de perfusion
: risque d'erreur de
posologie
01/04/2014 :
FURADANTINE® 50
mg gélule
(nitrofurantoïne) :
Rappels sur le bon usage
(indications et durée de
traitement)
12/02/2014 :
Contraceptifs hormonaux
combinés : rester conscient des
différences entre les spécialités
face au risque
thromboembolique, de
l'importance des facteurs de
risque individuels et être attentif
aux manifestations cliniques
08/04/2014 :
Attention aux risques d'erreurs
médicamenteuses : mise à
disposition d'un nouveau
dispositif d'administration de
la spécialité KANEURON®
5,4 %, solution buvable en
gouttes (phénobarbital)
03/04/2014 :
L'ANSM publie une
recommandation
temporaire d'utilisation
(RTU) concernant la
spécialité
ROACTEMRA®
(tocilizumab) dans la
maladie de Castleman
10/04/2014 :
GARDASIL® :
actualisation des
données de sécurité
sur le vaccin contre
les papillomavirus
humains
27/03/2014 :
L'ANSM rappelle le
risque
d'entéropathies
graves chez certains
patients traités par
l'olmésartan
17/02/2014 :
PERIOLIMEL N4E /
OLIMEL N7, N7E, N9 et
N9E (produits pour nutrition
parentérale) - Réduction du
débit maximal de perfusion
par heure chez les enfants
âgés de 2 à 11 ans
24/03/2014 :
PROTELOS®
(ranélate de strontium) :
nouvelles restrictions
d'indication et
recommandations
concernant la
surveillance du
traitement
28/03/2014 :
Risque de fuite capillaire
associé au lenograstim
(GRANOCYTE®) chez
les patients atteints d'un
cancer et chez les
donneurs sains
14/03/2014 :
Une
recommandation
temporaire
d'utilisation (RTU)
est accordée pour le
baclofène
26/02/2014 :
SORIATANE®
(acitrétine) :
Informations
importantes sur le bon
usage et sa sécurité
d'emploi
04/03/2014 :
Spécialité à base de
métoclopramide :
actualisation des indications
et de la posologie pour
diminuer le risque
(principalement
neurologique) d’effets
indésirables
28/02/2014 :
Insuline glargine et
risque de cancer :
conclusion de
l'évaluation des
nouvelles données de
sécurité
VigiNantes 2014 (17) – p5
Réévaluation du bénéfice/risque par l’EMA
Dr Caroline JOYAU
Le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA)
évalue les risques liés à l’utilisation des médicaments ainsi que les mesures de suivi et de gestion de ces risques. Il se réunit une fois par
mois et chaque Etat Membre y est représenté par un ou deux délégués. Les recommandations du PRAC sont examinées par le Comité des
médicaments à usage humain (CHMP) lors de l'adoption des avis de l’EMA sur toutes les questions concernant les médicaments à usage
humain.
Voici les avis de décisions sur certains dossiers en cours de réévaluation du rapport bénéfice/risque :
- En mars 2013, le PRAC a initié une réévaluation du rapport
bénéfice/risque des médicaments à base de dompéridone en
raison de son profil de sécurité cardiovasculaire. En mars 2014, au
vu des données analysées, le PRAC confirme l’existence d’un
risque cardiaque, notamment plus élevé chez les patients de plus
de 60 ans, les patients traités par des doses journalières de plus de
30 mg ou les patients traités de façon concomitante par des
médicaments pouvant eux-mêmes induire des effets cardiaques. Le
PRAC conclut que la balance bénéfice/risque reste favorable chez
l’enfant et chez l’adulte sous réserve de restreindre l’indication au
traitement symptomatique des nausées et vomissements, de limiter
la dose et la durée du traitement à une semaine. De plus
l’introduction de nouvelles contre-indications, concernant les
situations à risque cardiaque, contribue à minimiser ce risque. Pour
les formes orales, le PRAC recommande de ne pas dépasser 10 mg
par prise jusqu’à 3 fois par jour chez les adultes et les adolescents
de 35 kg ou plus et de ne pas dépasser 0,25 mg/kg par prise
jusqu’à 3 fois par prise. En outre, les formes orales les plus
fortement dosées (20 mg) seront retirées du marché européen ainsi
que les suppositoires pédiatriques (10 mg) et adultes (60 mg).
L’ANSM recommande d’ores et déjà de prendre en compte ces
restrictions d’utilisation en termes d’indication, de posologie et
de durée de traitement. Il est conseillé d’utiliser ce médicament
à dose minimale efficace pour la durée la plus courte possible.
