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Préface
Un jour écrire, écrire jusqu’à plus d’encre, au bout des
lignes, là où la page s’interrompt, où le vide nous attire
parce qu’on n’a plus rien à dire. Mais écrire pour les
laissés-pour-compte, les moins-que-rien, les classés
inutiles, les oubliés, les étrangers, justement pour nouer les
liens qui nous apparentent, pour souder les maillons qui
nous enchaînent, pour la simple et indispensable fraternité.
Un jour chanter, chanter jusqu’à plus de voix, à bout
de souffle, là où la mélodie s’arrête, où le silence nous
habite parce qu’on a trop crié. Mais chanter pour les
martyrs, les massacrés, les effacés, les disparus, les absents,
justement pour les faire renaître, pour les intégrer à la
grande chorale humaine.
Un jour vivre, vivre jusqu’à en mourir, au bout du
temps qui fuit, là où le chemin se perd, où le néant prend la
place éphémère que nous avons occupée. Mais vivre pour
nos parents et nos enfants, nos ancêtres et nos descendants,
pour tous ces inconnus égarés dans le dédale des siècles,
justement pour fêter leur présence, pour les rappeler à notre
souvenir, pour les inclure dans le grand livre de la vie.