B. La construction du sens : obstacles et solutions

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Chapitre 3 – La communication interpersonnelle
C
ommuniquer entre individus, ce n’est pas transmettre simplement une information.
C’est construire et maintenir une relation, en interprétant des mots (signes verbaux)
mais aussi des signes non verbaux comme les regards, les sourires, les gestes, en exprimant
son identité tout en respectant des normes sociales, dans un contexte précis.
I. La construction du sens.
E
n situation de communication interpersonnelle, les deux individus sont en interaction
l’un avec l’autre. Les codes, signes verbaux et non verbaux, vont influencer
l’interprétation de chacun des acteurs et par là contribuent à la construction du sens de
la communication.
A. Les modes de communication.
Une communication interpersonnelle est composée de signes verbaux (oraux ou écrits) et
non verbaux (comportements). La communication est ainsi inévitable : même quand on
se tait, nous communiquons par nos gestes, nos silences…
1. Les signes verbaux
La communication verbale peut être écrite ou orale. Dans les deux cas, l’outil utilisé est le
mot, combinaison d’un signifiant (sa forme) et d’un signifié (son sens), formulé dans une
phrase (syntaxe). Remarquons qu’à l’oral, d’autres éléments rentrent en jeu : visage,
gestes, intonations… et les mots ne comptent ainsi dans la compréhension que pour 7% !

Le sens des mots : la signification des mots ne résident pas dans les mots eux mêmes,
elle varie selon les personnes, le contexte, la culture, les émotions. Les mots ont un sens
dénotatif (ou objectif, du dictionnaire) et connotatif (ou subjectif). Par exemple,
« gardiens de l’ordre », « agents de police », « flics », « poulets » désignent tous la police
mais chaque terme à sa propre signification idéologique. Les deux derniers sont
connotés négativement, sont péjoratifs alors que les premiers sont plutôt neutres.

Les registres de langue : selon le milieu socioculturel des acteurs, les niveaux de
langage peuvent varier. Le registre est normalement adapté à la situation : on ne
discute pas avec un ami comme on discute avec une autorité.

Le langage familier : c’est le langage populaire tel qu’il est parlé dans la rue et qui
emploi des expressions argotiques ou en verlan. Par exemple, « Passe-moi le
pinard », « j’ai topé ces fringues superclassos, ça ma pris grave de thune »,…

Le langage courant : c’est le langage usuel, compris de tous qui utilise une syntaxe
correcte et un vocabulaire simple. Par exemple, « Peux-tu me donner du vin ? »,
« j’ai acheté très cher ces vêtements chics ».

Le langage soutenu : c’est le langage littéraire qui se fonde sur une syntaxe et un
vocabulaire recherché. Par exemple, « Pourriez-vous, s’il vous plait, me passer le
vin ? », « je viens d’acquérir pour une forte somme cet habillement élégant ».
► Exercices 1 du TD 6.1
1
2. Les signes non verbaux
Ils sont étroitement liés aux premiers et se traduisent par un comportement qui renseigne
sur l’état affectif de la personne ou son état d’esprit au moment de la communication.
Cependant, ces signes ne sont pas universels… ce qui peut être source de malentendus !

L’apparence : Notre façon de s’habiller, de nous coiffer exprime ce que nous
souhaitons dire aux autres sur notre identité, elle « parle » de nous elle exprime l’image
que voulons donner au autre. Elle créé le climat : la relation entre deux individus se
crée dés le premier regard et on a jamais une seconde occasion de faire une bonne
première impression. Une tenue vestimentaire inhabituelle, inadaptée à un contexte
donné peut freiner, voir empêcher la communication. A l’inverse, une apparence
séduisante et une aisance naturelle constituent des éléments plutôt positifs dans une
négociation en milieu professionnel. Notons aussi que l’’apparence est changeante
en fonction du contexte.

La posture : la position du corps et de ses membres (tête, buste, bassin, jambes, bras…)
transmet le degré de sociabilité, d’ouverture de la personne à un moment donné. Les
différents signes liés à la posture, émis volontairement ou non, renseignent les autres
personnes sur les états émotionnels et l’envie de communiquer ou non : croiser les bras
et les jambes est signe de refus total de transiger, pencher la tête de côté est signe
d’écoute et de compréhension… Le contexte de communication influe sur notre
posture : nous ne nous tiendrons pas de la même façon lors d’une entretien
d’embauche et sur le canapé du salon en compagnie d’amis.