L’ANSM rappelle que la dompéridone est déjà connue pour
entraîner des troubles cardiaques et qu’il est donc important
de l’utiliser avec précaution chez les patients présentant des
facteurs de risque cardiaque.
- Le CHMP a confirmé l’avis du Comité pour l’évaluation des
risques en matière de pharmacovigilance (PRAC) rendu en avril
2014, concernant les restrictions d’indication du traitement par
double blocage du système rénine-angiotensine :
- contre-indication de l’utilisation concomitante de l’aliskiren avec
un inhibiteur de l’enzyme de conversion ou un antagoniste des
récepteurs de l’angiotensine II en cas d’insuffisance rénale ou de
diabète.
- forte recommandation de ne pas utiliser l’association d’un
inhibiteur de l’enzyme de conversion et un antagoniste des
récepteurs de l’angiotensine II chez des patients atteints de
néphropathie diabétique.
- utilisation déconseillée du double blocage chez tous les autres
patients.
Dans les situations exceptionnelles où le double blocage doit être
réalisé, il est nécessaire qu’il soit mis en place par un spécialiste et
nécessaire de renforcer la surveillance biologique (kaliémie et
créatininémie) et clinique (tension artérielle). Enfin, des libellés
spécifiques ont été proposés pour le candésartan et le valsartan
dans le contexte de leur utilisation dans l’insuffisance cardiaque.
Vaccins anti-HPV : A la suite de la déclaration de cas de douleur
persistante après injection dont des cas de syndrome régional
douloureux complexe (SRDC) après vaccination, les autorités
japonaises ont informé en juin 2013 de leur décision de suspendre
temporairement leur recommandation de vaccination. Le PRAC a
conclu qu’aucun lien de causalité ne pouvait être établi entre la
vaccination HPV et la survenue de syndrome régional douloureux
complexe. Dans ce contexte, l’ANSM considère, que ce signal ne
remet pas en cause le rapport bénéfice/risque favorable des vaccins
anti-HPV. Les vaccinations par GARDASIL® et CERVARIX®
peuvent être poursuivies conformément au calendrier vaccinal
défini par le Haut Conseil de la Santé Publique.
Les autres réévaluations en cours :

ICLUSIG® (ponatinib) et risque thrombogène artériel et
veineux. Discussions prévues pour le PRAC en juillet 2014.

ATARAX® (hydroxyzine) et allongement de l’intervalle
QT. Discussions prévues pour le PRAC en novembre 2014.
Dans l’attente, l’ANSM rappelle de prendre en compte ce
risque et de respecter les recommandations du RCP.

PROCORALAN® et CORLENTOR® (ivabradine) et
résultat d’une étude randomisée, contrôlée contre placebo
montrant une augmentation statistiquement significative du
risque combiné de décès cardiovasculaire et d’infarctus du
myocarde non fatal dans un sous-groupe de patients présentant
un angor symptomatique et traité par ivabradine,
comparativement au groupe placebo. Les discussions sont
prévues pour juillet 2014.

Médicaments à base d’ambroxol et de bromhexine et risque
de réactions d’hypersensibilité immédiates potentiellement
graves. Premières discussions au PRAC en septembre 2014.

DEPAKINE® et génériques
(valproate) et troubles
psychomoteurs, incluant l’autisme, pouvant survenir et
persister chez les enfants exposés pendant la grossesse.
Discussion prévue en juillet 2014.
VigiNantes 2014 (17) – p6
Sélection de nouveaux ASMR et SMR des médicaments
Nicolas SERANDOUR (Interne)
La Commission de la Transparence (CT) de la Haute Autorité de Santé (HAS) évalue les médicaments ayant obtenu une Autorisation
de Mise sur le Marché (AMM) lorsque les laboratoires souhaitent obtenir leur inscription sur la liste des médicaments remboursables.
Elle donne au Ministre de la santé des avis sur la prise en charge des médicaments par l’Assurance Maladie et/ou pour leur utilisation
à l’hôpital. L’avis de cette Commission porte sur l’appréciation du bien-fondé de l’inscription du médicament sur la liste des
médicaments remboursables formulée en fonction du service médical rendu (SMR). La CT évalue aussi l’amélioration du service
médical rendu (ASMR) apportée par le médicament par rapport aux médicaments disponibles. Les avis sont disponibles sur le site de
la HAS (http://www.has-sante.fr). Voici une sélection d’avis émis depuis Mars 2014.
Nouveaux médicaments
Changement de SMR
TRESIBA® insuline dégludec
Spécialités à base de diclofenac
Cette nouvelle insuline basale, analogue de l’insuline
d’action lente, est indiquée dans le traitement du diabète
de l’adulte. Elle n’apporte pas d’amélioration du service
médical rendu (ASMR V : inexistante) dans la prise en
charge des patients adultes atteints de diabète de type 1 ou
de type 2 par rapport aux analogues lents de l’insuline
(LANTUS® et LEVEMIR®).
