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D. La déviance, produit d’une anomie ?
Pour maintenir la cohésion sociale, il faut réfréner les pulsions violentes (agression, vol…) et
donc encadrer les individus. Or, à partir de la révolution industrielle, les individus autrefois fortement
encadrés et régulés par leurs groupes primaires, se retrouvent dans une société plus urbaine et
anonyme où ils sont moins contrôlés. La montée de la misère ouvrière et de la taille des sociétés est
accompagnée par de nombreuses déviances (alcoolisme, petite délinquance, violence sexuelles…) qui
trahissent la promesse d’égalité et de fraternité inaboutie de la Révolution Française et vont faire
naître la sociologie. C’est d’ailleurs Emile Durkheim, le père de la sociologie, qui mettra cette
situation en évidence avec le concept d’anomie.
Dans les sociétés modernes, la distance avec les institutions traditionnelles (religion,
famille…) et ses puissantes normes se creusent laissant plus de place aux grandes idéologies
(libéralisme, communisme…) qui perdent elles aussi de leur éclat. Les situations considérées comme
anormales (divorce, famille monoparentale) se multiplient. On peut constater que les familles
anomiques rencontrent plus de problèmes que les autres (échec scolaire, petite délinquance, drogue,
suicide…). Le modèle type de famille monoparentale est une femme faiblement diplômée, immigrée
avec de faibles revenus dans un habitat dégradé, ce qui place mécaniquement l’enfant dans une
situation plus difficile car on a moins de temps à lui accorder et le financement des études est plus
compliqué. Plus l’individu est isolé dans la société et dans une situation considérée comme anormale,
plus il a de risque de devenir déviant. Par exemple, le taux de suicide augmente lorsque la situation
matrimonial est anomique (célibat, divorce, veuvage), le mariage intègre et régule les individus à
l’aide de normes et valeurs strictes : fidélité, solidarité entre époux ; de plus il fournit à l’individu de
la sociabilité et la charge psychologique et morale de la famille ce qui lui interdit moralement le
suicide. On peut distinguer plusieurs types de suicide : égoïste (manque d’intégration), altruiste
(excès d’intégration –secte, terroriste), anomique (manque de régulation, perte de repères, surtout
en période de crise) et fataliste (excès de régulation).
Traditionnellement, le contrôle social familial est plus fort sur les femmes, elles sont plus
intégrées, investies et à l’origine de la sociabilité de la famille. Cependant, ce contrôle social familial
est défaillant, notamment à partir des années 50-60 où les grandes instances intégratrices (famille,
religion, école) et l’autorité en général sont remises en cause. Les parents se comportent davantage
en clients qu’en usagers. Les individus sont moins régulés par l’école : s’ils sont en échec scolaire et
sortent du système scolaire, ils ne sont plus régulés par l’école, alors que l’autre instance de
socialisation, la famille, est affaiblie elle aussi. Le contrôle social n’est plus assez puissant pour que
les individus soient contraints de suivre les règles, pas assez intégrés dans les instances de
socialisation et pas assez régulés car l’autorité est affaiblie.
Pour Merton, l’anomie est une inadéquation entre les buts proposés par la société et les
possibilités d’accès, les moyens légitimes d’y parvenir. Si les individus ne possèdent pas les moyens
légitimes, ils ont deux options : renoncer à atteindre leur but ou utiliser des moyens illégitimes. Il y a
quatre types de comportements individuels qui correspondent à un comportement déviant :