
corps qui est à moi, corps qui est moi en ce qu’il me représente
dans une situation de communication avec autrui. Les hommes
m’agressent par le fait qu’ils me montrent que, s’ils en ont envie,
ils peuvent voir mon corps, nu. Telle est la violence, capitale,
exercée sur ma pudeur : ils me mettent à nu en me montrant
que symboliquement, ils le voient déjà nu. Cette mise à nu ne
nécessite pas le passage à la parole : certains regards sont tout
aussi violents que l’injure verbale.
L’insulte sexiste me dévoile telle que je ne suis pas. Elle
viole le droit des femmes à la dignité de leur corps, elle viole ma
présence autant physique que symbolique. L’insulte sexiste jette
en pâture, à la vue de tout le monde, une image de mon corps.
C’est en cela que ma pudeur est atteinte. La pudeur ne se pose
que dans une situation de communication : dans un
environnement machiste, la communication entre hommes et
femmes est souvent imprégnée d’une séduction
traditionnellement mise en oeuvre par les premiers. Dans
l'espace public, celle-ci se réalise sous la forme de la drague
virile. Or le principe même de la drague est le non-respect de la
pudeur, ce qui invalide l’idée selon laquelle l’homme qui drague
n’agit que par volonté de plaire. L’homme qui drague, interpelle,
suit une femme dans l’espace public, le fait en espérant jouir le
plus rapidement possible de son corps comme il pourrait jouir
de celui d’une prostituée. Dès lors, mon rapport aux hommes
machistes se fonde sur leur attaque de ma pudeur, la situation
de communication étant centrée sur mon corps de femme. Par
leur attaques, regards et adresses humiliantes, j’ai honte…d’être
une femme, en ce que j’ai honte d’avoir un corps de femme. Le
corps est prépondérant, en tant qu’il est féminin : c’est bien
parce qu’il est féminin que mon corps révèle, et non pose, un
problème relatif à la pudeur. Autrement dit le féminin n’est pas
obscène en soi, il est rendu obscène : c’est cette complexité qu’il
s’agit de démêler ici. Par ailleurs, nous laissons ouverte la
question de la pudeur masculine.
Comme les hommes possèdent de fait l’espace public, des
lieux officiellement politiques aux bars, certains estiment qu’ils
sont en droit de posséder les femmes qui s'y trouvent. Ils les