rimes volées

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Francis Leder
RIMES VOLÉES
Volume 3
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à Victor Hugo, à Charles Baudelaire,
à Paul Verlaine…
à tous les maîtres qui ont contribué à l’accumulation
de ce trésor qu’aujourd’hui je pille avec respect.
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Préface
Un jour écrire, écrire jusqu’à plus d’encre, au bout des
lignes, là où la page s’interrompt, où le vide nous attire
parce qu’on n’a plus rien à dire. Mais écrire pour les
laissés-pour-compte, les moins-que-rien, les classés
inutiles, les oubliés, les étrangers, justement pour nouer les
liens qui nous apparentent, pour souder les maillons qui
nous enchaînent, pour la simple et indispensable fraternité.
Un jour chanter, chanter jusqu’à plus de voix, à bout
de souffle, là où la mélodie s’arrête, où le silence nous
habite parce qu’on a trop crié. Mais chanter pour les
martyrs, les massacrés, les effacés, les disparus, les absents,
justement pour les faire renaître, pour les intégrer à la
grande chorale humaine.
Un jour vivre, vivre jusqu’à en mourir, au bout du
temps qui fuit, là où le chemin se perd, où le néant prend la
place éphémère que nous avons occupée. Mais vivre pour
nos parents et nos enfants, nos ancêtres et nos descendants,
pour tous ces inconnus égarés dans le dédale des siècles,
justement pour fêter leur présence, pour les rappeler à notre
souvenir, pour les inclure dans le grand livre de la vie.
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Comme tous les écrivains juifs, Francis porte en lui un
très lourd et douloureux héritage. Je me souviens qu’un
jour, au détour d’une conversation où je m’étonnais de son
obstination à mettre en avant sa judéité, il me répondit
qu’il portait en lui, très en profondeur, les stigmates des
persécutions séculaires du peuple juif, et qu’une inquiétude
latente et permanente le hantait. Et il termina par ces
mots : « Chez moi, il y a toujours des valises prêtes devant
la porte de sortie. » Cette phrase est restée gravée dans ma
tête.
L’œuvre de Francis Leder est marquée par une sorte
de désespoir feutré, souvent caché derrière un dandysme
de façade, même si l’exercice de style de ces « Rimes
volées » le laisse moins apparaître que d’autres volumes.
Mais en tout état de cause, cet opus constitue la preuve
d’une maîtrise de la forme dont peu d’auteurs pourraient
se prévaloir.
JEAN-PIERRE QUIRIN
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La pudeur
Quand la gloire des Dieux rayonnait sur le monde,
La femme, dans l’orgueil d’un prestige exalté
Par la lyre et le marbre où revit sa beauté,
Se dévoilait sans honte à l’art qu’elle féconde.
Le verbe surprit Rome en sa luxure immonde.
Néron, persécuteur d’un culte détesté,
Traine au cirque sanglant ta chaste nudité,
Vierge vouée au Christ dont la grâce t’inonde.
La crainte de la mort ne trouble point tes yeux,
Mais tu croises les bras sur ton sein soucieux
D’échapper aux regards que ta jeunesse attire ;
Et ce geste éperdu qui te vêt de splendeur,
Comme une fleur d’amour éclose du martyre,
Aux hommes éblouis révèle la Pudeur.
Maurice OLIVAINT
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L’inspiration est la seule flamme…
« L’inspiration est la seule flamme au monde. »
Voilà ce que dirait un artiste exalté,
Un fervent passionné, un vrai fou de beauté,
Pour qui seule la Muse est vraie, belle et féconde.
« Tout ce qui n’est pas art est simplement immonde,
Indigne d’être aimé plutôt que détesté. »
Tout artiste sincère aime la nudité,
La source qui rayonne, irradie et inonde
De grandeur et beauté, tous les cœurs et les yeux.
Mais il arrive qu’un créateur soit soucieux
De plaire au protecteur, au public, qu’il attire
A son art, son talent, par goût de la splendeur.
Sensuelle odalisque ou bienheureux martyre,
Car il lui faut mêler éclat, charme et pudeur.
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