Les gestes : Notre gestuelle est très fortement expressives : elle compte pour 55% dans
la compréhension d’un message oral ! Des gestes calmes et mesurés donnent ainsi
plus l’impression d’assurance et de maîtrise de soi qu’un long discours. Les gestes ne
sont pas universels et peuvent donc être sources de confusion : les gestes larges et
fréquents sont habituels dans les pays latins mais paraissent excessifs en Asie. Il y
a des :


gestes emblématiques : ils sont directement traduisibles en mots, équivalents de
paroles comme par exemple, « ras le bol » ou « j’ai sommeil », des hochements de
têtes peuvent exprimer différentes opinions (acquiescement de haut en bas,
perplexité en arrière ou réprobation de gauche à droite);

gestes illustratifs : ils viennent renforcer les messages verbaux qui l’accompagnent
pour favoriser la compréhension du message. Par exemple, « c’est lui, là bas »,
« c’est grand comme ça »…

gestes adaptatifs : ils satisfont un besoin personnel de rapprochement ou de
défense et sont tantôt dirigés vers le locuteur (« c’est MON avis » ou repousser ses
cheveux vers l’arrière pour dégager son visage), tantôt vers l’interlocuteur (retirer
un fil sur la veste de son interlocuteur). On y compte les gestes « barrières » qui
gênent la communication et qui traduisent souvent le stress ou le trac, ce sont
toutes les formes de réajustement des apparences (mèche de cheveux, tirer ou
froisser ses vêtements, modification de la position de la chaise…).
Le visage, le regard et le sourire : ce sont des éléments essentiels de toutes situations
de communication directe. Nos mimiques et nos regards en disent parfois davantage
sur nos états émotionnels que les mots.
2


Le visage est le vecteur principal des émotions fondamentales (joie, tristesse,
colère, peur, surprise, dégoût). Les expressions faciales ou mimiques renforcent le
discours en le rendant plus vivant et trahissent aussi nos émotions : un sourcil froncé,
un front plissé, un rictus au coin des lèvres sont des signes de préoccupation.

Le regard est le moyen le plus direct d’expression. Il est utilisé pour engager,
suspendre ou reprendre un dialogue. Il renseigne aussi sur la nature de la relation
existant entre les acteurs. Le regard fuyant est souvent un aveu d’hypocrisie : le
regard fuit quand la bouge ment ! Cependant, le contact visuel direct n’est une
marque d’honnêteté et de franchise qu’en occident : en Asie, regarder quelqu’un
droit dans les yeux est in signe d’insolence, d’irrespect ou de provocation. Une
étude comparant le fonctionnement des négociations commerciales a montré
que la durée des contacts oculaires étaient de 13% seulement au Japon contre
33% aux Etats-Unis ou 52% au Brésil.

Le sourire est un signifiant comportementale, porteur de sens. Le sourire qui évoque
la joie a des chances de détendre les relations car il est contagieux. Il rassure,
désamorce l’agressivité, c’est une marque de sympathie et d’intérêt. Des
chercheurs ont montré qu’au cours d’un jugement, si le délit est mineur, l’accusé
souriant est jugé moins sévèrement. Mais le sourire n’exprime pas toujours la joie : il
peut exprimer la gêne, la honte ou la moquerie, l’hypocrisie.
Le paralangage : il s’agit de la dimension vocale de la parole. La voix agit sur la
sensibilité de l’interlocuteur et contribue à créer le climat de la conversation. Nous
sommes très sensibles : à son volume, son timbre (grave ou aigu), aux intonations (38%
de la compréhension !), à la prononciation (notamment l’accent), à son débit (en
moyenne, 120 à 150 mots par minute, le seuil de compréhension et d’écoute étant à
160). Les pauses et les silences permettent un meilleur transfert de la parole en divisant
le discours en unités compréhensibles. Ils peuvent donner du poids à ce qui été dit
mais ils peuvent servir également à empêcher une communication ou à exprimer une
angoisse, un malaise. Le silence (et sa longueur) est perçue différemment selon les
codes culturels : il est plus long en moyenne de 2 dixièmes chez un Americain que
chez un Français (3/10 de seconde) ce qui conduit les premiers à « se faire doubler »
par les seconds quand ils se rencontrent !
► Exercices 2 et 3 du TD 6.1
B. La construction du sens : obstacles et solutions
Les bruits rendent parfois l’interprétation d’un signe incertaine ou difficile, peut être à
l’origine de malentendus ou mêmes de conflits, de difficultés relationnelles. Pour éviter ces
désaccords, il convient de se mettre à la place de l’autre.
1. Les obstacles à la construction du sens.