Une réévaluation de la CT a montré que le risque
cardiovasculaire du diclofénac par voie systémique est du
même ordre que celui observé avec les coxibs lorsque ce
traitement est prescrit au long cours, à dose maximale, et
en particulier chez les patients à risque cardiovasculaire.
Son rapport bénéfice/risque est donc inférieur à celui
des autres AINS dans cette situation.
•ARTOTEC® : faible.
•FLECTOR, VOLTARENE® (voie orale) : modéré dans
les rhumatismes abarticulaires et les lombalgies ;
important dans les autres indications.
•VOLTARENDOLO® : important.
•VOLTARENE® (voie rectale) : modéré.
•VOLTARENE® (voie injectable) : modéré dans les
rhumatismes inflammatoires en poussée, les lombalgies
aiguës, les radiculalgies ; important dans les coliques
néphrétiques.
FORXIGA® dapagliflozine
La dapagliflozine est le premier représentant d’une
nouvelle classe thérapeutique, les inhibiteurs du
transporteur sodium/glucose de type 2 du rein (SGLT2).
Elle réduit la réabsorption rénale du glucose et favorise
ainsi son excrétion urinaire. Elle présente la particularité
d’agir de façon indépendante de la sécrétion et de l’action
de l’insuline.
Elle est indiquée chez des patients diabétiques de type 2,
en association à des antidiabétiques oraux (ADO) et/ou en
association à une insuline basale.
La CT considère que ce médicament n’apporte pas
d’amélioration du service médical rendu (ASMR V,
inexistante).
KADCYLA ® trastuzumab emtansine
Cet anticorps conjugué ciblant le récepteur HER2, est la
combinaison du trastuzumab (anticorps monoclonal
humanisé ciblant le récepteur HER2) et du DM1
(chimiothérapie cytotoxique, dérivé de la maytansine,
inhibiteur de microtubules).
Il est indiqué pour des patients adultes atteints d’un cancer
du sein HER2 positif métastatique ou localement avancé
non résécable, ayant reçu au préalable du trastuzumab et
un taxane, séparément ou en association. Il est aussi
indiqué si le cancer a progressé pendant un traitement
adjuvant ou dans les six mois suivant sa fin.
Compte tenu de l’amélioration observée par le
trastuzumab emtansine (KADCYLA®) en monothérapie
par rapport à l’association lapatinib (TYVERB®) +
capécitabine (XELODA®) en termes de survie sans
progression et de survie globale et d’un profil de tolérance
acceptable, la CT considère qu’il apporte une
amélioration du service médical rendu importante
(ASMR II).
PROTOPIC® tacrolimus en pommade
Son SMR a été réévalué de modéré à faible chez l’adulte
et l’adolescent (16 ans et plus) et de faible à insuffisant
chez l’enfant (2 ans et plus) dans les poussées de
dermatites
atopiques
sévères
en
échec
aux
dermocorticoïdes.
Son remboursement est ainsi restreint dans cette
indication à l’adulte et à l’adolescent.
 Qu’est-ce que le Service Médical Rendu (SMR) ?
L’attribution d’un niveau de SMR permet de déterminer si le médicament
présente un intérêt clinique pour être pris en charge par la solidarité nationale.
- L’attribution d’un SMR insuffisant implique un avis défavorable à l’inscription
sur la liste des médicaments remboursables
- L’attribution d’un SMR suffisant (c.a.d. important, modéré ou faible) implique
un avis favorable à l’inscription sur la liste des médicaments remboursables et
suivant le niveau attribué un taux de remboursement par l’Assurance Maladie
(15%, 35% , 65% ou 100%).
 Qu’est-ce que l’Amélioration du
(ASMR) ?
Service Médical Rendu
L’attribution d’un niveau d’ASMR permet de déterminer si le médicament
apporte un progrès par rapport aux traitements disponibles, et, si oui, à quelle
hauteur.
Le progrès thérapeutique est coté par la Commission de la Transparence en
ASMR de I à V.
Principale conséquence d’une ASMR V :
un médicament qui n’apporte pas de progrès (ASMR V) ne peut être inscrit au
remboursement que s’il apporte une économie dans les coûts de traitement.