Les malentendus ou quiproquos : le fait de se méprendre sur le sens de ce qui est dit,
de commettre une erreur qui conduit à prendre une chose, ou une personne, pour
une autre n’est pas toujours dû au langage lui-même mais à la divergence de points
de vue des interlocuteurs ou au manque d’informations dont disposent les acteurs.
Exemple de la « guerre des mots » : Pendant la guerre, des soldats ont capturé un
ennemi en haut d’une colline. L’adjudant téléphone au capitaine qui se trouve dans
la vallée : « Qu’est ce qu’on fait du prisonnier, mon capitaine ? ». Le capitaine, qui
désire interroger le prisonnier, répond à l’adjudant : « Descendez-le ici !». Dans le
téléphone, on entend une rafale de mitraillette….
3
► Expérience du « téléphone arabe » en classe.

Les conflits : Sachant que 80% des échanges entre les individus sont constitués
d’opinions, il est facile de comprendre que les conflits sont nombreux car il est difficile
de se mettre d’accord sur des opinions. Les conflits peuvent être latents (non déclarés)
ou ouverts (déclarés). Les sources de conflits sont multiples : le conflit peut provenir de
différences individuelles (le conflit des générations entre adultes et adolescents), d’un
partage de ressources limitées (l’attribution des bureaux et des places de parking en
milieu professionnel) ou de la non-reconnaissance d’une autorité (la réception d’un
ordre d’un personne dont nous n’acceptons pas l’autorité).
2. Les éléments favorisant la construction du sens.
L’émetteur doit s’adapter aux capacités de perception et d’interprétation du récepteur en
reformulant ce que son interlocuteur a dit ou en acceptant que l’autre ait des
conceptions opposées aux siennes. Plus précisément, la réduction des incompréhensions
mutuelles suppose : une bonne écoute réciproque, une clarification du sens et une
négociation entre les acteurs.

L’écoute : L’écoute active améliore la qualité de la communication en facilitant
l’expression des acteurs. Il s’agit d’une écoute compréhensive et non-interprétative ou
évaluative. Cette écoute passe par une acceptation de l’autre, une empathie.
L’empathie est la faculté de s’identifier à quelqu’un, de ressentir ce qu’il ressent, c’est
être capable d’écouter sans juger (et sans couper la parole !), c’est avoir la volonté
de comprendre son interlocuteur de manière objective, sans a priori.

La clarification du sens : cet acte consiste à reformuler, à redire en d’autres termes,
d’une manière plus concise ou plus explicite, ce que l’émetteur vient d’exprimer...
toujours sans interpréter ! Le récepteur peut ainsi traduire l’essentiel de ce que
l’émetteur vient de dire (résumer), paraphraser le message (refléter) ou simplement
reprendre les derniers mots prononcés (répéter).

La négociation : les acteurs s’entendent d’un commun accord au lieu d’agir chacun
de leur côté. C’est un acte volontaire qui suppose un face-à-face et l’existence de
divergences mais aussi d’intérêts communs pour qu’il y ait discussion.
4
II. L’expression de l’identité des acteurs.
L
a communication interpersonnelle est un des processus fondamentaux de construction
de l’identité personnelle, largement dépendante du rapport aux autres. Le regard des
autres est un véritable « miroir » dans lequel chacun recherche en permanence sa propre
image. La communication est donc un acte social : chacun cherchant à donner une
image positive de soi et à conforter ses valeurs.
A. Les composantes de l’identité.
La communication entre les acteurs est déterminée par leur identité. En effet, un acteur
exprime toujours son statut, sa personnalité et sa culture.
1. Le statut
C’est la place de l’individu dans un groupe à un moment donné qui impose un certain
type de communication et en interdit d’autres. Par exemple, on ne peut contredire une
personne plus âgée ou son supérieur hiérarchique. Si cela doit se produire, on le fera en
privé et non dans un espace public. L’identité évolue avec l’expérience : elle n’est plus la
même après le passage du statut de collégien au statut de lycéen puis d’étudiant.
2. La personnalité
Ce sont l’ensemble des traits psychiques et physiques qui donnent à chaque individu sa
singularité. Par exemple, quelqu’un d’introvertie ne va pas s’imposer dans un débat car il
n’ose pas intervenir. La personnalité de l’individu peut peser sur la communication : une
personne extravertie est une personne qui utilise abondamment la gestuelle pour se faire
comprendre alors que les gestes sont moins nombreux chez un introvertie. Cependant, il
peut aussi apparaître agité et son débit de voix trop rapide peut nuire à la
communication alors qu’un introvertie, plus calme et au débit de parole plus lent peut la
favoriser.
3. La culture
C’est l’ensemble des normes et des valeurs de l’individu qui permettent son intégration au
sein d’un groupe. Nous interprétons toujours une situation de communication en fonction
de système de valeur ce qui peut être source de préjugés. Connaître les usages des
autres, relativiser ses normes sociales permet de mieux comprendre l’autre et par là
facilite la communication.
B. Le rôle de l’identité dans la relation.
1. Le besoin de confirmer son image.
Quand nous communiquons, nous cherchons à confirmer l’image que nous avons de
nous-mêmes auprès des autres. Participer à une communication, c’est se situer par
rapport à l’autre, tout en se construisant soi-même. Ainsi, nos interlocuteurs contribuent à
confirmer ou à déstabiliser l’image et l’estime que nous avons de nous-mêmes. Par
exemple, une parole encourageante d’un professeur envers un élève permet de le
rassurer sur son image de « bon élève » ou de casser son image de « cancre ».
2. Le rapprochement des identités.
Les partenaires d’une communication ont tendance à rechercher un équilibre dans leur
relation. Pour cela, ils peuvent tenter d’agir sur l’identité de l’autre pour la rapprocher de
la leur. Par exemple, un individu qui essaye de convaincre un ami d’abandonner la
révision du cours d’infocom en vue de sortir faire la fête ou à l’inverse qui cherche à le
détourner d’un groupe de copains faisant trop souvent la fête.
► Exercice 1 du TD 6.2
5
III. Le rôle des normes de communication.
N
otre manière de communiquer respecte en principe un certain nombre d’usages, de
pratiques, de savoir-vivre, de règles de politesse qui sont propres à chaque culture et
qui ont pour fonction de faciliter les interactions entre les individus.
A. Les rituels et leur rôle
1. Définition et rôle.
Ce sont l’ensemble des règles et des habitudes fixées par la tradition et qui génèrent des
comportements codifiés souvent inconscients. Elles fixent les préceptes de la vie
quotidienne et ont pour objectifs de se protéger des autres (l’utilisation des normes en
vigueur véhicule une image positive empêchant tout critique des autres) et de faciliter la
communication (la politesse permet d’entretenir la communication).
2. Rituels, incompréhensions et conflits.
Les rituels existent dans toutes les cultures mais les codes (les manières de procéder)
qu’elles respectent peuvent différer. Exemples : Vous êtes invitée chez une amie chinoise.
Vous lui faites un cadeau mais celle-ci ne défait pas le paquet devant vous… Vous êtes
choquée car vous ne savez par qu’il est d’usage en Chine de ne pas défaire les paquets
cadeaux en présence de celui qui les offre (car l’acte d’offrir suffit à lui-même !).
La transgression d’un rituel (ne pas saluer un camarade de classe lorsqu’on le croisse dans
la rue ou entrer dans le bureau de quelqu’un sans frapper) par oubli, par
méconnaissance ou de façon délibérée est un signe d’agression vis-à-vis de la personne
offensée et peut être source d’incompréhension, voir de conflit.
B. Les différents types de rituels
Erving Goffman, psychosociologue, distingue trois types de rituels :
1. Les rituels d’accès.
Ce sont les rituels les plus courants permettant d’instaure un climat d’échange : les
salutations (« Salut, ça va ? ») et les adieux (« A très bientôt »). Leurs formes dépendent de
la fréquence à laquelle deux individus se rencontrent : plus les personnes sont amenées à
se voir souvent, plus les rituels d’accès sont brefs et concis. La forme dépend aussi du
statut des participants et du type de rapport qu’ils entretiennent. En outre, ils respectent
des règles de politesse très variables suivant la culture, le groupe social et l’âge.
2. Les rituels de confirmation.
Ce sont des rituels qui permettent de valider l’image que chacun veut véhiculer et l’intérêt
que l’on porte à autrui. Ils permettent aussi aux partenaires de s’identifier et d’identifier leur
positions sociales respectives. Par exemple, lorsqu’un élève s’adresse à son professeur, il
emploie la formulation « Monsieur le Professeur», cela signifiant qu’il reconnaît
l’importance de sa fonction de professeur. Mais « Tu as bonne mine ! » ou « Joli pull ! »
renvoient aussi des images souhaitées par l’interlocuteur.
3. Les rituels de réparation.
Ce sont des rituels qui cherchent à rendre plus acceptable un incident, avant ou après
qu’il ait eu lieu. Ils peuvent être verbaux (excuses, remerciement) ou non verbaux
(cadeaux). Par exemple, c’est s’excuser lorsqu’on a bousculé involontairement une
personne, c’est demander l’autorisation à son professeur de se servir de la calculatrice
d’un camarade pendant un contrôle, c’est demander l’attention de quelqu’un par un
« Excusez-moi de vous déranger ».
► Exercices 2 du TD 6.2
6
IV.L’importance du contexte.
Le contexte de communication qui fournit un cadre aux échanges comporte plusieurs
dimensions qui vont influer sur l’échange entre les protagonistes.
A. Le contexte spatio-temporel.
1. Le contexte spatial