Le niveau d'ASMR figure sur les avis de la Commission de la transparence
qui doivent notamment être remis par les visiteurs médicaux lors de toute
présentation verbale d'un médicament. (Décret du 16 juin 1996 - article
R.5047-3 du Code de la Santé publique)
VigiNantes 2014 (17) – p7
Revue de la Littérature
Rôle du CRPV
Dr Anne-Lise RUELLAN
Identification d’un facteur déterminant l’efficacité de l’aspirine
en prévention du cancer colorectal
Fink SP et al. Aspirin and the risk of colorectal cancer in relation to the
expression of 15-hydroxyprostaglandin dehydrogenase (HPGD).
Science Transl ational Medicine. 2014; 6 (233).
L’aspirine exerce son action par inhibition du système enzymatique
PTGS2 - COX2 (prostaglandin-endoperoxide synthase 2 cyclooxygenase 2). L’hydroxyprostaglandine deshydrogenase 15nicotinamide adénine dinucléotide (15-PGDH, HPGD) est contrôlé
de façon négative dans les cancers colorectaux et joue également le
rôle d ’antagoniste du système PTGS2. Les auteurs se sont intéressés
à la prise d’aspirine au long cours et l’expression de l’HPGD au sein
de la muqueuse colique de femmes incluses dans deux études
prospectives de cohorte, comparant celles ayant développé un cancer
colorectal versus témoin. Les résultats obtenus permettent de
démontrer que chez les femmes présentant un niveau élevé
d’expression de l’HPGD, la prise d’aspirine divisait par deux le
risque de cancer colorectal. A l’inverse, chez les femmes dont le
niveau d’expression d’HPGD était faible, l’aspirine n’a été associée
qu’à une baisse de 10% du risque du cancer colorectal, non
statiquement significative. L’estimation du niveau d’expression de
cette enzyme au niveau du colon sain permettrait donc d’envisager la
mise en place d’une chimioprévention par aspirine.
Utilisation du bevacizumab dans le traitement du glioblastome
Mark R. Gilbert et al.
A randomized trial of bevacizumab for newly diagnosed glioblastoma.
NEJM. 2014, 370 (8)
Les auteurs ont réalisé une étude randomisée de phase 3 en doubleaveugle versus placebo chez 621 patients atteints d’un glioblastome
traité par radiothérapie (60 Gy) et temozolomide quotidiennement.
Le traitement par bevacizumab ou le placebo a été administré 4
semaines après le début de la radiothérapie. L’utilisation en première
ligne du bévacizumab n’a pas augmenté la survie médiane des
patients : 15,7 mois dans le groupe traité contre 16,1 mois dans le
groupe placebo. La durée de vie sans progression de la maladie était
plus longue dans le groupe bévacizumab (10,7 mois contre 7,3 mois)
mais cette amélioration n’atteignait pas l’objectif de 30 % fixé par
les auteurs de l’étude. Dans le groupe de patients traités par
bevacizumab, une fréquence plus élevée des cas d’hypertension,
d’évènements thromboemboliques, de perforation intestinale et de
neutropénie a été constatée ainsi qu’une diminution de la qualité de
vie et des fonctions neurocognitives à plus long terme.
Du recueil de l’observation à la
prévention du risque.
Le Centre Régional de Pharmacovigilance a
pour mission de répondre à vos questions sur
les médicaments (bon usage, effets
indésirables, modifications de posologies ou
d’indications, interactions, risques pendant la
grossesse, l’allaitement ou selon d’autres
terrains particuliers) et de recueillir et
d’analyser
vos
notifications
d’effets
indésirables médicamenteux.
Nous vous rappelons que « les professionnels
de santé déclarent tout effet indésirable
suspecté d'être dû à un médicament ou produit
mentionnés à l'article L. 5121-1 dont ils ont
connaissance.
Les autres professionnels de santé, les patients
et les associations agréées de patients peuvent
signaler tout effet indésirable suspecté d'être
dû à un médicament ou produit mentionnés au
même article L. 5121-1 dont ils ont
connaissance. »
(Loi du 29 Décembre 2011)
Notre objectif est d’améliorer la
connaissance du risque lié au médicament
et ainsi de favoriser une meilleure
utilisation en optimisant la balance
bénéfice/risque.
Vos déclarations peuvent être faites par
téléphone, par courrier ou par fiche de
déclaration disponible sur le site officiel de
l’ANSM
Ce bulletin est également diffusé
gratuitement par courriel. Merci de
signaler vos adresses électroniques à
l’adresse suivante :
[email protected]
Sites utiles :
ANSM :
HAS :
EMA :
FDA :
http://www.ansm.sante.fr
http://www.has-sante.fr
http://www.ema.europa.eu/
http://www.fda.gov
Le bulletin VigiNantes est rédigé et diffusé par le CRPV sans aide de l’industrie pharmaceutique
VigiNantes 2014 (17) – p8
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