L’espace est le lieu (le décor) dans lequel se déroule l’échange entre les acteurs. Le
territoire est l’espace qui entoure chaque individu. Par exemple, une salle de classe est
un espace avec des espaces privés et des espaces publics. La distance de
communication est la distance corporelle entre les acteurs qui varie selon la situation
et la culture. Il y a intrusion lorsqu’elle est inadaptée c’est à dire en cas de non-respect
du territoire de l’autre. Ainsi, la distance est réduite pour la confidence ou la séduction,
plus grande pour la relation d’employé à supérieur hiérarchique. Edward T. Hall,
anthropologue, a étudié les distances de communication (proxémie) et a ainsi calculé
pour les Américains : la distance de l’espace intime (0 à 45 cm), de l’espace personnel
(de 45 cm à 1,20 m), de l’espace social (de 1,20 m à 3,5 m) et de l’espace public (plus
de 3,5 m). Remarquons que crier réduit les distances au même titre que quelques pas
en avant.
Le positionnement et l’occupation de l’espace : la façon d’utiliser l’espace génère des
messages. Un simple agencement de chaise autour d’une table influence la
perception des acteurs (« face à face » = confrontation, « en angle » = coopération,
« côte à côte » = collaboration). Attention, votre positionnement dans la classe peut
induire votre conduite ! La manière de se déplacer (ou pas) a aussi du sens : si lors d’un
entretien, l’un des interlocuteurs est assis alors que l’autre se déplace, cette situation
peut traduire un rapport de domination (le premier est bloqué, « immobilisé » sur son
siège, l’autre occupe l’espace).
2. Le contexte temporel


Le temps est la durée impartie à l’échange. Elle va influencer la communication car
selon le temps dont on dispose on adapte à la fois le message et la manière de le
formuler. Le temps peut varier selon l’intérêt que l’on porte à un individu.
Par exemple, quelques minutes peuvent suffire pour convaincre dans une opération
de télémarketing alors que deux heures seraient nécessaires lors d’un dîner d’affaires.
B. Les contextes relationnels, identitaires et normatifs
1. Le contexte identitaire
Le contexte identitaire est le type de relation habituel entretenus par les acteurs. Elles
dépendent de leur statut (pair ou supérieur hiérarchique), de leur rôle (leader ou suiveur),
de leur identité.
2. Le contexte relationnel
Le contexte relationnel prend en compte les affinités ou les non-affinités existantes au
moments de la situation de communication qui modifieront le sens de la communication.
Par exemple, si un ami vous dit « je n’aime pas tes baskets » cela ne prendra pas le même
sens que si c’est une personne inconnue ou que vous n’appréciez pas qui vous le dit.
3. le contexte normatif
Les normes imposent des règles inconscientes respectée par le groupe. Ce que
communique un individu prend un sens par rapport au contexte culturel de référence.
Par exemple, en France, il serait inconcevable de se rendre au restaurant en chausson
car ce serait là une transgression des normes vestimentaires.
7
V. Les ressorts de l’influence.
A. Des acteurs « sous influence ».

« On ne peut pas ne pas communiquer » énonce Paul Watzlavick. Il est donc évident
que dans toute communication interpersonnelle apparaissent des phénomènes
d’influence : nous ne pouvons pas être influencé et nous ne pouvons ne pas influencer
les autres. En prenant connaissance des opinions des autres, nous changeons les
nôtres. Quand nous communiquons, nous sommes donc toujours « sous influence ».

Les stratégies d’influence sont conscientes ou inconscientes.


L’influence peut faire appel à des stratégies non conscientes, c’est à dire que l’on
agit pas intentionnellement sur la situation et donc sur l’autre. Cependant cela
reste stratégique car il a toujours des enjeux : « dire c’est toujours vouloir faire dire ».
Ce que nous livrons aux autres (nos valeurs, nos émotions, nos actes…) amènent
toujours l’autre à se situer par rapports à nous.
L’influence peut être consciente lorsqu’elle repose sur un rapport de pouvoir (jeu de
compétition dans lequel chaque acteur va essayer d’avoir le dernier mot) ou un
rapport de séduction qui a pour but d’exprimer une affinité et rechercher la
valorisation mutuelle.
► Exercices 1 du TD 6.3
B. Les stratégies d’influence.
L’influence peut passer par plusieurs registres…
1. Le registre argumentatif.


L’argumentation est un ensemble d’idées logiquement reliées qui tentent de
convaincre l’autre pour qu’il modifie son opinion ou son comportement. Par exemple,
l’argumentation commerciale cherche à influencer un client afin qu’il achète un
produit. Une publicité pour un produit diététique met en avant les avantages de ce
produit sur la santé (diminution du poids, faible teneur en cholestérol) pour inciter les
consommateurs à l’acheter.
Attention, convaincre ne veut pas dire manipuler. La manipulation est une exagération
de la tendance normale à l’influence : elle consiste à orienter l’autre par la tromperie,
le mensonge, en cachant l’objectif poursuivi. Pour éviter d’être manipulé, il existe une
technique qui repose sur l’affirmation de soi (ou assertivité) : il faut exprimer ce que
l’on pense réellement, affirmer ses valeurs tout en écoutant les autres et en respectant
leurs émotions.
2. Le registre relationnel.


Inconsciemment, nos sourires, nos gestes de connivences (main sur l’épaule), notre
humour, notre bonne humeur, le rappel des liens d’amitiés, des valeurs, des souvenirs
et des amis communs influencent autrui. Ces procédés reposent sur l’affection portée
à quelqu’un.
L’action sur l’affectif peut être aussi conscient. La séduction, la flatterie, le compliment
provoquent des émotions positives qui peuvent entraîner les individus à adhérer à une
opinion, à adopter un comportement. Par exemple, « Viens à notre soirée ce soir, tu es
absolument indispensable ! ». A l’inverse, la dévalorisation, la caricature et la
culpabilisation suscite des émotions négatives destinées aussi à agir sur l’autre. Par
exemple, « Que tu ne ranges pas ta chambre me fait de la peine. ». Dans la publicité,
l’appel aux vedettes renforce le message par un phénomène d’affection : si le
téléspectateur apprécie la vedette, il appréciera le produit vanté par celle-ci.
8
3. Le registre identitaire.

L’influence se base sur le sentiment d’appartenance : évoquer l’appartenance à un
groupe (religieux, familial, entreprise…) peut influencer autrui en l’appelant à
respecter les valeurs et à adopter les comportements du groupe. Par exemple, « Dans
notre entreprise, l’entente entre dirigeants et salariés a toujours été parfaite » ou « Entre
amies, nous nous disons tout… ».


L’Expérimentateur (E) convainc le Sujet
(S) d'infliger des chocs électriques à un
autre sujet, l’Apprenant (A), qui est en
fait un acteur. De nombreux sujets
continuent à infliger les chocs en dépit
des plaintes de l'acteur.
Pour influencer le récepteur, l’émetteur peut
jouer de son pouvoir de part son statut qui rend
celui-ci légitime. Face à un expert (un
médecin), une personne d’expérience ou
d’autorité (un vieux professeur), la confiance
est totale et donc l’influence est grande. Les
expériences du psychologue S. Milgram (voir
ci-contre) dans les années soixante ont
cherché à mesurer notre obéissance à une
autorité légitime (Plus de 60% des individus
infligent des électrochocs supérieur à 450
volts ! ).
La manipulation peut intervenir ici par le
discrédit. Ils consistent à façonner l’image de
l’autre comme illégitime, discréditer l’autre,
s’attaquer à l’autre pour montrer son
incapacité ou son immoralité. Ces procédés
sont couramment utilisés lors des campagnes
électorales aux Etats-Unis pendant les débats
ou à travers les médias. Le but est de détruire
l’image que l’autre veut se donner, son
identité.
4. Le registre normatif.


De façon inconsciente, la tenue vestimentaire, les postures du corps, le niveau de
langage, l’évocation de normes communes influencent autrui.
Les procédés d’influence consciente concernent tous les procédés permettant de
modifier les normes en vigueur. Par exemple, la publicité pour les voitures joue
beaucoup avec les normes de technicité, de sécurité et de luxe. Les innovations se
multiplient sans cesse et donc les normes en vigueur ce qui pousse à l’achat pour
suivre et se conformer à ces nouvelles normes.
Procédés d’influence
inconsciente
consciente
Registre argumentatif
Registre relationnel
Registre identitaire
Registre normatif
Démonstration logique qui
s’appuie sur des arguments, des
faits ou des preuves.
Sourire, gestes, rappel des liens
Complimenter, flatter,
d ‘amitiés, des valeurs et des
valoriser… ou culpabiliser,
souvenirs communs.
dévaloriser, caricaturer…
Appel au sentiment d’appartenance
ou au poids du statut.
Tenue vestimentaire, postures,
Modification des normes en
vocabulaire…
vigueur jusqu’ici.
► Exercices 2 et 3 du TD 6.3
9
C. L’art d’influencer l’autre.
Voici quelque petits conseils pour influencer les autres…
1. « Libre à vous ».
Les chercheurs en psychologie sociale ont constaté que lorsqu’une personne demande à
une autre de la dépanner de quelques pièces, seules 10% acceptent. En revanche, en
ajoutant une formule du type : « vous êtes libre de refuser », « A vous de voir », « c’est
comme vous voulez », le nombre de généreux passe à 47% et la somme double (la
moyenne passe de 0,49€ à 1,07€). En effet, tels que nous sommes, nous n’aimons pas la
contrainte à tel point que le simple fait de nous sentir libres peut nous inciter à dépanner
les autres.
2. « Touché… influencé ! »
D’après une étude américaine, le simple geste du professeur de toucher le bras d’un
étudiant une fraction de seconde pendant certains cours multiplie par 3 le nombre de
volontaires au tableau (11,9% à 29,4%). L’expérience a été aussi faite dans le cas d’un
dépannage d’un euro dans la rue ou d’une demande de garde d’un chien à un
inconnu : le taux de réussite a été multiplié par 1,5.
3. « Un peu c’est mieux que rien »
Dans un appel aux dons, la technique utilisée est d’ajouter une formule du type « 10
centimes suffiront » . Elle permet de faire passer le nombre de donateurs de 28% à 50% des
gens sollicités. Le plus surprenant est que cette « baisse de prix » n’influence pas la somme
versée. En moyenne, les gens donnent 1,5€, soit 15 fois plus que demandé. Cela marche
pour la corvée des pommes de terre (« si tu en pèles deux ça m’aidera »), une aide
quelconque (« Tu peux m’aider juste 5 minutes… »)…
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